Droit de la famille — 22741 | 2022 QCCS 1681 |
COUR SUPÉRIEURE | |||
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CANADA | |||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||
DISTRICT DE | MONTRÉAL | ||
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N° : | 500-04-069185-164 | ||
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DATE : | Le 28 avril 2022 | ||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE ÉLISE POISSON, J.C.S. | |||
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R... T... | |||
Demandeur | |||
c. | |||
I... L... | |||
Défenderesse | |||
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JUGEMENT | |||
mise en garde - interdiction de divulgation ou diffusion : le Code de procédure civile articles 15 et 16 C.p.c. interdit de divulguer ou diffuser toute information permettant d’identifier une partie ou un enfant dont l’intérêt est en jeu dans une instance en matière familiale, sauf sur autorisation du Tribunal[1]. | |||
[1] Les parties sont les parents de X, né le [...] 2001, âgé de 20 ans.
[2] Le 1er novembre 2021 et le 22 mars 2022, les parties signent deux ententes réglant à l’amiable les différends les opposant concernant leurs obligations financières envers X. Les seuls points demeurant en litige sont les suivants[2] :
- réclamation en dommages-intérêts de Madame à l’encontre de Monsieur pour aliénation parentale;
- demande de Monsieur en déclaration d’abus, en rejet des conclusions en dommages-intérêts recherchées par Madame et en dommages-intérêts afin de compenser les honoraires extrajudiciaires encourus par celui-ci.
Remarques préliminaires
[3] Au cours de l’instruction les parties ont longuement témoigné sur les faits au soutien de leur position respective. Le Tribunal n’entend pas reprendre l’ensemble de la preuve administrée et ne retient que les faits pertinents aux fins de décider des questions en litige.
Situation des parties
[4] Les parties amorcent leur fréquentation vers 1993 alors que Madame, âgée de 19 ans, vient de compléter son parcours collégial et Monsieur, âgé de 54 ans, était son professeur de philosophie.
[5] Quelques années après le début de la vie commune, le couple subit une première rupture, mais les parties réussissent à se réconcilier. Le [...]2001, X naît de leur union. La séparation définitive survient en juin 2003, après 8 ans de vie commune.
[6] Au moment de la rupture, X est âgé d’environ vingt (20) mois. Monsieur continue d’occuper la résidence familiale lui appartenant, sise à [Ville A] et Madame déménage à Ville B, dans la maison où elle a grandi.
[7] Monsieur prend sa retraite alors que Madame poursuit ses études en médecine. Elle complète son parcours académique vers 2008 et exerce depuis lors à titre de médecin de famille.
Projet parental
[8] À la suite de la séparation, X habite avec sa mère et Monsieur bénéficie d’accès convenus à l’amiable entre les parties. À l’automne 2003, X célèbre son deuxième anniversaire et les parties conviennent d’instaurer une garde partagée dont les modalités, établies à l’amiable, varient au cours des ans selon l’évolution du parcours académique de Madame.
[9] Le projet parental alors convenu entre les parties prévoit qu’à compter du début de sa scolarisation, X fréquentera l’école du quartier où réside Monsieur. Madame amorcera alors ses stages en médecine et ne serait pas en mesure de lui offrir une stabilité suffisante. L’obtention par Madame de son titre de médecin correspondra avec l’entrée de X au secondaire. Les parties conviennent que X habitera alors avec sa mère, à Ville B, durant la semaine et fréquentera un collège privé de cette région.
[10] L’âge avancé de Monsieur est pris en compte dans l’élaboration de ce projet parental, puisqu’au début du parcours secondaire de X, Monsieur sera âgé de plus de 70 ans.
Modalités de garde et d’accès
[11] Conformément au projet parental convenu, tout au long de son parcours primaire, X habite avec son père durant la semaine et fréquente l’école primaire A située à proximité de son domicile. La fin de semaine, prolongée des congés fériés et pédagogiques, il réside avec sa mère, à Ville B.
[12] Monsieur, alors retraité, assure une présence quotidienne auprès de X durant la semaine. Il le conduit à l’école, s’implique dans son suivi scolaire et l’accueille à chaque jour, sur l’heure du midi, pour partager le repas.
[13] X termine son parcours primaire en juin 2014. Entre septembre 2014 et juin 2017, il fréquente le Collège A situé à Ville B.
[14] À compter de septembre 2014 et jusqu’au 1er septembre 2016, durant la semaine, X réside à Ville B, avec sa mère, et à [Ville A], avec son père, la fin de semaine, prolongée des congés fériés et pédagogiques.
[15] À compter du 2 septembre 2016, X retourne habiter chez son père et rompt les liens avec sa mère.
[16] Pour l’année scolaire 2016-2017, il continue de fréquenter le Collège A, malgré la distance entre l’établissement et le domicile de son père, à [Ville A]. À compter de l’année scolaire 2017-2018, il joint le Collège B, où il termine ses parcours secondaire et collégial.
[17] À l’heure actuelle, X étudie à l’Université A et réside dans cette ville.
Milieux de vie
[18] Lorsque X habite chez son père, il est seul avec celui-ci.
[19] Au domicile de sa mère, X partage son quotidien avec celle-ci, son frère Y, né vers 2010 d’une autre union, ainsi qu’avec le conjoint de l’époque de sa mère et les deux enfants de celui-ci.
[20] Les méthodes d’éducation et d’accompagnement adoptées par chacun des parents, dans leur milieu de vie respectif, ne sont pas arrimées.
[21] Monsieur favorise le dialogue et la persuasion. Il ajuste les consignes en fonction du résultat de ses échanges avec X. Il n’impose pas de conséquences lorsque les consignes convenues sont transgressées.
[22] Madame priorise le respect du cadre mis en place dans son milieu de vie. Les comportements de chacun doivent s’y arrimer, au risque de se voir imposer des conséquences.
[23] Le rapport à l’argent et la contribution financière aux besoins de X est une source constante de conflits entre les parties. Monsieur questionne chaque dépense, Madame pallie l’intransigeance de Monsieur en abdiquant et en payant la presque totalité de celles-ci.
Relations conflictuelles et suivis psychologiques
[24] À compter de la sixième année, soit vers l’automne 2013, X adopte un comportement d’opposition de plus en plus soutenu à l’égard du cadre de vie établi par Madame. Il argumente, questionne, confronte et refuse de respecter les consignes en place.
[25] Madame recourt alors aux services de Dre Guylaine Alain, psychologue, dont le bureau se situe à proximité du domicile de Monsieur, afin d’entreprendre une thérapie familiale visant à dénouer les conflits relationnels entre X et elle. Ils participent à quelques rencontres.
[26] Lors d’une séance, X tient des propos insultants à l’endroit de sa mère; il verbalise qu’elle est folle, s’habille mal et n’est pas « cool » comme les autres mamans. Les propos tenus par X sont tels que Monsieur juge nécessaire d’intervenir pour arrêter le discours de l’enfant. Monsieur prend alors conscience de l’ampleur du conflit opposant l’enfant et sa mère.
[27] Madame, blessée par les verbalisations de X et inconfortable devant l’absence d’intervention de la psychologue pour recadrer l’enfant, perd confiance en cette démarche et met fin au suivi entrepris.
[28] Au printemps 2014, le conflit parental demeure présent. Monsieur implique X en lui partageant ses frustrations envers Madame et ses intentions en prévision d’un processus éventuel de médiation[3]. X est placé au centre du conflit opposant ses parents. Il échange avec sa mère par message texte, mais lui demande d’effacer leur conversation de crainte que son père ne se méfie de lui. Il est inquiet du fait que sa mère informe son père de leurs échanges et de ses frustrations[4].
[29] Vers la fin août 2014, X emménage chez sa mère en prévision de son entrée au Collège A. Cette transition ne se fait pas sans heurt.
[30] Tous conviennent que X aurait préféré ne pas changer l’arrangement de garde qui prévalait durant son parcours primaire. Il manifestait son souhait de poursuivre sa scolarité dans un collège privé situé à proximité du domicile de son père et préserver ses liens avec ses amis. Il ne voyait pas d’un bon œil son déménagement à Ville B, chez sa mère, à compter du début de son parcours secondaire.
[31] Malgré le désir clairement exprimé par X, ses parents décident qu’il est dans son intérêt de mettre en œuvre le projet parental convenu.
[32] Les conflits entre Madame et X persistent et leur relation se détériore. Le principal enjeu les opposant de manière récurrente concerne l’absence de respect par X des règles de vie mises en place.
[33] Madame adopte un comportement ferme et rigide quant au respect du cadre établi. Il lui arrive de contraindre physiquement l’enfant afin qu’il se retire dans sa chambre pour se calmer et réfléchir ou de tenir des propos blessants à son égard.
[34] X monopolise l’attention par son opposition systématique, ses crises de colère qui désorganisent le milieu de vie et entraînent de vives altercations, verbales et physiques, entre sa mère et lui.
[35] Au cours de l’année scolaire 2014-2015, alors qu’il est en secondaire 1, X présente des comportements anxieux. À une occasion, il mentionne ne plus vouloir vivre. Madame consulte le pédiatre de l’enfant qui la réfère à une psychologue. X est en désaccord avec cette démarche. Au cours de la rencontre avec la psychologue, il fait preuve d’arrogance, adopte un comportement fermé et refuse de participer.
