Tshilumba c. R. | 2022 QCCA 1591 | ||||
COUR D’APPEL | |||||
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CANADA | |||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||
GREFFE DE
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N° : | |||||
(500-01-136420-160) | |||||
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DATE : | 28 novembre 2022 | ||||
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RANDY TSHILUMBA | |||||
APPELANT – accusé | |||||
c. | |||||
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SA MAJESTÉ LE ROI | |||||
INTIMÉ – poursuivant | |||||
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[1] L’appelant se pourvoit contre un verdict de culpabilité rendu le 20 octobre 2017 par un jury au terme d’un procès présidé par l’honorable Hélène Di Salvo de la Cour supérieure, chambre criminelle, district de Montréal, lequel l’a reconnu coupable d’avoir commis un meurtre au premier degré le 10 avril 2016.
APERÇU
[2] Ce jour-là, l’appelant a causé la mort de Clémence Beaulieu-Patry en la poignardant à plusieurs reprises sur le lieu de travail de celle-ci, un supermarché d’alimentation, à la vue de tous. Un événement tragique d’une très grande violence.
[3] Selon l’appelant, les événements s’expliquent par les troubles mentaux dont il est atteint. Ceux-ci se sont manifestés par un délire de persécution où sa vie a été mise en danger par la victime et ses amies. Ce délire l’a empêché de savoir que ce qu’il faisait était mauvais. La poursuite soutient plutôt qu’il s’agit d’un homicide intentionnel, prémédité et commis de propos délibéré.
[4] Dans l’arrêt Winko, la juge en chef McLachlin explique que : « [d]ans toute société, il y a des gens qui commettent des actes criminels parce qu’ils souffrent d’une maladie mentale. Le droit criminel doit faire en sorte de traiter ces personnes de façon équitable tout en assurant la protection du public contre la récidive, ce qui n’est pas une tâche facile »[1].
[5] Lors du procès, l’enjeu était de déterminer si les troubles mentaux dont l’appelant était atteint l’ont privé de la capacité de savoir si les gestes posés étaient mauvais ou si ces troubles devaient soulever un doute raisonnable quant à l’intention requise pour le meurtre.
[6] Le jury a dû procéder à cette délicate détermination, encadré par des directives inadéquates. Comme nous le verrons, le principal moyen de l’appelant vise le caractère confus et contradictoire des directives relatives à son comportement après l’homicide.
[7] Le procès de l’appelant s’est tenu avant que la Cour suprême du Canada ne rende l’arrêt Calnen[2]. La juge du procès et les parties n’avaient donc pas en main les enseignements utiles de cette décision qui auraient sans nul doute simplifié les directives données au jury concernant le comportement de l’appelant après l’homicide, et ce, même si la jurisprudence antérieure traçait déjà la voie dans la même direction.
[8] Cela dit, la Cour ne peut que constater que les directives communiquées uniquement oralement au jury étaient indûment longues, inutilement complexes, mais surtout manifestement contradictoires et préjudiciables à la position de l’appelant.
[9] Les directives devaient clarifier et simplifier la tâche du jury. Celui-ci devait disposer de directives limpides et conciliables, une exigence particulièrement cruciale dans le soin qui devait être apporté à la formulation de la directive correctrice demandée par les parties concernant le comportement de l’appelant après l’homicide.
[10] La structure des directives en général et la directive correctrice selon laquelle le comportement après le fait n’avait aucune valeur probante (sauf pour un élément de preuve) pour déterminer la culpabilité de l’appelant ont embrouillé l’enjeu fondamental du procès, soit la prise en compte des troubles mentaux non contestés affligeant l’appelant à toutes les étapes des délibérations du jury (défense de troubles mentaux, meurtre au deuxième et au premier degré). Or, une directive selon laquelle la conduite après le fait n’avait aucune valeur probante ne s’impose que dans certaines circonstances particulières[3]. Ce n’était pas le cas en l’espèce, car cette preuve devait être évaluée globalement et non pas de manière compartimentée.
[11] Ainsi, la directive correctrice a privé le jury de considérer l’ensemble de la preuve à l’égard des gestes posés par l’appelant après l’homicide afin de déterminer si celui-ci avait l’intention de tuer la victime et, le cas échéant, si ce meurtre avait été prémédité et commis de propos délibéré. Cette preuve, y compris celle des troubles mentaux de l’appelant, était susceptible de soulever un doute raisonnable sur sa culpabilité, tant à l’égard du meurtre au deuxième degré qu’à celui au premier degré.
[12] Bien que le verdict du jury ne puisse être qualifié de déraisonnable, les directives contradictoires concernant le comportement de l’appelant après l’homicide ont empêché le jury d’évaluer globalement la séquence des événements comme il se devait. De plus, la plaidoirie de la poursuite a invité le jury à se livrer à des conjectures à l’égard d’hypothèses qui ne s’appuyaient sur aucun fondement factuel. Pour les motifs qui suivent, la tenue d’un nouveau procès s’avère nécessaire.
BREF RÉSUMÉ DE LA PREUVE
[13] Pour bien comprendre le dossier et la défense de troubles mentaux présentée par l’appelant, il est nécessaire de remonter le fil du temps.
[14] Durant les quatre premières années du secondaire, l’appelant étudie à la même école que la victime et quatre autres jeunes filles. Il n’est pas proche de ce groupe d’amies. À la fin de son secondaire IV, les changements apparaissent dans son comportement. Il s'isole et ses notes commencent à chuter. Il demande à changer d’école, ce qu’il fait en cinquième secondaire. À la même époque, il développe des problèmes de stress et d’anxiété.
[15] En septembre 2014, alors étudiant au cégep, il découvre une page Facebook où des messages anonymes visant des personnes de son cégep sont publiés. Il perçoit que ces messages lui sont destinés et proviennent d’un groupe de cinq filles, dont la victime.
[16] Ceci marque le début du développement d’idées délirantes au sujet de ce groupe d’amies. Des rencontres fortuites avec certaines des membres du groupe au cours de l’été 2015 alimenteront une perception de persécution chez l’appelant. Il demande à sa mère de déménager, affirmant qu’il craint pour sa vie. Il informe son frère et ses sœurs de ses craintes.
[17] En octobre 2015, il occupe un emploi qui consiste à offrir des cartes de points dans divers supermarchés, dont le Maxi de l’avenue Papineau, là où travaille la victime. Lors d’un quart de travail, l’appelant aperçoit celle-ci au Maxi. Il pense qu’elle est là pour l’espionner et qu’elle veut le tuer.
[18] En octobre ou novembre 2015, l’appelant achète un couteau, car il est maintenant convaincu que les cinq filles veulent le tuer. Un sentiment de panique l’envahit chaque fois qu’il sort de chez lui, pensant que celles-ci se cachent derrière des automobiles pour tirer des balles dans sa direction.
[19] Au début de l’année 2016, l’appelant se confie à deux reprises à son meilleur ami sur les craintes qu’il nourrit à l’égard de ce groupe d’amies.
[20] D’abord, vers janvier 2016, il parle à son ami d’un « groupe de personnes qui [veut] salir sa réputation » en publiant des messages anonymes lui étant destinés sur Facebook. Il reste énigmatique sur l’identité du groupe. Lorsque l’appelant montre à son ami les messages, ce dernier essaie de le convaincre qu’ils ne le concernent pas et lui dit qu’il est « paranoïaque ». L’appelant rétorque alors qu’il ne peut pas comprendre.
[21] Peu de temps après, l’appelant appelle son ami pour lui dire qu’il craint pour sa vie. C’est à ce moment que l’appelant lui révèle que le groupe en question est composé de filles qui ont fréquenté la même école secondaire qu’eux. Ce groupe, lui confie-t-il, veut s’en prendre à sa vie. Son ami lui dit une fois de plus qu’il est paranoïaque; il ajoute que c’est de la folie et qu’il devrait se concentrer sur l’école.
[22] Les deux amis ne se reparlent pas de ce sujet par la suite.
[23] Au début d’avril 2016, l’appelant croise à deux reprises certaines membres du groupe. Ces rencontres renforcent ses croyances délirantes.
[24] Le 3 avril 2016, l’appelant se rend au Maxi afin de rencontrer la victime et la convaincre qu’il est une bonne personne. Une courte discussion s’amorce entre eux au cours de laquelle l’appelant demande à la victime son numéro de téléphone et son compte Facebook. La victime ne lui donne pas ces informations.
[25] Lorsque l’appelant quitte, il dit « bye » à la victime qui répond « Fais attention à toi ». L’appelant interprète ces paroles comme un avertissement. La victime confie à une collègue de travail que cette rencontre est « bizarre », car elle n’avait pas revu l’appelant depuis le secondaire.
[26] Le 9 avril 2016, l’appelant passe la soirée avec un ami. Il ne semble ni inquiet ni anxieux.
[27] Le 10 avril 2016, il se rend à nouveau au Maxi. Il se dirige vers la victime, les mains dans les poches. Une cliente du Maxi voit l’appelant qui enlace la victime, dos à lui, et voit le bras levé de l’appelant qui tient ce qu’elle croit être une machette. Elle voit l’arme qui sort du corps de la victime.
[28] Environ 14 coups de couteau sont portés et la victime décède dans les minutes qui suivent.
[29] L’appelant quitte le Maxi en courant. Il se réfugie dans un restaurant Tim Hortons non loin de là. Il y entre en marchant et se rend à la salle de toilette des hommes. Il constate qu’il y a du sang sur ses vêtements et se change avec les vêtements de sport qui se trouvent dans son sac à dos.
[30] Il se dirige ensuite dans la salle de toilette des femmes où il passera sept heures enfermé dans une toilette. Durant cette période, il communique avec certaines personnes pour leur demander qu’elles viennent le chercher. Il écrit ceci à son meilleur ami : « Tu pourrais pas te déplacer live? C’est important. Je noy ma vie. ». L’ami en question explique lors du procès que cette expression veut dire « Je m’inquiète, j’ai peur pour ma vie ».
[31] En outre, l’appelant effectue plusieurs recherches sur Internet, dont « Evidence trash bag murder », « It is possible to execute a perfect murder ? » et « Why do murderers often find it difficult to...». Il consulte aussi des pages Internet, dont un article de La Presse s’intitulant « Meurtre dans un supermarché de Montréal, Information Plus, le suspect est en fuite ».
[32] L’appelant quitte le Tim Hortons vers 3 h du matin, passe le reste de la nuit à circuler en transport en commun, puis se rend au cégep qu’il fréquente vers 7 h du matin. Il laisse son sac à dos qui contient les vêtements tachés de sang et le couteau dans un casier du vestiaire. Plus tard en soirée, il retourne au cégep pour placer ce sac à dos dans son propre casier.
[33] L’appelant est arrêté le lendemain à son domicile.
APERÇU DES ENJEUX DU PROCÈS
[34] Le procès dure 33 jours. La poursuite fait entendre 23 témoins. En défense, sept témoins sont entendus, dont l’accusé ainsi que deux psychiatres.
[35] Les parties reconnaissaient lors du procès que l’appelant était atteint de troubles mentaux. Cette position demeure inchangée devant la Cour[4].
[36] L’enjeu portait donc sur la question de savoir si l’appelant avait la capacité de décider rationnellement si l'acte posé était bon ou mauvais et, s’il avait cette capacité, si ses troubles mentaux soulevaient un doute raisonnable à l’égard de l’accusation de meurtre au premier degré ou au deuxième degré. La défense de troubles mentaux de l’appelant porte sur le délire de persécution qui l’aurait empêché de savoir que l’homicide de la victime était mauvais.
[37] Selon la poursuite, l’appelant savait que les gestes posés étaient mauvais et les troubles mentaux l’affligeant ne soulevaient pas de doute quant à l’intention requise pour le meurtre au deuxième degré ou le meurtre au premier degré.
[38] Selon l’appelant, il n’en est rien. Il témoigne que, le 10 avril 2016, il hésitait à se rendre au gym ou à retourner au Maxi, afin de convaincre la victime une fois de plus de ne pas le tuer. Il décide d’aller voir celle-ci au Maxi, tout en ayant des vêtements de rechange de sport dans son sac à dos et un couteau dans sa poche.
