Décision

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COUR D'APPEL

Canada (Procureur général) c. Barreau du Québec

2014 QCCA 2234

 

COUR D'APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE MONTRÉAL

 

N:

500-09-024462-145

 

(500-17-074826-127)

 

 

PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE

 

 

DATE :

Le 4 décembre  2014

 

CORAM : LES HONORABLES

PAUL VÉZINA, J.C.A.

MANON SAVARD, J.C.A.

MARTIN VAUCLAIR, J.C.A.

 

APPELANT

AVOCATS

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

Me MARC RIBEIRO

Me ÉRIC LAFRENIÈRE

(MINISTÈRE DE LA JUSTICE CANADA)

 

INTIMÉ

AVOCATS

 

LE BARREAU DU QUÉBEC

 

 

Me GIUSEPPE BATTISTA

(SHADLEY BATTISTA COSTOM S.E.N.C.)

Me LOUIS BELLEAU

(Louis Belleau, Avocat)

 

MISE EN CAUSE

AVOCAT

 

LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC

 

 

Me JEAN-YVES BERNARD (absent)

(DIRECTION GÉNÉRALE DES AFF. JUR. ET LÉGIS.)

 

 

En appel d'un jugement rendu le 1er mai 2014, par l'honorable André Roy, de la Cour supérieure, district de Montréal.

 

 

NATURE DE L'APPEL :

 
Irrecevabilité - intérêt du Barreau à contester des amendements à la Loi sur la sécurité des rues et des communautés

 

Greffière d’audience : Marcelle Desmarais

Salle : Antonio-Lamer


 

 

AUDITION

 

 

9 h 34

Argumentation par Me Marc Ribeiro.

11 h 02

Suspension de la séance.

11 h 22

Reprise de la séance.

11 h 22

Suite de l'argumentation de Me Marc Ribeiro.

11 h 45

Fin de l'argumentation de Me Marc Ribeiro.

11 h 45

Suspension de la séance.

11 h 50

Reprise de la séance.

11 h 50

Argumentation par Me Giuseppe Battista.

12 h 08

Réplique par Me Marc Ribeiro.

12 h 10

Fin de l'argumentation de part et d'autre.

12 h 10

Suspension de la séance.

12 h 16

Reprise de la séance.

12 h 16

Arrêt unanime prononcé par la Cour: Pour des motifs qui seront déposés au procès-verbal, l'appel est rejeté avec dépens. - voir page4.

 

 

 

 

 

 

 

 

Greffière d’audience

 


PAR LA COUR

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           L'appelant se pourvoit contre un jugement interlocutoire de la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable André Roy), qui, le 1er mai 2014, rejette sa requête en irrecevabilité portant sur l’absence d’intérêt à agir de l’intimé[1].

* * * * *

[2]           Le 13 mars 2012, la Loi sur la sécurité des rues et des communautés[2] (« la Loi sur la sécurité ») est sanctionnée. Sa deuxième partie a pour but de modifier le Code criminel[3] et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances[4] en prévoyant des peines minimales d’emprisonnement pour certaines infractions, et en renforçant la peine minimale d’emprisonnement déjà prévue pour d’autres infractions. Les modifications visent des infractions tels la pornographie juvénile ou l’exploitation sexuelle d’enfants, le trafic, l’importation, l’exportation ou la production de certaines drogues.

[3]           Le 23 novembre 2012, l’intimé dépose une requête en jugement déclaratoire, dans laquelle il demande à la Cour supérieure de se pencher sur la constitutionnalité des dispositions de la Loi sur la sécurité portant sur les peines minimales. Plus précisément, l’intimé plaide que ces dispositions, imposant en bloc près de 94 peines minimales d’emprisonnement, contreviennent aux articles 7, 12 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés[5] (« Charte ») et violent les principes de l’indépendance judiciaire et de la séparation des pouvoirs.

[4]           L’appelant signifie une requête en irrecevabilité, fondée sur l’article 165 (3) C.p.c. Il prétend que l’intimé n’a pas l’intérêt pour agir, notamment car il n’est pas, et ne peut pas être visé par l’une des dispositions en cause. Il ne devrait pas non plus se voir reconnaître la qualité d’agir dans l’intérêt public.

* * * * *

[5]           Le juge de première instance rejette la requête en irrecevabilité de l’appelant, après avoir étudié les trois facteurs, repris par la Cour suprême dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Downtown Eastside Sex Workers United Against Violence Society[6] (« Downtown Eastside »), qui doivent être pris en compte afin de juger de la qualité pour agir dans l’intérêt public : une question justiciable sérieuse, l’intérêt réel ou véritable du demandeur dans l’issue de cette question, et une manière raisonnable et efficace de soumettre la question aux tribunaux.

