Décision

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Turp c. Procureur général du Québec

2023 QCCS 698

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

montréal

 

No :

500-17-115900-212

 

 

 

DATE :

10 MARS 2023

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

daniel urbas, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

NICOLAS TURP

 

Demandeur

c.

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

 

Défendeur

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

APERÇU

[1]   Une société démocratique nécessite certains composants pour fonctionner correctement et pour répondre aux attentes des citoyens : une législature librement élue, un exécutif efficace et des tribunaux indépendants ainsi que des médias libres et des citoyens engagés dans l'un ou l'autre d'entre eux. Si les trois premiers sont les composants formels, les deux autres sont tout aussi nécessaires. À chacun son rôle.

[2]   Les tribunaux ont pour mission de trancher les litiges dont ils sont saisis conformément aux règles de droit qui leur sont applicables[1]. Ces tribunaux peuvent avoir une autorité inhérente ou statutaire et comprennent les tribunaux administratifs.

[3]   Parfois, le litige porte sur la règle elle-même. Saisie d’un pourvoi en contrôle judiciaire la Cour supérieure peut déclarer inapplicable, invalide ou inopérante une disposition d’une loi du Québec ou du Canada, un règlement pris sous leur autorité, un décret gouvernemental ou un arrêté ministériel ou toute autre règle de droit[2]. Dans une affaire civile ou administrative, la personne qui entend mettre en question le caractère opérant, l’applicabilité constitutionnelle ou la validité d’une disposition d’une loi du Québec, de tout règlement pris sous son autorité, d’un décret gouvernemental ou d’un arrêté ministériel ou de toute autre règle de droit, doit en aviser le Procureur Général du Québec PGQ ») et ce, même pour les loi, règlement, décret et arrêté ministériel du parlement fédéral[3].  

[4]   Tout comme les rôles des autres composants, le rôle de la Cour supérieure a certaines contraintes. Premièrement, sa compétence inhérente et ses pouvoirs sont limités selon l’objet du litige qui lui est soumis pour résolution. Certains de ces pourvois en contrôle judiciaire soumis à la Cour supérieure portent sur la question de savoir si l'une des composantes peut déléguer son autorité exclusive à l'une des autres composantes.

[5]   Deuxièmement, quand l’objet qu’elle examine touche des questions constitutionnelles impliquant la séparation des pouvoirs, la Cour supérieure doit respecter les fonctions constitutionnelles et les attributions institutionnelles du législatif, de l’exécutif et du judiciaire. La résolution de tels pourvois exige parfois de déterminer s'il est même approprié que la Cour supérieure décide de la façon dont la législature doit se comporter à l'interne pour déléguer correctement son autorité.

CONTEXTE

[6]                Me Nicolas Turp (« Demandeur ») dépose une Demande introductive d’instance en jugement déclaratoire en date du 12 mars 2021 Demande ») invoquant l’article 142 du Code de procédure civile[4] C.p.c. »). L’article 142 C.p.c. prévoit qu’une demande en justice peut avoir pour objet d’obtenir, même en l’absence de litige, un jugement déclaratoire déterminant, pour solutionner une difficulté réelle, l’état du demandeur ou un droit, un pouvoir ou une obligation résultant d’un acte juridique.

[7]                Dans sa Demande, le Demandeur soutient que l'article 119, al. 1 de la Loi sur la santé publique[5] (« Loi sur la santé publique » ou « LSP ») constitue une délégation inconstitutionnelle du pouvoir législatif de l'Assemblée nationale au gouvernement, ainsi qu'une privation de démocratie au peuple québécois contraire au principe démocratique. Bien qu'il se concentre sur l'article 119 al. 1 LSP, le Pourvoi reproduit les articles 118, 122, 123 et 128 LSP pour mieux situer la disposition en cause.

118 Le gouvernement peut déclarer un état d’urgence sanitaire dans tout ou partie du territoire québécois lorsqu’une menace grave à la santé de la population, réelle ou imminente, exige l’application immédiate de certaines mesures prévues à l’article 123 pour protéger la santé de la population.

119 L’état d’urgence sanitaire déclaré par le gouvernement vaut pour une période maximale de 10 jours à l’expiration de laquelle il peut être renouvelé pour d’autres périodes maximales de 10 jours ou, avec l’assentiment de l’Assemblée nationale, pour des périodes maximales de 30 jours.

Si le gouvernement ne peut se réunir en temps utile, le ministre peut déclarer l’état d’urgence sanitaire pour une période maximale de 48 heures.

122 L’Assemblée nationale peut, conformément à ses règles de procédure, désavouer par un vote la déclaration d’état d’urgence sanitaire et tout renouvellement.

Le désaveu prend effet le jour de l’adoption de la motion.

Le secrétaire général de l’Assemblée nationale doit promptement publier et diffuser un avis du désaveu avec les meilleurs moyens disponibles pour informer rapidement et efficacement la population concernée. Il doit, de plus, faire publier l’avis à la Gazette officielle du Québec.

123 Au cours de l’état d’urgence sanitaire, malgré toute disposition contraire, le gouvernement ou le ministre, s’il a été habilité, peut, sans délai et sans formalité, pour protéger la santé de la population:

   ordonner la vaccination obligatoire de toute la population ou d’une certaine partie de celle-ci contre la variole ou contre une autre maladie contagieuse menaçant gravement la santé de la population et, s’il y a lieu, dresser une liste de personnes ou de groupes devant être prioritairement vaccinés;

   ordonner la fermeture des établissements d’enseignement ou de tout autre lieu de rassemblement;

   ordonner à toute personne, ministère ou organisme de lui communiquer ou de lui donner accès immédiatement à tout document ou à tout renseignement en sa possession, même s’il s’agit d’un renseignement personnel, d’un document ou d’un renseignement confidentiel;

   interdire l’accès à tout ou partie du territoire concerné ou n’en permettre l’accès qu’à certaines personnes et qu’à certaines conditions, ou ordonner, lorsqu’il n’y a pas d’autre moyen de protection, pour le temps nécessaire, l’évacuation des personnes de tout ou partie du territoire ou leur confinement et veiller, si les personnes touchées n’ont pas d’autres ressources, à leur hébergement, leur ravitaillement et leur habillement ainsi qu’à leur sécurité;

   ordonner la construction de tout ouvrage ou la mise en place d’installations à des fins sanitaires ou de dispensation de services de santé et de services sociaux;

   requérir l’aide de tout ministère ou organisme en mesure d’assister les effectifs déployés;

   faire les dépenses et conclure les contrats qu’il juge nécessaires;

   ordonner toute autre mesure nécessaire pour protéger la santé de la population.

Le gouvernement, le ministre ou toute autre personne ne peut être poursuivi en justice pour un acte accompli de bonne foi dans l’exercice ou l’exécution de ces pouvoirs.

128 Le gouvernement peut mettre fin à l’état d’urgence sanitaire dès qu’il estime que celui-ci n’est plus nécessaire.

Un avis doit être publié et diffusé avec les meilleurs moyens disponibles pour informer rapidement et efficacement la population concernée.

La décision doit, de plus, être publiée à la Gazette officielle du Québec.

[8]                Le Demandeur modifie sa Demande et la requalifiée de Pourvoi en contrôle judiciaire en date du 24 mars 2021 Pourvoi »), invoquant l’article 529 al. 1(1) C.p.c. Cette disposition reconnaît les autres mesures, déjà indiqués ci-dessus au paragraphe 3, que la Cour supérieure peut ordonner à l'égard des textes législatifs ou décrets du gouvernement.

[9]                Le 10 mai 2021, le Demandeur modifie son Pourvoi, réajustant en partie ses allégations. Il soutient toujours que l'article 119 al. 1 LSP constitue une délégation inconstitutionnelle du pouvoir législatif de l'Assemblée nationale au gouvernement, mais retire la mention de la privation de démocratie. Par sa modification, il précise que l'article 119 al. 1 LSP est plutôt une violation du principe démocratique et porte atteinte sensiblement à la « structure fondamentale »[6] de la Loi constitutionnelle de 1867[7] Constitution »). Malgré la requalification du véhicule procédural et la modification de certaines allégations, l’objet reste le même, tel que reflété par la conclusion suivante figurant dans chacune des Demande et Pourvoi :

DÉCLARER que l'article 119, al. 1 de la Loi sur la santé publique, chapitre S-2.2, est inconstitutionnel et donc invalide et inopérant conformément à l'article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, C. 11.

[10]           Le Tribunal se concentre sur l'objet, tel que présenté par le Pourvoi, qui demeure inchangé.

[11]           Pour fournir le contexte de son Pourvoi, le Demandeur réfère à l'adoption d'un premier décret le 13 mars 2020[8] Décret Initial ») déclarant l'état d'urgence sanitaire sur tout le territoire québécois. Ce Décret Initial autorise l'adoption de mesures résultant d'une délégation de pouvoirs législatifs au gouvernement et à la ministre de la Santé et des Services sociaux.

[12]           Entre la date du Décret Initial et le dépôt de sa Demande le 10 mars 2021, le gouvernement a adopté 51 décrets supplémentaires concernant le renouvellement de l'état d'urgence sanitaire sur tout le territoire québécois. À la date de l'audience du Pourvoi, le gouvernement a adopté 64 décrets additionnels, pour un total de 115 décrets, soit le Décret Initial et 114 décrets subséquents par lesquels l’état d’urgence a été renouvelé Décrets » tous des décrets, y compris le Décret Initial) [9]. Lors de l'audition, le Demandeur signale que les mesures visées par les décrets ont été mises en place pendant 809 jours au total, soit 715 jours après le dépôt de sa Demande.

[13]           Les Décrets sont publiés dans la Gazette officielle. Ils ne sont pas secrets, au contraire ils sont disponibles et destinés à être lus par tous ceux qui s'intéressent au fonctionnement de l'Assemblée nationale et du gouvernement. Pour que tous les citoyens soient au courant de ce qui se passe, chaque Décret énumère tous les Décrets précédents. Chaque Décret permet même au lecteur le moins attentif de constater que le nombre de Décrets a été élevé.

[14]           Le Demandeur fournit une liste des Décrets, classés chronologiquement par date de publication. Hormis quelques exceptions initiales, la liste révèle que les Décrets sont émis tous les sept jours et non plus tous les dix jours[10]. Le nombre de Décrets est donc plus élevé que s'ils étaient émis tous les 10 jours. La durée réduite de chaque Décret peut refléter les décisions du gouvernement de limiter la durée des mesures autorisées.  Pourtant, aucune preuve n'a été apportée quant à la raison pour laquelle le gouvernement a choisi d'émettre les Décrets tous les sept jours plutôt que tous les dix jours. En agissant ainsi, de manière répétée et publique, le gouvernement a démontré qu'il pouvait exercer l'autorité déléguée pendant une période plus courte.