[39] Selon son témoignage, lorsqu’il rencontre la victime, cette dernière lui dit « pas encore toi sale nègre » et le pointe avec son index. L’appelant croit alors qu’elle retirera de sa poche un fusil pour le tuer, lui et les autres clients. Croyant faire une bonne action, il lui assène plusieurs coups de couteau. Il se cache ensuite dans un Tim Hortons pour une période de sept heures, paniqué à l’idée que la victime et ses amies le trouvent. Il estime que sa vie est en danger.
[40] Les deux experts entendus partagent le même avis : l’appelant était atteint d’un trouble mental au moment des événements et était incapable de savoir que l’acte posé était mauvais.
[41] Un pan de la preuve présentée par la poursuite porte sur le comportement de l’appelant après avoir tué la victime. Celle-ci revêtait une importance cruciale dans l’évaluation de la défense de troubles mentaux présentée par l’appelant. Le jury pouvait certes en tirer des inférences contradictoires, mais certaines supportaient la défense de troubles mentaux ou pouvaient ancrer un doute raisonnable sur la culpabilité de l’appelant.
[42] Il fallait donc déterminer dans quelle mesure cette preuve était pertinente pour trancher la question de l’intention de l’appelant lors de la commission de l’homicide et si elle pouvait servir à étayer une distinction entre la culpabilité de l’appelant pour meurtre au deuxième degré ou au premier degré.
LES MOYENS D’APPEL
[43] L’appelant soutient que le verdict rendu est déraisonnable et que le jury n’a pas reçu l’assistance appropriée pour encadrer la réflexion à laquelle il devait se livrer afin de déterminer sa non-responsabilité criminelle et sa culpabilité. Il ajoute que la juge a commis des erreurs de droit en permettant à la poursuite de poser des questions hypothétiques aux experts en l’absence de base factuelle et en lui permettant de plaider des éléments favorables à sa thèse qui n’ont pas été mis en preuve.
[44] Pour une meilleure compréhension, il convient de formuler ses moyens d’appel de la manière suivante :
1ER MOYEN : LE VERDICT DÉRAISONNABLE
[45] Deux psychiatres témoignent de l’état mental de l’appelant au moment des faits reprochés. Le Dr Morissette pose un diagnostic de trouble délirant de type « persécutoire », alors que la Dre Proulx conclut plutôt à un diagnostic de schizophrénie paranoïde. Le symptôme principal et central dans les deux cas est le délire de persécution. La poursuite n’a fait entendre aucun expert.
[46] Les deux experts tirent essentiellement la même conclusion concernant la responsabilité criminelle de l’appelant : au moment des faits, l’appelant avait un trouble mental grave qui l’empêchait de distinguer le bien du mal et de savoir que les gestes posés étaient mauvais.
[47] Selon l’appelant, cette preuve n’a pas été contredite et il n’y a aucun fondement raisonnable ou rationnel qui permettait au jury d’écarter les conclusions des experts. Il se fonde sur les arrêts Molodwic[5] et Oommen[6] pour étayer l’argument selon lequel le verdict du jury est déraisonnable. Il invite la Cour à annuler le verdict de culpabilité de meurtre au premier degré et à lui substituer un verdict de non‑responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux.
[48] Pour sa part, la poursuite estime que le verdict est raisonnable. L’évaluation de la crédibilité des témoins est une question de fait. Un jury peut écarter totalement le témoignage d’un expert, même non contredit. Selon elle, il existe une preuve, notamment le comportement de l’appelant avant et après les faits, qui a mené le jury à écarter le témoignage des experts et subséquemment la défense de troubles mentaux et à déclarer l’appelant coupable de meurtre au premier degré.
[49] La Cour doit donc déterminer « si le verdict est l’un de ceux qu’un jury qui a reçu les directives appropriées et qui agit d’une manière judiciaire aurait pu raisonnablement rendre »[7]. À cette fin, elle doit « pour écarter le verdict [du jury], expliquer ce qui l’incite à conclure qu’il n’est pas conforme aux exigences d’une appréciation judiciaire de la preuve »[8].
[50] Avant d’aborder l’étude de ce moyen d’appel, deux précisions s’imposent.
[51] Premièrement, il importe de réitérer qu’il n’était pas contesté que l’appelant était atteint d’un trouble mental.
[52] Deuxièmement, l’enjeu du procès portait sur la question de savoir si le trouble mental affligeant l’appelant l’empêchait de distinguer le bien du mal et de savoir que les gestes posés étaient mauvais.
[53] À cet égard, la position de la poursuite, qui fait d’ailleurs l’objet de moyens d’appel distincts de l’appelant, faisait principalement valoir que les troubles mentaux de l’appelant en étaient à leurs premiers balbutiements, les symptômes de faible intensité et que l’appelant avait procédé à une réécriture des événements durant sa détention. Elle soutient que le comportement de l’appelant après l’homicide démontrait qu’il savait que ses gestes étaient mauvais et qu’il était coupable de meurtre au premier degré.
[54] Dans l’arrêt Molodowic[9] qu’invoque l’appelant, la juge Arbour pose certains jalons quant aux principes applicables au moyen d’appel qu’il soulève :
1) le jury n’est pas lié par les témoignages des psychiatres et leur valeur probante doit être appréciée de la même manière que tout autre témoignage[10];
2) lorsqu’il apprécie une preuve d’expert, le jury a le droit d’examiner les fondements factuels de l’opinion exprimée et d’accorder moins d’importance à cette opinion si elle ne repose pas sur des faits établis au procès ou si elle est fondée sur des hypothèses factuelles auxquelles il ne souscrit pas, ou les deux à la fois[11];
3) le jury peut rejeter l’opinion d’experts, même lorsque leur témoignage est unanime et n’est pas contredit par celui d’autres experts[12];
4) il doit y avoir un fondement rationnel dans la preuve pour que le jury puisse raisonnablement rejeter l’opinion des experts[13].
[55] Dans le récent arrêt Sorella[14], la Cour était confrontée à une question similaire où, tout comme en l’espèce, la poursuite n’avait présenté aucune expertise psychiatrique. La Cour écrit :
[44] En rendant un verdict de culpabilité, le jury a évidemment rejeté la preuve de troubles mentaux présentée par l’appelante. Il a nécessairement conclu que l’appelante n’avait pas démontré sa prétention selon la prépondérance de la preuve, qui était son fardeau.
[45] Pour soutenir l’argument que la décision est déraisonnable, l’appelante insiste fortement sur l’absence de preuve par experts de la poursuite susceptible de contredire le témoignage de ses propres experts.
[46] Or, bien que reposant sur le témoignage d’experts, ce type de preuve demeure régi par une règle bien connue : il revient au juge des faits (en l’espèce, au jury) de déterminer si l’accusé a fait la démonstration que la loi lui impose : R. c. Baker, 2010 CSC 9, et un « jury peut donc rejeter l’opinion d’experts, même lorsque leur témoignage est unanime et n’est pas contredit par celui d’autres experts » : R. c. Molodowic, 2000 CSC 16, paragr. 8.
[47] Il est vrai que pour procéder à cet examen, le juge des faits aura, dans la plupart des cas, à composer avec des témoignages d’experts contradictoires. Il demeure que c’est à lui de décider en fonction de l’ensemble de la preuve, et non seulement sur la base des témoignages d’experts, quoique ceux-ci revêtent une importance évidente.
[56] Après avoir examiné la preuve soutenant les deux hypothèses, la Cour complète son analyse en ces termes :
[60] C’était au jury que revenait la décision de déterminer si c’est la première ou la seconde hypothèse qui s’appliquait. Il s’agit d’une question de crédibilité. C’était donc au jury de trancher et, dans les circonstances, on ne peut conclure que le rejet des prétentions de l’appelante sur la question des troubles mentaux était une décision déraisonnable.
[61] Dans Molodowic, précité, la Cour suprême rappelle que l’expérience judiciaire démontre que la question des troubles mentaux est délicate et peut même susciter un scepticisme injustifié dans l’esprit des jurés, ce qui pourrait parfois entraîner un verdict déraisonnable selon la preuve disponible. Nous ne sommes pas dans la situation décrite dans cet arrêt où la preuve ne permettait pas de contredire l’opinion ferme des experts de la défense. Dans le présent dossier, une telle preuve contradictoire existe et suffit pour rejeter l’argument de la décision déraisonnable.
[57] Ces principes s’appliquent au présent dossier.
[58] La question qui se pose est celle de savoir s’il existait un fondement rationnel pour rejeter l’opinion des deux experts.
[59] Un premier élément mérite d’être mentionné. L’opinion formulée par les deux psychiatres s’appuie sur le récit des événements par l’appelant et sur ses explications. Or, son témoignage pouvait être accepté ou rejeté, en totalité ou en partie[15], tout comme le témoignage des experts[16].
[60] Deuxième élément, le fardeau d’établir la défense de troubles mentaux reposait sur l’appelant.
[61] Le troisième élément, crucial en l’espèce, est le comportement de l’appelant après l’homicide. Sans l’analyser minutieusement, il suffit de constater que cette preuve était pertinente afin de déterminer si l’appelant savait que ce qu’il faisait était mauvais au sens de l’article 16 C.cr.[17] et elle pouvait amener le jury à rejeter la défense de troubles mentaux.
[62] Ces éléments fournissent donc un fondement rationnel au rejet de la défense de troubles mentaux et le verdict du jury ne peut être qualifié de déraisonnable. Le verdict de meurtre au premier degré aurait pu être rendu par un jury ayant reçu les directives appropriées, malgré les difficultés soulevées par l’ensemble de la preuve. Même si ce résultat apparaît moins probable, la Cour ne peut exclure cette possibilité.
[63] Ce moyen doit être rejeté.
2E MOYEN : ERREURS COMMISES PAR LA JUGE LORS DE L’ADMINISTRATION DE LA PREUVE ET LORS DE LA PLAIDOIRIE DE LA POURSUITE
[65] Les arguments de la poursuite étaient que : la maladie de l’appelant en était seulement à ses premiers balbutiements, qu’il a réécrit l’histoire par la suite et a simulé la maladie aux médecins. De l’avis de l’appelant, ces hypothèses entraient en contradiction avec la preuve non contredite de troubles mentaux.
[66] La poursuite soutient que la juge n’a commis aucune erreur en la laissant plaider sur l’intensité moindre des troubles mentaux et la réécriture des événements, puisque les experts en psychiatrie légale n’ont pas fermé la porte à ces deux éventualités. Pour ce qui est de la simulation de la maladie, elle considère que ce n’était pas un de ses arguments en plaidoirie.
[67] Il convient d’abord de dresser brièvement les principes de droit qui doivent encadrer l’analyse de ces moyens.
[68] Les auteurs de la sixième édition de l’ouvrage The Law of Evidence in Canada synthétisent les principes qui encadrent l’utilisation des questions hypothétiques lors de l’interrogatoire ou le contre-interrogatoire d’un expert :
12.168 If the expert lacks personal knowledge of the matters in issue and is called to give an opinion upon certain disputed facts, evidence of which has been or will be led at trial, the opinion may be elicited only through the vehicle of a hypothetical question. Where the opinion sought is predicated upon contested facts, counsel are required to use a hypothetical question[.] […]
12.170 The trier of fact and not the experts determines whether a fact has been proven. Without a hypothetical question in which the expert is asked to assume that certain disputed facts given in evidence are true, there is the risk that the premise upon which the opinion is based will be accepted by the jury as conclusive or alternatively, the jury’s view of the evidence may be affected by the expert’s acceptance of a particular version of the facts.
12.171 The expert, in the absence of a hypothesis, would be placed in the untenable position of having to weigh evidence, assess credibility and choose amongst witnesses in order to determine the premise upon which the opinion is expressed. These matters are determined by the trier of fact and are not the responsibility or the proper role of the expert witness. If the expert bases her or his opinion on a global view of various pieces of evidence, it is difficult to determine the actual facts upon which the opinion was based. The trial judge must give careful directions to the jury to unravel the factual basis of an opinion when some of the facts are not proven or are rejected by them. If the trier of fact ultimately rejects the factual premises on which the opinion was based then, of course, the expert’s opinion must be rejected as well[18].
