Décision

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Norgate Québec inc. c. Varatharsa

2025 QCTAL 24196

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

860072 31 20250311 G

No demande :

4663396

 

 

Date :

08 juillet 2025

Devant la juge administrative :

Suzanne Guévremont

 

Norgate Québec Inc.

 

Locatrice - Partie demanderesse

c.

Nafarajah Varatharsa

 

Nagarajah Tharsan

 

Varatharasa Selvatharsini

 

Varatharasa Theepan

 

Locataires - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

  1.          La locatrice demande la résiliation du bail et l'expulsion du locataire au motif qu’ils sont en retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer.  Elle demande également le recouvrement du loyer de février (17 $) et mars 2025, ainsi que les loyers dus au moment de l'audience, le tout avec les intérêts et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du C.c.Q., l’exécution provisoire de la décision et les frais.
  2.          La locatrice est représentée par François Saint-Pierre, gestionnaire immobilier chez Gestion Capital Montréal.  Le document l’autorisant à agir est produit dans le présent dossier comme pièce P-1.  Il sert également à 18 autres dossiers de la même nature, tous fixés sur le même rôle.[1]
  3.          Remarques préliminaires
  4.          Le 3 décembre 2024, la locatrice acquiert une soixantaine d’immeubles, dont celui qui abrite le logement concerné.[2]
  5.          Habituellement, le transfert du titre de propriété entraîne le transfert du titre de locateur. De plus, l’article 1937 C.c.Q. stipule que le nouveau locateur a, envers le locataire, les droits et obligations résultant du bail.

  1.          Il n’y a pas de formalités particulières à l'avis qui doit être transmis au locataire pour l'informer du nom du nouveau locateur. Par ailleurs, cet avis doit être donné par écrit comme le veut l’article 1898 C.c.Q. De plus, il doit être suffisamment précis et contenir l'essentiel des informations pertinentes pour permettre au locataire d’identifier le locateur.[3]
  2.          Dans tous les dossiers, la locatrice prétend, par la bouche de son représentant, qu’elle a avisé par écrit les locataires du changement de locateur peu de temps après la vente.  Elle est toutefois incapable de le prouver. 
  3.          C’est pourquoi le Tribunal tient à préciser que selon la preuve soumise, il n’entend pas condamner les locataires à payer des loyers qui ont été perçus par l’ancienne locatrice, si ces paiements précèdent le moment où ils sont avisés des droits de la locatrice actuelle à les percevoir. La demande de résiliation du bail fondée sur un retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer suivra la même logique.
  4.          Comme l'écrit l'honorable Camille Champeval, ancienne juge administrative, maintenant juge à la Cour du Québec : « Comment pourrait-on exiger du locataire le paiement de son loyer s’il n’a pas été informé de la personne à qui adresser son paiement ? » [4] 
  5.      Déjà en 1984, avant que l’article 1657.1 C.c.B.C. ne devienne 1937 C.c.Q., le juge Desjarlais s’exprimait ainsi sur cette question [5] :

« D'autre part, comme l'article 1657.1 du Code civil accorde et impose au nouveau locateur droits et obligations résultant du bail, il y a certainement lieu d'indiquer au locataire le nom du nouveau locateur et de l'informer des droits de celui-ci à la perception du loyer. »

  1.      Cette mise au point faite, qu’en est-il en l’instance ?
  2.      Il s’agit d’un bail du 1er juillet 2024 au 30 juin 2025 au loyer mensuel de 1050 $ dont 70 $ pour le stationnement[6].
  3.      Nafarajah Varatharsa, Nagarajah Tharsan et Varatharasa Theepan n'étant pas locataires, la locatrice se désiste de sa demande en ce qui les concerne.
  4.      Il est établi que le locataire a payé les loyers dus avant l’audience.[7]
  5.      La demande de résiliation du bail pour retard de plus de trois semaines n’est donc pas justifiée par l’application de l’article 1971 C.c.Q.
  6.      La locatrice insiste pour obtenir la condamnation du locataire au paiement des frais de justice, soit 116,25 $.
  7.      Sa demande est-elle fondée ?
  8.      La réponse est oui.
  9.      L’article 1596 du C.c.Q. prévoit que « La demande en justice formée par le créancier contre le débiteur, sans que celui-ci n'ait été autrement constitué en demeure au préalable, lui confère le droit d'exécuter l'obligation dans un délai raisonnable à compter de la demande.  S'il y a exécution de l'obligation dans ce délai, les frais de la demande sont à la charge du créancier. »
  10.      Pour savoir ce que constitue la notion de délai raisonnable au sens de l’article 1596 C.c.Q., il faut s’en remettre à la jurisprudence de la cour du Québec dans l’affaire Capreit GP inc. (Capreit) c. Royian.[8] 
  11.      Dans cette affaire, l’Honorable Daniel Bourgeois, siégeant en appel d’une décision du présent Tribunal dans laquelle cette question était soulevée, établit que le délai raisonnable en matière de recouvrement de loyer résidentiel ne peut s’entendre que d’un délai très court, et ce, à compter de la signification de la demande. Aussi, hormis des circonstances exceptionnelles, un délai excédant sept (7) jours ne pourrait être considéré comme étant raisonnable.
  12.      En l’espèce, le locataire a payé le loyer dû au-delà du délai de sept jours de la signification de la demande (27 mars 2025).  C’est donc lui qui assume les frais de celle-ci.


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.      CONDAMNE le locataire à payer à la locatrice les frais de justice de 116,25 $;
  2.      REJETTE la demande quant aux autres conclusions ;

 

 

 

 

 

 

 

 

Suzanne Guévremont

 

Présence(s) :

le mandataire de la locatrice

Varatharasa Selvatharsini, locataire

Date de l’audience : 

22 mai 2025

 

 

 


 


[1] TAL 861204, 861179, 861174, 861172, 861065, 860959, 860891, 860363, 860325, 860324, 860323, 860322, 860321, 860320, 860319, 860318, 860072, 860048.

[2] Pièce P-2.

[3] Chan c. Goldner, 31-070122-016G; Dufour c. 9299-1090 Québec inc. 2015 QCRDL 25457.

[4] Rodrigues c. Cyr, 2018 QCRDL 33090.

[5] Société en commandite 3454 Stanley c. Roustan C.P., SOQUIJ AZ-84031131, [1984] C.P. 264.

[6] Pièces P-3 et P-4.

[7] Pièce P-5.

[8] Capreit GP inc. (Capreit) c. Royian 2024 QCCQ 3297.

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