[15]           Les parties confirment au cours de l'audience que le 1e juin 2022, l'Assemblée nationale avait sanctionné le projet de loi no. 28[11] Projet de loi 28 ») qui visait à mettre fin à l'état d'urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020. L’intention de l’Assemblée nationale est simple et parait du Projet de la loi 28. « L’état d’urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 et renouvelé depuis prend fin »[12].  Par cet article introductif laconique du Projet de loi 28, l'Assemblée nationale confirme sa connaissance des renouvellements, sans avoir besoin de les numéroter ou de se prononcer sur le nombre de renouvellements, qu'il soit trop élevé ou juste suffisant. Par son Projet de loi 28, l’Assemblée nationale prévoit le maintien de mesures transitoires nécessaires pour protéger la santé de la population.

[16]           L’article 129 LSP stipule que le ministre de la Santé et des Services sociaux doit déposer à l’Assemblée nationale, dans les trois mois qui suivent la fin de l’état d’urgence sanitaire un rapport d’événement[13]. Le rapport doit préciser (i) la nature, (ii) la cause, si elle est déterminée, de la menace à la santé qui a donné lieu à la déclaration d’état d’urgence, (iii) la durée d’application de la déclaration, (iv) les mesures d’intervention mises en œuvre et (v) les pouvoirs exercés en vertu de l’article 123 LSP. Il n'y a aucune allégation ou preuve que le rapport n'a pas été déposé. Le Projet de loi 28 confirme que le ministre doit déposer à l’Assemblée nationale, au plus tard le 10 juin 2022, le rapport d’événement visé à l’article 129 LSP[14]. Le respect de cette exigence n'est donc pas remis en cause.

Position du Demandeur

[17]           Le Demandeur soumet trois moyens pour que le Tribunal déclare que l’article 119 al. 1 LSP est inconstitutionnel, invalide et inopérant en vertu de la règle de la suprématie de la Constitution.

[18]           Premièrement, il allègue l’article 119 al. 1 LSP constitue une délégation inconstitutionnelle du pouvoir législatif de l'Assemblée nationale au gouvernement. Il soumet que l'Assemblée nationale ne peut déléguer ses pouvoirs législatifs que dans des limites raisonnables alors que l’article 119 al. 1 LSP permet au gouvernement de renouveler l'état d'urgence sanitaire pour d'autres périodes maximales de 10 jours ad infinitum.

[19]           Le Demandeur allègue que la seule limite prévue est l’assentiment de l'Assemblée nationale au renouvellement de l'état d'urgence sanitaire pour des périodes maximales de 30 jours. Il considère que ce n'est pas raisonnable. Le désaveu d'une déclaration d'état d'urgence par un vote de l'Assemblée nationale ne constitue pas une limite qui remédie à ces manquements.

[20]           Le Demandeur soumet, « à titre comparatif »[15], quelques exemples législatifs, incluant du Parlement fédéral[16] ainsi que de la France[17], du Royaume-Uni[18] et de l’Allemagne[19]. Les extraits reflètent que d’autres lois comprennent des mesures que le Demandeur qualifie de limites et qu'il considère comme raisonnables, tels que des études, débats et contrôles automatiques et/ou ponctuels par la législature en question. Dans l’estime du Demandeur, les limites servent à éviter les « dérives potentielles »[20] d'une délégation de pouvoirs législatifs à un gouvernement.

[21]           Le Demandeur communique également une décision du Tribunal de première instance francophone de Bruxelles, section civile Tribunal de Bruxelles ») rendue le 31 mars 2021[21]. Le Tribunal de Bruxelles constate que certaines restrictions aux droits et libertés constitutionnels ont été imposées par la voie d’arrêtés ministériels alors que « c'est au pouvoir législatif d'intervenir pour décider des limites à apporter aux libertés fondamentales »[22].

[22]           Deuxièmement, le Demandeur allègue que l’article 119 al. 1 LSP constitue une violation du principe démocratique, ce qui est un principe constitutionnel directeur fondamental[23]. Il précise que la démocratie est une force normative puissante qui peut poser une limite substantielle à l'action gouvernementale[24]. Il soumet que le respect du principe démocratique exige un processus permanent de discussion, ainsi qu'un exécutif responsable devant les assemblées législatives démocratiquement élues[25].

[23]           Le Demandeur allègue que l’article 119 al. 1 LSP ne prévoit aucun processus « permanent de discussion » et « outrepasse le principe d'un gouvernement responsable devant l'Assemblée nationale »[26].  La violation existe a fortiori lorsqu'un état d'urgence sanitaire est déclaré pour une période maximale de 10 jours et renouvelé ad infinitum par le gouvernement.

[24]           Troisièmement, le Demandeur allègue que l’article 119 al. 1 LSP porte atteinte sensiblement à la « structure fondamentale » de la Constitution qui « gravite autour de certaines institutions politiques, notamment des corps législatifs librement élus, dont l'efficacité découle de la libre discussion publique des affaires »[27]. Le Demandeur ajoute que ni l’Assemblée nationale ni le Parlement ne peuvent abroger ce droit de discussion et de débat[28].

[25]           Pour clore son troisième moyen, le Demandeur s'appuie à nouveau sur une partie de ses deux moyens précédents. Il allègue que l'article 119, al. 1 LSP porte atteinte sensiblement à la « structure fondamentale » de la Constitution parce qu(i) il permet qu'un état d'urgence soit déclaré pour une période maximale de 10 jours et renouvelé ad infinitum par le gouvernement et (ii) le désaveu par un vote de l'Assemblée nationale ne remédie pas à cette atteinte.

Position du PGQ

[26]           Le PGQ communique un exposé sommaire des Motifs de défense le 11 février 2022 Motifs Défense »).  Il rappelle que les lois sont présumées constitutionnellement valides. De plus, lorsque plusieurs interprétations d’une disposition législative sont possibles, les tribunaux doivent privilégier celle qui étaye sa constitutionnalité. Il souligne également que les principes sous-jacents à la Constitution ne permettent pas à eux seuls de contrôler la validité constitutionnelle des lois.

[27]           Le PGQ allègue que rien dans la Constitution ne permet de déduire que la validité d’une délégation de pouvoirs dépend de sa nature temporaire ou permanente. Les dispositions de la Loi sur la santé publique en question n’entraînent pas une abdication du pouvoir législatif. Il rappelle que l’Assemblé nationale peut toujours abroger la disposition habilitante et que la délégation est limitée sur le plan matériel par son libellé, l’objet de la Loi sur la santé publique et le plan temporel.

[28]           Il soumet que l’article 119 al. 1 LSP ne porte pas atteinte sensiblement à la « structure fondamentale » de la Constitution. La délégation prévue par les articles 118 et 123 LSP et le prolongement de l’état d’urgence par décret du gouvernement en vertu de l’article 119 al. 1 LSP n’excluent nullement que l’Assemblée nationale soit convoquée et qu’elle siège.

[29]           Selon le PGQ, la légalité des renouvellements de l’état d’urgence par décret aux 10 jours, sans l’assentiment de l’Assemblée nationale, a été confirmée par la Cour d’appel dans Bricka c. Procureur général du Québec[29] Bricka »).

[30]           Finalement, le PGQ soumet que le droit international n’est pas pertinent en droit public lorsqu’il s’agit d’interpréter la constitutionnalité d’une disposition législative dans un contexte où la question en litige fait déjà l’objet de plusieurs décisions anciennes et récentes de la Cour suprême du Canada.

[31]           Dans son Mémoire en Défense, le PGQ se concentre sur la substance des allégations et des conclusions. Le PGQ n'objecte pas ou ne commente pas les modifications effectuées par le Demandeur. Le Tribunal considère que, ce faisant, le PGQ n'acquiesce pas, expressément ou implicitement, au fait que le titre et le véhicule procédural n'ont aucune conséquence.  En l’espèce, le PGQ opte pour procéder sans se prononcer ou indiquer que l'un ou l'autre soit approprié ou nécessaire.

Mémoires

[32]           Le Demandeur communique un Mémoire  Mémoire Demandeur ») en date du 23 février 2022 et en profite pour ajouter deux extraits des débats de la Chambre des communs qui ont lieu les 17 et 22 février 2022[30].  Par sa déclaration sous serment qui accompagne son Mémoire Demandeur, le Demandeur affirme solennellement que tous les faits du Mémoire Demandeur sont vrais à sa connaissance personnelle et que les documents cités comme pièces dans le Mémoire Demandeur sont authentiques et intègres.

[33]           Le PGQ communique son Mémoire du PGQ en date du 22 mars 2022 Mémoire PGQ ») ainsi qu’un Plan d'argumentation en date du 23 février 2023 (« Plan d’argumentation PGQ ») remis lors de l'audience.

[34]           Les parties n'ont pas discuté ou prétendu que le résultat du Pourvoi dépendait de la forme par laquelle le gouvernement a été autorisé à démontrer ou documenter son exercice du pouvoir qui lui avait été délégué.  Les soumissions n'ont pas fait de distinction entre l'exercice du pouvoir délégué dans la forme d’un règlement, décret, ordonnance, règle, proclamation, arrêté, formule, tarif, lettre patente, commission, mandat, instruction ou directive[31]. Chacun de ces formats peut être soumis à différents niveaux de discussion et de publication avant son émission ou comme condition de sa validité. Les parties n'ont pas demandé au Tribunal de déterminer si les formalités procédurales applicables à l'un ou l'autre des formats possibles répondaient aux motifs soulevés par le Demandeur.

ANALYSE

[35]           La toile du fond du Pourvoi et les documents au dossier de la Cour impliquent la mention de la pandémie, d'abord associée au COVID-19[32] et des autres noms des variantes principaux qui l'ont suivie au fil du temps, et les mesures imposés par les Décrets. On pourrait penser que la pandémie et les mesures constituent des « faits en litige »[33]. Leur mention peut donc laisser penser au lecteur peu attentif que le Demandeur conteste, entre autres, les mandats de vaccinations, les couvre-feux, les fermetures des magasins/bureaux/lieu publiques, les restrictions de déplacement en transport en commun ou les passeports vaccinaux. 

[36]           Le Demandeur ne conteste pas le pouvoir du gouvernement de déclarer l’état d’urgence sanitaire prévu à l’article 118 LSP. L'objet du Pourvoi ne porte pas sur ce que le gouvernement a fait par ses divers Décrets, mais sur le fait qu'il a pu le faire, grâce à la délégation en vertu de l’article 119 al. 1 LSP. Le Demandeur conteste une législation permettant à son exécutif d'exercer une autorité déléguée en cas d'urgence et pour cause d'urgence. Pour attirer l'attention sur le caractère significatif de sa contestation, le Demandeur appose au tout début de son Mémoire Demandeur une citation de Edgar Morin, philosophe français. « À force de sacrifier l’essentiel à l’urgence, on finit par oublier l’urgence de l’essentiel »[34].