[Le soulignement est ajouté; Les références sont omises]
[69] Ainsi, au besoin, le jury doit recevoir des directives soignées qui lui permettent d’identifier les éléments de preuve pertinents à ses déterminations. L’absence de tout fondement factuel peut requérir que le juge du procès instruise le jury que l’hypothèse soumise n’a aucun poids et doit être complètement ignorée[19].
[70] Par ailleurs, il importe de rappeler l’importante distinction entre une inférence et une conjecture. C’est l’existence d’un fondement factuel qui permet de tirer une inférence, car, sans une telle assise, l’inférence laisse tout simplement place à la conjecture[20].
[71] Comme l’explique le juge Kasirer dans l’arrêt Sherman, « [u]ne inférence doit tout de même être fondée sur des faits circonstanciels objectifs qui permettent raisonnablement de tirer la conclusion par inférence. Lorsque celle‑ci ne peut raisonnablement être tirée à partir des circonstances, elle équivaut à une conjecture »[21].
[72] Précisons aussi que l’exposé final des parties, particulièrement celui de la poursuite, est encadré par un principe d’équité bien défini par le juge Gonthier dans l’arrêt Rose :
Dans cet exposé, le substitut du procureur général doit faire preuve de rigueur et d’objectivité. Il ne doit faire allusion à aucun fait qui n’a pas été établi et il ne peut présenter comme des faits à prendre en considération en vue de déclarer l’accusé coupable des affirmations pour lesquelles il n’y a pas de preuve ou qui sont fondées sur son observation et son expérience personnelles comme avocat. […]
Lorsqu’il présente son exposé, le substitut du procureur général a le devoir de s’en tenir à la preuve et de limiter ses moyens de persuasion aux faits qui ont été déposés en preuve devant le jury[.]
[…] Comme nous l’expliquons plus en détail ci-dessous, le pouvoir discrétionnaire du juge du procès de régler les cas où l’exposé du ministère public dépasse les bornes est une mesure de protection suffisante contre la possibilité d’un manque d’équité envers l’accusé. [22]
[Les références sont omises]
[73] La poursuite ne peut donc pas formuler des observations qui ne sont pas soutenues par la preuve[23].
[74] Finalement, il y a lieu de distinguer entre les questions posées aux experts en contre-interrogatoire par la poursuite et sa plaidoirie finale. L’arrêt Lyttle reconnaît que les avocats jouissent d’une grande latitude pour utiliser des hypothèses en contre-interrogatoire[24]. Toutefois, si le fondement de celles-ci s’avère trop ténu, une objection est susceptible d’être formulée et retenue[25].
[75] En l’espèce, les questions posées aux experts en contre-interrogatoire, les arguments déployés durant la plaidoirie de la poursuite et les directives de la juge soulèvent une problématique préoccupante.
[76] Dans sa plaidoirie, la poursuite évoque trois « options » offertes au jury, soit de croire que les idées délirantes de l’appelant faisaient en sorte qu’il ne pouvait distinguer le bien du mal, soit de croire que l’appelant a simulé le trouble mental ou les symptômes, soit de croire que l’appelant était au début de sa maladie évolutive et qu’après l’incident, il ait réécrit l’histoire pour donner du sens à ses actes. La poursuite a invité le jury à adopter cette troisième option qui s’accordait le mieux à la preuve, selon elle.
1- Les troubles mentaux de l’appelant étaient à leurs premiers balbutiements
[77] La poursuite n’identifie aucun élément de preuve qui appuie l’hypothèse que le trouble mental de l’appelant était à son début. Elle soutient plutôt que, puisque les experts n’ont « pas fermé la porte » à cette hypothèse et que la maladie de l’appelant était évolutive, le jury pouvait considérer que les troubles mentaux de l’appelant en étaient à leurs premiers balbutiements.
[78] Or, la Cour est d’avis que la preuve prépondérante présentée par les deux seuls experts entendus, de même que la preuve profane, établissent que la maladie était bien installée au moment des événements. Comme la poursuite n’a pas été en mesure d’indiquer sur quels éléments de preuve elle s’appuyait pour supporter son hypothèse, cela a eu comme effet d’inviter le jury à se livrer à des conjectures inappropriées[26].
[79] En effet, la réponse d’un expert qui refuse sans plus de rejeter l’existence d’une possibilité n’est d’aucune utilité. Le refus d’un expert de rejeter en théorie une hypothèse ne confère à celle-ci aucun fondement factuel s’il n’y a pas d’éléments factuels indépendants qui l’étayent. Cela est d’autant plus vrai lorsque, comme en l’espèce, l’hypothèse suggérée est rejetée par les experts. L’évocation d’une possibilité théorique sans preuve qui la soutienne entraîne inévitablement le jury sur le chemin de la conjecture[27].
[80] Bien que la juge ait défini correctement dans ses directives la notion d’inférence, elle n’a pas mis en garde le jury contre les dangers de conjecture comme il se devait[28].
2- L’intensité des troubles mentaux de l’appelant
[81] Durant les contre-interrogatoires des psychiatres, la poursuite a développé un thème, repris par la juge dans ses directives, selon lequel les troubles mentaux de l’appelant n’avaient pas une intensité suffisante pour le rendre incapable de savoir que les gestes qu’il avait posés étaient mauvais.
[82] Dans ses directives, la juge utilise, à plusieurs reprises, les deux formulations suivantes : « que l’accusé souffrait de troubles mentaux d’une intensité telle qu’il ne peut être tenu criminellement responsable de gestes qui autrement constitueraient une infraction criminelle » et que « ces troubles mentaux étaient d’une intensité telle qu’il était incapable soit de juger de la nature et de la qualité de ses actes ou de savoir que ses actes étaient mauvais ».
[83] L’expression « une intensité telle » ne se retrouve pas dans le texte actuel de l’article 16 du Code criminel. Cette expression est utilisée dans la version française de l’opinion du juge Dickson dans l’arrêt Cooper[29]. Elle semble traduire l’expression « to such an extent » que l’on trouve dans l’ouvrage Watt’s Manual of Criminal Jury Instructions[30]. Le modèle de directives du Conseil canadien ne l’utilise pas[31].
[84] L’accusé qui invoque la défense de troubles mentaux, selon le deuxième volet de celle-ci, doit établir par prépondérance de probabilités que ses troubles mentaux le privaient de la capacité de savoir que l’acte posé était mauvais, mais pas qu’ils étaient d’une intensité telle qu’il était incapable de le savoir. Puisque l’expression « intensité telle » risque d’être interprétée comme ajoutant un fardeau de persuasion additionnel, il est préférable de l’éviter en s’en remettant à la directive suggérée par le Conseil canadien de la magistrature qui ne l’utilise pas. Toutefois, l’appelant ne convainc pas la Cour que son emploi a été ici problématique.
3- La simulation
[85] Dans l’arrêt Molodowic, tel qu’évoqué précédemment, la Cour suprême reconnaît l’existence d’un « danger réel, […] qu’un jury soit trop sceptique sur un ‘’ moyen de défense ’’ qui est souvent perçu comme facile à fabriquer et difficile à réfuter »[32] ce qui s’explique notamment par les nombreux mythes qui entourent la défense de troubles mentaux[33].
[86] Ainsi, la simulation est souvent un enjeu lorsqu’il y a une défense de troubles mentaux[34].
[87] En revanche, un expert compétent peut témoigner sur les critères utilisés en psychiatrie pour détecter la simulation d’une maladie mentale[35]. Or, dans la présente affaire, une telle preuve est absente.
[88] Les questions de la poursuite au sujet de la simulation, sans explorer avec les experts les critères applicables afin d’évaluer cette possibilité, constituaient une insinuation qui ne pouvait qu’être gravement préjudiciable à la défense de l’appelant[36]. En effet, elles invitaient le jury sur le sentier de la conjecture.
[89] Le problème s’avère plus accentué si on considère la plaidoirie de la poursuite qui aborde la simulation d’une manière qui ne pouvait que nourrir la possibilité de conjectures :
On a parlé de la question de la simulation. Encore une fois, je veux juste vous mettre en garde. Effectivement, on a abordé des questions, on a posé des questions est-ce qu'une simulation était possible? La simulation, ce n'est pas forcément quelque chose qui est un tout absolu. Monsieur Tshilumba, je vous le suggère, peut peut-être simuler depuis le début, là, mais considérant la preuve qu'on a entendue de ses parents, peut par contre simuler ou amplifier certains symptômes ou exagérer certains symptômes quand même par la suite.
[90] Évoquer ainsi la possibilité d’une simulation partielle de l’appelant, sans fondement factuel, était de nature à alimenter les conjectures auxquelles le jury pouvait se livrer, et ce, même si ce n’était pas la position formellement adoptée par la poursuite dans sa plaidoirie.
[91] Pour ce qui est de la réécriture des événements, le Dr Morissette indique qu’il n’est pas impossible que l’appelant ait construit l’idée de l’attaque de la part de la victime, afin de se protéger de celle qu’il ait pu commettre un meurtre. Selon le psychiatre, même si cette hypothèse n’était pas impossible, ce n’est pas celle qu’il a retenue, considérant la preuve. La Dre Proulx, en contre-interrogatoire, avait répondu à cette hypothèse : « Bien, c’est toujours possible ».
[92] Il est vrai que la juge énonce clairement que les deux psychiatres considéraient que l’appelant ne pouvait, en raison de son trouble mental, savoir si son acte était mauvais tout en rappelant que la position de la poursuite était que le trouble mental n’était pas assez intense pour empêcher la capacité de distinguer moralement le bien du mal. La juge revoit d’ailleurs les témoignages des experts, dont celui du Dr Morissette qui affirme qu’il n’y a pas d’autres explications au meurtre que le trouble mental. La juge évoque aussi les questions hypothétiques posées par la poursuite et les réponses données par les psychiatres dont certaines contredisaient la position de la poursuite.
[93] Néanmoins, les dangers posés par le risque de conjectures prescrivaient qu’une mise en garde ferme soit formulée au jury et que les notions d’inférence et de conjecture soient bien définies[37]. En l’absence d’une telle mise en garde, l’appelant soutient avec raison que plusieurs éléments risquaient d’entraîner le jury sur la voie inappropriée de la conjecture.
[94] Plusieurs éléments de la preuve, notamment le comportement de l’appelant après l’homicide, permettaient à la poursuite de suggérer au jury que l’appelant savait que les gestes posés étaient mauvais et que ses troubles mentaux ne l’avaient pas privé de sa capacité de le savoir. Il appartenait au jury d’évaluer cette preuve et les inférences divergentes qu’il pouvait en tirer à la lumière de directives appropriées[38].
[95] Toutefois, en raison du risque inévitable de conjectures associé au mythe selon lequel la défense de troubles mentaux est « perçue comme facile à fabriquer et difficile à réfuter »[39], il était imprudent et inapproprié pour la poursuite, en l’absence d’un fondement factuel suffisant, de faire allusion à la simulation, et ce, même après avoir précisé qu’il ne s’agissait pas de l’interprétation qu’elle proposait.
[96] Cette conclusion est un motif supplémentaire d’ordonner la tenue d’un nouveau procès, lequel s’ajoute au moyen principal de l’appelant concernant les directives à l’égard de son comportement après l’homicide, comme nous le verrons.
3E MOYEN : LES DIRECTIVES RELATIVES À LA CONDUITE APRÈS L’HOMICIDE ET LEUR CONFUSION
[97] L’appelant critique la complexité indue et le caractère contradictoire des directives données par la juge au sujet de son comportement après l’homicide[40]. À cela s’ajoute la confusion qui se dégage de l’ensemble des directives.
[98] À l’instar de l’appelant, la Cour constate que les directives données par la juge se révèlent complexes, indûment longues et contradictoires, situation aggravée par les directives corrigées à la demande des parties sur le comportement de l’appelant après l’homicide.
