Coopérative d'habitation les Ormes de Goyer c. Korniakov | 2025 QCTAL 5551 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
Bureau dE Montréal |
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No dossier : | 812838 31 20240731 G | No demande : | 4425711 |
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Date : | 14 février 2025 |
Devant le juge administratif : | Luk Dufort |
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Coopérative d'habitation Les ormes de Goyer | |
Locatrice - Partie demanderesse |
c. |
Pavel Korniakov | |
Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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- La locatrice demande la résiliation du bail et le recouvrement de tous les loyers dus au moment de l'audience. Comme deuxième motif de résiliation, elle invoque que le locataire paie fréquemment son loyer en retard. Elle demande également l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel.
- Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2024 au 30 juin 2025 au loyer mensuel de 682 $, en incluant le rabais membre.
- Le locataire a payé le loyer dû avant l'audience, la locatrice ne réclame que le remboursement des frais, soit 113,25 $.
- Le locataire n'est pas en retard de plus de trois semaines dans le paiement de son loyer, ce motif de résiliation de bail n'est donc pas justifié.
- Quant au deuxième motif de résiliation, la locatrice invoque les retards fréquents du locataire à payer son loyer. Pour obtenir cette conclusion, la loi impose qu'elle fasse également la preuve du préjudice sérieux que ces retards lui occasionnent. Elle mentionne que le loyer a été payé en retard à 12 reprises au cours des 12 derniers mois.
- Ces défauts du locataire étant réguliers et continuels, la fréquence de ces retards rencontre les critères de l'article 1971 C.c.Q.
- Le représentant de la locatrice explique que le locataire paye régulièrement en retard et que la situation perdure malgré l’introduction de la présente demande.
- Lors de l’audience du 3 octobre 2024, le locataire a fait un paiement de 1 000 $. Pendant l’audience du 5 novembre 2024, le locataire fait un paiement de 2 630 $. La situation se poursuit lors de l’audience du 16 janvier, alors que le locataire verse la somme de 657 $ qui manquait pour son loyer de janvier.
- Le représentant de la locatrice explique que les retards fréquents du locataire causent un préjudice sérieux à la locatrice qui est une petite coopérative de 15 logements.
- Beaucoup de suivi doit être fait auprès du locataire, ce qui amène des dépenses importantes pour la locatrice. Elle a besoin des liquidités afin de poursuivre sa mission et dépend des loyers reçus pour la gestion quotidienne de son immeuble.
- Une fois que la preuve a été entendue de la part de la demanderesse, le locataire demande une remise afin d’être représenté par un avocat. Une telle demande avait été faite par le locataire lors de l’audience du 5 novembre.
- Il explique qu’il a été incarcéré le 6 janvier 2025, ce qui a fait en sorte qu’il n’a pas été en mesure d’effectuer les recherches pour un avocat et se préparer pour son audience. Il affirme qu’il s’agit d’une force majeure.
- La locatrice s'oppose fermement à cette demande de remise, arguant que la présente instance a été fixée péremptoirement parce que le locataire voulait être représenté par avocat. Il a été négligent d’attendre au mois de janvier pour débuter sa recherche et sa préparation.
Demande de remise du locataire
- Le Tribunal a refusé la demande de remise du locataire jugeant que la demande de remise du locataire n’était pas justifiée. La présente audience avait été fixée péremptoirement contre le locataire à la suite de la demande de remise qu’il avait présentée le 5 novembre 2024 pour le même motif.
- Le locataire ne démontre pas avoir fait des démarches entre le 5 novembre et le 6 janvier. Il a été négligent d’attendre aussi longtemps pour procéder à la recherche d’un avocat. De plus, son arrestation ne constitue pas un cas de force majeure tel que défini par le Code civil du Québec[1].
- Il est vrai qu’une partie a le droit d’être représentée par avocat, mais ce droit n’est pas absolu.
- Dans l'affaire Poitras c. Parc des Compagnons, s.e.c[2]., la Cour du Québec cite un passage d'une décision de la juge Suzanne Handman, alors juge au Tribunal du travail dans le contexte où une partie demande une remise parce qu'elle désire être représentée par un avocat :
« [17] Le droit à la représentation par avocat, devant une cour de justice, est un droit fondamental qui découle de la justice naturelle, en vertu de la common law. [...] Ce droit peut être invoqué, devant un tribunal administratif, puisqu'en vertu de l'article 56 de la Charte québécoise, un "tribunal" comprend tout organisme judiciaire et quasi judiciaire ainsi que les commissions d'enquête.