[37]           Il est vrai que le Pourvoi demande au Tribunal de déterminer la validité d'une loi qui, entre autres, autorise le gouvernement à émettre des mesures que certains citoyens contestent en tout ou en partie et que le PGQ reconnait que les mesures demeurent toujours soumises à une analyse menée à la lumière des dispositions impératives de la Constitution, notamment les garanties prévues par la Charte canadienne des droits et libertés[35]Charte canadienne »). Cependant, les mesures imposées ne sont que la manifestation de l'exercice par le gouvernement de l'autorité qui lui a été déléguée et ont incité des demandes au tribunaux d'annulation ou de suspension, en tout ou en partie[36].  Des mesures similaires découlant de questions relevant de la compétence du Parlement fédéral ont également fait l'objet de demandes et de décisions des tribunaux du Québec[37]. 

[38]           Si les mesures étaient l'objet de son Pourvoi, celui-ci aurait pu peut-être soulever une question de chose jugée ou même le caractère théorique du Pourvoi en raison de l’adoption du Projet de loi 28. Ce qui aurait entraîné l'application de la jurisprudence applicable en matière de caractère théorique[38]. 

Limites de l’intervention de la Cour supérieure

[39]             Le Demandeur demande que le Tribunal déclare inconstitutionnel et donc invalide et inopérant une loi de l'Assemblée Nationale dûment élue. Ce résultat est possible et même nécessaire dans le cadre de notre système démocratique, mais n'est pas sans controverse.

Au Canada, les décisions de nos institutions démocratiques sont soumises au contrôle judiciaire, qui permet aux cours de justice d’annuler les textes adoptés par ces législateurs lorsque ces textes contreviennent aux normes constitutionnelles.  Bien que le contrôle judiciaire soit nécessaire pour préserver les valeurs constitutionnelles importantes, dans une démocratie comme le Canada il prête en soi à la controverse, parce qu’il confère à des représentants non élus le pouvoir de contester des décisions auxquelles on est arrivé grâce au processus démocratique[39].

[40]           Le Pourvoi demande à un composant du système démocratique, la Cour supérieure, de se prononcer sur la question de savoir si un autre composant du système démocratique, l’Assemblée nationale, peut déléguer son autorité exclusive à l'autre composant, le gouvernement.

[41]           Dans Chapman c. Procureure générale du Québec[40], les appelants reprochaient au juge de première instance d’avoir conclu que l’Assemblée nationale pouvait adopter une loi lui permettant de déclarer que des procédures ou consultations puissent être réputées conformes. La Cour d’appel observe que ce n’est pas le juge de première instance qui a décidé que l’Assemblée nationale pouvait agir de la sorte. Il s’agit plutôt de l’application du principe bien reconnu de la souveraineté parlementaire, lequel suppose que l’Assemblée législative peut adopter ou abroger une loi à son gré, dans les limites des pouvoirs que lui confère la Constitution[41].

[42]           L’élaboration de projets de loi fait partie intégrante du processus législatif et relève de l’exercice de pouvoirs législatifs qui sont dévolus par la partie IV de la Constitution. Ce processus est généralement à l’abri du contrôle judiciaire. La Cour suprême insiste sur l’importance de protéger le processus législatif contre la surveillance judiciaire[42].

[43]           Il n’appartient pas aux tribunaux de remplacer le pouvoir législatif ou de s’y substituer[43].  Les tribunaux ne doivent pas s’interroger sur la sagesse d’une loi, mais doivent uniquement se prononcer sur sa légalité[44].

[44]           La protection contre une loi que certains pourraient considérer injuste ou inéquitable ne réside pas dans les principes amorphes qui soustendent la Constitution, mais dans son texte et dans lurne électorale[45]. Dans une société démocratique, certaines questions peuvent faire l'objet d'un désaccord, mais tous les désaccords ne peuvent être résolus par un tribunal. À moins que le différend ne soulève une question de droit susceptible d'être résolue sur la base de preuves admissibles, il est préférable de les laisser exclusivement à la législature[46].  

[45]           En Mikisew Cree First Nation c. Canada (Gouverneur général en conseil)[47], la Cour suprême a conclu que l’obligation de consulter est mal adaptée pour s’appliquer directement au processus législatif. La consultation recherchée dans cette affaire n'est pas du tout la même que le processus pour lequel le Demandeur plaide, mais elle fournit une certaine orientation quant à la question de savoir s'il appartient aux tribunaux de décider de la manière dont la législation est élaborée. Assujettir le processus d’élaboration des projets de loi à une obligation de consulter, soulèverait aussi des préoccupations d’ordre pratique[48].

[46]           La rédaction et le dépôt d’un projet de loi font partie du processus législatif dans lequel les tribunaux ne s’immiscent pas. L’Assemblé nationale doit pouvoir exercer ses activités législatives libre de toute ingérence de la part des tribunaux[49]. Si l’on devait reconnaître qu’une assemblée législative élue a des obligations précises en matière de consultation, cela risquerait de lui nuire dans l’accomplissement de son mandat et donc de miner sa capacité de se faire la voix de l’électorat[50].

Délégation

[47]           Dans le cadre de leurs compétences législatives respectives, le Parlement et les législatures provinciales possèdent un pouvoir législatif complet. Cela inclut le pouvoir de déléguer le pouvoir législatif respectivement au gouverneur et au lieutenant-gouverneur en conseil et à des organes subordonnés de leur propre création[51]. 

[48]           La Cour d'appel observe que la société démocratique a également évolué et qu’une certaine « porosité » existe entre la législature et le gouvernement[52]. La Cour suprême reconnait qu’au Canada, il y a un chevauchement entre les fonctions exécutives et législatives[53].

[49]           La Cour suprême a jugé qu’une législature a compétence pour adopter ellemême des lois et pour déléguer à d’autres personnes ou organismes certains pouvoirs administratifs ou réglementaires, notamment le pouvoir de prendre des règlements contraignants, mais subordonnés[54]. Ce pouvoir de prendre de tels règlements est parfois qualifié de « pouvoir législatif subordonné »[55].

[50]           Une certaine forme de délégation est valide en vertu de la Constitution. Le fait qu'il ne délègue pas son autorité à un organe subordonné de sa propre création mais au gouvernement, par lui-même, n'est pas controversé. Le gouvernement n'est pas une création de la législature, mais la Cour Supreme reconnait que ce type de délégation se produit assez fréquemment dans l’État administratif, où la législature énonce les grands objectifs et que la majeure partie du travail de la gouvernance se fait par la suite par des décrets de l’exécutif[56].

[51]           Cependant, il est interdit de transférer à une législature de l’autre ordre de gouvernement sa compétence législative primaire sur une matière en particulier à l’égard de laquelle la Constitution lui confère la compétence exclusive. Cette interdiction comprend le pouvoir d’adopter, de modifier et d’abroger des lois[57].

Audace

[52]           Le Demandeur fait valoir qu'il ne suffit pas que la délégation soit en place depuis des années ou qu'elle ait des précédents, un argument qui a été constaté en matière constitutionnelle[58]. Il invite le Tribunal à faire preuve « d'audace » et à réexaminer le raisonnement et le résultat de In Re George Edwin Gray[59]  Re Gray »). Le Demandeur reconnaît que, pour ce faire, le Tribunal doit s'écarter des nombreuses décisions qui l'ont suivi ou qui l'ont distingué sans être expressément en désaccord avec celui-ci.

[53]           Le Demandeur s'appuie sur l'analyse récente en 2018 fournie par le professeur Lorne Neudorf[60]. Le professeur Neudorf évalue le fondement constitutionnel par lequel le Parlement prête ses pouvoirs législatifs à l'exécutif. Il note que cette pratique repose sur le précédent de 1918 établi par la Cour suprême du Canada dans le cadre d'une contestation constitutionnelle de la législation en période de guerre. Bien que le professeur Neudorf examine le rôle du Parlement, ses observations peuvent être étendues pour s'appliquer, avec des modifications, au rôle des législatures provinciales.

[54]           Il reconnaît que les tribunaux ont continué à suivre ce précédent et à permettre la délégation de pouvoirs législatifs à l'exécutif. Cela dit, il soutient qu'il est temps que les tribunaux réévaluent la constitutionnalité de la délégation à la lumière du statut du Canada en tant que démocratie libérale intégrée dans un système de suprématie constitutionnelle.

[55]           Le professeur Neudorf soulève des préoccupations concernant les pouvoirs législatifs ‘vastes’ (« sweeping ») délégués et la tolérance des tribunaux à l'égard de la délégation quasi illimitée’ (« near unlimited ») des législatures. Il soutient que Re Gray doit être considéré comme un anachronisme historique’ (« historical anachronism »), adapté au contexte de l’époque, mais désormais dépassé par le rôle constitutionnel des législatures tel qu'il est perçu par l'approche contemporaine de l'interprétation constitutionnelle. Le professeur Neudorf préconise la création de mécanismes législatifs plus efficaces pour scruter la délégation et surveiller l'exercice des pouvoirs législatifs ainsi délégués.

[56]           Le Demandeur et le professeur Neudorf ne sont pas les seuls à s'en préoccuper.  D'autres auteurs ont exprimé des préoccupations similaires quant à la portée de la délégation approuvée dans Re Gray[61]. Cette délégation permet à une législature de déléguer le pouvoir de prononcer des règlements ou des décrets qui annulent ou neutralisent les termes exprès d'une loi déjà adoptée par le législateur.

[57]           Les préoccupations soulevées par le Demandeur, le professeur Neudorf et d'autres auteurs ont mérité un soutien récent et influent. L’analyse a fait l'objet d'une approbation judiciaire récente, et ce, aux plus hauts niveaux de la jurisprudence canadienne[62]. Tous les niveaux des tribunaux canadiens se tournent régulièrement vers la doctrine pour informer et évaluer leurs propres analyses des questions en litige.

[58]           Bien qu'en dissidence, Madame la juge Suzanne Côté réfère à son article, ainsi qu'à d'autres, dans ses motifs contribuant à la récente décision de 2018 de la Cour suprême du Canada concernant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre[63]LTPGES »). L’analyse de la juge Côté l'amène à conclure que les dispositions en question confèrent au gouverneur en conseil le pouvoir de modifier des portions de la LTPGES.  La juge Côté note que « les universitaires préviennent depuis longtemps que le pouvoir de l’exécutif de modifier ou d’abroger des dispositions législatives primaires soulève de graves préoccupations sur le plan constitutionnel »[64]. Elle précise que « [l]e temps est venu de reconnaître que les clauses censées conférer à un autre organe que le Parlement, le pouvoir de modifier des dispositions législatives contreviennent aux art. 17 et 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 »[65].