[99] Les éléments de preuve résumés par la juge dans ses directives au sujet de la conduite de l’appelant postérieure aux événements comprennent : 1) sa fuite lorsqu’il quitte à la course le Maxi après avoir poignardé la victime à de multiples reprises; 2) la récupération de son couteau, après l’avoir échappé, qu’il place par la suite dans sa poche; 3) son refuge au Tim Hortons pendant sept heures; 4) le changement de vêtements lorsqu’il arrive à cet endroit; 5) les messages texte envoyés à ses amis et des membres de sa famille de cet endroit; 6) les recherches qu’il effectue sur Internet alors qu’il est au Tim Hortons et le lendemain; 7) ses allées et venues le lendemain matin et en soirée au cégep André-Laurendeau; 8) le placement dans son casier de son sac à dos contenant ses vêtements et le couteau; 9) il croise sa sœur dans le métro le lendemain des événements en matinée, mais ne retourne pas à la maison avec elle; 10) ses déplacements en autobus et en métro.
[100] La Cour abordera d’abord les directives portant sur le comportement de l’appelant après l’homicide et particulièrement les corrections apportées par la juge à la demande des parties. Celles-ci ont fait en sorte que le jury ne pouvait considérer le comportement de l’appelant après l’homicide pour faire naître un doute raisonnable à l’égard des éléments essentiels du meurtre au deuxième ou au premier degré.
[101] Puisque l’appelant soutenait que son comportement après l’homicide s’expliquait par ses troubles mentaux, appuyé en cela par les psychiatres qui ont témoigné, la correction apportée par la juge à la demande des parties a empêché le jury de considérer les troubles mentaux à toutes les étapes de leurs délibérations. Dans la présente affaire, le comportement de l’appelant après l’homicide ne devait pas être considéré de manière fragmentée, mais globale.
[102] Ce moyen d’appel exige d’abord la description des échanges lors des discussions précédant les directives au jury, les directives qui ont été données et la correction apportée par la juge.
La conférence prédirectives
[103] La juge introduit la discussion à l’égard de la directive qui doit être donnée au sujet du comportement après le fait de la manière suivante :
L'autre, c'est le comportement post-délictuel. Mon intention était de donner une directive sur le comportement post-délictuel, mais naturellement, de le donner avec les deux côtés de la médaille, parce que le comportement post-délictuel, je vais énumérer ce qui peut faire partie du comportement post-délictuel. On a... si c'était juste la fuite en courant, naturellement, on ne donnerait pas la directive, parce que tu peux fuir autant pour l'homicide que le meurtre, mais quant à... comme on est dans un contexte de trouble mental, la fuite en courant est expliquée par monsieur Tshilumba, pourrait être considérée autrement que je fuis parce que je suis en danger par les filles, alors c'est sûr que vous allez en tenir compte. De se cacher dans le Tim Hortons pendant, c'est tu six heures? […] Sept heures, environ sept heures. Les recherches sur Internet, les deux visites au cégep, d'avoir caché l'arme dans deux casiers différents.
[Le soulignement est ajouté]
[104] L’échange qui en résulte entre les parties et la juge permet de dresser l’énumération de certains comportements après le fait.
[105] La juge ajoute ce qui suit :
Parce qu'uniquement la fuite n'est pas […] n'entraîne pas une directive. Toutefois, ici, c'est l'ensemble de... parce qu'on a une explication. Alors, ça, je vais y revenir donc brièvement, brièvement sur le comportement post-délictuel. Je vais voir comment je vais le placer parce que ce comportement post-délictuel-là va dans les deux sens: dans le sens que, selon votre théorie, il savait très bien ce qu'il venait de faire, c'est quelqu'un qui veut camoufler le crime, et selon la théorie de la Défense, tout ceci est conforme, est compatible avec la défense des troubles mentaux. Alors, je vais définitivement donner cette directive-là en disant toutefois regardez l'ensemble de la preuve, le comportement post-délictuel peut trouver explication autant, pas autant parce que je ne veux pas donner mon opinion, mais autant dans un que l'autre, mais ce comportement post-délictuel peut être... est interprété par les psychiatres comme étant compatible avec le trouble mental alors que le psychiatre en contre-interrogatoire n'exclut pas qu'il peut y avoir d'autres hypothèses à tous ces comportements-là. Alors, c'est ça.
[Les soulignements sont ajoutés]
[106] La procureure de la poursuite manifeste alors une crainte liée aux différents fardeaux applicables et à la nécessité de faire les distinctions nécessaires lors des directives sur le comportement de l’appelant après l’homicide.
[107] Ce commentaire amène les précisions suivantes de la juge qui suscite l’accord des parties :
LA COUR:
Non, quand j'arrive aux troubles mentaux...Donnez-moi juste une seconde. C'est comme une mise en garde que je vais leur faire pour le comportement post-délictuel qu'il peut y avoir deux interprétations et que je vais revenir, lors des directives du trouble mental, sur ces éléments post-délictuels, mais qu'ils gardent à l'esprit que ce comportement-là n'est pas seulement pour la théorie de la Couronne, n'est pas seulement non plus pour la théorie de la Défense.
[…]
LA COUR:
C'est beau. Alors, je vais la donner de façon générale. Je vais cibler les comportements post-délictuels, mais leur dire toutefois qu'ils gardent en tête que ce sont des éléments circonstanciels, qu'ils tiennent, qu'ils peuvent tenir en compte pour ce qui est de... quant à l'intention de l'accusé, la préméditation, mais qu'ils tiennent en compte lorsqu'ils évaluent l'ensemble de la preuve, que ça va... ça peut aller autant pour le meurtre. Mais, là, dans le fond, c'est meurtre premier, meurtre deuxième ou homicide, là.
[…]
LA COUR:
Alors, je vais voir comment je le décris, mais que ça peut aller aussi... qu'ils devront en tenir compte aussi lorsqu'ils évalueront la défense de troubles mentaux sur laquelle je reviens plus tard.
[108] La juge discutera à deux autres reprises des directives qu’elle allait donner aux membres du jury. Avant le début des plaidoiries finales, elle explique la teneur de ce qu’elle dira au jury durant son exposé :
L’autre chose, je suis dans les directives, naturellement. Quand on avait parlé du comportement post-délictuel, j'avais dit que je le donnais, j'avais donné en le modifiant, et ça va être très bref, que les comportements de monsieur Tshilumba après, ils pourront en tenir compte au moment où ils évaluent la défense des troubles mentaux, est-ce que ça va oui ou non dans le sens d'un trouble mental. Toutefois, la façon que je l'avais rédigé, je vais pas le donner de façon générale, parce que, que ce soit un meurtre ou un homicide involontaire, le fait de fuir la scène, le fait de se changer, le fait de cacher l'arme au [cégep André-Laurendeau], tous ces gestes vont autant à l'homicide involontaire qu'au meurtre. Alors, toutefois, je vais le dire, il faut qu'ils tiennent compte de l'ensemble de la preuve, puis ça fait partie de l'ensemble de la preuve, mais je ne donnerai pas la directive de comportement post-délictuel qui, quant à l'intention, est rarement donnée, beaucoup plus souvent pour l'identité, ce qui n'est pas un problème ici.
[109] Après la plaidoirie de l’avocat de l’appelant, la juge revisite à nouveau le contenu de la directive au sujet du comportement après le fait avec les parties :
Il y avait une autre chose que je voulais discuter. Je vous ai parlé du comportement post-délictuel. Quand je vais m'entretenir des psychiatres, naturellement, je vais leur dire qu'ils doivent évaluer les témoignages des psychiatres séparément, ce n'est pas un tout. Alors, ils peuvent accepter le témoignage des deux psychiatres et un ou l'autre ou les écarter les deux, mais ce n'est pas un tout. C'est une défense de troubles mentaux, mais présentée par deux témoins qui sont distincts, parce que, moi, je fais quand même, je vais faire un résumé assez exhaustif de la preuve. Je le fais au niveau du trouble mental que je ne reprends pas quand je reviens à l'intention, parce que je vais leur dire, je vous réfère à cette preuve-là qui va aussi aux troubles mentaux, mais la majorité de témoins de la Défense, alors tous les membres de la famille et l'ami, monsieur Louis, c'était pour les troubles mentaux, mais pour ce qui est du témoignage de l'accusé, naturellement, quant à l'intention, et je ne résume pas tous les documents, je réfère à D-11, à P-59, à P-60, ça sera à eux d'aller vérifier ce qu'ils ont à vérifier dans ces documents-là.
[110] À cette étape, il n’est pas facile de discerner la teneur précise de la directive que la juge donnera au jury quant à la pertinence du comportement après le fait à l’égard de l’intention requise pour le meurtre au deuxième degré et celle nécessaire au meurtre au premier degré. La juge énonce ses intentions, mais les parties ne disposent pas d’un projet de directives écrit leur permettant de comprendre précisément les directives qui seront communiquées au jury.
Les directives
[111] Dans ses directives, la juge aborde à trois reprises le comportement après le fait avant de procéder à la correction demandée par les parties.
[112] Elle traite d’abord de ce comportement dans le cadre de ses directives au sujet de la défense de troubles mentaux :
Alors donc la deuxième condition: vous devez décider si Monsieur Tshilumba a établi, selon la prépondérance des probabilités, que le trouble mental qui l’habitait, parce que si vous êtes rendus à cette deuxième condition, c’est que vous aviez été... il vous a convaincu, par la balance des probabilités, qu’effectivement, il souffrait d’un trouble mental, donc que cette maladie l’a rendu incapable soit de juger de la nature et de la qualité de ses actes ou de savoir que l’acte était mauvais. J’en étais aux comportements après les événements. Vous avez entendu la preuve concernant le comportement de l’accusé, après les événements au Maxi. Il s’agit d’une preuve circonstancielle. Vous pouvez considérer quelle inférence vous pourriez tirer de cette preuve. Un fait est établi par inférence lorsque l’on peut déduire logiquement et raisonnablement d’un autre fait ou d’un groupe de faits présenté au procès.
Alors l’accusé soulève une défense de troubles mentaux. Vous pouvez considérer cette preuve lorsque vous allez analyser cette défense. Votre appréciation de cette preuve circonstancielle doit toujours se faire en référence avec l’ensemble de la preuve. Ça sera à vous de décider quelles inférences vous pouvez tirer de cette preuve, si inférences il y a et si ces inférences peuvent vous aider à décider si l’accusé savait que les gestes posés étaient mauvais ou non au moment des événements. Alors donc un fait est établi par inférence lorsqu’on peut le déduire logiquement et raisonnablement d’un autre fait ou d’un groupe de faits présentés au procès. Les comportements de l’accusé après les événements, je vous en suggère quelques-uns, c’est à vous de décider, alors peut-être que j’en ai oublié ou vous voulez en ajouter, ça sera à vous de décider.
[Les soulignements sont ajoutés]
[113] Après avoir résumé la preuve concernant le comportement de l’appelant après l’homicide, la juge formule les observations suivantes :
Alors vous devez tenir compte du témoignage de l’accusé. Il vous donne certaines explications concernant ces faits. Je vous réfère à son témoignage –je ne vais pas le re-résumer– où il affirme entre autres qu’il est au Maxi et... qu’il fuit le Maxi et se cache au Tim Hortons, parce qu’il a peur que les filles le trouvent. Elles veulent le tuer, veulent lui faire du mal. Il cache le couteau, ne veut pas que sa mère le trouve et le confisque. Il change ses vêtements pour la même raison. Il vous a donné des explications pour ses recherches internet, par exemple, qu’il voulait savoir si Clémence avait tué des gens, si les filles étaient arrêtées par la police. Comment se débarrasser des vêtements et le... avec du sang, c’est pour que sa mère ne les trouve pas, qu’elle ne trouve pas le couteau. Alors il maintient qu’il a tout fait ça parce qu’il a peur de Clémence et des filles et qu’il doit se cacher. Ceci n’est qu’un bref résumé.