[36] En 2015, une altercation physique sérieuse survient entre Madame et l’enfant, en présence de la grand-mère maternelle. Celle-ci a peur devant l’intensité de la réaction de son petit-fils. La police est appelée sur les lieux pour rétablir le calme dans la maisonnée. Aucune plainte n’est déposée. Madame informe Monsieur de l’incident. Il lui mentionne qu’elle « fout toujours la merde » et que si « X ne veut pas, tu le laisses faire ». Monsieur se range du côté de X et blâme Madame de l’avoir injustement provoqué en adoptant une position intransigeante.
[37] Au printemps 2015, à la suggestion du pédiatre de l’enfant, Madame retient les services de Fanie-Claude Dumont, psychoéducatrice, afin d’améliorer le climat familial plutôt tendu.
[38] X accepte, bien qu’à reculons, de participer aux séances. Monsieur refuse de se joindre à eux en raison de la distance séparant les domiciles des parties. Il ne participe qu’à une seule rencontre, tenue à son domicile pour l’accommoder. Il communique parfois avec Mme Dumont pour dénouer certaines situations problématiques qui se présentent[5].
[39] Monsieur estime que les crises de X, qui ne se produisent que dans le milieu de vie de Madame, ne le concernent pas.
[40] À l’automne 2015, X atteint l’âge de 14 ans. Il accorde son consentement afin d’être évalué par un neuropsychologue pour déterminer la présence ou non d’un trouble de déficit d’attention avec hyperactivité (TDAH). Cette évaluation n’a pu être effectuée avant cette période puisque Monsieur refusait d’y consentir.
[41] Malgré le consentement donné par l’enfant, Monsieur refuse de participer à l’évaluation[6]. Les motifs de son refus sont nébuleux et seraient fondés sur son scepticisme, c’est-à-dire son refus d’admettre la validité du protocole clinique et du diagnostic sans procéder à son propre examen critique[7]. Il est probable que son refus soit plutôt motivé par son désir de ne pas contribuer financièrement aux frais de cette évaluation.
[42] Le 24 février 2016, une neuropsychologue pose un diagnostic de trouble avec déficit d’attention (TDA) modéré. X accepte de prendre une médication afin d’améliorer sa concentration. Il reconnaît que cette démarche, entreprise par sa mère, lui a été bénéfique en ce qu’elle lui a permis d’améliorer son rendement académique. Malgré l’opposition de son père, il a persévéré dans sa prise de médication.
[43] En 2015, Madame voyage avec l’enfant en Floride, afin qu’il puisse rencontrer le frère de son père ainsi que les autres membres de sa famille paternelle, puisque son père néglige de se mobiliser pour le faire.
[44] En décembre 2015, inspiré par l’initiative de Madame, Monsieur décide d’aller visiter sa famille avec l’enfant pour la période des Fêtes. Un incident anodin, entourant le partage des frais du passeport de l’enfant, prend des proportions surprenantes.
[45] Lors du renouvellement du passeport de l’enfant, Monsieur avait refusé de contribuer financièrement au motif que seule Madame voyageait avec X. Le montant de cette contribution s’élevait à 28,50 $. En décembre 2015, Monsieur se ravise et désire utiliser le passeport de l’enfant, pour leur voyage dans sa famille. Il refuse toutefois de rembourser sa part des frais encourus par Madame. Après différents échanges de courriels, Monsieur se résigne à payer le montant de 28,50 $. Il écrit[8] :
[…]
Dans l’histoire du passeport, je persiste à dire que c’est toi, pour je ne sais quelle raison, qui a attisé les choses (…) Il y a toujours dans cette affaire une disproportion qui crève les yeux entre un litige à propos de certains frais à partager et ta menace de nous empêcher de partir! Les faits sont là : il y a eu menace, verbalisée et répétée. Le malaise provoqué chez X découle directement de ton comportement et non d’une supposée aliénation parentale. Cette allusion à la théorie - assez controversée - de l’aliénation parentale me fait penser à l’écran de fumée comme tactique de leurre pour dissimuler la réalité et mieux égarer les autres! C’est lorsque la fumée s’est dissipée qu’on peut voir clairement les faits : menace et malaise.
[…]
Pour ce qui est du partage des frais du passeport de X, je te ferai parvenir un chèque de 28,50 $ qui est la moitié du coût.
[Transcription textuelle]
[46] Les relations entre Madame et X demeurent problématiques. X est malheureux. Le 23 décembre 2015 Madame en informe Monsieur et lui propose de l’accueillir pour quelques mois afin de l’apaiser et de faciliter son quotidien. Elle écrit[9] :
Bonsoir,
X est malheureux depuis déjà un bout de temps. J’ai fait ce que j’ai pu pour que ça passe mieux pour lui, mais le discours que tu lui tiens sur moi, entre autres, fait en sorte que les choses ne s’améliorent pas suffisamment. C’est pourquoi, et aussi parce qu’il m’a dit qu’il veut aller vivre chez toi l’an prochain, je voudrais te proposer de le prendre pour une période d’essai de 3 mois. Si tout va bien, nous pourrions prolonger jusqu’en juin.
X continuerait d’aller [au Collège A], ce qui permettrait de garder une certaine stabilité si finalement il décide de revenir chez moi après 3 mois. L’an prochain, s’il habite chez toi, on le changerait bien sûr d’école pour que le trajet soit moins long.
L’horaire serait le suivant : 1 fin de semaine sur 2 chez moi (celle pendant laquelle son frère est présent pour favoriser que les frères continuent de se voir autant que possible) et un soir par semaine chez moi (un soir où Y est présent, ce qui pourrait être une semaine le lundi et l’autre semaine le jeudi).
Bien sûr, cela signifierait aussi que tu deviens responsable de tous les suivis requis : école, médecin, médicaments, etc. J’aimerais tout de même que tu m’informes de tout chaque fois pour que je puisse demeurer impliquée. Le cellulaire deviendrait aussi ta responsabilité, mais X me dit que c’était déjà prévu dans ses cadeaux de Noël.
Je te laisse le temps d’y penser, mais j’aimerais que tu me répondes par courriel, peu importe ce que tu décides.
Cordialement,
I...
[Transcription textuelle]
[47] Madame relance Monsieur le 10 janvier 2016, afin d’obtenir sa position sur cette proposition.
[48] Le 13 janvier 2016, Monsieur écrit[10] :
Bonjour,
Hier, mardi 12 janvier, j’ai eu un long entretien avec la psychoéducatrice Fanie-Claude au sujet de ta proposition.
Je résume mon entretien avec elle ainsi que ma réponse à ta proposition :
Je suis d’accord globalement avec le changement proposé, cependant, je trouve indispensable que la DPJ fasse une évaluation écrite de la situation actuelle afin de bien établir l’urgence et les raisons d’un tel changement.
En parallèle avec cette intervention de la DPJ, une reprise de la médiation nous permettra de régler le contentieux 2014-2015 et d’envisager les nouvelles obligations découlant de ce changement. L’intervention d’une instance extérieure me paraît incontournable. Je ne suis pas du tout disposé à accepter du « rapiéçage » sans tenir compte de certains problèmes de fond.
Cordialement,
R...
[Transcription textuelle]
[49] Monsieur insiste pour que le retour de X à son domicile soit encadré par une entente formelle conclue entre les parties en médiation ou devant le Tribunal[11]. Toutefois, il ne se mobilise pas pour retenir les services d’un médiateur ni obtenir une ordonnance du Tribunal et demeure passif malgré la détresse de son fils.
[50] La proposition de Madame ne connaît pas de suite et X continue d’habiter avec celle-ci.
[51] Au cours de l’été 2016, Madame et son conjoint planifient un voyage au Portugal. Ils n’envisagent pas d’amener X en raison de son comportement imprévisible.
[52] Les préparatifs du voyage s’effectuent en présence de X, bien qu’il soit exclu du projet. X est profondément blessé et se sent rejeté par sa mère. Après avoir discuté avec son père, il accepte, à son corps défendant, de signer un contrat de comportement afin de participer au voyage, mais il se sent humilié[12]. Son père lui indique qu’il ne doit pas s’inquiéter puisque ce contrat n’a aucune valeur légale.
[53] Au cours du voyage, un incident survient au cours duquel X se désorganise. Celui-ci explique son comportement par le contrôle incessant que sa mère tente d’exercer sur lui et ses refus injustifiés de l’accommoder.
[54] Durant l’été 2016, Madame effectue une nouvelle approche auprès de Monsieur pour que X retourne vivre chez lui à compter du début de l’année scolaire 2016[13].
[55] Monsieur accepte de reprendre l’enfant pour ensuite se rétracter à la dernière minute. À la fin août 2016, juste avant le retour en classe, X informe sa mère qu’après discussions avec son père, ils ont convenu qu’il était préférable qu’il continue d’habiter chez sa mère, notamment en raison de la distance qu’il aurait à parcourir entre le collège et le domicile de son père.
[56] On comprend des courriels échangés entre les parties en juillet 2016, que l’absence d’entente quant à leurs obligations financières envers X, découlant de cet ajustement dans le partage du temps parental, a également influencé le changement de cap de son père[14].
[57] X continue donc de résider chez sa mère et celle-ci lui rappelle qu’il doit respecter le cadre de vie.
[58] Le 31 août 2016, au retour du premier jour d’école, une altercation survient entre Madame et X concernant le menu du repas du soir. X est en désaccord avec la position de sa mère et s’y oppose de manière imposante. Madame persiste et contraint physiquement X pour l’amener jusqu’à sa chambre.