[6]           Le demandeur qui souhaite se voir reconnaître la qualité pour agir doit convaincre le tribunal que ces trois facteurs, appliqués d’une manière souple et téléologique, militent en faveur d’une telle reconnaissance. Cette détermination relève du pouvoir discrétionnaire du tribunal :

(4) Le pouvoir discrétionnaire

[35] Depuis les premières décisions modernes concernant la qualité pour agir dans l’intérêt public, la question de la qualité pour agir a été considérée comme une question dont la solution est tributaire de l’exercice avisé du pouvoir discrétionnaire judiciaire.  Comme l’a affirmé le juge Laskin dans Thorson, la qualité pour agir dans l’intérêt public « est une matière qui relève particulièrement de l’exercice du pouvoir discrétionnaire des cours de justice, puisqu’elle se rapporte à l’efficacité du recours » (p. 161); voir aussi p. 147 et 163; Nova Scotia Board of Censors c. McNeil, 1975 CanLII 14 (CSC), [1976] 2 R.C.S. 265, p. 269 et 271; Borowski, p. 593; Finlay, p. 631-632 et 635.  La décision de reconnaître ou non la qualité pour agir nécessite l’exercice minutieux du pouvoir discrétionnaire judiciaire par la mise en balance des trois facteurs (une question justiciable sérieuse, la nature de l’intérêt du demandeur et les autres manières raisonnables et efficaces).  Le juge Cory a insisté sur ce point dans Conseil canadien des Églises où il a souligné que les facteurs à prendre en compte dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire ne devaient pas être considérés comme des exigences techniques et que les principes qui s’y appliquent devraient être interprétés d’une façon libérale et souple (p. 256 et 253).[7]

[Soulignements ajoutés]

[7]           Le tribunal doit soupeser ces trois facteurs à la lumière des objectifs sous-jacents aux limites traditionnelles reconnues :

[1] […] Des restrictions s’imposent donc en matière de qualité pour agir afin d’assurer que les tribunaux ne deviennent pas complètement submergés par des poursuites insignifiantes ou redondantes, d’écarter les trouble-fête et de s’assurer que les tribunaux entendent les principaux intéressés faire valoir contradictoirement leurs points de vue et jouent le rôle qui leur est propre dans le cadre de notre système démocratique de gouvernement : Finlay c. Canada (Ministre des Finances), [1986] 2 R.C.S. 607, p. 631. […][8]

[8]           Malgré son caractère discrétionnaire, la décision du tribunal n’est pas à l’abri de tout contrôle judiciaire. Une cour d’appel doit intervenir si elle estime que celui-ci s’est fondé sur des considérations erronées en ce qui concerne le droit applicable ou a commis une erreur manifeste dans son appréciation des faits :

[…] Comme la Cour l’a dit dans Pelech c. Pelech, [1987] 1 R.C.S. 801, p. 814-815, les conditions d’exercice du pouvoir discrétionnaire du juge constituent des critères juridiques et leur définition, tout comme leur non-application ou leur mauvaise application, pose des questions de droit susceptibles de révision en appel.[9]

[9]           Voyons ce qui en est en l’espèce.

[10]        Quant à l’existence d’une « question justiciable sérieuse » (premier facteur), le juge de première instance retient que la requête pour jugement déclaratoire de l’intimé soulève une question qui met en cause les droits de tous les justiciables, satisfaisant ainsi à ce facteur :

[30] Le droit des citoyens de ne pas être assujettis à des peines cruelles et inusitées, à des peines arbitraires, à des peines qui ne seraient pas proportionnelles à la gravité de l’infraction ou au degré de leur implication dans la commission de celle-ci, de même que la discrétion judiciaire dans l’imposition de la peine, sont au cœur du droit criminel canadien et au cœur de la fonction judiciaire.

[31] Le Tribunal conclut donc que la question soulevée par [l’intimé] est justiciable et sérieuse et elle relève d’un débat de fond qui met en cause les droits de tous les justiciables.

[11]        L’appelant concède l’existence d’une « question justiciable sérieuse » aux fins de déterminer la qualité pour agir, à tout le moins quant aux arguments de l’intimé relatifs aux articles 12 (peine minimale obligatoire exagérément disproportionnée) et 15 (peine adaptée à la situation d’un accusé autochtone) de la Charte. Il conteste par ailleurs le bien-fondé de l’argument fondé sur l’article 7 de la Charte, estimant celui-ci superflu vu la contestation basée sur l’article 12[10], et plaide que le législateur peut validement adopter des peines minimales obligatoires, sans enfreindre l’indépendance judiciaire et la séparation des pouvoirs.