Les deux (2) psychiatres, Docteurs Morissette et Proulx, expliquent que ce comportement, ces comportements peuvent être compatibles avec le trouble mental qui habitait l’accusé au moment des événements. Toutefois, vous devez regarder aussi les autres inférences ou explications que vous pouvez tirer de cette preuve. Par exemple : l’accusé se sauve du Maxi en courant. Est-ce qu’il le fait parce qu’il sait qu’il a posé un geste mauvais et ne veut pas se faire arrêter par la police? Lorsqu’il se cache des heures au Tim Hortons, est-ce que c’est pour se cacher des filles parce qu’il est envahi par son délire de persécution ou il se cache de la police? Lorsqu’il cache son couteau au cégep, est-ce que c’est pour éviter que sa mère le trouve et le confisque, alors qu’il en a besoin pour sa sécurité ou c’est parce qu’il a... il sait qu’il a posé un acte qui est mauvais et que le couteau est l’arme du crime et il ne veut pas qu’on le trouve en sa possession? Ce ne sont que des pistes de références, ce ne sont que des pistes quant au résumé des faits. C’est à vous de décider si ces gestes-là ont été posés et quelles inférences et explications vous pouvez tirer de ce comportement, s’il y en a. Et lorsque vous aurez... si oui, vous tirez des inférences, qu’est-ce... ces inférences ou explications font partie ensuite de l’ensemble de la preuve. Alors donc vous décidez si oui ou non, vous pouvez tirer une inférence quelconque de ces éléments de preuve et si oui, ces éléments de preuve peuvent vous aider. C’est... est-ce que ces éléments de preuve circonstanciels peuvent vous aider lorsque vous vous pencherez sur la deuxième condition de l’article 16? C’est à vous de décider quelles conclusions vous tirez de ces preuves circonstancielles.
[Les soulignements sont ajoutés]
[114] Il convient de noter que la juge ne formule pas à ce moment la mise en garde requise par la jurisprudence qui vise à prévenir le risque associé à la preuve du comportement de l’accusé après le fait, soit de conclure trop hâtivement à la culpabilité[41].
[115] Lorsqu’elle aborde l’intention requise pour l’infraction de meurtre au deuxième degré, la juge explique alors, correctement selon le droit applicable[42], que la preuve relative aux troubles mentaux doit aussi être considérée, car celle-ci peut soulever un doute raisonnable quant à l’intention requise pour le meurtre au deuxième degré :
Alors j’arrive donc à l’intention. On est à la deuxième page de l’arbre[[43]]. Est-ce que Monsieur Tshilumba avait l’intention de causer la mort de Madame Beaulieu-Patry ou avait-il l’intention de lui infliger des lésions corporelles qu’il savait de nature à causer sa mort et qu’il était indifférent que la mort s’ensuive ou non? Alors je vais maintenant vous résumer la preuve qui concerne cet élément essentiel, qui est l’intention. Si vous êtes rendus à cette question, soit celle de l’intention requise pour qu’il y ait meurtre, c’est que vous avez conclu que la défense des troubles mentaux présentée par l’accusé ne rencontrait pas les exigences de l’article 16, et vous avez écarté ce moyen de défense.
Même... mais même si vous n’êtes pas convaincus, selon la prépondérance des probabilités, que Monsieur Tshilumba était atteint d’un trouble mental justifiant un verdict de non-responsabilité criminelle, vous devez malgré tout considérer la preuve de son état mental, ainsi que tout autre élément de preuve pour déterminer si l’accusé avait l’intention requise pour commettre l’infraction du meurtre au premier degré. Le fardeau de preuve est fort différent. En d’autres mots, si vous avez conclu que l’accusé ne souffrait probablement pas de troubles mentaux ou qu’il souffrait probablement de troubles mentaux, mais qui ne le privaient pas de savoir que l’acte était mauvais, vous devez quand même examiner la preuve relative aux troubles mentaux, avec tous les autres éléments de preuve, afin de décider si la Couronne a prouvé, hors de tout doute raisonnable, la question de l’intention. Or, rendus à cet élément essentiel, vous n’écartez pas de votre tête la partie du témoignage de l’accusé ni ce que les psychiatres ont dit. Ça fait partie de l’ensemble de la preuve. Vous devez quand même la considérer. Une preuve qui ne peut vous convaincre, selon une prépondérance de probabilités, pourrait cependant soulever un doute raisonnable quant à l’élément intentionnel pour qu’il y ait meurtre, et que la Couronne doit prouver hors de tout doute raisonnable.
Si l’ensemble de la preuve crée un doute raisonnable que Monsieur Tshilumba n’avait pas l’intention nécessaire pour commettre un meurtre au premier degré, vous devrez le trouver coupable... vous devrez trouver coupable Monsieur Tshilumba non coupable de meurtre au premier degré, pardon, mais coupable d’homicide involontaire, et je vais y revenir.
Alors si l’ensemble de la preuve crée un doute raisonnable que Monsieur Tshilumba n’avait pas l’intention nécessaire pour commettre un meurtre au premier degré, alors vous devrez trouver Monsieur Tshilumba non coupable de meurtre au premier degré, mais coupable d’homicide involontaire coupable, et je vais y revenir[44].
[Les soulignements sont ajoutés]
[116] Par la suite, elle entretient le jury sur le comportement après le fait et sa pertinence dans la détermination de l’intention de l’appelant :
Afin de déterminer si, dans les circonstances, vous pouvez faire la déduction conforme au bon sens, que l’accusé voulait les conséquences naturelles et probables de ses actes, vous devez apprécier toute la preuve, y compris celle de la capacité mentale réduite au moment des événements. J’ai déjà passé ces éléments de preuve en revue lorsque je vous ai résumé la preuve sur la défense des troubles mentaux. Naturellement, je n’y reviendrai pas. Cette preuve pourrait réfuter la déduction conforme au bon sens. Si, après l’appréciation de toute la preuve, il subsiste un doute raisonnable à savoir si vous pouvez appliquer la déduction conforme au bon sens voulant que l’accusé ait voulu les conséquences naturelles et probables de ses actes, alors vous ne pourrez pas appliquer cette déduction. La preuve de l’état mental de l’accusé au moment des événements est pertinente pour déterminer s’il avait l’intention requise pour commettre le meurtre.
[…]
Vous devez regarder, aussi, quand vous êtes à la question de l’intention, le vidéo du Tim Hortons, comportement de l’accusé après les événements. Il se cache au Tim Hortons. Il laisse le couteau au Cégep. Vous devez considérer les explications de l’accusé, à savoir qu’il se cachait des filles et non de la police. Ça sera à vous de décider. Ça sera à vous d’inférer de la preuve. C’est à vous de voir quelles explications peuvent être tirées de ces éléments de preuve. Ces éléments pourraient peut-être vous amener à déduire qu’il se cachait des policiers ou qu’il était convaincu, dans son délire, que les filles... ou dans sa maladie, que les filles lui voulaient encore du mal. Ça sera à vous de décider.
[Les soulignements sont ajoutés]
[117] À cette étape, cette directive est appropriée, le jury devait considérer les autres explications possibles du comportement de l’appelant après l’homicide, y compris la conviction de l’appelant qui, en raison de son délire ou sa maladie, croit que sa vie est toujours en danger.
[118] Finalement, la juge énonce ses instructions à l’égard du meurtre au premier degré et de l’élément de préméditation :
Afin de décider cette question, vous devrez considérer la preuve dans son ensemble, encore une fois. Entre autres choses, vous tenez compte de ce que l’accusé a fait ou n’a pas fait, la façon dont l’accusé a fait ou n’a pas fait ces choses, ce qu’il a dit ou n’a pas dit. La situation dans laquelle se trouvait l’accusé et l’état d’esprit de l’accusé, incluant tout élément de preuve de capacité mentale réduite. Concernant la preuve relative aux troubles mentaux, je vous rappelle ce que je vous ai dit plus tôt : si vous avez décidé que Monsieur Tshilumba n’était probablement pas atteint de troubles mentaux ou que s’il en était atteint... s’il en était probablement atteint, cela ne pri... ça ne l’a pas privé de savoir que l’acte était mauvais, donc vous allez rejeter la défense de troubles mentaux. Vous devez quand même examiner la preuve relative aux troubles mentaux avec tous les autres éléments de preuve, afin de décider si la Couronne a prouvé, hors de tout doute raisonnable, l’existence de cet élément essentiel. En d’autres mots, la preuve relative aux troubles mentaux ne vous a peut-être pas convaincus selon une forte prépondérance de probabilités[45] que l’accusé soit reconnu non responsable criminellement, mais pourrait soulever un doute raisonnable quant à l’élément essentiel de préméditation et de propos délibéré, pour qu’il y ait meurtre au premier degré, et que la Couronne doit prouver hors de tout doute raisonnable. Encore une fois, je ne reviendrai pas sur toute la preuve présentée lors de la défense des troubles mentaux.
[Le soulignement est ajouté, caractères gras ajoutés]
[119] Même si la juge enjoint le jury de considérer « la preuve qui confirme les troubles mentaux », on notera néanmoins l’absence d’une directive spécifique, similaire à celle donnée lorsqu’elle avait abordé le meurtre au deuxième degré, sur l’obligation du jury de considérer le témoignage de l’appelant selon lequel il croit que sa vie est toujours en danger après la commission de l’homicide.
[120] Après avoir terminé les directives concernant le meurtre au premier degré, la juge passe en revue avec le jury les divers éléments consignés dans l’arbre décisionnel.
[121] Les parties s’adressent alors à la juge pour lui demander de faire une correction et de donner une directive au jury selon laquelle le comportement de l’appelant après l’homicide n’a aucune valeur probante. La juge accepte de le faire sauf à l’égard du fait que l’appelant avait apporté des vêtements de rechange, élément qu’elle estime pertinent au caractère prémédité et de propos délibéré du meurtre.
[122] Voici la correction apportée par la juge :
Je reviens sur les faits. Je veux que ça soit clair. J’ai parlé avec les avocats. Quant à l’intention, tout ce qui se passe après les événements, donc à partir du moment où l’accusé part à courir et part du Maxi... vous savez, je vous ai énuméré dix (10) éléments qui se passent après les événements. Alors tous ces faits-là, le fait qu’il est parti à courir, qu’il aurait caché l’arme, qu’il s’est caché au Tim Hortons, qu’il s’est rendu au Cégep, qu’il a caché son sac à dos dans le casier, etc., tous ces éléments de preuve ne sont pas pertinents lorsque vous vous pencherez sur la question de l’intention, tout simplement parce que quelqu’un peut commettre un homicide involontaire et avoir la même réaction de fuite que si c’est pour un meurtre. Ça ne vous aidera pas sur l’intention. Alors vous ne considérez pas ce qui s’est passé après les événements quand vous vous pencherez sur la question de l’intention. Est-ce que... est-ce que ça va pour ça? Toutefois, il y a un élément de preuve, l’accusé est arrivé avec des vêtements de rechange et il se change après. Alors il avait donc... est-ce qu’il avait l’intention de poignarder Madame Clémence Beaulieu-Patry? C’est pour ça qu’il a apporté des vêtements de rechange et qu’il se change après? Peut-être que cet élément de preuve-là pourra vous aider quand vous vous pencherez sur la question de l’intention, peut-être que non. Est-ce que ça va? Ce que je viens de vous dire, c’est du copier-coller pour la préméditation et le propos délibéré. Tout ce qui se passe après les événements, à partir du moment où Monsieur Tshilumba part en courant, alors la fuite, le fait qu’il se cache et tout le reste ne vous aidera pas et n’est pas pertinent à la préméditation, parce qu’on peut commettre un homicide ou un meurtre au premier... au deuxième degré et fuir la scène et cacher des éléments de preuve et essayer de se débarrasser des éléments de preuve. Alors ce ne sont pas... tous ces comportements-là ou les gestes posés par Monsieur Tshilumba, après avoir poignardé Madame Beaulieu-Patry ne sont pas pertinents pour décider quant à l’élément essentiel de la préméditation et du propos délibéré. Vous comprenez? Vous pouvez commettre un homicide involontaire, donc vous n’avez pas l’intention de tuer quelqu’un et vous pouvez partir à courir. Par contre, ici aussi, le fait qu’il avait des vêtements de rechange et le fait qu’il se soit changé, ça, c’est un élément qui pourrait peut-être être pertinent si vous acceptez cet élément de preuve. Alors s’il avait prémédité, avec des propos délibérés, de se rendre au Maxi pour tuer Clémence ce soir-là et qu’il a apporté... et que vous concluez qu’il a apporté des vêtements pour se changer parce qu’il avait prémédité de tuer et qu’il s’est changé par la suite, ça peut peut-être être un élément de preuve qui pourra vous aider. Est-ce que ça va?