[59] Madame contacte ensuite Monsieur et lui demande de prendre l’enfant avec lui pour deux semaines afin de lui permettre de réfléchir et de s’amender[15]. Monsieur refuse, étant d’avis que les difficultés de Madame avec X ne le concernent pas.
[60] Le 1er septembre 2016, une certaine confusion s’installe quant à l’endroit où X doit se rendre après les classes. Il ne croit pas que sa mère souhaite véritablement qu’il quitte son domicile.
[61] À la fin des classes, il constate que sa mère n’est pas là pour l’accueillir à l’arrêt d’autobus. Il appelle son père. À la suggestion de celui-ci, et après avoir parlé à sa mère, X prend un taxi pour se rendre chez celle-ci.
[62] Peu après l’arrivée de X, l’un des deux frères de Madame se présente au domicile. Madame informe alors X que son oncle ira le conduire chez son autre frère où il restera pour la nuit et les deux prochaines semaines, si son père persiste à refuser de l’accueillir chez lui.
[63] X est en état de choc. Il ne comprend pas pourquoi sa mère prend une décision aussi drastique. Il tente d’expliquer les motifs de son départ à son jeune frère. Sa mère et son oncle le somment de sortir du domicile et de se rendre à la voiture.
[64] X ne collabore pas et refuse de quitter le domicile. Madame et son frère le prennent sous les aisselles et par les pieds pour descendre l’escalier et le conduire à l’extérieur de la maison.
[65] X passe la nuit chez son oncle et se présente à l’école le lendemain, un vendredi. À la fin des classes, il se rend chez son père puisque l’accès de fin de semaine débute.
[66] À compter du 2 septembre 2016, X réside chez son père. Il ne retournera jamais chez sa mère et rompt tous les contacts avec celle-ci et les membres de la famille maternelle.
[67] À ce jour, il refuse de parler ou de reprendre contact avec sa mère et sa grand-mère maternelle. Il entretient des contacts sporadiques avec ses deux oncles maternels et maintient ses liens avec son frère Y, qu’il voit environ une fois par mois, lorsque ce dernier est sous la responsabilité de son père. Il ne participe à aucune activité ou fête dans le milieu familial maternel.
Intervention de la DPJ
[68] Le 21 octobre 2016, la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) retient un signalement en ce qui a trait à une situation de mauvais traitement psychologique, résultant d’un conflit de séparation entre les parents[16].
[69] La DPJ conclut que les faits sont fondés, mais que la situation ne place pas X en besoin de protection et procède à la fermeture du dossier.
Procédures judiciaires
[70] En octobre 2016, Monsieur dépose une demande afin d’obtenir la garde de l’enfant.
[71] En novembre 2016, Madame dépose une demande visant notamment la tenue d’une expertise psychosociale, la communication d’informations sur l’état de santé et l’éducation de l’enfant et l’instauration de contacts supervisés entre X et son demi-frère. Elle ne conteste pas la garde demandée par Monsieur, même si elle est d’avis que « cela n’est pas dans son meilleur intérêt »[17].
[72] Le 15 décembre 2016, les parties signent un consentement intérimaire dans lequel, entre autres, « les parents conviennent qu’un processus devra être entrepris pour rétablir la relation entre X et sa mère, ainsi que la fratrie, et autres éléments à circonscrire et les parents s’engagent à y participer activement dans la solution choisie »[18].
[73] Le 27 janvier 2017, Madame amende sa procédure. À la suite d’une audition tenue le 15 février 2017, le consentement intérimaire qui en résulte indique que : « les parents s’engagent à rencontrer le Dr Gérald Côté le 21 février prochain, lequel doit exposer ses recommandations et son rapport préliminaire »[19].
[74] Le 7 avril 2017, Madame dépose une demande ré-amendée dans laquelle elle allègue que les parties ont tenté un coaching parental auprès du Dr Gérald Côté, sans succès[20]. Elle réitère sa demande pour la tenue d’une expertise psychosociale.
[75] Le 16 mai 2017, X devient une partie intervenante dans le dossier. Il est représenté par avocat.
[76] Le 9 juin 2017, la juge Marie-Anne Paquette, j.c.s., est appelée à décider de la demande de Madame pour la tenue d’une expertise psychosociale. La juge Paquette s’exprime ainsi :
[10] Les allégations quant au profond problème relationnel entre l’enfant X et sa mère sont, de l’avis du Tribunal, hautement sérieuses et préoccupantes ;
[11] Les allégations d’aliénation parentale, formulées à l’encontre du père de X sont, de l’avis du Tribunal, toutes aussi sérieuses et préoccupantes ;
[12] Le refus catégorique de tout contact avec la mère revêt ici un élément d’urgence qui justifie que des ordonnances soient rendues afin que cette question puisse être étudiée avec le sérieux qu’elle mérite, et ce, sans plus de délai ;
[13] Dans l’intérêt supérieur de l’enfant X, il est de la plus haute importance que ces allégations soient étudiées avec l’aide d’un professionnel pour éclairer le Tribunal ;
[14] Tout ce qui précède convainc le Tribunal de la pertinence, voire de la nécessité, d’obtenir une expertise psychosociale afin de mieux évaluer le meilleur intérêt de l’enfant, et afin d’éclairer le Tribunal à ce sujet, et ce, bien que l’enfant soit âgé ici de 15 ans et exprime un refus catégorique ;
[15] Procéder autrement équivaudrait à remettre totalement dans les mains de l’enfant, qui a 15 ans, les choix des modalités d’accès, et de contacts avec sa mère et avec son demi-frère, de son milieu de vie, etc. ;
[16] Dans les circonstances, vu l’historique allégué, la preuve invoquée et les allégations d’aliénation parentale, il serait inacceptable de procéder ainsi ;
[77] La juge Paquette accueille la demande de Madame pour la tenue d’une expertise psychosociale. X, alors représenté par son avocat, rencontre l’expert, mais refuse de participer à une séance en présence de sa mère. L’expert estime qu’il n’a d’autres choix que de se résoudre à fermer le dossier. L’expertise ne sera jamais complétée.
[78] X, actuellement âgé de 20 ans, ne parle plus à sa mère depuis septembre 2016.
[79] Le 19 février 2019, Madame dépose une procédure modifiée réclamant des dommages-intérêts à l’encontre de Monsieur, pour aliénation parentale.
[80] Le 14 mars 2019, Monsieur demande au Tribunal de déclarer la demande de Madame partiellement abusive et de conclure à son rejet. Le 16 août 2019, la juge Anne Jacob, j.c.s., conclut que cette demande en rejet est prématurée et que le juge du mérite sera dans une meilleure position pour en décider.
[81] Le 30 septembre 2019, l’honorable Stéphane Sansfaçon, j.c.a., rejette la demande de Monsieur pour permission d’appeler. Il note, entre autres, que la demande en rejet repose uniquement sur l’article 51 du Code de procédure civile (C.p.c.) et non sur le second alinéa de l’article 168 C.p.c.[21].
[82] Le 28 octobre 2019, Monsieur dépose une demande en dénonciation d’un moyen d’irrecevabilité partiel à l’égard de la demande en dommages pour cause d’aliénation parentale alléguant qu’il y a absence de fondement juridique, tel qu’il est prévu à l’article 168, alinéa 2 C.p.c.
[83] Le 20 octobre 2020 la juge Karen Kear-Jodoin, j.c.s., rejette le moyen d’irrecevabilité. Elle écrit[22] :
[20] Le Père s’appuie sur l’affaire Frame c. Smith[23] rendue par la Cour Suprême en 1987. Dans cette affaire, le père était confronté à un refus obstiné et délibéré de la mère de laisser ce dernier exercer ses droits d’accès envers les enfants. Le père alléguait un stress émotionnel lié à la conduite de la mère et à son ingérence illégitime dans son lien avec les enfants. Il a poursuivi la mère en dommages. En réponse, la mère a déposé une demande en radiation des allégations.
[21] La Cour Suprême a rejeté la demande du père et a conclu qu’il n’existe pas de recours en dommages et intérêts pour ingérence tant au niveau de la garde que des droits d’accès. La Cour Suprême, sous la plume du juge La Forest, s’exprime ainsi :
11. Mais ce qui est vraiment concluant, à mon avis, c'est que le législateur a pris les devants sur toute initiative judiciaire éventuelle. Dans toutes les provinces (et au niveau fédéral d'ailleurs), on a adopté des mesures législatives qui traitent du phénomène moderne de l'effondrement fréquent des familles et, en particulier, qui prévoient la garde des enfants et le droit de leur rendre visite.
[…]
12. Il me semble évident que le législateur a voulu créer un régime détaillé pour régler ces problèmes. S'il avait envisagé l'appui supplémentaire d'une action civile, il l'aurait prévue, surtout étant donné l'état rudimentaire de la common law.
[…]
14. De façon plus générale, la présente action paraît envisager la mise à exécution d'une obligation légale, ou ce qui équivaut à la même chose, d'une ordonnance rendue en vertu d'un pouvoir discrétionnaire accordé par la loi, au moyen d'une action civile plutôt qu'au moyen des redressements prévus par la Loi. Cette Cour a eu l'occasion d'examiner cette question dans l'arrêt La Reine du chef du Canada c. Saskatchewan Wheat Pool, [1983] 1 R.C.S. 205. Dans cette affaire, la Commission canadienne du blé réclamait au Pool des dommages-intérêts par suite de la livraison de grain infesté provenant de ses élévateurs terminus contrairement à une disposition de la loi ; aucune négligence n'était invoquée. L'action a échoué. La Cour a carrément rejeté la notion d'un délit civil spécial de violation d'une obligation légale ; si le législateur voulait prévoir une action civile, a-t-elle conclu, il pouvait le faire. Autrement, on permettrait simplement aux tribunaux de choisir, d'une façon tout à fait imprévisible, d'accorder un recours civil pour une violation de la loi chaque fois qu'ils l'estimeraient convenable.