[12]        Sur ces deux derniers points, l’intimé soutient qu’il est possible que des peines minimales d’emprisonnement portent atteinte aux principes de justice fondamentale sans pour autant être contraires à l’article 12 de la Charte[11]. L’adoption en bloc de 94 peines minimales remet en cause la notion de séparation des pouvoirs et de discrétion judiciaire en ce que le Parlement oblige le tribunal à imposer une peine d’emprisonnement déterminée arbitrairement, sans aucune démonstration de son utilité et sans que celle-ci soit proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant. Les dispositions contestées ont ainsi pour effet de restreindre considérablement la discrétion judiciaire qui est un attribut essentiel de la fonction judiciaire et portent dès lors atteinte à l’indépendance judiciaire.

[13]        Le juge reconnaît, à bon droit[12], qu’à ce stade de l’examen, il ne lui revient pas de déterminer le bien-fondé de la thèse avancée par l’intimé, estimant par ailleurs la question soulevée justiciable et sérieuse. La requête pour jugement déclaratoire faisant état d’au moins une question sérieuse, comme le reconnaît l’appelant, un examen minutieux de chacun des arguments plaidés par l’intimé n’était pas requis[13].

[14]        Le juge ne commet ainsi aucune erreur justifiant l’intervention de la Cour en concluant que le premier facteur est satisfait.

[15]        Quant à l’intérêt réel ou véritable dans l’issue de la question (deuxième facteur), le juge écrit, après avoir rappelé l’approche souple et libérale dont il doit faire preuve lors de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire :

[39] Un examen de la jurisprudence de la Cour suprême[14] illustre clairement, de l’avis du Tribunal, que cette approche téléologique a favorisé la reconnaissance de la qualité pour agir beaucoup plus qu’elle a servi à la nier.

[16]        Le juge estime que l’intimé a un véritable intérêt dans l’issue de la question. En soulevant celle-ci, l’intimé assume son rôle sociétal qui constitue une dimension essentielle de sa mission de protection du public énoncée à l’article 23 du Code des professions[15]. Cette contestation se trouve également au cœur de sa mission de défense de la primauté du droit.

[17]        Sa conclusion trouve appui dans l’analyse du juge Rochon, alors à la Cour supérieure, dans Barreau de Montréal c. Québec (Procureur général)[16], alors que celui-ci reconnaît que le rôle de protection du public assumé par l’intimé ne se limite pas au seul contrôle de ses membres ou à sa fonction en tant qu’ordre professionnel des avocats, comme le plaide ici l’appelant :

Il est indéniable que le Barreau joue un rôle d'avant-plan dans tous les domaines relevant de la justice et de l'organisation des tribunaux. Ce rôle va au-delà d'une lecture indûment restrictive des textes législatifs précités. La protection du public englobe certes le contrôle des membres du Barreau mais ne s'y limite pas. En fait, les interventions publiques du Barreau ont constamment porté sur les grands ensembles législatifs ayant un impact sur les citoyens. Le ministère de la Justice a reconnu à maintes reprises le champ d'expertise particulier du Barreau en sollicitant son avis, en l'invitant à des colloques de tout ordre, en le faisant partie prenante de tous les sommets de la justice du Québec.

[18]        Bien qu’à première vue, l’issue du litige touche moins directement l’intimé que ce n’était le cas de l’organisme de défense des travailleurs du sexe dans l’arrêt Downtown Eastside sur lequel le juge s’appuie, sa requête porte sur des questions qui, pour paraphraser le juge de première instance, « sont au cœur du droit criminel canadien et […] de la fonction judiciaire » et sont reliées à notre système de justice pénale. Historiquement, l’intimé est un acteur incontournable lorsqu’il est question du système de justice québécois ou canadien. Plus particulièrement, il a participé aux débats entourant l’adoption de la loi contestée, témoignant également de son engagement envers la cause. Le fait que certains membres de l’intimé ont manifesté leur désaccord à l’égard de son initiative n’atteste pas d’une absence d’intérêt véritable dans l’issue de la question et n’est donc pas déterminant aux fins de l’analyse.

