Décision

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Auvrey c. Berkshire Golden Square Mile Ltd.

2025 QCTAL 3032

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

755435 31 20240110 T

No demande :

4512320

 

 

Date :

28 janvier 2025

Devant la juge administrative :

Claudine Novello

 

Mossimo Auvrey

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Berkshire Golden Square Mile Ltd.

 

Locatrice - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

 

  1.          Le locataire demande la rétractation de la décision rendue le 3 octobre 2024, à la suite d’une audience tenue le 22 aout 2024 en la présence des parties.
  2.          La décision contestée condamne le locataire à payer à la locatrice la somme de 1966,68 $ plus les intérêts et les frais.
  3.          Le locataire témoigne qu’il est anglophone et ne maitrise pas bien le français. En conséquence, il n’a pas bien compris le contenu de la demande judiciaire de la locatrice, ainsi que les conclusions recherchées par cette dernière. Dans ce contexte, il n’a pu se préparer adéquatement pour l’audience et incidemment y faire valoir ses moyens de défense.
  4.          Le locataire veut avoir l'opportunité de rectifier les faits et parfaire sa preuve.
  5.          Le mandataire de la locatrice s’oppose à la requête du locataire et soumet que le locataire ne présente aucun motif donnant ouverture au recours à la rétractation et demande le rejet de sa requête.
  6.          Ainsi se résume l'essentiel des représentations des parties.
  7.          La demande du locataire est basée sur l'article 89 de Loi sur le Tribunal administratif du logement qui se lit comme suit :

« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.

Une partie peut également demander la rétractation d’une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcé au-delà de la demande.

La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.

La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision.


Une partie qui fait défaut d’aviser de son changement d’adresse conformément à l’article 60.1 ne peut demander la rétractation d’une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »

  1.          En vertu de cet article, le locataire doit démontrer qu'il a été empêché de produire par preuve, par surprise, fraude ou toute autre cause jugée suffisante.
  2.          Dans la présente affaire, le locataire n'a pas informé s'il en est, la juge administrative de son incompréhension ou demandé le cas échéant l'assistance d'un interprète ou d'un avocat, pour l’aider à comprendre les enjeux de la demande ou encore faire valoir sa preuve et arguments, laissant poursuivre l'audience.
  3.      Les tribunaux supérieurs ont établi depuis longtemps que la rétractation de jugement est une mesure d'exception au principe de l'irrévocabilité des jugements. L'honorable juge Bélanger de la Cour d'appel du Québec déclare à cet effet :

« Le principe de l'irrévocabilité des jugements est nécessaire à une pleine administration de la justice, d'où le sérieux que doit avoir les motifs de rétractation. La procédure doit contribuer à la protection des droits des deux parties et la remise en question des décisions doit demeurer l'exception et ne pas devenir la règle[1]. »

  1.      En l'instance, ce que demande le locataire, c'est d'apprécier la justesse de la décision de la juge administrative qui a rendu la décision contestée, décision dont il se déclare insatisfait.
  2.      Or, l'appréciation de la preuve relève de l'entière discrétion du juge qui préside le procès et l'insatisfaction d'une partie face à une décision rendue ne constitue pas un motif de rétractation, mais plutôt un motif d'appel.
  3.      À ce sujet, madame Thérèse Rousseau-Houle et Me Martine de Billy, écrivent dans leur traité sur le bail d'un logement :

« L'article 89 ne peut être utilisé à titre d'appel déguisé. Si une partie n'est pas satisfaite de la décision rendue, elle ne peut pas en demander la rétractation afin de présenter une meilleure preuve.

On ne peut en effet demander à la Régie du logement d'accorder la rétractation pour ce motif, car ce serait confier au régisseur siégeant en rétractation une fonction qui va au-delà de sa compétence : celle de juger de la justesse de la décision d'un collègue, une tâche réservée tant à la Cour provinciale siégeant en appel dans les cas prévus à l'article 91 de la Loi sur la Régie du logement siégeant en révision des décisions portant sur une demande dont le seul objet est la fixation, la révision ou le réajustement de loyer[2]. »

  1.      En l'instance, le locataire n'a pas démontré avoir été empêché de fournir une preuve par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante et en conséquence, le tribunal ne peut faire droit à sa demande.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.      REJETTE la demande.

 

 

 

 

 

 

 

 

Claudine Novello

 

Présence(s) :

le locataire

le mandataire du locateur

Date de l’audience : 

25 novembre 2024

 

 

 


 


[1] Les Entreprises Roger c. Atlantis Estate cie, [1981] C.A. 218-220.

[2] Rousseau-Houle Thérèse et Martine de Billy, Le bail du logement, Montréal, 1989, Wilson et Lafleur, p. 310.

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