[22] Le Père plaide que depuis plus de 32 ans, nos tribunaux, tant à la Cour d’appel qu’à la Cour supérieure et à la Cour du Québec ont suivi le jugement de l’affaire Frame c. Smith. Selon lui, la jurisprudence est unanime et établit clairement qu’il n’existe aucun fondement juridique permettant un recours en dommages pour des fautes parentales.
[23] La Mère argue que l’arrêt Frame c. Smith est un appel d’un jugement rendu par la Cour d’appel de l’Ontario. Le jugement est déterminé selon les principes de Common Law. Elle souligne que le Québec n’est pas une province soumise à la Common Law. Il est essentiel que nos tribunaux respectent l’intégrité de notre système juridique. Le Code civil du Québec est indépendant et autonome des principes de Common Law.
[24] La Mère plaide, malheureusement, que les tribunaux québécois ont été séduits et indûment influencés par l’arrêt Frame c. Smith. Contrairement à la Common Law, le système juridique québécois est complet. Il n’est pas nécessaire de concevoir un nouveau délit (« tort ») tel que discuté par le Juge Laforest[24] :
9. Les tribunaux pourraient évidemment concevoir un nouveau délit civil pour régler la situation. Et la tentation de le faire est évidemment bien présente, car on ne peut s'empêcher de ressentir de la sympathie pour l'appelant et les autres personnes dans des situations semblables. Mais des arguments redoutables s'opposent à la création d'un tel redressement. J'ai déjà mentionné qu'il était peu souhaitable de provoquer des poursuites au sein du cercle familial. Le spectacle de parents poursuivant non seulement leurs ex-conjoints mais également les grands-parents, les tantes, les oncles de leurs enfants, sans parler des proches de la famille, pour entrave aux droits de visite donne à réfléchir. L'éclatement du milieu familial et social, tellement important pour le bien-être d'un enfant, peut bien avoir constitué un motif mûrement réfléchi d'inaction juridique, bien qu'il y ait d'autres raisons.
[25] La Mère argue que le remède est déjà prévu à l’article 1457 du Code civil du Québec qui se lit comme suit[25] :
1457. Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.
Elle est, lorsqu’elle est douée de raison et qu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu’elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel.
Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’elle a sous sa garde.
[26] Elle ajoute qu’il n’y a aucune exclusion expresse interdisant le recours d’une demande en dommages pour « faute » d’aliénation parentale. Or, la Mère explique qu’elle doit faire la preuve d’une faute, d’un dommage ainsi que du lien de causalité entre la faute et le dommage.
[27] La Mère soumet que le jugement rendu par la Cour suprême dans l’arrêt Bruker c. Marcovitz[26], démontre que les tribunaux québécois ne sont pas liés par l’arrêt Frame c. Smith. Le Tribunal n’est pas d’accord. Il y a une distinction à faire.
[28] Dans cette affaire, le père refuse de consentir à un ghet[27], et ce, en contravention d’un consentement qui était entériné par le jugement de divorce. La mère réclame des dommages. Le père a plaidé, par analogie avec l’arrêt Frame c. Smith, que la demande doit être rejetée au motif que la législation, à savoir l’article 21.1 de la Loi sur le Divorce[28] ne prévoit aucun recours en dommages et que, par conséquent, il est impossible d’exercer un tel recours.
[29] Dans sa décision, la Cour suprême a conclu que l’arrêt Frame c. Smith n’était pas applicable parce que la demande de la mère n’était pas basée sur une loi, en particulier l’article 21.1 de la Loi sur le divorce, mais plutôt sur une clause de la convention signée par les parties. Or, l’obligation du père à consentir à un ghet constitue une obligation contractuelle valide et exécutoire en droit québécois.
[30] Le Tribunal a pris connaissance des autorités fournies par les procureurs. La jurisprudence est unanime. Les seuls recours possibles en cas de manquement à une obligation découlant du mariage sont ceux expressément prévus par le législateur[29]. Il y a des exceptions pour lesquelles les dommages peuvent être octroyés :
Les fautes rattachées à la personne, tels le vol, les voies de fait, etc.[30]
La faute ayant un caractère économique[31]
L’abus de droit[32]
Les fausses déclarations aux autorités[33]
De façon exceptionnelle, l’outrage au tribunal[34]
[31] Dans l’affaire Droit de la famille — 2207[35], la juge Danielle Richer retient que « seuls les manquements ou fautes rattachées à la personne, indépendamment du mariage, tels que voies de fait, vols, etc., peuvent faire l'objet de poursuites en dommages-intérêts entre époux ».
[32] Est-ce que l’aliénation parentale peut être qualifiée comme un manquement à une obligation découlant d’un mariage, une faute matrimoniale ? Même si le Tribunal comprend le raisonnement de la Cour Suprême selon lequel il est « peu souhaitable de provoquer des poursuites au sein de cercle familial »[36], le Tribunal ne le croit pas.
[33] La Cour d’appel définit l’aliénation parentale comme un « concept chargé qui présuppose un endoctrinement ou le lavage de cerveau de l’enfant par un de ses parents et le dénigrement de l’autre parent par l’enfant lui-même »[37]. En présence d’aliénation parentale, les parties et les tribunaux traitent généralement du comportement aliénant d’un parent comme un défaut dans ses capacités parentales plutôt que dans ses obligations civiles.
[34] D’autre part, est-ce que l’aliénation parentale peut constituer une faute civile pouvant mener à l’octroi de dommages et intérêts ?
[35] Le Tribunal se demande s’il y a un moment où le comportement devient beaucoup plus que de l’ingérence dans les droits d’accès. Y a-t-il un moment où le comportement d’un parent devient si odieux qu’il constitue une faute ? Dans cette situation, est-ce que les recours offerts soit par la Loi sur le Divorce ou le Code Civil du Québec sont suffisants pour dissuader ce genre de conduite répréhensible et malicieux ? Peuvent-ils agir impunément à l’égard de leurs actions et des dommages irréparables qu’ils causent, non seulement au parent aliéné, mais aussi aux enfants ? Le Tribunal ne le croit pas.
[36] Le Tribunal est confronté à une jurisprudence partagée en ce qui concerne la qualification de l’aliénation parentale comme cause d’un préjudice personnel au parent qui en est l’objet.
[37] Dans l’affaire I.R. c. Io.O.[38], la Juge Monast indique ceci au sujet de la réclamation pour aliénation parentale :
[85] L'aliénation parentale constitue certainement un manquement important aux obligations parentales mais elle ne constitue pas une faute civile qui peut engendrer l'obligation de payer des dommages compensatoires à l'enfant qui en est la victime ou au parent qui en est lésé.
[38] Il n’existe qu’une seule décision où des dommages sont octroyés en raison de la « perte d’affection des enfants ».
[39] Dans l’affaire, Droit de la famille — 17195[39], le juge Déziel est saisi de plusieurs réclamations dans le cadre d’une procédure en divorce. Il est démontré, devant la chambre de la jeunesse de la Cour du Québec, que la mère a un comportement aliénant provoquant une aliénation parentale chez l’enfant. La mère a aussi porté des accusations criminelles contre le père et a soutenu devant deux instances judiciaires que le père aurait participé au génocide rwandais en plus de le « démoniser » devant les enfants. Le juge a octroyé au père, entre autres, la somme de 5 000 $ pour « perte d’affection des enfants ».
[40] Dans la décision Droit de la famille — 123265[40], la juge Nantel rejette les demandes en provision pour frais et pour abus de procédure présentées par les deux parties. Cependant, elle réserve toutefois les droits du père de réclamer des dommages et intérêts au motif qu’il est victime d’un tort réel et irrécupérable, étant privé de tout lien avec ses enfants à cause de la mère.
[41] Le Tribunal réitère qu’il n’a pas décidé des chances de succès de la Mère. Le Tribunal insiste sur le fait que ce jugement ne peut pas être interprété comme une reconnaissance, de quelque manière que ce soit, du bien-fondé des faits allégués par la Mère. Cependant, le Tribunal doit être guidé par la prudence et doit laisser à la Mère la chance d’être entendu au fond.
Position des parties
[84] Madame estime que l’éloignement de l’enfant résulte de l’aliénation parentale de la part de Monsieur. Elle soutient que les agissements de Monsieur constituent une faute à son endroit. Elle réclame des dommages-intérêts de 125 000 $, soit un montant de 25 000 $ par année pour une période de 5 ans, comprise entre le 1er septembre 2016 et l’audition tenue en mars 2022, pour compenser le préjudice subi en raison des comportements fautifs de Monsieur[41].
[85] Monsieur conteste la réclamation de Madame au motif qu’elle est seule responsable de la rupture des liens entre X et elle. Il réclame une déclaration d’abus à l’encontre de celle-ci, le rejet de sa demande et le remboursement des honoraires et frais extrajudiciaires encourus pour la préparation de l’audition et la tenue de l’instruction, s’élevant à 16 726,83 $[42].
[86] Les questions en litige sont les suivantes :
[87] Avant d’aborder l’analyse des questions en litige, il y a lieu de cerner le concept d’aliénation parentale.