[59]           Il est vrai que la majorité ne partage pas son analyse selon laquelle la loi constitue une délégation de pouvoirs inconstitutionnelle[66]. Ce désaccord n'élimine pas le fait que l'analyse et les préoccupations du Demandeur et du professeur Neudorf trouvent actuellement un appui aux plus hauts niveaux de la magistrature canadienne[67].

[60]           Premièrement, il n'est pas nécessaire que le Tribunal fasse preuve d'audace si la législation en cause ne vise pas une délégation aussi étendue que celle examinée dans Re Gray. Le Demandeur et le PGQ s’interrogent si l'analyse et lesdites préoccupations s'appliquent effectivement à la Loi sur la santé publique en cause.  Sans réduire indûment sa position, le PGQ soutient que la délégation prévue à l'art. 119 n'est pas la même que celle considérée dans Re Gray et la doctrine. La délégation en l’espèce ne permet pas au gouvernement d'écarter ou de neutraliser une loi de l’Assemblé nationale. Entre autres, la délégation prévue à l'art. 119 al. 1 LSP (i) est limitée par les termes de la Loi sur la santé publique dont elle découle et (ii) ne contient aucun pouvoir, exprès ou implicite, d'annuler ou de neutraliser cette loi ou une autre loi. En d'autres termes, si l'étendue de la délégation confirmée par Re Gray pourrait mériter un nouveau débat, ce que le PGQ ne concède pas, la disposition législative en cause ne fournit pas des faits qui justifient ce débat.

[61]           Le Tribunal soutient l'avis du PGQ. La délégation contenue à l'article 119 al. 1 LSP n'est pas la même que celle considérée dans Re Gray qui a statué sur une question tout à fait différente. Elle a confirmé la décision de la législature d'effectuer une délégation qui, exceptionnellement, comprenait le pouvoir de modifier une loi existante de la législature ayant effectué la délégation. Bien que ce résultat puisse faire l'objet de controverses, ainsi que de remarques judiciaires et doctrinales récentes, ce type de délégation n'est pas en cause dans l'article 119 al. 1 LSP.

[62]           Le pouvoir de délégation n'autorise pas, ni expressément ni implicitement, le gouvernement à annuler ou à neutraliser une loi. Le Tribunal n'a pas besoin de faire preuve d'audace aujourd'hui à l’égard du raisonnement et le résultat dans Re Gray. Il n'est pas nécessaire de revenir sur Re Gray étant donné qu'il ne s'applique pas à la délégation de l'article 119 al. 1 LSP.

[63]           Deuxièmement, même si la législation en question vise une délégation aussi étendue que celle examinée dans Re Gray, il n'est pas nécessaire que le Tribunal fasse preuve d'audace si les faits en litige ne déclenchent pas son application. À la suite de Re Gray, il n'a pas fallu longtemps pour que la Cour supérieure l'ait distingué. Dans l'année même de la parution de Re Gray, la Cour supérieure Blanshay c. Piche[68] affirme qu'elle était (i) liée par le raisonnement de la décision, même en présence d'une dissidence, mais (ii) non liée par le résultat de la décision vu que les faits dans son dossier n’étaient pas semblables. En mentionnant le caractère contraignant de la décision de la Cour suprême, la Cour supérieure en 1918 a expressément noté que, en tant que juridiction inférieure, elle le faisait même au « sacrifice » de sa propre opinion mais pas en présence de faits différents[69]. 

[64]           L'approche qu'il a adoptée en 1918 reste d'actualité. Encore tout dernièrement la Cour d'appel en 2012 s’attend que, même si un décideur « décide de s'y rallier à contrecœur au nom de la cohérence institutionnelle, il ne le fait pas en abandonnant sa propre compétence sur le différend devant lui »[70]. La Cour d’appel reprend le dicton « comme autorité de raison et non comme raison d'autorité »[71]. Même lorsqu'un décideur n'est pas lié par un précédent, il doit quand même s'efforcer de maintenir la cohérence décisionnelle en semblables matières[72], notamment sur une question juridique[73].

[65]           Sous réserve de ces observations, le Tribunal doit et entend examiner, ci-dessous, si le Demandeur est fondé à demander le réexamen de la jurisprudence qui confirme la constitutionnalité de la délégation de pouvoir, et ce, pour les moyens qu'il soulève dans son Pourvoi.

Dossier factuel

[66]           Dans le cadre de son analyse, le Tribunal doit faire des observations sur le mince dossier factuel fourni pour la résolution du Pourvoi. 

[67]           Le Pourvoi ne comporte pas d'allégation selon laquelle la LSP porte atteinte à un droit protégé par la Charte canadienne et, le cas échéant, la question de savoir si l'atteinte est justifiée en vertu de l'article 1 selon le critère de R. v. Oakes[74].  De telles analyses incitent souvent la législature à déposer une preuve démontrant qu'elle (i) possédait des motifs adéquats pour élaborer la législation et (ii) a limité les mesures au minimum nécessaire pour atteindre l'objet autorisé.

[68]           La Cour suprême a constaté la nécessité d'établir au départ une distinction entre des catégories de faits dans un litige constitutionnel.  Les catégories de faits et leur degré de pertinence peuvent varier selon la nature de la question constitutionnelle, soit une atteinte à un droit garanti par la Charte canadienne ou la séparation des pouvoirs à titre d’exemple:

« les faits en litige » - Ces faits sont ceux qui concernent les parties. Ils répondent aux questions spécifiques: qui a fait quoi, où, quand, comment et dans quelle intention. Ces faits sont précis et doivent être établis par des éléments de preuve recevables;

« les faits législatifs » - Ces faits sont ceux qui établissent l'objet et l'historique de la loi, y compris son contexte social, économique et culturel. Ils sont de nature plus générale. Les conditions de leur recevabilité sont moins sévères; et,

« les faits sociaux » - Ces faits ne sont pas en  litige. La preuve relative à un « fait social » a été définie comme la recherche en sciences sociales servant à établir le cadre de référence ou le contexte pour trancher des questions factuelles cruciales pour le règlement d’un litige[75].

[69]           Les faits législatifs peuvent être établis au moyen d’une « preuve intrinsèque » et « preuve extrinsèque ». Tous les faits et toutes les preuves n'ont pas la même valeur probante. La « preuve intrinsèque » comprend le texte de la loi et les dispositions qui énoncent expressément l’objet visé, ainsi que le titre et la structure de la loi[76]. La « preuve extrinsèque » inclut les déclarations faites lors des travaux parlementaires, incluant les procès-verbaux des comités parlementaires, et celles tirées des publications gouvernementales comme que les Hansard[77]. 

[70]           L'utilisation de la preuve extrinsèque peut varier. La preuve extrinsèque peut être recevable pour montrer le contexte dans lequel une loi a été adoptée[78] ou pour vérifier non seulement l’application et l’effet de la loi, mais aussi son objet véritable lorsqu’il y a allégation de législation déguisée[79]. Toutefois, ce n’est pas toutes les allocutions et les déclarations publiques de personnalités politiques qui sont nécessairement admissibles.  Certaines peuvent bien représenter l’opinion, même réfléchie, de leurs auteurs au moment où ils les ont prononcées, mais les tribunaux ne sont pas tenus d’accepter qu’elles expriment l’intention de la législature[80]. Cependant, un discours prononcé par le ministre responsable peut avoir une valeur probante du « mal » que la loi vise[81].

[71]           Comme le Pourvoi n'allègue pas la violation d'un droit garanti par la Charte canadienne, les parties n'ont pas présenté de preuves typiques de telles contestations. Le Tribunal n'entend pas suggérer qu'aucun fait n'est pertinent ou nécessaire. 

[72]           Même si le Pourvoi ne concerne pas une contestation fondée sur la violation d'un droit garanti par la Charte canadienne, les distinctions entre les types de faits et les types de preuves sont toujours utiles[82]. Certains faits, tels que « les faits législatifs », peuvent être pertinents et contribuer à déterminer la validité de la législation. 

[73]           Pour appuyer ou illustrer différentes parties de ses moyens, le Demandeur présente, « à titre comparatif », certains autres documents émanant d'autres instances législatives[83] et souligne une prétendue omission de la part du gouvernement.  Le dossier factuel en l’espèce soulève donc les cinq aspects suivants:

(i) Il contraste le processus du gouvernement fédéral pour ses mesures d'urgence avec celui de la législation sanitaire de l'Assemblée nationale.

(ii) Il propose un échantillon limité d'instruments législatifs traitant des mesures COVID-19 afin d'illustrer comment d'autres organes législatifs ont incorporé d'autres contrôles a posteriori pour le corps législatif.

(iii) Il ne fournit aucun échantillon de législation provenant des autres juridictions canadiennes.

(iv) Il affirme qu’entre le 13 mars 2020 et le 10 mars 2021, l'Assemblée nationale n'a jamais été invitée par le gouvernement à donner son assentiment à la déclaration d'état d'urgence sanitaire, à ses renouvellements et à l'adoption de mesures.

(v) Il mentionne que seuls quelques élus ont entamé un débat sur la déclaration d’urgence et le maintien des Décrets lors d'une séance de l'Assemblée nationale.

[74]           Le Tribunal analysera ces cinq aspects du dossier factuel invoqués par le Demandeur.

(i) Hansard fédéral

[75]           Certains documents montrent comment le Parlement fédéral a débattu et élaboré sa législation concernant les mesures d'urgence. Ces débats ont porté sur les contrôles qu'il a insérés dans la législation finale et sur ceux qui ont servi à conserver le contrôle des pouvoirs délégués. 

[76]           En s'appuyant sur ces documents, le Demandeur oppose les approches législatives reflétées par l'Assemblée nationale dans l'élaboration de la Loi sur la santé publique en 2001 et par le Parlement fédéral dans l'élaboration de sa loi en février 2022. Le Demandeur a mis en contraste les deux Hansard, soutenant qu'ils confirmaient que la commission de l'Assemblée nationale n'accordait pas suffisamment d'attention aux délégations de pouvoirs similaires et au contrôle postérieur à ou pendant la délégation.

[77]           Pour illustrer l'activité législative de l'Assemblée nationale dans la rédaction et la révision de la Loi sur la santé publique, le Demandeur a fourni un extrait du Hansard de la dernière des audiences de la commission[84]. Le Demandeur n'a pas inclus les audiences précédentes ou la première moitié des audiences. En plus de ce Hansard, le Demandeur a également inclus un extrait du Hansard pour les travaux de la commission du Parlement fédéral. Ce dernier extrait était manifestement bien plus volumineux que celui fourni pour l'Assemblée nationale.