[19]        La référence du juge au paragraphe 41 de ses motifs à l’intérêt véritable du Conseil canadien des Églises reconnu par la Cour suprême dans l’arrêt Conseil canadien des Églises c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration)[17] ne constitue pas une erreur de droit déterminante. Il est possible de comprendre de son analyse qu’il réfère alors à la conclusion de la Cour suprême à l’égard du deuxième facteur uniquement[18], et non à sa qualité pour agir malgré la terminologie utilisée.

[20]        Le juge de première instance ayant appliqué les bons critères juridiques, rien ne justifie l’intervention de la Cour à l’égard de la conclusion du juge sur l’intérêt véritable ou réel de l’intimé.

[21]        Finalement, quant au troisième facteur (manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la Cour), le juge énonce correctement les principes devant guider son analyse de ce facteur (paragraphes 52 à 57), les soupèse judicieusement, et apprécie ce facteur en lien avec les deux facteurs précédents et les objectifs sous-jacents aux limites traditionnelles (paragraphes 62 à 72).

[22]        Certes, le juge reconnaît que le recours entrepris présente ses difficultés; il estime toutefois que le recours de l’intimé soulève un débat judiciaire qui va « au cœur du processus judiciaire en matière pénale » (limitation de la discrétion judiciaire), et non uniquement sur le quantum des peines que la Loi sur la sécurité modifie. Dès lors, il ne peut se convaincre que la contestation individuelle des 94 infractions visées par la requête à l’égard desquelles l’intimé pourrait demander d’intervenir puisse être une manière plus efficace de saisir les tribunaux de la question soulevée par le recours :

[65] Le Procureur général du Canada insiste pour dire que 94 personnes reconnues coupables d’une des 94 infractions visées pourraient très bien contester la constitutionnalité de la peine minimale d’emprisonnement et que cette façon de faire constituerait une utilisation plus efficace et efficiente des ressources judiciaires. D’ailleurs, ajoute-t-il, déjà 5 dossiers de contestations de telles peines ont été entrepris.

[66] Or, le Tribunal ne peut se convaincre qu’une telle multiplication de recours individuels puisse être une manière plus efficace de saisir les tribunaux de la question soulevée par le recours du Barreau.

[67] Ce recours qui s’attaque à un ensemble législatif touchant 94 dispositions a le mérite de poser la question centrale à chacune des contestations individuelles : qu’en est-il de la discrétion judiciaire lorsque la loi impose une peine minimale d’emprisonnement sans égard à quelque caractéristique propre à la commission de l’infraction ou à la personne qui l’a commise?

[68] À cet égard, le Tribunal ne voit pas en quoi le recours [de l’intimé] pourrait entrer en conflit avec une contestation individuelle ou nuire à une personne passible d’une peine minimale d’emprisonnement.

[69] Le législateur accorde aux tribunaux des pouvoirs de gestion qui font en sorte que le recours du Barreau pourra être mis en état et entendu dans un délai raisonnable et d’une manière qui favorisera l’économie des ressources judiciaires.

[23]        L’appelant reproche au juge d’avoir omis de tenir compte que la contestation, au sein d’un même recours, de chacune des 94 peines minimales au regard de l’article 12 de la Charte occupera une grande partie du débat et constitue une utilisation déraisonnable des ressources judiciaires, alors qu’il n’y a aucun intérêt à traiter cette question globalement. En application des principes énoncés au paragraphe 37 de l’arrêt Downtown Eastside, le juge aurait dû préférer que la question soit soumise par un accusé qui possède de plein droit la qualité pour agir de façon à ce que la contestation des 94 peines se fassent cas par cas.

[24]        Il a tort. Le juge soupèse sans contredit cet élément (paragr. 65 et 66), mais situe plus globalement le cœur du litige soulevé par l’intimé (paragr. 67). Il ajoute à cet égard, à la lumière des pouvoirs confiés aux tribunaux, qu’une saine gestion de ce dossier permettra qu’il soit « […] entendu dans un délai raisonnable et d’une manière qui favorisera l’économie des ressources judiciaires » (paragr. 69).

[25]        À l’audience, l’appelant reconnaît que bien que sanctionnée depuis plus de deux ans, les tribunaux québécois n’ont pas encore eu à se prononcer sur la constitutionnalité d’une des 94 peines minimales adoptées en vertu de la Loi sur la sécurité[19]. Mais quoi qu’il en soit, l’analyse du juge recoupe, à certains égards, les propos suivants du juge Cromwell dans Downtown Eastside :

[70] En outre, le fait que de nombreuses contestations pourraient être ou aient été engagées, ou l’ont été, dans le cadre de poursuites en matière criminelle pourrait en fait corroborer la thèse selon laquelle une demande exhaustive de jugement déclaratoire est en fait une manière plus raisonnable et efficace d’en arriver à un règlement définitif des questions soulevées.  Il pourrait y avoir une multitude de contestations semblables engagées dans le cadre d’une myriade de poursuites criminelles.  En favorisant cette approche, on ne satisferait pas à l’objectif visant à préserver les ressources judiciaires limitées.  En outre, une procédure par voie de déclaration sommaire de culpabilité ne constitue pas nécessairement un cadre plus approprié pour le traitement d’une contestation constitutionnelle complexe.