[88] Madame dépose un texte intitulé « Aliénation parentale : une conceptualisation théorique » préparé par Dre Françoise Maheu, psychologue. Ce texte apporte un éclairage utile sur le phénomène d’aliénation parentale. Dre Maheu écrit[43]:
DÉFINITION DE L’ALIÉNATION PARENTALE
Encore à ce jour, il n’y a pas de consensus quant à la définition du phénomène d’aliénation parentale (AP) dans la littérature scientifique. Cependant, plusieurs chercheurs universitaires et cliniciens tendent à adopter une conceptualisation systémique et multifactorielle de l’AP, laquelle est aussi perçue sur un continuum (Kelly et Johnston, 2001; Cyr, 2010; Cyr, Poitras, Godbout et Macé, 2017). Ainsi, l’AP serait la résultante extrême d’une séparation parentale à haut niveau de conflits. Dans un contexte d’AP, il y a un désordre relationnel au sein de la famille, où des facteurs liés à la relation conjugale et à la séparation parentale, au profil psychologique et à la vulnérabilité psychologique des parents et de l’enfant, ainsi qu’au contexte du litige amènent un enfant à rejeter un parent de façon catégorique et sans appel. De fait, dans ce contexte, on observe que l’enfant, sous l’influence d’un parent, (aliénant, dit aussi parent aligné), prend part au dénigrement, à la disqualification, à l’exclusion et au bannissement de l’autre parent (aliéné) sans fondement valable, avec comme conséquence ultime la perte du lien avec le parent rejeté et son réseau (Cyr, 2010; Malo et Rivard, 2013; Cyr, Poitras, Godbout et Macé, 2017).
CARACTÉRISTIQUES DES PARENTS ET DE L’ENFANT AU CŒUR DE L’ALIÉNATION PARENTALE
[…]
L’enfant aliéné Selon la littérature scientifique, l’enfant serait aliéné lorsqu’il rejetterait, dévaloriserait, dénigrerait sans raison valable, le parent aliéné (Alary et Cyr, 2013; Malo et Rivard, 2013). À noter que le rejet d’un parent pourrait parfois s’expliquer par la présence d’abus ou de négligence de la part du parent aliéné, ou par la présence de comportements inappropriés (discipline coercitive, faible implication antérieure auprès de l’enfant) de la part du parent dont l’enfant se distancierait. C’est en l’absence de telles situations que l’AP pourrait alors être envisagée (Alary et Cyr, 2013; Malo et Rivard, 2013).
[89] Dans une présentation donnée le 10 mars 2017, Dre Francine Cyr, psychologue, explique l’importance de bien évaluer le contexte. Elle souligne[44] :
Bien évaluer le contexte :
- « Cas purs » d’aliénation sont rares;
- Cas mixtes fréquents (distanciation/rejet justifié, fondé sur des faits (enchevêtrement, frontières diffuses entre le parent aligné et l’enfant, et un certain degré d’inaptitude chez le parent rejeté);
- Dans les situations de séparation à haut niveau de conflits, les enfants sont fréquemment exposés à des conduites parentales aliénantes (intentionnelles ou pas) du père ou de la mère;
- Toutefois, la majorité des enfants ne deviennent pas aliénés.
Aliénation ou éloignement réaliste
L’AP : un refus ou une forte résistance de l’enfant à voir l’un de ses parents alors que la conduite du parent et l’état de la relation parent-enfant avant le divorce ne justifie pas cette répudiation de la part de l’enfant. L’enfant exprime librement et de façon persistante des croyances et sentiments négatifs non raisonnables, tels que la colère, haine, rejet et une peur du parent disproportionnée à son expérience réelle avec ce parent (Kelly et Johnston (2001).
Cette situation se distingue de celle de l’enfant qui légitimement s’est éloigné du parent (estranged child), en raison de conduites d’abus, de violence ou de négligence de la part de ce parent (Kelly et Johnston (2001).
[…]
Comment s’installe un phénomène d’AP?
- Un parent blessé narcissiquement par la rupture qui veut se venger à travers l’enfant.
- Le parent aligné accentue et aggrave les défauts et lacunes du parent rejeté.
- Des légendes se développent et l’enfant commence à croire que le parent rejeté n’a pas de valeur et que dans certains cas il est abusif.
- L’enfant développe une réponse anxieuse ou phobique à l’égard de ce parent, le fuit, le rejette.
[…]
Comportement parental aliénant
- Importance du comportement non verbal et indirect
- Ce que les parents aliénants NE font PAS :
[…]
Parent dénigré et rejeté (type A)
Diversité de comportements & attitudes
- Passivité dans le conflit (retrait, repli sur soi). Désir de se battre vs d’abandonner la lutte
- Le parent rejeté peut contribuer ou exacerber le rejet par :
[…]
Enfant aliéné
Comportements & attitudes
- Coalition avec un parent & distanciation avec l’autre
- Craintes multiples (représailles, de décevoir, se faire abandonner, de faire de la peine et soulever la colère)
- Discrédite le parent, comportements agressifs, assaillants (fausses accusations, reproches non-justifiés, discours clivé emprunté au parent aliénant)
- Manipulation de la réalité (mentir, se victimiser, prendre défense du parent aliénant, absence de culpabilité)
- Participation active aux conflits. Peut rapporter des évènements dont il ne peut pas se souvenir ou qui se sont produits avant sa naissance, raisonnement rigide du type noir/blanc, ou exagérer les faits, les déformer
- Rejet de la famille élargie, des amis et même des animaux domestiques
- Passivité et inhibition du discours (passif et soumis aux exigences du parent aliénant)
- Changement d’attitude ou de comportements selon le parent avec lequel il est, selon les témoins (selon le degré d’AP)
[90] Cette littérature offre des balises utiles aux fins d’apprécier la conduite des parties et son incidence sur la rupture des liens entre X et sa mère.
Responsabilité civile
[91] L’autorité parentale est abordée de la manière suivante au Livre deuxième du Code civil du Québec (C.c.Q.) :
LIVRE DEUXIÈME
DE LA FAMILLE
[…]
TITRE QUATRIÈME
DE L’AUTORITÉ PARENTALE
Art. 597. Respect. L’enfant, à tout âge, doit respect à ses père et mère.
Art. 598. Autorité parentale. L’enfant reste sous l’autorité de ses père et mère jusqu’à sa majorité ou son émancipation.
Art. 599. Attributs de l’autorité parentale. Les père et mère ont, à l’égard de leur enfant, le droit et le devoir de garde, de surveillance et d’éducation.
Obligation. Ils doivent nourrir et entretenir leur enfant.
Art. 600. Exercice conjoint. Les père et mère exercent ensemble l’autorité parentale.
Exception. Si l’un d’eux décède, est déchu de l’autorité parentale ou n’est pas en mesure de manifester sa volonté, l’autorité est exercée par l’autre.
[…]
Art. 604. Difficultés. En cas de difficultés relatives à l’exercice de l’autorité parentale, le titulaire de l’autorité parentale peut saisir le tribunal qui statuera dans l’intérêt de l’enfant après avoir favorisé la conciliation des parties.
Art. 605. Garde. Que la garde de l’enfant ait été confiée à l’un des parents ou à une tierce personne, quelles qu’en soient les raisons, les père et mère conservent le droit de surveiller son entretien et son éducation et sont tenus d’y contribuer àp proportion de leurs facultés.
[92] En matière de responsabilité civile, l’article 1457 du Code civil du Québec (C.c.Q.) prévoit ceci :
LIVRE CINQUIÈME
DES OBLIGATIONS
[…]
TITRE PREMIER
DES OBLIGATIONS EN GÉNÉRAL
[…]
CHAPITRE TROISIÈME
DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE
Art. 1457. Responsabilité extracontractuelle. Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.
Réparation. Elle est, lorsqu’elle est douée de raison et qu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu’elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel.
Responsabilité d’un tiers. Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’elle a sous sa garde.
[93] Le C.c.Q. ne prévoit pas de régime de responsabilité civile particulier à l’égard de l’exercice de l’autorité parentale et des conséquences susceptibles d’en découler entre les parents ou envers les enfants.
[94] Lorsque le législateur reconnaît des immunités en faveur de certaines personnes et écarte ainsi leur responsabilité, il le prévoit explicitement. Par exemple, l’article 35 de la Loi sur la protection de la jeunesse accorde une immunité au directeur et à toute personne visée par cette disposition, pour des actes accomplis de bonne foi dans l’exercice de leurs fonctions[45]. Une telle immunité a pour effet de limiter leur responsabilité à la seule faute lourde ou intentionnelle[46].
[95] Le législateur a spécifiquement prévu que l’exercice de l’autorité parentale doit être exercé conjointement, dans l’intérêt de l’enfant[47]. Le législateur n’a conféré aucune immunité en faveur des personnes ayant vécu en union de fait pour des actes accomplis dans l’exercice de leur autorité parentale.
[96] Par conséquent, la violation de la norme comportementale qui serait celle de la personne raisonnable suffit pour conclure à la faute civile génératrice de responsabilité[48].
[97] Ainsi la responsabilité civile du parent peut être engagée envers l’autre parent dans la mesure où il est démontré qu’une faute a été commise dans l’exercice conjoint de l’autorité parentale, que des dommages ont été subis par l’autre parent et qu’il existe un lien de causalité entre la faute et les dommages réclamés.