[Les soulignements sont ajoutés]
[123] Après avoir communiqué cette correction au jury, les parties s’estiment satisfaites.
[124] La Cour est d’avis que la juge et les parties étaient dans l’erreur. Comme déjà souligné, la directive donnée par la juge dans le cadre des éléments essentiels du meurtre au deuxième degré et qui exigeait que le jury considère l’explication de l’appelant de son comportement après l’homicide, soit sa crainte ancrée dans ses troubles mentaux que sa vie était en danger, était impeccable et irréprochable.
[125] Malheureusement, la directive corrigée, selon laquelle le comportement de l’appelant après l’homicide n’avait aucune valeur probante à l’égard de l’intention requise pour le meurtre ou le caractère prémédité et de propos délibéré de celui-ci, empêchait le jury de considérer l’ensemble de la preuve sur laquelle pouvait se fonder l’autre explication possible du comportement de l’appelant, soit sa perception nourrie par ses troubles mentaux que sa vie était toujours en danger, comme il l’a d’ailleurs expliqué dans un texto à son meilleur ami alors qu’il s’était réfugié au Tim Horton’s : « Je noy ma vie » qui voulait dire qu’il craignait pour sa vie.
[126] Ces corrections sont fatales et exigent la tenue d’un nouveau procès.
[127] À la décharge de la juge du procès, il vaut de souligner que la jurisprudence et la doctrine reconnaissent que les directives concernant le comportement après le fait présentent plusieurs difficultés[46]. Au surplus, elle n’a pu bénéficier des enseignements de l’arrêt Calnen dans lequel la juge Martin précise que la preuve relative au comportement après le fait de l’accusé peut être pertinente pour trancher la question de l’intention et peut servir à étayer une distinction entre divers degrés de culpabilité[47].
[128] Comme le précise la juge Martin « [l]e fait qu’il puisse exister une gamme de conclusions potentielles ne rend pas nul le comportement après le fait »[48]. Toutefois, il appartient au jury de déterminer quelles inférences il est prêt à tirer et le poids qu’il leur attribue[49]. L’arrêt Calnen favorise donc une analyse nuancée de cette question et établit qu’il n’existe aucune règle absolue qui exclut l’utilisation du comportement de l’accusé après le fait pour déterminer l’intention de l’accusé ou faire une distinction entre les divers degrés de culpabilité[50]. C’est le tableau d’ensemble qui importe[51].
[129] Ici, seule une telle évaluation aurait permis au jury de considérer d’une manière adéquate si le comportement de l’appelant après l’homicide soulevait un doute raisonnable sur sa culpabilité. La directive corrigée formulée par la juge à la demande des parties fermait explicitement la porte à une telle analyse en restreignant les éléments de preuve que le jury pouvait considérer, comme par exemple la fuite du Maxi et le fait qu’il se cache au Tim Hortons durant sept heures. Or, ces deux éléments avaient été identifiés par la juge dans ses discussions avec les avocats sur la défense de troubles mentaux comme supportant une inférence que le comportement de l’appelant pouvait s’expliquer par sa volonté de fuir la victime et ses amies qui mettaient sa vie en danger.
[130] Dans la présente affaire, le défi était double.
[131] D’une part, la preuve concernant les troubles mentaux de l’appelant exigeait des directives nuancées sur l’évaluation à l’égard de questions où le fardeau de preuve des parties était différent : 1) l’appelant avait le fardeau d’établir par prépondérance que ses troubles mentaux l’empêchaient de savoir que les gestes qu’il avait posés étaient mauvais; 2) la poursuite devait établir hors de tout raisonnable que les troubles mentaux de l’appelant ne soulevaient pas de doute raisonnable quant à son intention de tuer la victime ou le caractère prémédité et de propos délibéré du meurtre.
[132] D’autre part, les directives concernant la conduite de l’appelant après l’homicide devaient aussi faire les nuances qui s’imposent dans ce contexte, notamment en raison du fait que sa fuite et son refuge pendant plus de sept heures au Tim Hortons pouvaient être interprétés à la lumière de ses pensées délirantes.
[133] Puisque le jury devait considérer toute autre explication possible du comportement de l’appelant après l’homicide et ceci, à toutes les étapes de ses délibérations (défense de troubles mentaux, meurtre au deuxième degré et meurtre au premier degré), cette évaluation ne pouvait pas se faire de manière compartimentée en isolant certains éléments de preuve comme, par exemple, les vêtements de rechange. Une approche globale de l’appréciation d’une telle preuve aurait pu aider le jury à déterminer si la culpabilité de l’accusé soulevait ou non un doute raisonnable[52].
[134] Par ailleurs, l’accord des avocats de l’appelant avec la correction apportée par la juge n’est pas déterminant[53], car il appartenait à la juge du procès de donner des directives conformes au droit[54]. Soucieux de contrer le risque associé à la preuve du comportement de l’appelant après l’homicide, ces derniers ont demandé une directive selon laquelle cette preuve n’avait aucune valeur probante sans toutefois pleinement réaliser qu’en raison de cette directive, plusieurs éléments de cette preuve pouvant confirmer l’existence de troubles mentaux chez lui et fonder un doute raisonnable ne pourraient plus être considérés par le jury.
[135] De toute façon, la juge avait le devoir d’instruire le jury que l’analyse de l’ensemble de la preuve, y compris celle des troubles mentaux de l’appelant et la conduite postérieure de celui-ci après l’homicide, pouvait soulever un doute raisonnable sur sa culpabilité de l’infraction de meurtre au premier degré ou celle incluse de meurtre au deuxième degré[55]. La juge avait d’ailleurs mentionné aux avocats qu’elle instruirait le jury en ce sens avant les plaidoiries.
[136] Par la suite, la juge et les parties ont abordé les directives qu’il fallait donner au jury en tenant pour acquis que le comportement de l’appelant après le fait ne permettait pas de distinguer entre la culpabilité pour meurtre au deuxième ou au premier degré. Ce consensus ne peut s'expliquer que par une mauvaise application de l’arrêt Arcangioli[56] aux circonstances et à la preuve présentée dans la présente affaire.
La confusion qui découle des directives contradictoires
[137] Avec raison, l’appelant fait valoir qu’il est presqu’impossible que le jury ait compris comment il devait évaluer la preuve de son comportement après l’homicide. En effet, les directives étaient contradictoires et incompatibles.
[138] Une analyse morcelée et parcellaire de la preuve du comportement de l’appelant après l’homicide était impossible. Le jury ne pouvait à la fois considérer la preuve du comportement de l’appelant après l’homicide en évaluant la défense de troubles mentaux et l’exclure en considérant la culpabilité de l’appelant à l’égard de l’infraction dont il était accusé.
[139] Par ailleurs, comme le suggère avec justesse l’appelant, la confusion du jury n’a pu qu’être accentuée lorsque la juge a résumé la position de la poursuite presque immédiatement après avoir énoncé la directive corrigée.
[140] Voici comment la juge résume la position de la poursuite :
Maintenant, quant à la théorie de la cause de la poursuite[[57]]: le 10 avril 2016, vers vingt heures trente (20h30), l’accusé se présente au Maxi, situé au 8305, Papineau à Montréal, avec l’intention déjà planifiée de tuer Clémence Beaulieu-Patry. Il se dirige au fond du magasin pour arriver à la section des vêtements Joe Fresh par l’arrière. La victime lui fait dos. Elle est en train de plier des vêtements lorsque l’accusé la poignarde à de nombreuses reprises. Il fuit ensuite les lieux avec son couteau pour éviter d’être arrêté, se dirige vers le Tim Hortons à proximité, où il va se cacher durant près de sept heures (7h). Il va y changer de vêtements et texter des amis pour qu’ils viennent le chercher. Forcé de sortir du Tim Hortons après avoir été découvert, il va se rendre au Cégep André-Laurendeau où il va y laisser ses vêtements tachés de sang et son couteau dans un casier. Durant les heures qui vont suivre, Monsieur Tshilumba va faire plusieurs recherches et consulter des pages Internet afin de savoir s’il est recherché, de trouver le meilleur moyen de se débarrasser de l’arme du crime et de détruire les preuves le reliant au meurtre. En se rendant au Maxi, le 10 avril 2016, Monsieur Tshilumba avait planifié de tuer Clémence Beaulieu-Patry et il l’a poignardée de manière délibérée. Bien qu’il ait pu, à cette époque, ressentir les premiers symptômes d’un trouble mental, cela ne le rendait pas incapable de faire la distinction entre le bien et le mal.
[141] Tel que résumé, la position de la poursuite contredit directement la directive corrigée que la juge venait à peine de communiquer au jury. En effet, cette position s’appuie sur des éléments de preuve que le jury ne pouvait considérer selon la directive corrigée.
[142] De plus, comme expliqué auparavant, la poursuite ne pouvait s’appuyer sur l’argument que l’appelant ressentait les premiers symptômes d’un trouble mental alors que la preuve irréfutable identifiait un trouble mental dont l’existence était confirmée depuis plusieurs mois.
[143] Certes, la juge avait l’obligation de résumer la position des parties[58], mais elle ne pouvait simplement répéter le résumé suggéré par la poursuite sans égard à la vraisemblance de la position exprimée ou sa conformité à la preuve entendue par le jury[59]. Le rôle de la juge comportait un aspect éditorial[60], car elle devait corriger l’affirmation contenue dans le résumé de la poursuite au sujet du fait qu’il ressentait « les premiers symptômes d’un trouble mental », une assertion qui n’était pas conforme à la preuve.
[144] Ce moyen est bien fondé et exige la tenue d’un nouveau procès.
Les directives dans leur ensemble
[145] Mais, lorsqu’on considère les directives dans leur ensemble, il y a plus.
[146] Plusieurs facteurs ont accentué la complexité des directives : 1) leur longueur; 2) les éléments inutiles; 3) le récapitulatif de la preuve qui était à la fois trop long et mal circonscrit et 4) l’absence de directives écrites.
[147] Certes, l’exposé au jury n’a pas à être parfait, mais le juge doit clarifier et simplifier celui-ci autant que faire se peut. Comme l’expliquent les juges Bich et Hamilton dans l’arrêt Primeau, « [i]l y a donc dans la tâche qui incombe au juge un exercice d’éducation, éminemment pédagogique, qui requiert structure, clarté, cohérence et objectivité, mais aussi une certaine capacité de vulgariser sans trahir les exigences du droit »[61]. Bref, les directives ne doivent pas être parfaites, mais appropriées aux circonstances du dossier[62].
[148] Les directives au jury doivent donc être aussi complètes que nécessaire, mais également aussi succinctes que possible. Dans la poursuite de cet objectif, « [l]e juge du procès doit atteindre un équilibre délicat en rédigeant un exposé au jury qui est à la fois complet et compréhensible »[63]. Comme le juge Binnie le souligne dans l’arrêt Royz : « [l]a concision d’un exposé permet au jury de s’acquitter de sa tâche, à condition que le lien entre les éléments essentiels de la preuve et les questions à trancher soit bien expliqué aux jurés »[64]. Cela dit, il est tout aussi contraire à la volonté de simplifier l’exposé au jury « de donner des directives trop longues que de faire un exposé trop court »[65].
[149] En l’espèce, les directives étaient trop longues compte tenu du débat qui devait être circonscrit. L’exposé de la juge comportait un long développement sur l’existence de troubles mentaux chez l’appelant, le tout accompagné d’un long récapitulatif de la preuve consacrée à ce sujet. Or, de l’avis même de la juge, ce qu’elle a d’ailleurs communiqué au jury, cet élément n’était pas contesté par la poursuite. Son traitement alourdissait inutilement les directives et ne faisait qu’augmenter leur longueur et leur complexité.
[150] Il aurait mieux valu simplifier cet aspect et concentrer l’attention du jury sur la question véritablement en litige : est-ce que l’appelant savait que ce qu’il faisait était mauvais? Sinon, est-ce que ses troubles mentaux soulevaient un doute raisonnable sur l’un ou l’autre des éléments essentiels de l’infraction portée contre lui?
