Décision

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9209-4952 Québec inc. c. Rogers

2025 QCTAL 11232

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau de Longueuil

 

No dossier:

781125 37 20240402 F

No demande:

4268314

RN :

 

4298149

 

Date :

02 avril 2025

Devant la greffière spéciale :

Me Nathalie Bousquet

 

9209-4952 Québec Inc.

Locatrice - Partie demanderesse

c.

Chantal Rogers

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

Aperçu

  1.          La locatrice demande au Tribunal administratif du logement d’ajuster le loyer, selon l’article 1947 C.c.Q., et de condamner la partie adverse au remboursement des frais.
  2.          Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024, à un loyer mensuel de 843,00 $.
  3.          En vertu de l’article 57 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[1], les dossiers concernant les locataires de cet immeuble sont réunis pour l’audition.

Mise en contexte de l’ajustement du loyer

  1.          L’article 1942 du Code civil du Québec prévoit le droit du locateur de suggérer des modifications aux conditions du bail lors de son renouvellement.
  2.          L’article 1945 du Code civil du Québec prévoit le droit du locataire de refuser les modifications suggérées et l’article 1947 du Code civil du Québec permet au locateur de présenter une demande afin que le Tribunal statue sur les modifications suggérées pour le renouvellement du bail.
  3.          L’article 1953 du Code civil du Québec prévoit alors que le Tribunal, saisi d’une demande pour ajuster le loyer, applique les critères prévus au Règlement sur les critères de fixation du loyer[2].

  1.          Ces articles se lisent ainsi :

1942. Le locateur peut, lors de la reconduction du bail, modifier les conditions de celui-ci, notamment la durée ou le loyer; il ne peut cependant le faire que s'il donne un avis de modification au locataire, au moins trois mois, mais pas plus de six mois, avant l'arrivée du terme. Si la durée du bail est de moins de 12 mois, l'avis doit être donné, au moins un mois, mais pas plus de deux mois, avant le terme.

Lorsque le bail est à durée indéterminée, le locateur ne peut le modifier, à moins de donner au locataire un avis d'au moins un mois, mais d'au plus deux mois.

Ces délais sont respectivement réduits à 10 jours et 20 jours s'il s'agit du bail d'une chambre.

1945. Le locataire qui refuse la modification proposée par le locateur est tenu, dans le mois de la réception de l'avis de modification du bail, d'aviser le locateur de son refus ou de l'aviser qu'il quitte le logement; s'il omet de le faire, il est réputé avoir accepté la reconduction du bail aux conditions proposées par le locateur.

Toutefois, lorsque le bail porte sur un logement visé à l'article 1955, le locataire qui refuse la modification proposée doit quitter le logement à la fin du bail.

1947. Le locateur peut, lorsque le locataire refuse la modification proposée, s'adresser au tribunal dans le mois de la réception de l'avis de refus, pour faire fixer le loyer ou, suivant le cas, faire statuer sur toute autre modification du bail; s'il omet de le faire, le bail est reconduit de plein droit aux conditions antérieures.

1953. Le tribunal saisi d'une demande de fixation ou de réajustement de loyer détermine le loyer exigible, en tenant compte des normes fixées par les règlements.

Le loyer qu'il fixe est en vigueur pour la même durée que le bail reconduit ou pour celle qu'il détermine, mais qui ne peut excéder 12 mois.

S'il accorde une augmentation de loyer, il peut échelonner le paiement des arriérés sur une période qui n'excède pas le terme du bail reconduit.

  1.          Suivant ce Règlement, l’ajustement du loyer est déterminé selon la méthode générale de fixation du loyer qui prévoit un ajustement, lequel est calculé à partir du loyer payé au terme du bail, en tenant compte de la part attribuable du logement et en fonction de certaines dépenses précises encourues par le locateur durant l’année de référence, notamment de la variation des taxes municipales, des taxes scolaires et des assurances, le coût encouru pour les frais d’énergie, les frais d’entretien ainsi que des dépenses pour les réparations majeures.
  2.          Les articles 2803, 2804, 2805 et 2857 du Code civil du Québec précisent :

2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.

2804. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.

2805. La bonne foi se présume toujours, à moins que la loi n'exige expressément de la prouver.

2857. La preuve de tout fait pertinent au litige est recevable et peut être faite par tous moyens.

  1.      Ainsi, en tant que demanderesse, la locatrice a donc le fardeau de prouver, selon la règle de la prépondérance de la preuve et de la balance des probabilités, les dépenses et les montants inscrits dans le formulaire de renseignements nécessaires afin de permettre au Tribunal de calculer l'augmentation du loyer selon les critères prévus audit règlement.
  2.      La locatrice a présenté les pièces justificatives et la preuve est prépondérante quant aux dépenses admissibles pour l’ajustement du loyer.
  3.      Tel qu’expliqué en audience, le Tribunal ne peut considérer, dans le cadre d’une demande présentée en vertu de l’article 1947 du Code civil du Québec, des motifs qui pourraient justifier ou pas d’une diminution de loyer en raison de l’inexécution par un locateur de ses obligations ou de la qualité des services rendus, ni rendre une ordonnance obligeant la locatrice à effectuer des travaux.