[98] Lorsque la violation reprochée est celle d’une norme de conduite, est en faute quiconque a un comportement contraire à celui auquel on peut s’attendre d’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances[49].
[99] La décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Frame c. Smith, doit être distinguée et ne s’applique pas aux faits en litige[50].
[100] D’une part, contrairement à la situation analysée dans cette affaire, les parents n’ont pas, en droit civil, à recevoir une protection législative spécifique puisque l’article 1457 C.c.Q. peut servir de fondement à la réclamation entreprise. Monsieur, en sa qualité de parent, ne bénéficie d’aucune immunité législative pour les gestes posés dans le cadre de l’exercice conjoint de l’autorité parentale.
[101] D’autre part, au Québec, il n’existe pas de disposition législative analogue à celle analysée par la Cour suprême lorsqu’elle s’exprime ainsi[51] :
[102] Ainsi, dans la mesure où la preuve démontre, de manière prépondérante, l’existence d’un comportement fautif, c’est-à-dire la violation de la norme comportementale qui serait celle de la personne raisonnable, placée dans les mêmes circonstances, cela suffit pour conclure à la faute civile génératrice de responsabilité.
[103] Certaines situations d’aliénation parentale ont d’ailleurs donné lieu à des condamnations en dommages-intérêts lorsque le comportement fautif d’un parent est à l’origine d’un conflit de loyauté menant à la rupture des liens des enfants avec l’autre parent[52].
Analyse et décision
[104] Bien que l’expertise psychosociale ordonnée par la juge Paquette n’ait pu être complétée, en raison de l’absence de la collaboration de X, le Tribunal est en mesure de constater la présence de plusieurs faits démontrant l’existence, de manière prépondérante, d’aliénation parentale provoquée par Monsieur.
[105] Il ne s’agit pas d’un « cas pur » d’aliénation parentale, pour reprendre l’expression utilisée par Dre Francine Cyr, psychologue[53], puisque certains agissements de Madame ont contribué à exacerber la distanciation de l’enfant. Cet aspect sera analysé en réponse à la seconde question en litige.
[106] Le Tribunal retient les faits suivants pour conclure à la présence d’aliénation parentale par Monsieur menant à la rupture des liens mère-enfant et constituant une faute engageant sa responsabilité civile envers celle-ci puisqu’il a failli à son devoir d’exercer conjointement son autorité parentale avec Madame.
[107] X témoigne que lorsqu’il était plus jeune, il avait une relation saine et cordiale avec sa mère, qu’il aimait. Il s’entendait bien avec le père de son frère Y qui habitait avec eux jusqu’à leur rupture. Il n’appréciait pas le conjoint subséquent de sa mère.
[108] Vers 2010, à la suite de la naissance de son frère, sa mère a vécu des moments difficiles et il ne conserve pas de bons souvenirs de cette période. Il résidait alors avec son père durant la semaine et avec sa mère les fins de semaine.
[109] À compter de 2013, alors que X est en sixième année, son comportement d’opposition envers sa mère s’accentue. Ces difficultés ne sont pas présentes dans le milieu paternel.
[110] Lors d’une séance tenue vers 2014, en présence de la Dre Guylaine Alain, psychologue, X manque de respect envers sa mère et tient des propos insultants à son endroit. Il verbalise qu’elle est folle, s’habille mal et n’est pas « cool » comme les autres mamans.
[111] Les propos de X sont tels que Monsieur juge nécessaire d’intervenir pour arrêter le discours de l’enfant. Monsieur témoigne qu’il prend alors conscience de l’ampleur du conflit opposant l’enfant à sa mère.
[112] X explique ses propos et agissements dans le milieu maternel par le fait qu’il était un enfant « difficile à gérer, têtu et arrogant » qui cherchait à comprendre le « pourquoi » des règles et refusait de s’y astreindre sans explication ou négociation.
[113] Le changement des modalités de garde, à compter de son entrée au secondaire, s’avère laborieux. Il éprouve de la difficulté à s’intégrer au milieu scolaire. Il ne réussit pas à côtoyer ses copains de classe la fin de semaine puisque l’arrangement de garde fait en sorte qu’il est à Ville A, avec son père, à chaque fin de semaine ainsi que la majeure partie de l’été.
[114] Le cadre de vie mis en place par sa mère irrite X et engendre de grosses chicanes souvent pour des peccadilles. Peu à peu l’environnement lui apparait toxique et le climat est exacerbé par les agissements du nouveau conjoint de sa mère à son endroit.
[115] X explique que les chicanes faisaient partie de son quotidien. La contrainte physique était utilisée par sa mère et son conjoint pour le diriger vers sa chambre lorsque la tension était trop vive.
[116] Madame reconnaît que lorsque X était en crise, la seule façon sécuritaire de résoudre le conflit était de le contraindre à gagner sa chambre pour qu’il se calme.
[117] Lorsque sa mère sévissait à son endroit, X appelait son père à son secours. Celui-ci lui prodiguait des conseils pour l’aider à s’apaiser.
[118] Monsieur explique qu’il agissait comme un « pompier » lorsqu’une chicane éclatait entre X et Madame. X lui téléphonait et il lui donnait des outils pour l’aider à gérer ses frustrations. Il lui mentionnait que l’écriture permet de diminuer la colère et que ses écrits pourraient servir plus tard « s’il devait prouver des choses ».
[119] Les conflits entre X et Madame culminent jusqu’à ce qu’une altercation physique les oppose en 2015, pour une banale histoire d’émission de télévision et d’un devoir à compléter.
[120] Bien que les versions de X et de sa mère ne soient pas tout à fait convergentes, ils reconnaissent qu’au cours de leur affrontement, X a perdu le contrôle et en est venu à serrer ses mains autour du cou de sa mère. La grand-mère maternelle, présente sur les lieux, témoigne qu’elle a eu peur ce soir-là en voyant X s’imposer à sa mère par la force.
[121] X témoigne que lors de cet incident, sa mère a mis sa main sur sa tempe avec force, ce qui a engendré une réaction intense de sa part. Il s’est violemment opposé à sa mère parce que, malgré la demande de celle-ci, il insistait pour terminer son émission télévisée avant de compléter son devoir.
[122] Il estime que les policiers n’ont pas donné suffisamment de poids à sa version des évènements. À la suite de leur intervention, ceux-ci lui ont mentionné qu’il pouvait se considérer chanceux que sa mère ne porte pas plainte.
[123] La version des évènements, relatée par X, amplifie les agissements de sa mère et minimise les siens. Elle ne concorde pas avec le récit des faits rapportés par sa grand-mère et les mises en garde effectuées par les policiers.
[124] Monsieur reconnaît, lors de son témoignage, avoir mentionné à X qu’il avait bien fait de se défendre contre sa mère pour faire valoir son point de vue.
[125] Les récits de X concernant l’incident survenu au Portugal ainsi qu’un autre survenu lors d’un voyage en ski, sont aussi teintés par une certaine exagération des faits. Il est peu probable qu’il soit demeuré confiné dans sa chambre d’hôtel durant cinq jours et que sa mère lui en ait voulu de gâcher sa semaine de ski, alors qu’elle n’est pas friande de cette activité.
[126] Les souvenirs que X conserve des chicanes survenues dans le milieu maternel démontrent que sa souffrance demeure vive.
[127] À une occasion, en 2015, Madame envoie X réfléchir dans sa chambre. L’enfant appelle son père à son secours. Monsieur juge nécessaire, sans investiguer auprès de Madame, de contacter les policiers pour s’assurer que la sécurité de X n’est pas compromise. Aucun des faits rapportés par l’enfant ne justifiait Monsieur de requérir l’intervention des forces policières.
[128] Par ses agissements, Monsieur s’allie à X et fait équipe avec lui. Il devient son protecteur contre l’exercice, par Madame, de son autorité parentale. Monsieur ne fait jamais équipe avec Madame pour recadrer X. Il tient pour acquis qu’elle est fautive et que X requiert sa protection.
[129] Fort du soutien indéfectible de son père, X se croit tout permis en présence de sa mère puisque son père valide ses agissements.
[130] X adopte d’ailleurs un comportement méprisant similaire à l’endroit d’une professeure du Collège B, à la suite d’un propos maladroit tenue par celle-ci. Monsieur approuve le comportement irrespectueux de l’enfant en expliquant que cette professeure faisait l’objet de diverses plaintes et n’était pas appréciée.
[131] En recevant l’approbation de son père, X se sent autorisé à dénigrer les personnes qu’il choisit de ne pas respecter, comme sa mère ou une professeure.
[132] Il témoigne ne pas se sentir écouté par sa mère ou encore par les policiers lors de leurs interventions. Son père est la seule personne qui l’écoute vraiment.
[133] Au printemps 2015, à la suggestion du pédiatre de l’enfant, Madame retient les services de Fanie-Claude Dumont, psychoéducatrice, afin d’améliorer le climat familial plutôt tendu.
[134] X explique alors à son père que « cette femme-là, elle vient pour me faire obéir aux ordres de maman ». Monsieur ne recadre pas le discours de l’enfant et son inaction confirme l’enfant dans son désir de ne pas collaborer au processus entrepris par Madame. Une telle opposition est d’ailleurs alignée avec celle de Monsieur qui refuse de participer au suivi de la Dre Dumont.
[135] Cette même alliance entre la position de Monsieur et celle de l’enfant survient lors de l’audition de la demande d’expertise psychosociale de Madame. Monsieur et l’enfant contestent cette demande. En dépit de l’ordonnance rendue par la juge Paquette, X refuse de collaborer et torpille l’initiative de Madame.