[151] De plus, la juge réfère à plusieurs reprises dans ses instructions au jury au premier volet de la deuxième condition de la défense de troubles mentaux, c’est-à-dire la question de savoir si les troubles mentaux de l’appelant le privaient de la capacité de juger de la nature et de la qualité de l’acte posé. Pourtant, l’appelant ne s’appuyait pas sur le premier volet de cette défense.
[152] Il est reconnu que les modèles de directives au jury « doivent être adaptés pour tenir compte des particularités de chaque affaire »[66]. Par conséquent, « [s]i les modèles de directives sont inapplicables aux faits ou au droit en cause, ils doivent être adaptés »[67]. Si l’un des volets de la défense de troubles mentaux est inapplicable, il doit être retiré des directives qui sont données au jury[68]. Le « recours excessif à la reproduction mécanique d’extraits de directives modèles au jury »[69] comporte le danger d’employer des directives superflues pour l’affaire en cause[70].
[153] Au surplus, le fait que les directives ont été données oralement par la juge était de nature à rendre encore plus difficile la tâche du jury. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une obligation, la remise de directives écrites aurait certainement facilité la tâche du jury.
[154] Dans l’arrêt récent Sorella, la Cour note que la remise au jury d’une copie écrite des directives est « une pratique louable à encourager qui a de nombreux avantages, ne serait-ce que pour permettre aux jurés de s’y référer sans entrave pendant leurs délibérations et éviter ainsi une incompréhension du droit, particulièrement à la suite d’un long procès truffé de délicates questions de droit »[71]. C’était certainement le cas en l’espèce.
[155] Par ailleurs, un avantage manifeste découle de la tenue de conférences prédirectives et de la préparation d’un projet écrit de directives : celui-ci pourra être révisé par le juge à la lumière des observations des parties avant que l’exposé au jury n’ait lieu.[72] La préparation d’un projet écrit de directives assure le respect du droit des parties d’être entendues sur la teneur de l’exposé qui sera communiqué au jury. Ce processus minimise le risque d’erreurs.
[156] Cela dit, précisons que l’absence de directives écrites ne justifie pas, en soi, un nouveau procès. Cela est préférable, car les avantages surpassent indéniablement les inconvénients[73]. Toutefois, il est vrai que ce qui prime, c’est le contenu des directives, soit « le message général que les termes utilisés ont transmis au jury »[74], pas le moyen utilisé pour communiquer celles-ci.
[157] L’accroissement du recours aux directives écrites s’accompagne en parallèle avec la volonté explicitement exprimée par la Cour suprême depuis plus de 25 ans de simplifier l’exposé au jury. Dans l’arrêt Hebert, le juge Cory observe que l’exposé au jury peut « prêt[er] inutilement à confusion à un point tel qu’il constitu[e] une erreur de droit »[75]. Dans l’arrêt Jacquard, le juge en chef Lamer écrit : « [j]e ne saurais trop insister sur le fait que le rôle du juge du procès, dans son exposé au jury, est de clarifier et de simplifier »[76]. Ces appels à la concision organisée et structurée de l’exposé au jury se voient réitérés dans l’arrêt Rodgerson[77].
[158] Un autre élément a contribué à la lourdeur et la longueur de l’exposé. Les directives de la juge comportent un long récapitulatif de la preuve, parfois sur des questions non contestées, ce qui ajoutait une couche additionnelle de difficulté, inutile à bien des égards. Rappelons que la Cour suprême réprouve les résumés de preuve trop longs et encourage la brièveté[78]. Un résumé du témoignage de chaque témoin est presque toujours inefficace et inutile[79]. La preuve présentée au procès doit être organisée pour le jury en fonction de sa pertinence quant aux questions qui doivent être tranchées. Sinon, le jury risque de ne pas en apprécier l'importance[80].
[159] Même si la juge du procès disposait d’une marge de manœuvre considérable dans la préparation de son exposé[81], son résumé de la preuve pêchait par excès d’exhaustivité, ce qui ne serait pas nécessairement problématique en soi, si la structure de celui-ci avait néanmoins permis au jury d’identifier avec facilité le lien entre les éléments de preuve pertinents et les questions qu’il devait déterminer[82].
[160] Tout ceci a eu comme conséquence d’amplifier la confusion.
4e MOYEN : LA DEMANDE DE RÉÉCOUTE DES DIRECTIVES
[161] L’appelant affirme que la juge du procès a commis une erreur en offrant le choix au jury de réécouter ses directives ou de préciser leurs questions. La poursuite soutient que la juge a consulté les deux parties, puis a demandé au jury s’il voulait écouter de nouveau l’ensemble des directives ou s’il voulait plutôt des explications supplémentaires sur une question précise. Compte tenu de la complexité et de la confusion des directives, il est loin d’être surprenant que le jury ait demandé à les réécouter.
[162] Présumant que le jury ne voulait pas réécouter l’entièreté des directives, la juge du procès discute avec les parties et leur fait part de son intention de demander au jury s’il veut réellement toutes les directives, sur un CD, ou s’il a besoin plutôt de précisions à ses directives. Les deux parties sont d’accord. Elle propose alors ces deux choix au jury. Elle précise que si le jury souhaite un support audio comprenant toutes les directives, il devra écouter les directives d’une manière équitable pour les deux parties en considérant l’ensemble des directives sur une question donnée. Le jury demande une copie audio des directives.
[163] Essentiellement, la juge a adapté les principes formulés par la Cour dans l’arrêt Robert[83] à la demande de réécoute de ses directives. Elle s’est assuré que le jury réécoute l’entièreté des directives sur un sujet donné. Cette instruction fort équitable est conforme aux enseignements de l’arrêt Robert et au pouvoir discrétionnaire qui y est reconnu.
CONCLUSION
[164] En conclusion, les directives concernant le comportement de l’appelant après l’homicide justifient à elles seules la tenue d’un nouveau procès. Leur longueur et la confusion qui en résultent également. De plus, les hypothèses avancées par la poursuite en l’absence d’un fondement de preuve indépendant en accentuent la nécessité.
[165] Il ne sera donc pas nécessaire de trancher les deux derniers moyens de l’appelant.
POUR CES MOTIFS, LA COUR :
[166] ACCUEILLE l’appel;
[167] ORDONNE la tenue d’un nouveau procès.
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| JULIE DUTIL, J.C.A. | |
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| DOMINIQUE BÉLANGER, J.C.A. | |
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| GUY COURNOYER, J.C.A. | |
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Me Julie Giroux | ||
LABELLE, CÔTÉ, TABAH ET ASSOCIÉS | ||
Pour l’appelant | ||
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Me Robert Benoit | ||
DIRECTEUR DES POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES | ||
Pour l’intimé | ||
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Date d’audience : | 30 août 2022 | |
[1] Winko c. Colombie-Britannique (Forensic Psychiatric Institute), [1999] 2 R.C.S. 625, paragr. 1.
[2] R. c. Calnen, 2019 CSC 6, [2019] 1 R.C.S. 301.
[3] R. c. White, [1998] 2 R.C.S. 72, paragr. 27.
[4] Même si la position de la poursuite lors de sa plaidoirie finale paraissait ambivalente et équivoque, la juge a instruit le jury, comme il se devait à notre avis, que la poursuite ne contestait pas l’existence des troubles mentaux de l’appelant. À cet égard, comme l’explique le juge Watt dans son ouvrage Helping Jurors Understand, Thomson, 2007: « Where the evidence plainly establishes some essential elements of the defence, P should be invited to acknowledge this in order to narrow the contested ground and reduce the volume of instructions required, hence their complexity » [Le soulignement est ajouté], (p. 71).
[5] R. c. Molodowic, [2000] 1 R.C.S. 420, 2000 CSC 16.
[6] R. c. Oommen, [1994] 2 R.C.S. 507.
[7] R. c. Molodowic, [2000] 1 R.C.S. 420, 2000 CSC 16, paragr. 1.
[8] Ibid.
[9] R. c. Molodowic, [2000] 1 R.C.S. 420, 2000 CSC 16.
[10] R. c. Molodowic, [2000] 1 R.C.S. 420, 2000 CSC 16, paragr. 7.
[11] Ibid.
[12] Ibid., paragr. 8.
[13] Ibid. Voir aussi R. v. Worrie, 2022 ONCA 471, paragr. 102.
[14] Sorella c. R., 2022 QCCA 383.
[15] R. c. François, [1994] 2 R.C.S. 827, p. 837; R. c. W.H., 2013 CSC 22, [2013] 2 R.C.S. 180, paragr. 32; LSJPA — 1710, 2017 QCCA 757, paragr. 60.
[16] R. c. Molodowic, [2000] 1 R.C.S. 420, 2000 CSC 16, paragr. 7-8; R. v. Worrie, 2022 ONCA 471, paragr. 98 et 102; R. v. Luciano, 2011 ONCA 89, paragr. 88.
[17] R. c. Jacquard, [1997] 1 R.C.S. 314, paragr. 42‑53; R. c. Jaw, 2009 CSC 42, [2009] 3 R.C.S. 26, paragr. 40; Lebrun c. R., 2021 QCCA 610, paragr. 12; R. v. Chretien, 2014 ONCA 403, paragr. 105.
[18] S. Lederman, M. Fuerst et H. Stewart, Sopinka, Lederman & Bryant : The Law of Evidence in Canada, 6e éd., LexisNexis, 2022, p. 949-950. Voir aussi Peter Sankoff, The Law of Witnesses and Evidence in Canada, 2e éd., vol. 1, Thomson Reuters, 2019 (feuilles mobiles, mise à jour no 3, septembre 2022), §.16:35.
[19] Eric V. Gottardi et al., Qualifying and Challenging Expert Evidence, Emond Montgomery Publications, 2022, p. 89-90. Comme le fait ressortir le juge Sopinka dans son opinion concordante dans l’arrêt R. c. Lavallee, [1990] 1 R.C.S. 852, p. 900, dans certaines circonstances, l’absence d’une preuve indépendante peut enlever à l’opinion d’un expert toute valeur probante.
[20] R. v. Chanmany, 2016 ONCA 576, paragr. 45.
[21] Sherman (Succession) c. Donovan, 2021 CSC 25, paragr. 97.
[22] R. c. Rose, [1998] 3 R.C.S. 262, paragr. 107.
[23] Ibid., paragr. 127; Robert J. Frater, Prosecutorial Misconduct, 2e éd., Canada Law Book, 2017, p. 268.
[24] R. c. Lyttle, [2004] 1 R.C.S. 193, 2004 CSC 5, paragr. 48-55.
[25] Ibid., paragr. 52; D. Paciocco, P. Paciocco and L. Stuesser, The Law of Evidence, 8e éd., Irwin Law, 2020, p. 551-552.
[26] R. v. Chanmany, 2016 ONCA 576, paragr. 45; Sherman (Succession) c. Donovan, 2021 CSC 25, paragr. 97. Voir Robert J. Frater, Prosecutorial Misconduct, 2e éd., Canada Law Book, 2017, p. 268.
[27] Bien que cette discussion se soulève habituellement à l’égard des possibilités qui suscitent ou non un doute raisonnable, le respect des mêmes principes s’impose. Voir par exemple : Bélanger c. R., 2020 QCCA 431, paragr. 44; S. Casey Hill, D. M. Tanovich et L. Strezos, McWilliams’ Canadian Criminal Evidence, 5e éd., vol. 2, Thomson Reuters, 2013 (feuilles mobiles, mise à jour no 3, juillet 2022), § 31:17, notamment la note en bas de page 5.
[28] Delisle c. R., 2013 QCCA 952, paragr. 96-101.
[29] Cooper c. R., [1980] 1 R.C.S. 1149, p. 1159.
[30] D. Watt, Watt’s Manual of Criminal Jury Instructions, 2e éd, Carswell, 2015, p. 1219-1220.
[31] Conseil canadien de la magistrature. Modèles de directives au jury, « Défense 16.1 : Troubles mentaux – Défense soulevée pendant le procès avant déclaration de culpabilité (art. 16) », dernière mise à jour juin 2014 (en ligne).