[78]           Les extraits du Hansard révèlent l'analyse de la commission constituée par l’Assemblée nationale[85], article par article. Les extraits du Hansard se terminent par des commentaires de chaque partie impliquée qui confirment une participation étendue: « c’est deux ans de très gros efforts et de travail de toute une équipe, partout sur le territoire québécois » et « pour en arriver à ça, c’est qu’il faut qu’il y ait des députés qui se soient intéressés à ça puis ont regardé ça »[86].  Le Tribunal ne peut mettre en doute ces affirmations et n'accepte pas les extraits du Hansard fédéral comme preuve d'un processus défectueux de la part du Québec.

[79]           La Loi sur l'assemblée nationale stipule que l’Assemblée nationale établit les règles de sa procédure et est seule compétente pour les faire observer et informe que l'Assemblée nationale peut constituer des commissions[87]. Là encore, les parties n'ont pas débattu de la question de savoir s'il s'agissait d'une source autonome du processus de l'Assemblée nationale ou simplement d'une illustration de l'autorité inhérente à chaque composante de la société démocratique à élaborer ses propres règles. 

[80]           Son recours à ces documents pour inviter le Tribunal à intervenir soulève deux analyses.

(i)(a) Omission d’agir

[81]           Le Demandeur demande au Tribunal de sanctionner le processus législatif et l'omission prétendue de discuter pleinement des questions qu'il soulève ou d'insérer expressément des contrôles a posteriori dans la Loi sur la santé publique pour tout pouvoir qu'elle délègue. Cette demande est problématique, en théorie et en pratique.

[82]           Une façon de considérer les arguments du Demandeur est que l'Assemblée nationale a en quelque sorte « omis d'agir » lorsqu'elle a entrepris la discussion et la rédaction de la Loi sur la santé publique.

[83]           Le Demandeur doit d'abord persuader le Tribunal qu'il peut établir des règles internes à l'Assemblée nationale pour l'adoption de ses lois. Il doit établir que le Tribunal est compétent pour analyser le caractère adéquat du processus de l'Assemblée nationale pour élaborer une loi dont le seul reproche fait à la législation est une question de délégation. 

[84]           Alors que les tribunaux examinent régulièrement la question du non-respect des règles ou des normes acceptées, il n'est pas évident de savoir comment les tribunaux identifieraient ces règles ou ces normes pour une législature. Il y a également une différence entre juger le non-respect de règles ou de normes réelles et incontestées pour une législature et affirmer sinon établir quelles sont ces règles ou normes.

[85]           La Cour d’appel rappelle que le principe de la séparation des pouvoirs entre le législatif, l’exécutif et le judiciaire est intrinsèque au système constitutionnel canadien et que certains enjeux, en raison de leur complexité, ne peuvent adéquatement faire l’objet d’ordonnances judiciaires[88]. La compétence inhérente de la Cour supérieure doit respecter les fonctions constitutionnelles et les attributions institutionnelles du législatif, de l’exécutif et du judiciaire. 

[86]           Cela est particulièrement vrai lorsque ces règles et normes sont complexes et manifestement soumises à une séparation des pouvoirs. En dehors d’un processus arbitraire, abusive ou de mauvaise foi ou d'un non-respect manifeste de règles de procédure de base incontestées ou indiscutables, la Cour supérieure n'a pas de rôle évident à jouer dans l'établissement de règles ou de normes internes pour la législature dans une société démocratique[89].

[87]           En tout état de cause, dans le présent Pourvoi, il n'existe aucune preuve pertinente, admissible et probante permettant de remettre en cause les règles ou les normes que l'Assemblée nationale a suivies. Il n'y a pas non plus de preuve quant à savoir quelles sont ces règles ou normes. L'échantillonnage limité offert par le Demandeur est inadéquat pour identifier une quelconque norme, qu'il s'agisse de meilleures pratiques ou simplement d'une norme moyenne attendue de toute législature raisonnable.

[88]           Même si le Tribunal pouvait d'une façon ou d'une autre comparer leurs processus, il n'a pas la compétence pour deviner ou trouver des failles dans un processus législatif.  En l'absence de preuve extrinsèque pertinente, admissible et probante des faits législatifs à l’effet qu'un processus particulier était grossièrement inadéquat dans les circonstances ou manifestement contraire aux règles ou aux normes fondamentales acceptées en matière d'élaboration des lois en général, le Tribunal n'est tout simplement pas compétent pour s'ingérer dans la façon dont l'Assemblée nationale élabore et discute ses projets de loi. 

(i)(b) Comparaison non probante

[89]           À supposer que les Hansard soient pertinents, leur opposition n'a pas permis d'établir le point que le Demandeur cherche à faire valoir. 

[90]           Si l'on fait abstraction des nuances qui peuvent être dues aux différents chefs de compétence de l'article 91 et de l'article 92 de la Constitution et à la portée visée de chaque législation, chaque commission a traité de questions d'une grande importance pour les citoyens. 

[91]           Le Tribunal reconnaît que le Hansard du Parlement fédéral fait état d'une discussion plus approfondie, entre autres, du projet de libellé traitant de la délégation et de la surveillance a posteriori. Cependant, les discussions détaillées documentées par le Hansard du Parlement fédéral n'établissent pas de norme ni même de meilleures pratiques dans le processus législatif.

[92]           Le Hansard de l'Assemblée nationale mentionne que d'autres lois sont l’objet d’examen et débat en tandem[90]. L’autre commission constituée par l’Assemblée nationale qui s'occupait à l’époque de cette autre législation pourrait, par accord ou convention législative, prendre la responsabilité pour les deux commissions de se concentrer sur les dispositions de la délégation et du contrôle a posteriori.

[93]           Le Tribunal ne peut pas en déduire que l'attention relativement limitée documentée dans le Hansard de la commission de l'Assemblée nationale démontre une activité législative défectueuse ou inadéquate qui mine le produit fini. Le Tribunal ne dispose d'aucun élément de preuve concernant la façon dont chacune des deux législatures (i) procède en général pour élaborer leurs législations respectives ou discuter des modifications apportées à un projet de loi (ii) procède dans le cas particulier ou (iii) documente toutes les différentes phases de leurs processus respectifs. De nombreuses étapes du processus peuvent échapper à la documentation d'une audition de la commission.

[94]           En théorie, il est concevable que le processus législatif et les étapes qui le composent puissent être exposés de manière suffisamment détaillée par le biais d’une preuve extrinsèque pertinente, admissible et probante des faits législatifs. La preuve peut être composée d'aveux, de documents, y compris d'actes authentiques, de témoignages et de témoignages d'experts.  En l’espèce, l'exposé n'a pas été fourni.

[95]           Le Tribunal ne peut pas utiliser les documents fournis comme preuve d'une norme par rapport à laquelle il mesurera le processus suivi par l’Assemblée nationale. Sans plus d'information sur chaque processus, le Tribunal ne peut prétendre identifier les lacunes du processus de l'Assemblée nationale simplement en lisant les Hansard. Le Tribunal ne peut pas comparer ce qu'il ne connaît pas.

(ii) Échantillonnage limitée

[96]           Les quelques autres documents illustrent comment les législatures d'autres juridictions à l'extérieur du Canada ont traité le coronavirus et les maladies infectieuses.

[97]           Suite à une demande de la PGQ présentée avant l’audience, la Cour a refusé de radier les allégations qui se référaient à ces documents mais a radié un jurisconsulte communiqué en vue de les produire au dossier[91].

[98]           Il est vrai que les tribunaux québécois sont disposés à examiner les comparaisons avec d'autres systèmes juridiques. Cependant, la comparaison doit être pertinente à la détermination et être prouvée par des faits pertinentes, admissibles et probantes versés au dossier. Même lorsqu'elles sont présentées, les comparaisons peuvent simplement confirmer que la structure canadienne trouve sa place quelque part le long d'un continuum[92]. Même si plusieurs auteurs critiquent certains aspects du système et en exigent qu’ils soient reconsidérés, la Cour suprême observe que la notion de démocratie au Canada englobe bon nombre de valeurs opposées, tout en étant en conflit avec d’autres[93]. Même en présence de preuves de la variété des structures, il n'appartient pas à la Cour supérieure de choisir entre elles. 

[99]           Tel que mentionné, le Demandeur soumet les documents émanant des quelques autres systèmes juridiques « à titre comparatif ». Le Tribunal observe que la sélection ne présente guère un profil complet de la manière dont les sociétés démocratiques du monde entier traitent la même question. Au contraire, la sélection semble simplement refléter un argument selon lequel certaines autres législatures font les choses de la manière dont le Demandeur demande que les choses soient faites.

[100]       Le PGQ soumet que ces documents peuvent illustrer que chaque pays a adopté à sa manière, au cours de la pandémie, des mesures visant à assurer la santé de leur population. Les mesures témoignent de la souveraineté de chaque système juridique d’adopter des règles qui lui sont propres en fonction de leur structure constitutionnelle[94], mais ne sont pas pertinentes.

[101]       Le PGQ a raison. En l’espèce, cet échantillonnage limité ne peut éclairer le Tribunal dans sa détermination de la constitutionnalité de l’article 119 al. 1 LSP vis-à-vis de l’architecture interne de la Constitution[95].

(iii) Omission - les autres juridictions canadiennes

[102]       Le Tribunal remarque l'absence de tout document équivalent provenant d'autres juridictions canadiennes[96]. Leur omission mérite d'être signalée étant donné (i) que le recours au Pourvoi a produit du travail pour d'autres instances législatives sur les mesures sanitaires urgentes et (ii) l'accent mis par le Pourvoi sur la structure de la constitution canadienne.

[103]       D'autres instruments législatifs canadiens auraient pu offrir une meilleure toile de fond aux arguments qui invoquent la structure de la constitution canadienne et les préoccupations quant à la conformité de l’article 119 al. 1 LSP. Ces instruments législatifs canadiens auraient plus de pertinence et de force probante que d'autres provenant de systèmes juridiques qui ne sont pas suffisamment similaires à la structure du Canada. À tout le moins, les documents non canadiens ne justifient pas l'omission du produit du travail provenant d'autres provinces et territoires qui reflètent ou constituent l’architecture interne même à l'étude.

[104]       Vu l’inclusion des exemples des législatures d'autres juridictions à l'extérieur du Canada, le Tribunal considère que l’omission de même un échantillonnage des documents équivalent provenant d'autres provinces et territoires canadiennes affaiblit les soumissions du Demandeur quant à la validité constitutionnelle de l'article 119 al. 1 LSP.