[136] Lors de l’incident du passeport, survenu en décembre 2015, Monsieur reconnaît avoir verbalisé à X que sa mère les empêchait de partir en vacances, ce qui était faux. Monsieur ne lui a évidemment pas mentionné qu’il était à l’origine de cette tempête dans un verre d’eau, pour avoir refusé, sans motif valable, d’assumer la moitié du coût du renouvellement du passeport, s’élevant à 28,50 $.
[137] À deux reprises, avant l’incident du 31 août 2016, Madame sollicite l’assistance de Monsieur afin que X puisse retourner vivre avec lui parce qu’il était malheureux. Monsieur ne s’est pas mobilisé et a procrastiné, malgré la détresse vécue par son fils.
[138] À compter du 2 septembre 2016, X habite chez son père. Madame éprouve de plus en plus de difficultés à obtenir des informations pertinentes concernant son fils. Celui-ci refuse de communiquer avec elle, sous quelque forme que ce soit. Monsieur tarde à l’informer de la situation de l’enfant et tient Madame à l’écart. La rupture du lien mère-enfant se cristallise.
[139] En 2020, X complète son parcours collégial et manifeste à son père le désir de poursuivre une formation universitaire à [l’Université B]. Encouragé par celui-ci, il entreprend des démarches et est accepté dans le programme convoité. Ce projet nécessite un soutien financier important que Monsieur ne peut assumer seul. Peu de temps avant la date butoir, Monsieur fait part de ce projet à Madame afin d’obtenir une contribution financière de sa part.
[140] En dépit de la rupture des liens par X, du fait qu’elle n’ait pas été consultée par Monsieur en temps opportun et du court délai restant avant la date butoir, Madame accepte de considérer le projet proposé afin d’y contribuer financièrement.
[141] Devant l’intransigeance de X, elle doit toutefois se retirer puisqu’il refuse de loger en résidence universitaire et insiste pour bénéficier d’un appartement, ce qui fait gonfler significativement les coûts du projet.
[142] X est déçu. Madame porte le blâme de cette déception alors que c’est Monsieur qui a encouragé l’enfant à poursuivre un projet qu’ils n’avaient pas la capacité financière d’assumer seuls, sans s’assurer d’obtenir, au préalable et en temps opportun, l’accord de Madame.
[143] L’ensemble de ces faits représente autant d’exemples précis, échelonnés sur plusieurs années, démontrant de manière prépondérante que Monsieur a engendré un conflit de loyauté menant à la rupture des liens entre Madame et l’enfant.
[144] Monsieur a systématiquement ignoré Madame et a agi seul dans l’exercice de l’autorité parentale à l’égard de X. En exerçant son autorité parentale de manière unilatérale, à l’exclusion de Madame, il a discrédité, aux yeux de X, l’apport de celle-ci en le réduisant à sa seule contribution financière.
[145] Madame a tenté de résoudre les difficultés vécues avec X en retenant les services de plusieurs professionnels chevronnés afin de rebâtir le lien d’attachement de son fils envers elle.
[146] Chacune de ses initiatives a été minée par le refus systématique de Monsieur de collaborer activement à ces démarches; entraînant l’enfant dans son sillon. Ce faisant, Monsieur a renforcé le comportement d’opposition de X envers sa mère, créé une alliance indéfectible de X envers lui et aliéné l’affection de X envers sa mère.
[147] X présente toutes les caractéristiques d’un enfant dont l’affection qu’il portait à sa mère, jusqu’en 2013, a été aliénée par les agissements de son père. Fort du soutien de celui-ci, X a adopté des comportements d’opposition de plus en plus marqués à l’égard de sa mère et l’a écartée de sa vie. La rupture des liens entre X et sa mère a renforcé la loyauté mutuelle entre le père et le fils. X a :
- adopté un comportement nettement différent dans le milieu de vie paternel;
- bénéficié d’une coalition avec son père et créé une distanciation avec sa mère;
- discrédité sa mère et adopté des comportements irrespectueux ou agressifs envers celle-ci;
- adopté un discours emprunté à son père quant à son besoin de liberté et de négocier les règles de vie, pour justifier ses agissements;
- arrimé son comportement à celui de son père quant à son refus de participer activement aux suivis ou évaluations psychologiques;
- manipulé la réalité en exagérant à outrance les agissements de sa mère à son égard lors de leurs altercations, en se victimisant, en prenant le parti de son père et en ne faisant preuve d’aucun sentiment de culpabilité malgré ses propres agissements envers sa mère; et,
- rejeté sa famille maternelle, sous réserve de certains contacts sporadiques avec ses oncles et le maintien de ses contacts avec son frère.
[148] X explique avoir besoin de temps pour rétablir ses liens avec sa mère. Force est de constater que le temps déjà écoulé, plus de six ans, ne lui a pas permis de cheminer en ce sens.
[149] Le Tribunal doute de la sincérité des intentions de X quant à une éventuelle reprise des contacts. Les faits démontrent plutôt qu’en septembre 2016, la rupture s’est cristallisée.
[150] Madame a entrepris une dernière tentative de rapprochement en lui écrivant une lettre. X en a pris connaissance, mais demeure dubitatif. Il aurait voulu y lire des excuses de la part de sa mère quant à ses agissements à son endroit.
[151] Il n’est pas surprenant que cette tentative n’ait pas porté ses fruits. Elle est reçue avec le même scepticisme que celui adopté par Monsieur et X à l’égard de tous les psychologues interpellés par Madame et toutes les initiatives mises de l’avant.
[152] Seule une véritable action concertée entre Madame et Monsieur, où celui-ci reconnaîtrait avoir éloigné, par ses propos et agissements, X de sa mère, permettrait possiblement à X de prendre conscience de la souffrance causée par les agissements de son père et de leur influence indue sur sa propre appréciation des circonstances.
[153] Une personne raisonnable, placée dans les mêmes circonstances que celles vécues par Monsieur, aurait été préoccupée par l’animosité développée par l’enfant envers sa mère et aurait collaboré activement à la recherche de moyens concrets pour préserver les liens de l’enfant avec celle-ci.
[154] Le Tribunal conclut qu’en l’espèce, le comportement de Monsieur constitue une faute à l’endroit de Madame puisqu’il a systématiquement refusé, depuis au moins 2014, d’exercer conjointement l’autorité parentale avec celle-ci. Monsieur a plutôt créé une alliance avec X et choisi d’alimenter les ressentiments de l’enfant envers sa mère.
[155] Pour l’ensemble de ces motifs, le Tribunal conclut que, par ses agissements, Monsieur a aliéné l’affection de X envers sa mère et que son comportement constitue une faute engageant sa responsabilité civile envers Madame.
[156] Il ne s’agit pas d’un « cas pur » d’aliénation parentale, puisque Madame a adopté, à certaines occasions, un comportement rigide et a usé de mesures disciplinaires discutables. Ce faisant, elle a contribué à la distanciation de l’enfant.
[157] X témoigne avoir fait l’objet de sévices physiques par sa mère ou le troisième conjoint de celle-ci, telles que des ecchymoses et des égratignures, lors des altercations qui survenaient en moyenne trois fois par semaine.
[158] Aucun fait objectif ne corrobore son témoignage sur l’existence de tels sévices. Dans son rapport d’octobre 2016, la DPJ ne les mentionne pas[54].
[159] Par ailleurs, même si X conserve un souvenir amplifié du nombre d’altercations et du préjudice qu’il aurait subi durant celles-ci, il n’en demeure pas moins que l’utilisation de la contrainte physique pour le forcer à gagner sa chambre ou encore le manque de souplesse dans l’application des règles de vie ainsi que les circonstances entourant son expulsion du domicile maternel, sont des éléments qui ont contribué à renforcir la distanciation de X.
[160] Ces agissements de Madame n’expliquent toutefois pas la rupture complète des liens de X avec sa mère et sa famille maternelle.
[161] X témoigne que les procédures entreprises par sa mère au cours de l’instance n’ont fait qu’accroître sa frustration à son égard.
[162] Il lui reproche d’avoir insisté sur la tenue d’une expertise psychosociale, malgré son refus catégorique d’y collaborer. Il n’y a pas lieu de retenir ce reproche comme constituant une faute de la part de Madame. Les faits, d’abord allégués devant la juge Paquette et ensuite mis en preuve à l’instruction, justifiaient amplement la tenue d’une telle expertise, et ce, en dépit de l’opposition de X et de son père.
[163] Une telle expertise aurait permis à X de bénéficier d’un éclairage objectif sur une situation complexe et douloureuse.
[164] X ajoute que l’absence de reprise de contacts est également justifiée par les contacts supervisés entre son frère et lui que sa mère souhaitait imposer ainsi que par le refus de sa mère à consentir, à la première occasion, à son changement d‘école pour l’année scolaire 2017-2018. Ces démarches lui ont causé un stress et des inconvénients inutiles.
[165] Bien que Madame ait posé certains gestes envers X qui auraient dû être évités, le Tribunal ne peut pas conclure que, ce faisant, elle a contribué à alimenter le conflit de loyauté de l’enfant et le préjudice découlant de la rupture des liens mère-enfant.
[166] À l’instruction, X témoigne avec assurance. D’entrée de jeu, il se nomme X et omet volontairement [...], son second nom de famille. Ceci démontre l’importance de la rupture de ses liens avec sa famille maternelle.