[26]        Le troisième facteur relatif à la qualité pour agir ne doit pas recevoir l’application stricte à laquelle l’appelant nous invite. Le fait qu’il y ait d’autres demandeurs possibles n’exclut pas nécessairement la qualité pour agir dans l’intérêt public, comme le précise la majorité de la Cour suprême dans Manitoba Metis Federation Inc. c. Canada :

[43] […] Même en présence d’autres demandeurs ayant un intérêt direct dans le litige, il est permis au tribunal de se demander si le demandeur d’intérêt public offrira une perspective particulièrement utile ou distincte sur la question à trancher.[20]

[27]        L’appelant nous invite à refaire l’exercice à la place du juge de première instance et d’y substituer notre propre discrétion. Tel n’est pas le rôle de la Cour en l’absence d’erreur de droit, pas plus que ce n’est son rôle, dans le cadre d’une requête en irrecevabilité en vertu de l’article 165 (3) C.p.c., de se prononcer sur le bien-fondé ou les chances de succès du recours de l’intimé.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[28]        REJETTE l’appel, avec dépens.

 

 

 

PAUL VÉZINA, J.C.A.

 

 

 

MANON SAVARD, J.C.A.

 

 

 

MARTIN VAUCLAIR, J.C.A.

 



[1]     Barreau du Québec c. Canada (Procureur général), 2014 QCCS 1863.

[2]     Loi sur la sécurité des rues et des communautés, L.C. 2012, ch. 1.

[3]     Code criminel, L.R.C., 1985, ch. C-46.

[4]     Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C. 1996, ch. 19.

[5]     Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11.

[6]     Canada (Procureur général) c. Downtown Eastside Sex Workers United Against Violence Society, [2012] 2 R.C.S. 524, 2012 CSC 45 [Downtown Eastside].

[7]     Ibid., paragr. 35.

[8]     Ibid., paragr. 1.

[9]     Colombie-Britannique (Ministre des Forêts) c. Bande indienne Okanagan, [2003] 3 R.C.S. 371, 2003 CSC 71, paragr. 43; Simard c. Larouche, 2011 QCCA 911, paragr. 110.

[10]    R. c. Malmo-Levine, [2003] 3 R.C.S. 571, 2003 CSC 74, paragr. 158-160.

[11]    Julie Desrosiers, Peines minimales et principes de justice fondamentale : une lecture comparée des articles 12 et 7 de la Charte, (2013) 17 Rev. Can. D.P., 121, 136-138.

[12]    Downtown Eastside, supra, note 6, paragr. 42.

[13]    Ibid.

[14]    Nova Scotia Board of Censors c. McNeil, [1976] 2 R.C.S.265; Ministre de la Justice (Canada) c. Borowski, [1981] 2 R.C.S. 575; Finlay c. Canada (Ministre des Finances), [1986] 2 R.C.S. 607; Conseil canadien des Églises c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 236.

[15]    Code des professions, RLRQ, c. C-26.

[16]    Barreau de Montréal c. Québec (Procureur général), [2000] R.J.Q. 125, 136, confirmée par la Cour sur cette question : Québec (Procureure générale) c. Barreau de Montréal, [2001] R.J.Q. 2058, paragr. 14.

[17]    Conseil canadien des Églises c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), supra, note 14.

[18]    Ibid., p. 254.

[19]    Dans le reste du Canada, deux décisions ont été prononcées à cet égard : Dans R. c. Lloyd, 2014 BCPC 8 et 2014 BCPC 11, le juge a conclu que la peine minimale d'un an en vertu de l'art. 5 (3) (a) (i) D) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances viole l'article 12 de la Charte et qu'elle ne peut pas être sauvée par l'article 1. Dans R. c. Stapley, 2014 ONCJ 184, le juge a conclu que la peine minimale prévue à l'article 172.1 (2) b) C.cr. ne viole pas les articles 7 et 12 de la Charte.

[20]    Manitoba Metis Federation Inc. c. Canada, [2013] 1 R.C.S. 623, 2013 CSC 14, paragr. 43.

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