(iv) Invitation du gouvernement

[105]       Dans son Pourvoi, le Demandeur affirme qu’entre le 13 mars 2020 et le 10 mars 2021, l'Assemblée nationale n'a jamais été « invitée » par le gouvernement à donner son assentiment à la déclaration d'état d'urgence sanitaire, à ses renouvellements et à l'adoption de mesures résultant d'une délégation de pouvoirs législatifs au gouvernement et à la ministre de la Santé et des Services sociaux[97]. Il n'a pas expliqué pourquoi l'Assemblée nationale aurait besoin d'une invitation du gouvernement pour donner son accord à tout exercice de son autorité déléguée.

[106]       Le Tribunal ne considère pas que cette prétendue absence d'invitation soit pertinente ou importante pour la validité constitutionnelle de l'article 119 al. 1 LSP.

(v) Peu de débats lors d'une séance de l'Assemblée nationale

[107]       Dans le cadre des échanges avec le Tribunal lors des plaidoiries, le Demandeur a mentionné que, pendant une séance de l'Assemblée nationale, peu des élus ont soulevé une discussion visant la déclaration d’urgence et les Décrets. Le PGQ n'a pas contesté ou cherché à nuancer cette mention ou à s'opposer à son ajout au dossier comme fait matériel. Cependant, il ajoute que l’Assemblée nationale a siégé à plusieurs reprises depuis la déclaration d’état d’urgence et qu’aucune motion de désaveu n’a été présentée par les élus.

[108]       Le Demandeur suggère que le peu de fois où des débats qui ont eu lieu constitue une preuve que la délégation n'était pas raisonnable. Le dossier de la Cour ne contient aucune preuve de la nature de ces débats ou des motifs invoqués, le cas échéant. De plus, même quelques exemples pourraient établir que le débat a posteriori était possible et que seuls quelques membres élus avaient des motifs suffisants pour entamer le débat. En l’absence de la preuve pertinente, admissible et probante, le Tribunal observe que l'inverse peut être tout aussi vrai.  

[109]       Le Tribunal ne considère pas que le faible nombre de débat soit, tout seul, pertinent ou important pour la validité constitutionnelle de l'article 119 al. 1 LSP.

Délégation valable

[110]       Le PGQ soumet que l’article 119 al. 1 LSP n’entraîne pas une abdication de l’Assemblée nationale de son pouvoir législatif. Il soumet qu’il est établi depuis très longtemps que l’Assemblée nationale peut déléguer « de très larges pouvoirs »[98]. Le PGQ soutient que la délégation en l’espèce est soumise à diverses contraintes, tant expresses qu'implicites, par les termes de la loi elle-même ainsi que par d'autres lois d'application générale.  Ses arguments reposent en partie sur « preuve intrinsèque » comprenant le texte, l’objet et la structure de la Loi sur la santé publique.

[111]       Il a raison, et ce, pour plusieurs raisons. Premièrement, la délégation a été récemment réaffirmée dans Renvois relatifs à la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre[99] lorsque la Cour suprême remarque qu’elle « a invariablement conclu à la constitutionnalité de pareille délégation »[100]. La Cour suprême ajoute que « [m]ême des pouvoirs vastes ou importants peuvent être délégués à l’exécutif, en autant que la branche législative n’abdique pas son rôle »[101].

[112]       Deuxièmement, la délégation est faite dans les limites de la loi principale.  Le libellé des dispositions de la Loi sur la santé publique fait en sorte que l’état d’urgence ne peut être déclaré que lorsqu’une menace grave à la santé de la population, réelle ou imminente, exige l’application immédiate de certaines mesures prévues à l’article 123 LSP pour protéger la santé de la population.

[113]       En tant que tel, l'exercice de la délégation est limité par l'objet de la législation qui la permet. La Loi sur la santé publique énonce qu’elle a pour objet la protection de la santé de la population et la mise en place de conditions favorables au maintien et à l’amélioration de l’état de santé et de bien-être de la population en général. Elle précise qu’elle lie le gouvernement, ses ministères et les organismes mandataires de l’État[102].

[114]       Tout exercice du pouvoir délégué est soumis à l'objet et ne peut être exercé en excès ou indépendamment de celui-ci[103].  De plus, en matière d'interprétation, un tribunal préférera, dans la mesure du possible, une interprétation qui permet de concilier les deux textes[104].

[115]       Troisièmement, le pouvoir délégué trouve sa source dans la loi habilitante[105]. Si le gouvernement exerce ce pouvoir délégué d'une manière incompatible ou contraire à la Loi sur la santé publique, la Cour supérieure peut déclarer cet exercice inapplicable, invalider ou inopérante. Entre autres, les règles générales du droit administratif s’appliquent et ont pour effet de circonscrire l’exercice des pouvoirs délégués au gouvernement en vertu de la Loi sur la santé publique[106]. Sur le plan du droit administratif, le PGQ note que le contrôle de la légalité des décrets a été entendu par la Cour d’appel dans Bricka et qu’elle a jugé que la déclaration d’état d’urgence sanitaire et les décrets de renouvellement avaient été validement adoptés par le gouvernement.

[116]       Quatrièmement, chaque exercice de l'autorité déléguée est limité dans le temps. Le Demandeur n'est pas convaincu que cette limitation temporelle ait l'effet annoncé. Il souligne le fait que le pouvoir délégué a été exercé 115 fois ou, selon ses termes, ad infinitum. À toutes les fois que le gouvernement renouvelle pour l’état d’urgence sanitaire, il est nécessaire de justifier une menace grave à la santé de la population.

[117]       Quatrièmement, l'autorité déléguée est soumise à un contrôle a posteriori de l'Assemblée nationale d'au moins trois manières expresses. La délégation est limitée expressément par les termes de la Loi sur la santé publique qui prévoit le droit de désaveu de l'Assemblée nationale.

[118]       Le contrôle de l'Assemblé nationale est également exprimé dans deux lois ayant une application générale. La Loi d'interprétation[107] stipule qu’une loi est réputée réservée à l’Assemblée nationale, lorsque le bien public l’exige, le pouvoir de l’abroger, et également de révoquer, restreindre ou modifier tout pouvoir, privilège ou avantage que cette loi confère à une personne[108]. La Loi sur l'assemblée nationale[109] prévoit que l’Assemblée nationale a un pouvoir de surveillance sur tout acte du gouvernement, de ses ministères et de ses organismes.

[119]       Les parties n'ont pas discuté la question de savoir si ces réserves législatives étaient des sources indépendantes de l'autorité de l’Assemblée nationale, ou si elles reflétaient simplement des affirmations expresses de l'autorité inhérente de l’Assemblée nationale pour contrôler l'autorité qu'elle délègue. Or, la Cour suprême rappelle que l’Assemblée nationale demeure souveraine, conservant toujours le pouvoir ultime et absolu de révoquer tout pouvoir délégué[110].

[120]       Le Demandeur a suggéré que les documents fournissaient soit des pratiques exemplaires, soit une norme à laquelle la Loi sur la santé publique du Québec devrait être mesurée. Le Tribunal n'est pas d'accord. Même si ces exemples non canadiens avaient une pertinence matérielle, ce qui n’est pas établi, l'échantillonnage est trop limité en nombre pour permettre une véritable comparaison.

[121]       Le Tribunal souscrit à chacun des arguments de la PGQ. Pris individuellement et en combinaison, ils démontrent que la délégation, permise par la jurisprudence, reste valide et raisonnable. Le Demandeur n'a pas démontré que le Tribunal devrait réexaminer la jurisprudence et se demander si la délégation est constitutionnelle. 

[122]       Le Tribunal rejette donc le Pourvoi du Demandeur pour ce moyen.

 

Atteinte à la structure fondamentale de la Constitution

[123]        Le PGQ a raison de constater que cette soumission du Demandeur est imprécise.  Elle ne permet pas de cerner en quoi la disposition attaquée modifierait l’architecture interne et la structure fondamentale de la Constitution[111].

[124]       Le Tribunal convient que le Demandeur n’identifie aucune atteinte structurelle qui permettrait au Tribunal de déclarer inconstitutionnelle l’article 119 al. 1 LSP parce que contraire à l’architecture de la Constitution.

[125]       Le Tribunal rejette donc le Pourvoi du Demandeur pour cet autre moyen.

Principes sous-jacents à la Constitution

[126]       Le PGQ souligne que la Cour suprême a reconnu l’existence de principes sous-jacents à la Constitution, dont le principe démocratique, notamment dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec[112]. La Cour suprême a confirmé que la Constitution comprend des règles, écrites et non écrites, et des principes sous-jacents qui ressortent de la compréhension du texte constitutionnel lui-même, de son contexte historique et des diverses interprétations données par les tribunaux en matière constitutionnelle[113]. Ces règles et principes font implicitement partie de la structure constitutionnelle canadienne[114]. Cependant, la majorité de la Cour suprême a souligné que les principes constitutionnels sous-jacents ne pouvaient être utilisés que pour interpréter les dispositions des lois constitutionnelles[115] et non pour les invalider[116].

[127]       Le PGQ observe que le passage cité par le Demandeur de Le procureur général de l'Ontario c. SEFPO[117] constitue un obiter. Le Tribunal convient que le passage constitue un obiter. S’il est applicable, il doit être lu dans son contexte et à la lumière des décisions ultérieures de la Cour suprême qui n'étaient pas obiter et qui comprennent des déclarations contraires, telles que dans Toronto (Cité) c. Ontario (Procureur général)[118].

[128]       Le Tribunal convient que le Demandeur n’identifie aucune règle, écrite et non écrite, ou principe sous-jacent qui permettrait au Tribunal de déclarer inconstitutionnelle et invalider l’article 119 al. 1 LSP parce que contraire à une règle, écrite et non écrite, et de principe sous-jacent à la Constitution. Même s'il y était parvenu, la jurisprudence ne soutient pas la déclaration d'invalidité qu'il revendique. 

[129]       Le Tribunal rejette donc le Pourvoi du Demandeur pour ce moyen également.

CONCLUSIONS

[130]       La délégation effectuée par l’article 119 al. 1 LSP est permise par la Constitution et est effectuée de manière conforme à la jurisprudence.  Il n’y a pas d’atteinte à ou non-conformité avec l’architecture interne et la structure fondamentale de la Constitution.  L’article 119 al. 1 LSP ne contrevient à aucune règle, écrite et non écrite, ou principe sous-jacent à la Constitution qui permettrait de le déclarer inconstitutionnelle et l’invalider.

[131]       Le Pourvoi doit être rejeté.

FRAIS

[132]       George Bernard Shaw, dramaturge irlandais, a observé que le progrès nécessite donc un certain genre de citoyen.

L'homme raisonnable s'adapte au monde : l'homme déraisonnable persiste à vouloir adapter le monde à lui-même. Par conséquent, tout progrès dépend de l'homme déraisonnable[119].

