Resnik c. Cassis |
2012 QCRDL 23439 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau de Montréal |
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No : |
31 120528 017 G |
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Date : |
09 juillet 2012 |
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Régisseure : |
Luce De Palma, juge administratif |
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Susan Resnik |
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Locatrice - Partie demanderesse |
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c. |
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Aline Cassis |
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Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] Le 28 mai 2012, la locatrice demandait au Tribunal l’émission d’une ordonnance intimant à la locataire de lui donner accès à son logement afin de l’inspecter et de le faire visiter par d’éventuels acquéreurs.
[2] Lors de l’audience, l’époux et mandataire de la locatrice précisait également requérir cet accès pour effectuer des réparations dans ce logement.
[3] Il appert de la preuve que les parties sont liées par un bail pour la période du 1er juillet 2011 au 30 juin 2012 au loyer mensuel de 1 250 $.
[4] Au soutien de la présente demande, le mandataire de la locatrice explique qu’il lui est très difficile d’accéder au logement de la locataire pour y effectuer des réparations, de même que pour l’inspecter, cette dernière faisant preuve de peu de disponibilités et d’un manque de coopération notable.
[5] De plus, depuis les derniers mois, son épouse et lui souhaitent vendre cette maison.
[6] Bien que la locataire soit au courant de ce projet, de même que du fait que la locatrice a donné mandat à une agente immobilière, pour ce faire, celle-ci n’a pu accéder au logement, à ce jour. Elle ne peut même y prendre des photos, non plus que l’exposer sur le réseau MLS. En effet, appert-il des courriels échangés avec cette agente immobilière, la locataire ne s’est guère montrée disponible afin que cette opération soit menée à bien, précise-t-il.
[7] Le mandataire de la locatrice ajoute souhaiter que la locataire permette l’accès au logement deux jours par semaine afin qu’il y soit procédé à des réparations et afin de permettre à l’agente immobilière de le faire visiter par des acheteurs potentiels.
[8] De son côté, la locataire juge cette demande tout à fait déraisonnable et souhaite que tout accès à son logement soit motivé par un avis approprié, à tout le moins.
[9] La locataire explique par ailleurs avoir amplement permis l’accès à son logement à locatrice pour que des réparations y soient faites, comme elle le lui demande, au demeurant, mais affirme avoir déploré des manquements, de son côté.
[10] A plusieurs reprises, soutient-elle, elle a attendu des ouvriers en vain, ou a dû composer avec des gens qui arrivaient sans avis préalable.
[11] Aussi, précise-t-elle, elle exige maintenant un avis de 24 heures avant toute visite de son logement par un ouvrier ou par la locatrice.
[12] Elle affirme être de bonne foi et chercher simplement à s’entendre avec la locatrice quant à des dates et des heures convenables pour les visites, opération qui est laborieuse, alors que la locatrice ne communique pas avec elle de façon claire quant aux buts et moments des visites.
[13] Elle déclare aussi éprouver des difficultés à s’entendre avec l’époux de la locatrice et avoir convenu avec cette dernière que celle-ci devait être elle-même présente, lors de chaque visite, lorsque des réparations doivent être faites, non ce dernier, ce qui n’est pas le cas.
[14] Elle souligne également qu’en avril dernier, la locatrice lui écrivait finalement, par courriel, qu’elle souhaitait essentiellement la rencontrer pour « discuter du bail », de sorte qu’il est faux de prétendre qu’elle refusait alors une inspection du logement, comme le laisse entendre cette dernière dans sa mise en demeure.
[15] Quant à l’agente immobilière qui a requis l’accès au logement, elle souligne qu’elle ne lui a pas été présentée par la locatrice, mais que cette agente l’a jointe sur son téléphone cellulaire, lors même qu’elle ne l’avait pas autorisée à divulguer ce numéro.
[16] De plus, elle ne lui a pas refusé l’accès aux lieux, mais elle a simplement tenté de s’entendre avec elle sur un moment qui lui convenait. Elle n’a plus eu de nouvelles de la part de cette dernière, après quelques conversations en ce sens.
[17] Au terme de leurs témoignages, les parties soumettent nombre de lettres et courriels traitant notamment de l’accès à ce logement.
[18] Le mandataire de la locatrice présente également une vidéo montrant la locataire refusant d’accepter une lettre que son épouse et lui souhaitent lui remettre, après qu’elle eu répondu à la porte.
[19] Sur ce, la locataire tient à préciser qu’elle était alors souffrante et qu’elle devait se rendre chez le médecin.
[20] Concernant la visite
d’un logement pour y faire des réparations, l’inspecter ou le faire visiter par
des acquéreurs potentiels, les articles
« 1931. Le locateur est tenu, à moins d'une urgence, de donner au locataire un préavis de vingt-quatre heures de son intention de vérifier l'état du logement, d'y effectuer des travaux ou de le faire visiter par un acquéreur éventuel.»