[18] Le droit à la représentation par avocat, par contre, n'est pas absolu. Il appartient au tribunal d'apprécier, suivant les circonstances et la nature du litige, si une remise est nécessaire à une défense pleine et entière ou s'il s'agit d'un moyen qui n'est qu'abusif. Un tribunal inférieur, étant maître de sa procédure, détient une discrétion à cet égard. Seul le refus arbitraire d'ajournement peut entraîner un déni de justice et justifier l'intervention judiciaire.
[...]
[20] Comme le droit à la représentation par avocat, le droit d'être représenté par l'avocat de son choix ne constitue pas un droit absolu et est également assujetti à des limitations raisonnables. Les facteurs pris en considération comprennent le sérieux des motifs justifiant l'absence de l'avocat, l'époque de la demande d'ajournement, le nombre d'ajournements déjà accordés, l'existence d'un conflit d'intérêts et une conduite fautive ou négligence de la part du procureur. On a également considéré la possibilité qu'il s'agisse d'une manœuvre visant à retarder le déroulement de l'audition, l'impératif de temps, l'intérêt des parties à bénéficier d'une procédure rapide et efficace et l'économie générale de la loi. »
[Références omises]
- Le Tribunal rappelle que le droit à l'assistance d'un avocat n'est pas absolu et doit être exercé sans négligence, en prenant les mesures nécessaires pour s'assurer de la disponibilité d'un avocat lors de l’audition. En l'espèce, il incombait au locataire de faire les démarches appropriées pour être représenté le jour de l'audience, ou de fournir des preuves démontrant un motif sérieux justifiant le report de l'audience pour cette raison.
- De plus, contrairement à ce qu’il affirme, il disposait d’un temps suffisant pour se préparer à l’audience après sa sortie de prison. Il s’agit d’un dossier dont les faits sont relativement simples et qui ne nécessite pas des jours de préparation.
- La demande de remise du locataire a donc été refusée pour ces raisons.
Défense du défendeur au recours en résiliation pour retards fréquents
- Le locataire témoigne ne pas avoir pris connaissance de la lettre de mise en demeure du mois de mars 2024 lui reprochant ses retards. Il admet toutefois avoir pris connaissance de celle transmise par la locatrice le 7 novembre 2023.
- Il témoigne qu’il tente parfois de payer son loyer au bureau, mais qu’il n’y a personne. Lorsqu’il dépose des chèques, ceux-ci sont déposés plusieurs jours après.
Analyse et décision
- Le Tribunal est d’avis que la locatrice a démontré que le locataire paye régulièrement son loyer en retard et qu’elle en subit un préjudice sérieux.
- Le Tribunal ne retient pas le témoignage du locataire sur le dépôt tardif de ces chèques par la locatrice, mais retient plutôt le témoignage de la locatrice sur la procédure pour le dépôt des chèques qui se fait généralement le jour ouvert suivant sa réception.
- D’ailleurs, le Tribunal constate que le locataire était toujours en défaut de paiement le jour des trois auditions pour lesquels il a été convoqué au Tribunal.
- La locatrice ayant démontré le préjudice sérieux occasionné par les fréquents retards du locataire à payer son loyer, elle est en droit d'obtenir la résiliation du bail.
- Le Tribunal ne considère pas qu’il y ait lieu de surseoir à la résiliation du bail pour retards fréquents et d’y substituer l’ordonnance prévue à l’article 1973 C.c.Q. Le locataire n’a pas démontré son intention d’amender son comportement et de commencer à payer son loyer le 1er du mois conformément à ce que prévoit son bail. Malgré que le recours a été entrepris à la fin juillet, il a continué depuis à ne pas payer son loyer le 1er du mois.
- L'exécution provisoire de la présente décision n'est pas justifiée aux termes de l'article 82.1 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
- RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion du locataire et de tous les occupants du logement;
- CONDAMNE le locataire à payer à la locatrice les frais de 113,25 $.
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| Luk Dufort |
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Présence(s) : | le mandataire de la locatrice Me Marc Poirier, avocat de la locatrice le locataire |
Date de l’audience : | 16 janvier 2025 |
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