[133]       Il en va de même pour le bon fonctionnement d'une société démocratique. Pour répondre aux attentes en théorie et en pratique, les composants d'une société démocratique - la législature, le gouvernement, les tribunaux et les médias - ont besoin des hommes et femmes « déraisonnables ». Ces hommes et femmes ne se contentent pas de commenter anonymement les efforts d'autres engagées dans les processus législatif, exécutif ou judiciaire ou dans les médias indépendants.

[134]       En plus des deux contraintes mentionnées ci-dessus aux paragraphes 4 et 5, le rôle de la Cour supérieure dans une société démocratique est soumis à une troisième contrainte, plus pratique. Pour être saisi d'une affaire, un citoyen doit prendre l'initiative. Les tribunaux ne peuvent se saisir d’office d’un différend. Il revient à un citoyen de s'avancer en tant que partie, d’introduire l’instance et d’en déterminer l’objet[120].

 

 

[135]       Tous les citoyens ne sont pas prêts à s'engager dans le processus démocratique.  Au lieu de se tenir à l'écart, certains citoyens assument un rôle plus influent. Ils se présentent à des fonctions politiques[121] et, une fois qu'ils sont élus, aspirent à des rôles de direction dans l’exécutif. D’autres prennent une part active dans les médias. Encore d'autres font appel aux tribunaux pour déterminer la légalité et les limites des activités de la législature et du gouvernement et même des médias. 

[136]       Dans une société démocratique, les tribunaux doivent donc attendre le citoyen qui leur soumet une question. Si un citoyen ne prend pas l'initiative, la contribution des tribunaux à la société démocratique reste en sommeil, les mains croisées. Les tribunaux se tiennent prêts, en position neutre, attendant d'être sollicités.

[137]       La société démocratique requiert les citoyens qui vont de l'avant.  Me Turp est un tel citoyen. De fait, sa toute première allégation établit sa qualité pour initier le Pourvoi, affirmant qu’il est « un citoyen du Canada résidant au Québec ».

[138]       Grâce à des citoyens comme Me Turp, les tribunaux ont la possibilité de contribuer à la société démocratique, et ce, dans les limites des objets des questions qui leur sont soumises et conformément aux fonctions constitutionnelles et attributions institutionnelles.

[139]       L'article 340 C.p.c. prévoit une règle par défaut concernant l'octroi des frais de justice. Ils sont dus à la partie qui a eu gain de cause, à moins que le Tribunal n’en décide autrement. Ce défaut n'est pas contraignant.

[140]       En l’espèce, il est vrai que le Demandeur n'a pas eu gain de cause. Cependant, le Demandeur a soulevé une question importante pour la société démocratique et l'a fait de manière ciblée et raisonnable. Il a identifié une nouvelle question qui n'avait pas été abordée par les tribunaux auparavant lors de la résolution du litige concernant les mesures sanitaires. Il n'a pas réexaminé ou plaidé à nouveau d'autres différends concernant l'exercice de l'autorité déléguée pendant l'urgence sanitaire. 

[141]       Grâce à la collaboration et à l'approche professionnelle des avocates du PGQ, le litige s'est concentré sur les principaux désaccords. Les parties ont respecté le principe de proportionnalité, et se sont assurées que leurs démarches, les actes de procédure et les moyens de preuve choisis sont proportionnés à la nature et à la complexité de l’affaire ainsi qu’à la finalité du Pourvoi. Dans ces circonstances, aucun frais de justice n’est dû.

 

 

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

REJETTE le Pourvoi en contrôle judiciaire modifié en date du 10 mai 2021 de Nicolas Turp invoquant l’article 529 al. 1(1) du Code de procédure civile, RLRQ c C-25.01;

LE TOUT sans frais de justice.

 

 

 

_______________________________     L’Honorable daniel urbas, j.c.s.

 

Me Nicolas Turp

Cabinet immigration keleny inc

Avocat du/et Demandeur

 

Me Nancy Brulé

Me Lizann Demers

BERNARD ROY (JUSTICE QUÉBEC)

Avocates du Défendeur

 

 

Date d’audience 

27 février 2023

 

 

 


[1]  Article 9 du Code de procédure civile, RLRQ c C-25.01 C.p.c. »).

[2]  Article 529 C.p.c. Voir aussi 541 C.p.c.

[3]  Articles 76 et 96 C.p.c.

[5]  Loi sur la santé publique, RLRQ c S-2.2 LSP »).

[6]  Le Tribunal reprend les guillemets utilisés par le Demandeur dans le Pourvoi.

[7]  Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Victoria, c 3 Constitution »).

[8]  P-1, Décret 177-2020 déclarant l'état d'urgence sanitaire sur tout le territoire québécois.

[9]  Décret 865-2022, 25 mai 2022. Le Décret 865-2022 informe que, sur la recommandation du ministre de la Santé et des Services Sociaux, l’état d’urgence est renouvelé jusqu’au 3 juin 2022.

[10]  P-1, liste des décrets adoptés entre le 13 mars 2020 et le 10 mars 2021.

[11]  Loi visant à mettre fin à l'état d'urgence sanitaire tout en prévoyant le maintien de mesures transitoires nécessaires pour protéger la santé de la population, LQ 2022, c 15  Projet de loi 28 »).

[12]  Projet de loi 28, article 1.

[13]  Si l’Assemblée nationale ne siège pas, l’article 129 LSP autorise le ministre de le déposer dans les 15 jours de la reprise des travaux de l’Assemblée nationale,

[14]  Projet de loi 28, article 6.

[15]  Pourvoi, par. 14.

[16]  P-4, Loi sur les mesures d'urgence, S.R.C. 1985 ch. 22 (4e suppl.); P-5, Extrait des débats de la Chambre des communes du Canada Hansard du 25 avril 1988; P-6, Extraits des Comités de la Chambre des communes, 33e Législature, 2e Session Comité législatif sur le Projet de loi C-77, Loi visant à autoriser à titre temporaire des mesures extraordinaires de sécurité en situation de crise nationale et à modifier d'autres lois en conséquence, vol. 1 no. 1-9, en liasse.

[17]  P-7, Code de la santé publique et autres décrets et lois (France), extraits Code santé (France) »), en liasse.

[18]  P-8, Coronavirus Act 2020, 2020 Chapter 7 (RU) (« Coronavirus Act (RU) »).

[19]  P-9, Loi sur la prévention et le contrôle des maladies infectieuses chez l'homme (Allemagne).

[20]  Pourvoi, par. 14.

[21]  P-10.

[22]  Id., par. 69.

[23]  Renvoi relatif à la sécession du Québec, 1998 CanLII 793 (CSC), [1998] 2 RCS 217 Renvoi relatif à la sécession »), par. 32.

[24]  Renvoi relatif à la sécession, par. 52 à 54.

[25]  Renvoi relatif à la sécession, par. 68.

[26]  Pourvoi, par. 21.

[27]  Pourvoi, par. 24.

[29]  Bricka c. Procureur général du Québec, 2022 QCCA 85 Bricka »), par. 23, 33 à 36 et 49, demande d’autorisation d’appel rejetée, Stanislas Bricka c. Procureur général du Québec, 2022 CanLII 67617 (CSC).

[30]  P-13, Extraits du compte rendu officiel, Hansard, 44e Législature, 1er session, Débats de la Chambre des communs, Volume 151 no. 033, 17 février 2022, p. 2345 è 2378 et 22 février 2022 (Présentation de la motion et début des débats) et p. 2844 à 2884 (Suite et fin des débats et vote sur le motion), en liasse.

[31]  Sinclair c. Québec (Procureur général), 1990 CanLII 3226 (QC CA), p. 11; WM Québec inc. c. Forcier, 2020 QCCA 424, par. 55.

[32]  P-1, Décret 177-2020, p. 1101A.

[33]  Presse ltée (La) c. Poulin, 2012 QCCA 2030 La Presse »), par. 15, demande d’autorisation d’appel rejetée, La Presse, ltée et autres c. Bernard Poulin, 2011 CanLII 79180 (CSC).

[34]  Edgar Morin, La méthode, tome 6 – Éthique, Paris, le Seuil, 2004.

[35]  Plan d’argumentation du PGQ, par. 53. Charte canadienne des droits et libertés, Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c. 11 (« Charte canadienne »).

[36]  Bricka; Clinique juridique itinérante c. Procureur général du Québec, 2021 QCCS 182; Conseil des juifs hassidiques du Québec c. Procureur général du Québec, 2021 QCCS 281; Desrochers c. Procureur général du Québec, 2021 QCCS 311, requête pour permission d’appeler rejetée, Desrochers c. Procureur général du Québec, 2021 QCCA 275, demande d’autorisation d’appel rejetée, William Desrochers c. Procureur général du Québec, 2022 CanLII 16719 (CSC); Lévesque c. Procureur général du Québec, 2021 QCCS 489; Bédard c. Procureur général du Québec, 2021 QCCS 1814, requête pour permission d’appeler rejetée, Bédard c. Procureur général du Québec, 2021 QCCA 788; Platania c. Procureur général du Québec, 2021 QCCS 3627; Lachance c. Procureur général du Québec, 2021 QCCS 4721; Mercier c. Procureur général du Québec, 2021 QCCS 4666; Gianoulias c. Procureur général du Québec, 2022 QCCS 369; Awad c. Procureur général du Québec, 2022 QCCS 654; Desmarais c. Procureur général du Québec, 2022 QCCS 842;  Entreprises privées de personnel soignant du Québec (EPPSQ) c. Procureur général du Québec, 2022 QCCS 2975.

[37]  Syndicat des métallos, section locale 2008 c. Procureur général du Canada, 2022 QCCS 2455; Benrouayene c. Procureur général du Canada, 2023 QCCS 144.

[38]  Imperial Tobacco Canada ltée c. Conseil québécois sur le tabac et la santé, 2019 QCCA 358, par. 1200 à 1205; Gianoulias c. Procureur général du Québec, 2022 QCCS 3509.

[39]  Cooper c. Canada (Commission des droits de la personne), 1996 CanLII 152 (CSC), [1996] 3 RCS 854, par. 2.

[40]  Chapman c. Procureure générale du Québec, 2018 QCCA 2013 Chapman »), par. 37.

[41]  Mikisew Cree First Nation c. Canada (Gouverneur général en conseil), 2018 CSC 40 (CanLII), [2018] 2 RCS 765 Mikisew Cree First Nation »), par. 36; Chapman, par. 37 à 38.

[42]  Mikisew Cree First Nation, par. 34.

[43]  Reference as to the Validity of the Regulations in Relation to Chemicals Enacted by Order in Council and of an Order of the Controller of Chemicals Made Pursuant Thereto, 1943 CanLII 1 (CSC), [1943] RCS 1 Reference Chemicals »), p. 12; Fédération autonome de l'enseignement c. Procureur général du Québec, 2023 QCCS 441 (« Fédération autonome de l'enseignement »), par. 155.