« 1932. Le locataire peut, à moins d'une urgence, refuser que le logement soit visité par un locataire ou un acquéreur éventuel, si la visite doit avoir lieu avant 9 heures et après 21 heures; il en est de même dans le cas où le locateur désire en vérifier l'état.
Il peut, dans tous les cas, refuser la visite si le locateur ne peut être présent.»
« 1933. Le locataire ne peut refuser l'accès du logement au locateur, lorsque celui-ci doit y effectuer des travaux.
Il peut, néanmoins, en refuser l'accès avant 7 heures et après 19 heures, à moins que le locateur ne doive y effectuer des travaux urgents.»
(notre soulignement)
[21] Après analyse de la preuve soumise et une étude minutieuse de la documentation déposée ayant trait à l’accès de ce logement, le Tribunal, sans nier le fait que la locataire a sans doute maintes fois permis l’accès à son logement pour que des réparations y soient effectuées, se voit tout de même forcer de constater qu’elle tient à ce que toute visite de son logement se fasse non seulement aux conditions prévues à la loi, ce qui est son droit, mais également lorsqu’elle est disponible.
[22] Elle affirme notamment, au terme de ses lettres, se réserver le droit de refuser ou de décommander une visite si elle juge avoir un motif raisonnable, pour ce faire.
[23] Le Tribunal estime qu’à cet égard, le bât blesse.
[24] En effet, le législateur a prescrit de façon détaillée les modalités du droit de visite d’un logement, alors que les exigences additionnelles de la locataire sont anormalement lourdes lorsque la locatrice souhaite avoir accès au logement pour les fins mentionnées à la loi. Il est vrai que la locataire se voit forcer de subir quelques intrusions dans sa vie privée, du fait de ces visites, mais le législateur l’a prévu ainsi.
[25] Compte tenu des articles précités, donc, il appert que la locatrice a le droit d’accéder à ce logement pour y faire des réparations, ou de l’inspecter dans le but de le vendre, notamment, aux heures prévues à la loi, et ce, à la seule condition qu’elle donne à la locataire un préavis de 24 heures et qu’elle soit elle-même présente. Elle peut également permettre à un mandataire de la représenter, lors de ces visites.
[26] De son côté, la locataire doit se rendre disponible, si elle tient à être également présente, lors de telles visites. Si elle doit s’absenter au moment requis pour la visite, elle doit voir à se faire représenter par un mandataire, si elle ne souhaite pas que celle-ci ait lieu sans supervision.
[27] Par ailleurs, en l’espèce, la preuve ne démontre pas que la locataire a pris entente de façon particulière avec la locatrice afin que toute visite du logement soit faite en sa présence et non en présence de son époux et mandataire.
[28] Aussi, étant donné les restrictions de visites trop importantes imposées par la locataire, dont celles imposées à l’agente immobilière qui souhaite prendre des photos, appert-il, le Tribunal n’a d’autre choix que de rendre une ordonnance l’enjoignant de permettre l’accès à son logement à la locatrice, ou à ses mandataires autorisés, pour y faire des réparations, l’inspecter et, conséquemment, pour le faire visiter par des acquéreurs éventuels et ce, sans autres conditions que celles prévues aux articles de loi précités.
[29] Le Tribunal ne peut faire droit à la requête précise de la locatrice quant à un libre accès au logement deux jours par semaine, devant le désaccord de la locataire, et compte tenu du fait que la loi prévoit des modalités précises afin d’avoir accès à un logement, tel que déjà précisé.
[30] Il va sans dire, donc, que la locatrice devra, elle aussi, exercer en tout temps son droit de façon raisonnable et non excessive. Elle ne pourra, notamment, pénétrer dans le logement de la locataire sans sa permission, sauf en cas d’urgence, étant donné les droits reconnus à la Charte des droits et libertés de la personne, permission qui devra toutefois lui être accordée sans autres conditions que celles prévues par la loi, lorsque légalement requise.
[31] En ce qui a trait aux frais judiciaires, le Tribunal estime que chacune des parties doit en assumer une part égale, étant d’avis que nombre de problèmes de communication émanant des uns comme des autres sont à la base de la présente demande.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[32] ORDONNE à la locataire de permettre à la locatrice ou à ses mandataires autorisés d’accéder à son logement afin d’y faire des réparations, de l’inspecter ou de le faire visiter par d’éventuels acquéreurs et ce, moyennant un préavis de 24 heures et aux conditions prévues à la loi;
[33] CONDAMNE la locataire à payer à la locatrice la somme de 38 $ à titre de frais judiciaires.
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Luce De Palma |
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Présence(s) : |
le mandataire de la locatrice la locataire |
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Date de l’audience : |
18 juin 2012 |
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AVIS :
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appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.