[32] R. c. Molodowic, [2000] 1 R.C.S. 420, 2000 CSC 16, paragr. 13; Labrie c. R., 2014 QCCA 309, paragr. 50; R. v. Richmond, 2016 ONCA 134, paragr. 59.
[33] Hy Bloom, « Not Criminally Responsible on Account of Mental Disorder (NCRMD) », dans Hy Bloom and Richard D. Schneider (dir.), Law and Mental Disorder: a Comprehensive and Practical Approach, Irwin Law, 2013, p. 264-265; M.L. Perlin, « The Insanity Defense: Nine Myths That Will Not Go Away », dans M.D. White (dir.), The Insanity Defense: Multidisciplinary Views on Its History, Trends, and Controversies, Praeger, 2017, p. 3-22.
[34] Labrie c. R., 2014 QCCA 309, paragr. 37; Demontigny c. R., 2022 QCCA 2, paragr. 65.
[35] Ibid., paragr. 37.
[36] Voir D. Paciocco, P. Paciocco et L. Stuesser, The Law of Evidence, 8e édition, Irwin, 2020 où les auteurs écrivent : « While it is true that the questions asked are not evidence – only the answers given are – simply asking a question may be prejudicial. There is power in innuendo » p. 551. Voir aussi S. Casey Hill, D. M. Tanovich et L. Strezos, McWilliams’ Canadian Criminal Evidence, 5e éd., vol. 2, Thomson Reuters, 2013 (feuilles mobiles, mise à jour no 3, juillet 2022), § 12.39.
[37] Delisle c. R., 2013 QCCA 952, paragr. 96-101; R. v. Khan, (1998), 126 CCC (3d) 353 (C.A. Man.), paragr. 71.
[38] R. c. Calnen, 2019 CSC 6, [2019] 1 R.C.S. 301, paragr. 112.
[39] R. c. Molodowic, [2000] 1 R.C.S. 420, paragr. 13.
[40] L’expression plus neutre « comportement après le fait » remplace progressivement celle généralement utilisée antérieurement « comportement postérieur à l’infraction ». Il s’agit d’une évolution particulièrement souhaitable lors des directives au jury.
[41] R. c. Arcangioli, [1994] 1 R.C.S. 129, p. 143; R. c. White, [1998] 2 R.C.S. 72, paragr. 22 et 57; R. c. White, 2011 CSC 13, [2011] 1 R.C.S. 433, paragr. 23-25; R. c. Calnen, 2019 CSC 6, [2019] 1 R.C.S. 301, paragr. 25 et 117. Voir les paragraphes 4 à 6 de la directive modèle 11.4 du Comité national sur les directives au jury du Conseil canadien de la magistrature sur le comportement après le fait, au même effet.
[42] Sorella c. R., 2017 QCCA 1908, paragr. 81.
[43] Les arbres décisionnels n’ont pas été produits au dossier : R. v. McNeil (2006), 213 C.C.C. (3d) 365, paragr. 27 (C.A. Ont.); R. v. Almarales, 2008 ONCA 692, paragr. 97; Martin Vauclair et Tristan Desjardins, Traité général de preuve et de procédure pénales, 29e éd., 2022, Yvon Blais, paragr. 33.8; E.G. Ewaschuk, Criminal Pleadings & Practice in Canada, 2e éd., vol. 2, Thomson Reuters, 1987, (feuilles mobiles, mise à jour no 5, juillet 2022), § 17:111.
[44] Dans ce passage, la juge réfère à cinq reprises par erreur à l’infraction de meurtre au premier degré, il est évident qu’elle aborde alors l’intention requise pour l’infraction de meurtre au deuxième degré. Elle formule un peu plus loin dans son exposé les directives au sujet du meurtre au premier degré.
[45] Il n’existe en droit canadien qu’une seule norme de prépondérance de preuve qui ne comporte aucun degré de probabilité : F.H. c. McDougall, [2008] 3 R.C.S. 41, 2008 CSC 53; E.G. Ewaschuk, Criminal Pleadings & Practice in Canada, 2e éd., vol. 2, Thomson Reuters, 1987 (feuilles mobiles, mise à jour no 5, juillet 2022), § 16:520; S. Casey Hill, D. M. Tanovich et L. Strezos, McWilliams’ Canadian Criminal Evidence, 5e éd., vol. 2, Thomson Reuters, 2013 (feuilles mobiles, mise à jour no 3, juillet 2022), § 19:12, note en bas de page 2.
[46] D. Paciocco, « Simply Complex: Applying the Law of “Post‑Offence Conduct” Evidence » (2016), 63 C.L.Q. 275, p. 276.
[47] R. c. Calnen, 2019 CSC 6, [2019] 1 R.C.S. 301, paragr. 119-140 (dissident, mais pas sur cette question). Voir aussi R. v. McGregor, 2019 ONCA 307, paragr. 102; R. v. Café, 2019 ONCA 775, paragr. 55; R. v. Jackson, 2016 ONCA 736, paragr. 20; R. v. S.B.1, 2018 ONCA 807, paragr. 71.
[48] R. c. Calnen, 2019 CSC 6, [2019] 1 R.C.S. 301, paragr. 112.
[49] Ibid.
[50] R. c. Calnen, 2019 CSC 6, [2019] 1 R.C.S. 301, paragr. 119-120; R. v. Adan, 2019 ONCA 709, paragr. 69; R. v. McGregor, 2019 ONCA 307, paragr. 102; R. v. Café, 2019 ONCA 775, paragr. 55; R. v. Morin, 2021 ONCA 307, paragr. 49; R. v. Wood, 2022 ONCA 87, paragr. 123; R. v. Reddick, 2021 ONCA 418, paragr. 120.
[51] R. c. White, [1998] 2 R.C.S. 72, paragr. 45.
[52] R. c. White, [1998] 2 R.C.S. 72, paragr. 43. Voir aussi R. v. Kler, 2017 ONCA 64, paragr. 126; Saillant-O'Hare c. R., 2022 QCCA 1187, paragr. 20.
[53] R. c. Daley, [2007] 3 R.C.S. 523, 2007 CSC 53, paragr. 58.
[54] R. c. Khill, 2021 CSC 37, paragr. 144; R. c. Calnen, 2019 CSC 6, [2019] 1 R.C.S. 301, paragr. 189.
[55] R. c. Jacquard, [1997] 1 R.C.S. 314, paragr. 27; R. c. Leblanc, [1991] R.J.Q. 686, 4 C.R. (4th) 98 (C.A.); R. c. Allard, [1990] R.J.Q. 1847, 57 C.C.C. (3d) 397 (C.A.); Sorella c. R., 2017 QCCA 1908.
[56] R. c. Arcangioli, [1994] 1 R.C.S. 129; au sujet de cet arrêt, la juge Martin indique dans Calnen, 2019 CSC 6, [2019] 1 R.C.S. 301, paragr. 120, que : « [l]’arrêt Arcangioli de notre Cour n’appuie pas la thèse suivant laquelle, en droit, le comportement après le fait ne peut servir à établir l’intention ou le degré de culpabilité de l’accusé d’une manière qui distingue diverses infractions ». Voir R. v. Adan, 2019 ONCA 709, paragr. 69; R. v. McGregor, 2019 ONCA 307, paragr. 102; R. v. Café, 2019 ONCA 775, paragr. 55; R. v. Morin, 2021 ONCA 307, paragr. 49; R. v. Wood, 2022 ONCA 87, paragr. 123; R. v. Reddick, 2021 ONCA 418, paragr. 120.
[57] Dans son ouvrage Helping Jurors Understand, le juge Watt suggère qu’il est préférable d’utiliser le terme « position » plutôt que « théorie », Thomson Carswell, 2007, p. 178-179.
[58] D. Watt, Helping Jurors Understand, Thomson Carswell, 2007, p. 178-180.
[59] R. c. Rose, [1998] 3 R.C.S. 262, paragr. 107.
[60] E.G. Ewaschuck, Criminal Pleadings & Practice in Canada, 2e éd., (feuilles mobiles, mise à jour no 5, juillet 2022), paragr. 17:106-17:107; D. Watt, Helping Jurors Understand, Thomson Carswell, 2007, p. 180.
[61] Primeau c. R., 2021 QCCA 544, paragr. 49.
[62] R. c. Calnen, 2019 CSC 6, [2019] 1 R.C.S. 301, paragr. 9; Primeau c. R., 2021 QCCA 544, paragr. 53; Beauchamp c. R., 2022 QCCA 339, paragr. 24.
[63] R. c. Rodgerson, 2015 CSC 38, [2015] 2 R.C.S. 760, paragr. 50.
[64] R. c. Royz, 2009 CSC 13, [2009] 1 R.C.S. 423, paragr. 2.
[65] R. c. Rodgerson, 2015 CSC 38, [2015] 2 R.C.S. 760, paragr. 50; Duchaussoy c. R., 2020 QCCA 380, paragr. 36; Palma c. R., 2019 QCCA 762, paragr. 45.
[66] R. c. R.V., 2021 CSC 10, paragr. 64.
[67] Ibid.
[68] D. Watt, Watt’s Manual of Criminal Jury Instructions, 2e éd., Carswell, 2015, p. 1220: « In some cases, it may be necessary only to instruct one branch of the test. In those cases, delete the other branch here and elsewhere in the instructions ».
[69] R. c. Rodgerson, 2015 CSC 38, [2015] 2 R.C.S. 760, paragr. 51.
[70] Dans son ouvrage Helping Jurors Understand, le juge Watt formule l’observation suivante sur ce thème: « Unnecessary instructions add complexity and create confusion. Comprehension and justice suffer » D. Watt, Helping Jurors Understand, Thomson Carswell, 2007, p. 71.
[71] Sorella c. R., 2022 QCCA 383, paragr. 132. Voir aussi De Leto c. R., 2022 QCCA 413, paragr. 55; Accurso c. R., 2022 QCCA 752, paragr. 143, note 46.
[72] R. v. Baker, 2019 BCCA 199, paragr. 39.
[73] D. Watt, Helping Jurors Understand, Thomson Carswell, 2007, p. 86-89.
[74] R. c. Daley, [2007] 3 R.C.S. 523, 2007 CSC 53, paragr. 30; R. c. Goforth, 2022 CSC 25, paragr. 30.
[75] R. c. Hebert, [1996] 2 R.C.S. 272, p. 277. Voir aussi R. c. Rodgerson, 2015 CSC 38, [2015] 2 R.C.S. 760, paragr. 42; R. c. Khill, 2021 CSC 37, paragr. 34. Voir aussi R. v. P.J.B., 2012 ONCA 730, paragr. 50-52.
[76] R. c. Jacquard, [1997] 1 R.C.S. 314, paragr. 13. Voir aussi R. c. Royz, [2009] 1 R.C.S. 423, 2009 CSC 13, paragr. 2.
[77] R. c. Rodgerson, 2015 CSC 38, [2015] 2 R.C.S. 760, paragr. 50-51.
[78] Voir l’arrêt R. c. Daley, [2007] 3 R.C.S. 523, 2007 CSC 53, paragr. 58 où la Cour suprême adopte les observations du juge Proulx dans l’arrêt R. c. Girard, [1996] R.J.Q. 1585 (C.A. Qué.), p. 1598.
[79] R. c. MacKay, [2005] 3 R.C.S. 607, 2005 CSC 75, paragr. 1; R. v. Newton, 2017 ONCA 496, paragr. 15-19; R. v. Cudjoe, 2009 ONCA 543, paragr. 160; R. v. Headley, 2018 ONCA 915, paragr. 48; R. v. R.C., 2020 ONCA 159, paragr. 78; R. v. Theodore, 2020 SKCA 131, paragr. 158.
[80] R. v. Saleh, 2013 ONCA 742, paragr. 145.
[81] R. v. Bouchard, 2013 ONCA 791, paragr. 40, appel rejeté 2014 CSC 64, [2014] 3 R.C.S. 283.
[82] Dans l’arrêt R. v. Cudjoe, 2009 ONCA 543, paragr. 152, le juge Watt écrit : « The trial judge should not simply leave the evidence in bulk for the jury, assigning to them responsibility for determining the relationship between the evidence and the issues that arise for their decision ».
[83] R. c. Robert (2004), 25 C.R. (6th) 55 (C.A.).
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