Décision

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9198-0110 Québec inc. c. Dali

2025 QCTAL 2533

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

820245 31 20240911 G

No demande :

4462370

 

 

Date :

28 janvier 2025

Devant la juge administrative :

Pascale McLean

 

9198-0110 Québec Inc.

 

Locatrice - Partie demanderesse

c.

Malek Dali

 

Saïda Dejoui

 

Locataires - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

  1.          La locatrice demande la résiliation du bail et l'expulsion des locataires, le recouvrement du loyer dû au moment de l'audience, avec les intérêts et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec (C.c.Q.), plus l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel et le paiement des frais.
  2.          La demande de résiliation du bail porte sur deux motifs, soit le retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer et les retards fréquents dans le paiement du loyer, en vertu de l'article 1971 C.c.Q.
  3.          Les parties sont liées par un bail reconduit du 1er juillet 2024 au 30 juin 2025, au loyer mensuel de 1 645 $, payable le premier de chaque mois.
  4.          Les locataires ont payé le loyer dû avant l’audience. Le représentant de la locatrice ne réclame que les frais judiciaires.
  5.          Les locataires ne sont pas en retard depuis plus de trois semaines dans le paiement du loyer. Ce premier motif de résiliation est donc rejeté.
  6.          Le représentant de la locatrice invoque les retards fréquents dans le paiement du loyer pour obtenir la résiliation du bail.
  7.          Pour avoir gain de cause dans sa demande de résiliation de bail pour retards fréquents dans le paiement du loyer, il doit établir, par prépondérance de preuve, qu'il y a une fréquence dans les retards de paiement et que ces retards lui causent un préjudice sérieux.
  8.          En l'instance, la preuve démontre que les locataires paient régulièrement leur loyer en retard. La fréquence de ces retards rencontre les critères de l’article 1971 C.c.Q.

  1.          Le représentant de la locatrice allègue que ces retards occasionnent un préjudice sérieux en raison des difficultés financières qui en résultent et de l’alourdissement anormal de la gestion.
  2.      La soussignée fait siens les propos de la juge administrative Francine Jodoin dans l'affaire Coop d'habitation la petite cité (Montréal) c. Johnson[1]:

« [17] Ainsi, pour obtenir la résiliation du bail sur le deuxième motif invoqué, soit les retards fréquents, la loi exige la preuve de retards fréquents qui sont généralement démontrés par le caractère régulier et chronique des retards.

[18] Il faut, de surcroît, la preuve que les retards causent un préjudice sérieux. Il n'y a aucune présomption à cet égard et il ne peut évidemment s'agir de simples inconvénients résultant de la gestion d'un immeuble locatif.

[19] Dans l'affaire Allaire c. Bourdeau, la Cour du Québec précise :

[57] La jurisprudence enseigne que le préjudice sérieux dont il est question ne se limite pas à une perte ou une menace pécuniaire. D'ailleurs, dans le contexte de l'application possible de l'article 1971 C.c.Q., le fait de payer les arrérages de loyer en tout temps avant jugement n'est pas pertinent. Il faut, mais il suffit que les retards soient fréquents et que la situation cause un préjudice sérieux au locateur.

[58] Le préjudice sérieux dont il est question peut être d'une nature autre que pécuniaire :

alourdissement anormal de la gestion de l'immeuble, multiplicité des démarches auprès du locataire ou du tribunal pour percevoir les loyers ou coûts supplémentaires [21];

soucis et tracas causés par l'entêtement du locataire à retenir son loyer, temps et énergie consacrés pour les vacations devant la Régie du logement, notes comptables et suivi des démarches effectuées [22];

démarches constantes et multipliées pour se faire payer, demandes répétées à la Régie du logement afin d'obtenir le paiement du loyer, gestion de trois décisions de la Régie du logement [23];

nombreux avis envoyés au locataire pour lui rappeler ses retards, remise du dossier à ses avocats pour récupérer le loyer dû et frais ainsi engagés [24];

multiplication des démarches pour obtenir les loyers dus et paiement de frais bancaires pour de nombreux chèques retournés [25];

impossibilité de disposer des sommes dues, procédures de recouvrement et pertes d'intérêts sur l'argent non reçu [26];

[20] On constate donc que la preuve du préjudice sérieux doit être complète et documentée.

[21] La résiliation du bail étant une conséquence grave de tels manquements, la loi exige la démonstration d'un préjudice sérieux avant de résilier le bail qui constitue, somme toute, la sanction ultime d'un manquement contractuel.

[22] Bien que le Tribunal n'exige pas la preuve d'un péril financier, une incapacité de rencontrer ses obligations financières ou une situation économique précaire, la preuve doit, à titre d'exemple, révéler, par prépondérance, un alourdissement anormal de la gestion de l'immeuble, la multiplicité des démarches auprès du locataire ou du Tribunal, des coûts supplémentaires.

[23] En soi, la seule déclaration du mandataire de la locatrice en l'instance est insuffisante pour permettre au Tribunal d'apprécier la gravité du préjudice subi.

[24] Aussi, la preuve ne peut uniquement se fonder sur une simple allégation d'inconvénients subis ou de dépenses à faire. Le préjudice doit être prouvé par une preuve documentaire, le cas échéant, et fondé sur des faits objectifs et précis. »

[Références omises]

  1.      Dans le cas présent, le Tribunal conclut que la preuve soumise par la locatrice est insuffisante pour démontrer, de manière prépondérante, que les retards de paiement des locataires lui causent réellement un préjudice pouvant se qualifier de sérieux.

  1.      La preuve d'un préjudice sérieux doit se baser sur des faits objectifs, précis et probants. Or, en l'espèce, la locatrice se base sur de simples allégations générales quant aux conséquences découlant des retards de paiement des locataires.
  2.      En ce qui a trait aux démarches invoquées par la locatrice pour percevoir le loyer auprès de la locataire, celles-ci n'apparaissent pas engendrer, en l'espèce, un alourdissement anormal de la gestion de l'immeuble.
  3.      À la lumière de ce qui précède, le second motif de résiliation de bail pour retards fréquents est rejeté.
  4.      Le Tribunal rappelle toutefois aux locataires leur obligation légale et contractuelle de payer le loyer le premier jour de chaque mois à la locatrice. Ainsi, advenant d'autres défauts de paiement dans le futur, la locatrice pourra alors demander à nouveau la résiliation du bail pour retards fréquents, et cette fois, faire la preuve du préjudice sérieux lui étant occasionné.
  5.      La preuve soumise ne justifie pas l'exécution provisoire de la décision, nonobstant l'appel, en vertu de l'article 82.1 de la Loi le Tribunal administratif du logement[2].

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.      CONDAMNE les locataires à payer à la locatrice les frais judiciaires de 87 $ et de notification prévus au Tarif de 14 $;
  2.      REJETTE la demande quant au surplus.

 

 

 

 

 

 

 

 

Pascale McLean

 

Présence(s) :

le mandataire de la locatrice

les locataires

Date de l’audience : 

4 novembre 2024

 

 

 


 


[1] Coop d'habitation la petite cité (Montréal) c. Johnson, R.D.L., 2018-09-12, 2018 QCRDL 29865, SOQUIJ AZ51528436.

 

[2] RLRQ, c. T-15.01

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