[44]  SEFPO, p. 56; Québec (Procureur général) c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 14 (CanLII), [2015] 1 RCS 693, par. 3; Tremblay c. Procureure générale du Québec (Ministre de la Justice du Québec), 2020 QCCA 416 par. 26.

[45]  Colombie-Britannique c. Imperial Tobacco Canada Ltée, 2005 CSC 49 (CanLII), [2005] 2 RCS 473 par. 66; Bacon c. Saskatchewan Crop Insurance Corp. (1999), 1999 CanLII 12234 (SK CA), 180 Sask. R. 20 (C.A.), par. 30.

[46]  Chaoulli c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 35 (CanLII), [2005] 1 RCS 791, par. 94 à 95; Dostie c. Procureur général du Canada, 2022 QCCA 1652, par. 55 à 58.

[47]  Mikisew Cree First Nation, par. 41.

[48]  Mikisew Cree First Nation, par. 40 à 41.

[49]  Mikisew Cree First Nation, par. 35.

[50]  Mikisew Cree First Nation, par. 36.

[51]  Nouvelle-Écosse (Procureur général) c. Canada (Procureur général), 1950 CanLII 26 (CSC), [1951] RCS 31, p. 53 avec référence à Hodge c. R, (1883) 9 App. Cas. 117  Hodge ») et Reference Chemicals; Renvois relatifs à la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, 2021 CSC 11 Renvois gaz à effet de serre »), par. 84 à 85.

[52]  Procureur général du Québec c. Les avocats et notaires de l'État québécois, 2021 QCCA 559, par. 109 et 127, demandes d’autorisation d’appel rejetées, Procureur général du Québec, et al. c. Avocats et notaires de l’État québécois, et al., 2021 CanLII 98080 (CSC).

[53]  Mikisew Cree First Nation, par. 33.

[54]  Renvoi relatif à la réglementation pancanadienne des valeurs mobilières, 2018 CSC 48 (CanLII), [2018] 3 RCS 189 Renvoi réglementation pancanadienne des valeurs mobilières »), par. 73.

[55]   Id.

[56]  Id.

[57]  Renvoi réglementation pancanadienne des valeurs mobilières, par. 76.

[59]  In Re George Edwin Gray, 1918 CanLII 533 (CSC), 57 RCS 150.

[60]  Lorne Neudorf, « Reassessing the Constitutional Foundation of Delegated Legislation in Canada » (2018), 41 Dal. L.J. 519, p. 545.

[61]  Lord Chief Justice Hewart, The New Despotism (1929); David J. Mullan, « The Role of the Judiciary in the Review of Administrative Policy Decisions: Issues of Legality », dans Mary Jane Mossman et Ghislain Otis, éds., La montée en puissance des juges : ses manifestations, sa contestation (1999), 313; (Alyn) James Johnson, « The Case for a Canadian Nondelegation Doctrine » (2019), 52 U.B.C. L. Rev. 817; Mark Mancini, « The NonAbdication Rule in Canadian Constitutional Law » (2020), 83 Sask. L. Rev. 45.

[62]  Renvois gaz à effet de serre, par. 242.

[63]  Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, LC 2018, c 12, article 186.

[64]  Renvois gaz à effet de serre, par. 242.

[65]  Id.

[66]  Renvois gaz à effet de serre, par. 83.

[67]   Renvois gaz à effet de serre, par. 222 et suivant.

[69]  Id.

[70]  Société des alcools du Québec c. Syndicat des employés de magasins et de bureaux de la Société des alcools du Québec (CSN), 2012 QCCA 994 Société des alcools du Québec »), par. 9.

[71]  Id.

[73]  R. c. Cliche, 2010 QCCA 408, par. 29; Société des alcools du Québec, par. 9.

[74]  R. c. Oakes, 1986 CanLII 46 (CSC), [1986] 1 RCS 103; Conseil scolaire francophone de la ColombieBritannique c. ColombieBritannique, 2020 CSC 13, par. 194 avec référence à R. c. Big M Drug Mart Ltd., 1985 CanLII 69 (CSC), [1985] 1 RCS 295, p. 344.

[75]  Danson c. Ontario (Procureur général), 1990 CanLII 93 (CSC), [1990] 2 RCS 1086, p. 1099; R. c. Spence, 2005 CSC 71 (CanLII), [2005] 3 RCS 458, par. 58.; La Presse, par. 16.

[76]  Procureure générale du Québec c. Centrale des syndicats démocratiques, 2018 QCCA 1622, par. 12 et 15 à 18.

[77]  Renvois gaz à effet de serre, par. 94 et 107.

[78]  Renvoi relatif à Upper Churchill Water Rights Reversion Act, 1984 CanLII 17 (CSC), [1984] 1 RCS 297  (« Renvoi Upper Churchill »), p. 318; R. c. Hydro-Québec, 1997 CanLII 318 (CSC), [1997] 3 RCS 213Hydro-Québec »), par. 63.

[79]  Renvoi Upper Churchill, p. 318; Hydro-Québec, par. 63; Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Canada (Procureur général), 2012 CSC 71, [2012] 3 RCS 660, par. 94 à 95.

[80]  Renvoi Upper Churchill, p. 319

[81]  RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), 1995 CanLII 64 (CSC), [1995] 3 RCS 199, p. 243.

[82]  Renvois gaz à effet de serre, par. 51.

[83]  P-7, Code santé (France), P-8, Coronavirus Act (RU) et P-9.

[84]  P-13.

[85]  Loi sur l'assemblée nationale, RLRQ c A-23.1 Loi sur l'assemblée nationale »), article 10.

[86]  P-3, Journal des débats de la Commission permanente des affaires sociales du 28 novembre 2001, p. 43.

[87]  Loi sur l'assemblée nationale, articles 9 et 10.

[88]  Environnement Jeunesse c. Procureur général du Canada, 2021 QCCA 1871, par. 24, demande d’autorisation d’appel rejetée, Environnement Jeunesse c. Procureur général du Canada, 2022 CanLII 67615 (CSC).

[89]  Vallières c. Courtiers J.D. & associés ltée, 1998 CanLII 13074 (QC CA), p. 13 à 14; Fédération autonome de l'enseignement, par. 156.

[90]  P-3, p. 43. Voir la mention du débat sur le projet de la no. 60.

[91]  Turp c. Procureur général du Québec, 2021 QCCS 4431, par. 38 et 39.

[92]  Figueroa, par. 153 à 157.

[93]  Figueroa, par. 157.

[95]  Renvoi sécession du Québec, par. 50.

[96]  Emergency Program Act, RSBC 1996, c 111, section 9; Public Health Act, RSA 2000 c P-37, section 52.1; The Emergency Planning Act, SS 1989-90, c E-8.1, section 17; Loi sur les mesures d'urgence, CPLM c E80, article 10; Loi sur la protection civile et la gestion des situations d'urgence, LRO 1990, c E.9, article 7.0.1(1); Public Health Protection and Promotion Act, SNL 2018 c P-37.3, section 27; Loi sur les mesures d'urgence, LRN-B 2011, c 147, article 10; Emergency Management Act, SNS 1990, c 8, section 12; Public Health Act, RSPEI 1988, c P-30.1, section 49; Loi sur la santé et la sécurité publiques, LRY 2002, c 176, article 4.3; Loi sur la santé publique, LTN-O 2007, c 17, article 32; Loi sur la santé publique, LNun 2016, c 13, article 40.

[97]  Pourvoi, par. 8.

[98]  Hodge, p. 132; Plan d’argumentation PGQ, par. 38; Henri Brun, Guy Tremblay et Eugénie Brouillet, Droit constitutionnel, 6e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, paragr. IX.124.

[100]  Id.

[101]  Id.

[102]  Article 6 LSP.

[103]  Reference Chemicals, p. 13.

[104]  Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), 1992 CanLII 110 (CSC), [1992] 1 RCS 3 p. 38. Bien que cet arrêt concerne les lois et règlements fédéraux, les principes d'interprétation y énoncés s'appliquent aux lois et règlements québécois : Legault c. La Métropolitaine, compagnie d'assurance-vie, 2001 CanLII 11413 (QC CS), appel rejeté, Confederation Life Insurance Company c. Métropolitaine, compagnie d'assurance-vie, 2003 CanLII 46876 (QC CA).

[105]  Renvoi réglementation pancanadienne des valeurs mobilières, par. 74; Renvois gaz à effet de serre, par. 84.

[106]  Renvois gaz à effet de serre, par. 84 et 88.

[107]  Loi d'interprétation, RLRQ c I-16, article 11.

[108]  Baie d'Urfé (Ville) c. Québec (Procureur général), 2001 CanLII 24845 (QC CS), par. 269 à 275, appel rejeté, Baie d'Urfé (Ville) c. Québec (Procureur général), 2001 CanLII 9278 (QC CA).  Voir la référence à l’article 11 de la Loi d'interprétation, RLRQ c I-16 et, à la note à bas de page no. 183, Patrice Garant, Droit administratif, 4e éd., Cowansville Éditions Yvon Blais, p. 411. Le tribunal de première instance fait référence à Shannon c. Lower Mainland Dairy Products Board, 1938 CanLII 250 (UK JCPC), p. 87 qui, même à cette époque, évoquait les innombrables occasions où une délégation s'était produite. Cette décision de 1938 est citée par la Cour d'appel dans l'affaire Grenier c. Fédération des producteurs acéricoles du Québec, 2016 QCCA 1203, par. 27, note à bas de page no. 33, demande d’autorisation d’appel rejetée, Angèle Grenier v. Fédération des producteurs acéricoles du Québec, et al., 2017 CanLII 35119 (SCC).

[109]  Loi sur l'assemblée nationale, article 4.

[110]  Renvoi réglementation pancanadienne des valeurs mobilières, par. 74; Renvois gaz à effet de serre, par. 84.

[111]  Plan d’argumentation PGQ, par. 60 à 66.

[113]  Renvoi sécession du Québec, par. 32 et 49 à 54.

[114]  Renvoi sécession du Québec, par. 50; Toronto (Cité) c. Ontario (Procureur général), 2021 CSC 34 Toronto (Cité) »), par. 49.

[115]  Toronto (Cité), par. 55 à 56.

[116]  Toronto (Cité), par. 50 à 54.

[117]  1987 CanLII 71 (CSC), [1987] 2 RCS 2, par. 152.

[118]  2021 CSC 34.

[119]  George Bernard Shaw, Man and Superman – A Comedy and a Philosophy, Maxims for Revolutionists, Reason, Brentano’s, New York, (1903), p. 238.

[120]  Article 10 C.p.c.

[121]  Figueroa, par. 25 et 152; Frank c. Canada (Procureur général), 2019 CSC 1 (CanLII), [2019] 1 RCS 3, par. 25 à 26.

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