  1.      Après calcul, l’ajustement du loyer permis en vertu du Règlement sur les critères de fixation de loyer[3] est de 41,10 $ par mois, s’établissant comme suit :

Taxes municipales et scolaires

3,13 $

Assurances

 1,20 $

Gaz

 0,00 $

Électricité

 0,83 $

Mazout

 0,00 $

Frais d’entretien

7,11 $

Frais de services

0,00 $

Frais de gestion

 2,36 $

Réparations majeures, améliorations majeures,

mise en place d’un nouveau service

 

 3,41 $

Ajustement du revenu net

 23,06 $

 

TOTAL

 

 41,10 $

 

La condamnation au remboursement des frais de la demande

  1.      Il est normalement d’usage de faire succomber aux paiements des frais la partie qui perd. Or, en matière d’ajustement de loyer, chacune des parties exerce un droit reconnu par la loi. Il n’y a donc pas de partie perdante.
  2.      Les articles 6 et 7 du Code civil nous enseignent :

6. Toute personne est tenue d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi.

7. Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre des exigences de la bonne foi.

  1.      Afin d’aider le Tribunal dans son appréciation des circonstances pour déterminer qui doit assumer les frais et, dans une certaine mesure, informer les justiciables des critères d’évaluation généralement utilisés par le Tribunal, la jurisprudence[4] considère que le locateur assume ses frais sauf lorsqu’il a suggéré un ajustement de loyer justifié selon les critères prévus au Règlement et qu’il a permis au locataire de constater le bien-fondé de sa demande, soit en ayant envoyé la grille de calcul et offert la possibilité au locataire de consulter ses factures, et ce, avant d’avoir produit sa demande au Tribunal, le locataire n’ayant pas à faire acte de foi envers les chiffres rapportés par un locateur dans sa grille de calcul et pourrait, dans une mesure qui soit raisonnable, demander à vérifier certaines factures.
  2.      Ainsi, contrairement à certaines décisions qui semblent limiter l’octroi de frais à ces seuls critères, le Tribunal, qui applique ces critères, estime toutefois qu’il peut y avoir d’autres aspects pris en compte, tel que reconnu dans l’affaire Capital Augusta Inc.
  3.      Dans Capital Augusta Inc., le Tribunal[5], siégeant en révision d’une décision de première instance, a validé le Tribunal de première instance qui avait refusé d’imposer le remboursement des frais de la demande à la locataire, et ce, même si le montant de l’ajustement du loyer était validé par le Tribunal, que la locatrice avait fourni à la locataire la grille de calcul et offert à la locataire la possibilité de consulter toutes les factures en raison de la complexité des assurances concernées et de l’importance du montant de l’ajustement du loyer en résultant.
  4.      Le Tribunal, selon les circonstances, peut donc avoir à considérer par exemple, la récurrence des refus par un locataire alors que le locateur a obtenu par le Tribunal dans le passé confirmation du montant de loyer qu’il demandait, la complexité des documents et des factures qui pourrait justifier l’ajustement demandé, l’attitude des parties lors des renouvellements du bail ainsi que l’importance du montant de l’ajustement de loyer demandé. Il peut aussi y avoir d’autres modifications demandées par le locateur dans son avis de renouvellement du bail.

  1.      Aussi, y a-t-il des cas où les locataires devront rembourser les frais de la demande au locateur ou une partie de ceux-ci même s’ils n’ont pas reçu la grille de calcul ou les factures et à l’inverse, il y a des cas où le locateur doive assumer les frais même si le montant de loyer suggéré est confirmé par le Tribunal et qu’il avait envoyé la grille de calcul au locataire et offert de lui montrer ses factures[6].
  2.      Ceci dit, il pourrait être pertinent pour la locatrice qui souhaite éviter de produire une demande au TAL de remettre la grille de calcul et les factures principales qui justifient le plus important dans l’ajustement du loyer calculé au locataire en même temps que l’avis de modification du bail.
  3.      Cependant, le calcul du TAL pour la fixation du loyer pour la période de 2023-2024 a justifié le montant demandé par la locatrice. La représentante de la locatrice explique que la locatrice avait eu coutume d’accepter un ajustement moindre que celui calculé selon les critères prévus audit Règlement, mais qu’il ne lui est plus possible maintenant de renoncer à obtenir le plein montant d’ajustement de loyer auquel elle a droit en application desdits critères.
  4.      Considérant toutefois que les locataires n’avaient pas reçu l’outil de calcul, les frais liés à la demande seront partagés entre les parties.
  5.      Considérant que le bail est presque terminé, il n’y a pas lieu de rendre une ordonnance pour permettre d’échelonner les arrérages.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.      FIXE le loyer, après arrondissement au dollar le plus près, à 884,00 $ par mois du 1er juillet 2024 au 30 juin 2025.
  2.      Les autres conditions du bail demeurent inchangées.
  3.      CONDAMNE la locataire à payer la somme de 56,62 $ à la locatrice en remboursement de la moitié des frais liés à la demande.

 

 

 

 

 

 

 

 

Me Nathalie Bousquet, greffière spéciale

 

Présence(s) :

Me Felicia Marino, avocate de la locatrice

Date de l’audience :

25 mars 2025

 

 

 


[1] RLRQ, Chapitre R-8.1.

[2] RLRQ, Chapitre T-15.01, r.2.

[3] RLRQ, c. T-15.01, r. 2.

[4] Capital Augusta Inc. c. Peggy Faye, 2009, R.L. 31-090205-025 F, confirmé en révision : (R.D.L. 2011-04-06), 2011 QCRDL 12803, SOQUIJ AZ-50741511.

[5] Voir note 3.

[6] Sofica ltée c. Decelles (R.D.L. 1995-08-22) SOQUIJ AZ-95061156, [1995] J.L. 379; Capital Augusta Inc. c. Peggy Faye, 2009, R.L. 31-090205-025 F, confirmé en révision : (R.D.L. 2011-04-06), 2011 QCRDL 12803, SOQUIJ AZ-50741511.

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