[167] X exprime ne plus ressentir de colère envers sa mère. L’ensemble de son témoignage permet toutefois de conclure que le ressentiment qu’il éprouve à son endroit demeure toujours présent. Il n’exprime ni doute ni regret ni tristesse à l’égard de la rupture de leurs liens.
[168] Au fil des ans, Madame a perdu toute influence sur cette relation qui lui a échappée. Elle a initié de multiples démarches pour rétablir les liens avec son fils, sans succès. La passivité de Monsieur et son scepticisme à l’égard des pistes de solutions proposées par Madame ont contaminé les sentiments de X envers sa mère et miné tous ses efforts.
[169] La rupture par X, depuis près de six ans, de ses liens avec sa mère est l’une des douloureuses conséquences des agissements de son père.
[170] Malgré que certains agissements de Madame aient pu contribuer à la distanciation de l’enfant, les nombreuses altercations n’auraient pas conduit à la rupture de la relation, n’eut été de l’alliance de Monsieur avec X, à l’exclusion de Madame.
[171] Encore à ce jour, X est convaincu que son père est étranger à son besoin de loyauté indéfectible envers lui. Il minimise les carences de son père et se range, sans nuance, de son côté. Il entretient un ressentiment profond à l’endroit de sa mère, s’apparentant à de la haine. Dans Droit de la famille — 51249, le juge Simon Ruel, alors de la Cour supérieure écrit[55] :
[61] Comme l’indique le juge Gomery dans l’affaire S. v. C. : [TRADUCTION] « La haine n’est pas une émotion que l’on rencontre naturellement chez un enfant. Elle doit être apprise. […] ». Le Tribunal est d’accord avec cette affirmation.
[Référence omise]
[172] Il y a lieu de compenser Madame pour le préjudice subi en raison du comportement fautif de Monsieur, bien que le Tribunal soit conscient que dans de telles circonstances, l’octroi d’une compensation financière demeure arbitraire puisqu’elle vise à réparer une perte d’affection, difficilement quantifiable.
[173] Puisque le Tribunal estime que Madame n’a pas contribué à la rupture de ses liens avec X et au préjudice en découlant, il n’y a pas lieu de partager la responsabilité du préjudice subi[56].
[174] Le Tribunal accordera à Madame un montant de 30 000 $ afin de compenser le préjudice découlant des agissements de Monsieur.
[175] Il y a lieu d’ajouter que si X persiste à vouloir mettre fin à toute relation avec sa mère, en adoptant une attitude équivalant à de l'ingratitude caractérisée, il risque de perdre son droit à une contribution financière de la part de sa mère ou de voir celui-ci réduit[57].
[176] Dans une telle éventualité, Madame pourra requérir que le Tribunal réduise ou mette fin à son obligation alimentaire envers X.
[177] Compte tenu des décisions du Tribunal en réponse aux questions précédentes, il y a lieu de rejeter la demande en déclaration d’abus de Monsieur, en rejet et en dommages-intérêts.
[178] ACCUEILLE, en partie, la Demande rereremodifiée de Madame, datée du 21 mars 2022;
[179] CONDAMNE R... T... à payer à I... L... un montant de 30 000 $ à titre de dommages-intérêts compensatoires en raison de ses comportements aliénants ayant entraîné la rupture du lien mère-fils, avec intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle, à compter du 15 février 2019, date de la notification de la Demande remodifiée de Madame réclamant des dommages-intérêts, datée du 15 février 2019;
[180] REJETTE la Demande du demandeur en déclaration d’abus de plusieurs conclusions de la demande remodifiée de la défenderesse datée du 15 février 2019;
[181] SANS frais, dans tous les cas.
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| ÉLISE POISSON, J.C.S. | |
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Me Suzanne Guillet | ||
Me Diane Roy | ||
GUILLET, ROY, PROULX, AVOCATES | ||
Avocates du demandeur | ||
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Me Bernard Côté | ||
GILBERT SÉGUIN GUILBAULT AVOCATS SOCIÉTÉ NOMINALE | ||
Avocats de la défenderesse | ||
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Dates d’audience : | Les 22, 23, 24 mars et 5 avril 2022 | |
[1] directives aux parties – Seules les parties et leurs avocats ont accès à la version non-anonymisée du jugement. Toute diffusion, en tout ou en partie, de cette version est en conséquence interdite. L’anonymat des parties et des enfants sera protégé dans la version publique du jugement.
[2] Au cours de l’argumentation, l’avocat de Madame informe le Tribunal que la demande de provision pour frais est devenue sans objet à la suite des deux ententes conclues en règlement des obligations alimentaires des parties.
[3] Pièce D-15, p. 7-10.
[4] Pièce D-15, p. 10.
[5] Pièce D-28, p. 17/19.
[6] Pièce D-28, p. 7/19.
[7] Pièce D-28.
[8] Pièce D-28, p. 9/19 et 10/19.
[9] Pièce D-28, p. 14/19.
[10] Pièce D-28, p. 17/19.
[11] Pièce D-14, p. 13/16, texto de Mme Dumont du 13 janvier 2016.
[12] Pièce D-13.
[13] Pièce D-34.
[14] Pièce D-34.
[15] Pièce D-32.
[16] Pièce P-1.
[17] Demande pour expertise psychologique, interdiction de contacts, contacts supervisés, ajustement de pension alimentaire et frais particuliers, 11 novembre 2016, par. 39 et 40.
[18] Consentement intérimaire pour valoir jusqu’au 1er février 2017 en date du 15 décembre 2016, par. 14.
[19] Consentement intérimaire pour valoir jusqu’au 24 mars 2017 en date du 15 février 2017, par. 5.
[20] Demande pour expertise psychologique, interdiction de contacts, contacts supervisés, ajustement de pension alimentaire et frais particuliers, par. 43 b).
[21] Droit de la famille — 191982, 2019 QCCA 1659.
[22] Droit de la famille — 201493, 2020 QCCS 3296.
[23] J.E. 87-1003, [1987] 2 R.C.S. 99.
[24] Id.
[25] 1991, c. 64, a. 1457.
[26] 2007 CSC 54, J.E. 2008-68.p
[27] Id., par. 3.
[28] LRC 1985, c 3 (2e suppl).
[29] Racine c. Harvey, 2005 QCCA 879, par. 14.
[30] J.T. c. B.P., 2020 QCCS 2183, par. 163 ; Racine c. Harvey, [2004] R.D.F. 1016 (C.Q.), par. 12 ; Droit de la famille — 2207, [1995] R.J.Q. 1506 (C.S.).
[31] M.T. c. J-Y. T., 2008 CSC 50, par. 28 ; article 422 C.c.Q.
[32] J.T. c. B.P., 2020 QCCS 2183, par. 158.
[33] K.I. c. J.H., 2019 QCCA 759.
[34] Droit de la famille — 172 341, 2017 QCCA 1563 ; K.G. c. A.P., 2006 QCCA 373 ; Droit de la famille — 1997, [1994] R.D.F. 426 (C.A.).
[35] [1995] R.J.Q. 1506 (C.S.).
[36] Voir note 9, par. 9 [J.E. 87-1003, [1987] 2 R.C.S. 99].
[37] Droit de la famille — 20473, 2020 QCCA 482, par. 38.
[38] 2007 QCCS 4401.
[39] 2017 QCCS 387.
[40] 2012 QCCS 5827.
[41] Demande rereremodifiée, 21 mars 2022.
[42] Pièce P-23.
[43] Pièce D-26.
[44] Intervenir dans des situations de séparation hautement conflictuelle et d’aliénation parentale, https://ordrepsy.qc.ca/documents/26707/165274/Notes+de+cours+-+Francine+Cyr/3aabae9c-d121-4626-bc27-7edd029298fb?version=1.0, p. 12 à 21.
[45] RLRQ, c. P-34.1, art. 35 : Le directeur et toute personne qui agit en vertu des articles 32 ou 33 ne peuvent être poursuivis en justice pour des actes accomplis de bonne foi dans l’exercice de leurs fonctions.
[46] Le Centre jeunesse Gaspésie/Les Îles et al c. R.-J.L., J.E. 1168-2004 (C.A., 18 mai 2004), par. 24.
[47] C.c.Q., art. 33 et art. 600.
[48] Le Centre jeunesse Gaspésie/Les Îles et al c. R.-J.L., préc., note 46.
[49] BAUDOIN, Jean-Louis, DESLAURIERS, Patrice et MOORE Benoît, La responsabilité civile, 9e édition, Vol. I : Principes généraux, Éd. Yvon Blais, par. I-164.
[50] J.E. 87-1003 [1987] 2 R.C.S. 99.
[51] Id.
[52] Droit de la famille — 2110, 2021 QCCS 46, par. 193 à 203; Droit de la famille — 17195, 2017 QCCS 387, par. 144 à 146; Voir aussi Droit de la famille — 151249, 2015 QCCS 2460, par. 77 à 104, portant sur le changement de garde dans un contexte d’aliénation parentale.
[53] Intervenir dans des situations de séparation hautement conflictuelle et d’aliénation parentale, https://ordrepsy.qc.ca/documents/26707/165274/Notes+de+cours+-+Francine+Cyr/3aabae9c-d121-4626-bc27-7edd029298fb?version=1.0, p. 12.
[54] Pièce P-1.
[55] Droit de la famille — 151249, 2015 QCCS 2460.
[56] C.c.Q., art. 1478.
[57] Droit de la famille — 151520, 2012 QCCA 1143, par. 37.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.