Décision

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Johnson c. Tacconelli

2023 QCTAL 10910

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

670898 31 20221229 T

No demande :

3817841

 

 

Date :

05 avril 2023

Devant la juge administrative :

Chantal Boucher

 

Tasha Johnson

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Antonio Tacconelli

 

Locateur - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Par une demande déposée le 3 mars 2023, la demanderesse requiert la rétractation de la décision rendue le 1er mars 2023 par le Tribunal administratif du logement résiliant le bail pour un retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer et la condamnant aux loyers dus.

[2]         Elle aurait pris connaissance de la décision dont elle demande la rétractation le 2 mars 2023.

Preuve au dossier et positions des parties

[3]         La preuve démontre que la demanderesse était présente lors de l’audience du 20 février 2023 mais soumet avoir été empêchée par la juge administrative de produire la preuve de problématiques dans le logement. Elle inscrit sur sa demande vouloir obtenir une diminution de loyer notamment en lien avec la présence de souris.

[4]         Elle soumet également que lors de la dernière audience elle avait en sa possession un courrier recommandé non réclamé par le locateur contenant le chèque pour le loyer du mois de janvier 2023 car ce dernier l’a refusé. Cependant, la juge administrative ne l’a pas pris en compte.

[5]         Questionnée à savoir si elle a mentionné ces faits à la juge administrative, elle témoigne que oui mais que cette dernière a jugé cette preuve non pertinente.

[6]         Quant au chèque, la soussignée a invité la demanderesse à le remettre au locateur à l’audience même si la somme est incomplète, cependant la demanderesse a refusé.

[7]         De son côté, le défendeur demande de rejeter la présente demande indiquant que la décision dont on requiert la rétractation était conforme à la preuve. De plus, il demande au Tribunal de prononcer une interdiction à l’encontre de la demanderesse d’interdire à celle-ci d’entreprendre tout autre recours dans ce dossier considérant que la présente demande est abusive.

Analyse du Tribunal

[8]         Après audition de la preuve et lecture du dossier ainsi que la décision rendue le 1er mars 2023, le Tribunal constate que tous les points soulevés par la demanderesse ont été exposés et pris en considération dans la décision dont on demande la rétractation.

[9]         Le fardeau de la preuve en matière de rétractation repose sur la demanderesse, qui doit démontrer au Tribunal par prépondérance de preuve que l’article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[1] (ci-après LTAL) trouve application :

« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.

Une partie peut également demander la rétractation d’une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcé au-delà de la demande.

La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.

La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision.

Une partie qui fait défaut d’aviser de son changement d’adresse conformément à l’article 60.1 ne peut demander la rétractation d’une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »

[10]     Le principe directeur étant celui de l’irrévocabilité des jugements, la demande de rétractation doit alors revêtir un caractère d’exception tel qu’établi par la Cour d'appel du Québec[2] :

«Le principe de l'irrévocabilité des jugements est nécessaire à une saine administration de la justice, d'où le sérieux que doivent avoir les motifs de rétractation. La procédure doit contribuer à la protection des droits des deux parties et la remise en question des décisions doit demeurer l'exception et ne pas devenir la règle.»

[11]     En effet, le principe d’irrévocabilité des jugements doit être respecté sans quoi, cette situation créerait une instabilité dans notre système de justice. Par conséquent, les demandes de rétractation accueillies doivent être de nature exceptionnelle et guidées par des critères stricts d’application.

[12]     Le Tribunal fait siens les propos tenus par la juge administrative Jodoin dans la décision O’Callagan c. Fattal :

« Tel qu'expliqué lors de l'audience, la demande en rétractation ne doit pas constituer un appel déguisé de la décision rendue. Le tribunal n'a pas à juger de la justesse de celle-ci ni s'interroger sur les erreurs de faits ou de droit commises puisqu'il ne s'agit pas d'un appel de la décision rendue. Il s'agit plutôt de s'interroger sur l'application de l'article 89 précité et chercher à déterminer si la partie qui en fait la demande a pu démontrer un des motifs prévus à cette disposition.

(…)

Il apparaît clair au tribunal que le locataire remet maintenant en cause la preuve soumise à l'audience en raison des conclusions de la décision. Il a donc plutôt été pris par surprise par la décision et il appert qu'ayant connu d'avance ses conclusions, il se serait préparé différemment. Il demande d'ailleurs la possibilité d'avoir une nouvelle audience pour lui permettre d'apporter des preuves additionnelles.»[3]

[13]     Par conséquent, il n’y a donc pas lieu de permettre la rétractation dans cette affaire car les motifs invoqués sont de la nature d’un appel. L'article 89 de la LTAL ne peut servir de procédure d'appel et ne couvre pas la situation soulevée par la demanderesse.

[14]     En effet, celle-ci a confirmé à l’audience avoir eu la possibilité d’exposer sommairement ses arguments en défense, cependant la juge administrative a conclu que ceux-ci n’étaient pas pertinents dans l’analyse du litige dont elle était saisie.

[15]     N’étant pas d’accord avec la décision de la juge administrative, la demanderesse se devait de porter la décision en appel et non utiliser le véhicule de la rétractation afin de contester la décision.

[16]     De plus, la lecture de la décision permet de constater que la demanderesse a admis le montant des loyers impayés.

[17]     En conséquence, la présente demande de rétractation est rejetée.

[18]     Relativement à la demande de limitation procédurale demandée par le défendeur, le Tribunal estime que malgré que la présente demande soit rejetée, aucun argument ne démontre que cette dernière a été introduite de façon abusive à ce stade puisque la locataire a utilisé le mauvais recours pour sa contestation.


POUR CES MOTIFS LE TRIBUNAL :

[19]     REJETTE la demande en rétractation de la demanderesse;

[20]     MAINTIENT la décision rendue le 1er mars 2023.

 

 

 

 

 

 

 

 

Chantal Boucher

 

Présence(s) :

la locataire

le locateur

Date de l’audience : 

23 mars 2023

 

 

 


 


[1] RLRQ, c.T15.01

[3] O’Callagan c. Fattal [2003], j.a.Jodoin, J.L.265

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