Décision

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Décision

Berteau c. Atréus inc.

2016 QCRDL 16352

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Longueuil

 

No dossier :

37-090911-002 37 20090911 G

No demande :

736212

 

 

Date :

10 mai 2016

Régisseur :

Marc C. Forest, juge administratif

 

IRTA BERTEAU

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

ATRÉUS INC

 

Locatrice - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

LA DEMANDE

[1]      La locataire demande au tribunal de lui octroyer des dommages matériels, et moraux.

[2]      Préalablement, le tribunal doit décider s’il a compétence pour entendre la présente cause, auquel cas, il convoquera les parties pour entendre le fond. S’il n’a pas compétence, il déclinera compétence et les parties devront se faire entendre ailleurs.

LA PREUVE

La locatrice

[3]      La locatrice a fait entendre trois témoins.

[4]      Le premier était vendeur d’unité de condo pour le compte de la locatrice.

[5]      Le 11 juillet 2009, la locataire s’est présentée pour faire la visite d’un condo. Elle s’est montrée intéressée à faire l’achat d’un condo, et a signé un contrat préliminaire pour ce condo. Dans les conditions, la locataire devait trouver du financement. Afin de permettre à la locataire de trouver son financement, la locatrice lui signe à la même date, un bail de 9 mois, afin qu’elle puisse retirer des fonds qu’elle aurait auprès d’une institution financière (régime d’accès à la propriété).

[6]      Suite à une demande auprès d’une institution financière, la locataire est refusée. Le représentant de la locatrice communique avec elle, pour lui dire qu’elle ne passe pas auprès de l’institution financière. Comme elle n’est pas acceptée par l’institution financière, pour lui, l’offre devient caduque, ainsi que le bail.

[7]      Il précise qu’il était impossible pour une personne de faire une location dans cet immeuble. Lorsqu’il y avait un bail comme dans le cas présent, ce n’était que pour accommoder un acheteur qui se classifiait auprès de l’institution financière, le temps que cette personne puisse obtenir les fonds requis, comme son fond de régime d’accès à la propriété.

[8]      Un autre témoin, courtier immobilier est entendu pour dire qu’il y avait une demande de crédit pour la locataire et effectivement, sa demande de crédit auprès de l’institution financière a été refusée.

[9]      Le président de la locatrice a confirmé que le bail était conditionnel à ce que la locataire obtienne son financement, à l’effet qu’elle aurait définitivement pris possession de son condo le 1er juin 2010.


[10]   Il était impensable pour lui de louer le condo sans que la locataire ait satisfait à toutes les conditions de l’offre d’achat.

[11]   Si la locatrice avait loué le condo sans vente, il aurait dû payer toutes les taxes de vente sur ce condo, ce qu’il ne voulait pas faire car cela représente des dizaines de milliers de dollars.

[12]   La locataire avait déboursé un montant de 950 $ à titre de dépôt et ce dépôt lui a été remboursé. Elle a accepté ce remboursement sans contrainte. L’écriture qu’elle a faite sur son chèque avant de l’encaisser n’est pas opposable au locateur, puisqu’elle ne l’a pas informé de cette écriture préalablement à l’encaissement du chèque.

La locataire

[13]   La locataire confirme que les parties ont signé un contrat de vente d’un condo en date du 11 juillet 2009, dans lequel il est indiqué que la locataire devait prendre possession de son achat le 1er juin 2010. Elle confirme également qu’elle avait des conditions à respecter afin de pouvoir acquérir ce condo, tel que l’obtention d’un financement.

[14]   Financièrement, elle ne pouvait en prendre possession immédiatement et les parties ont convenu d’un bail de 9 mois et à la fin de ce terme, la locataire prendrait possession de son condo par acte de vente.

[15]   La locataire confirme dans son témoignage que son but premier était d’acheter le condo et que la location était de façon temporaire de 9 mois, le temps qu’elle puisse se qualifier pour un prêt hypothécaire.

LE DROIT

« 1425.      Dans l’interprétation du contrat, on doit rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes utilisés. »

« 1426.      On tient compte, dans l'interprétation du contrat, de sa nature, des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l'interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu'il peut avoir reçue, ainsi que des usages. »

« 2804.      La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante. »

LA DÉCISION

[16]   Le tribunal doit se poser la question à savoir s’il a juridiction pour entendre la présente cause.

[17]   Voyons les compétences du tribunal :

« 28.         La Régie connaît en première instance, à l'exclusion de tout tribunal, de toute demande:

1° relative au bail d'un logement lorsque la somme demandée ou la valeur de la chose réclamée ou de l'intérêt du demandeur dans l'objet de la demande ne dépasse pas le montant de la compétence de la Cour du Québec;

2° relative à une matière visée dans les articles 1941 à 1964, 1966, 1967, 1969, 1970, 1977, 1984 à 1990 et 1992 à 1994 du Code civil;

3° relative à une matière visée à la section II, sauf aux articles 54.5, 54.6, 54.7 et 54.11 à 54.14.

Compétence.

Toutefois, la Régie n'est pas compétente pour entendre une demande visée aux articles 645 et 656 du Code de procédure civile (chapitre C-25). »


[18]   Le tribunal s'est interrogé sur la compétence de la Régie du logement. Il s'agit de déterminer si le présent tribunal a l'autorité requise en l'espèce; en d'autres mots, si le litige concerne essentiellement l'application d'une promesse d'achat et de vente, ou plutôt un bail de logement selon l'article 1851 C.c.Q.

« 1851.      Le louage, aussi appelé bail, est le contrat par lequel une personne, le locateur, s'engage envers une autre personne, le locataire, à lui procurer, moyennant un loyer, la jouissance d'un bien, meuble ou immeuble, pendant un certain temps.

Le bail est à durée fixe ou indéterminée. »

[19]   Aux termes de l'article 28, par. 1 de la Loi sur la Régie du logement, le tribunal a compétence pour instruire une affaire, lorsque la demande est « relative au bail d'un logement ». En cas de conflit relativement à la juridiction du tribunal appelé à trancher un litige relié à un bail avec option, une question fondamentale se pose. Quel est l'acte juridique principal conclu par les parties, et quel en est l'accessoire?

[20]   Ainsi, dans la décision Bélanger c. Letarte (2007) J.L. 16 (R.L.), le tribunal est d'avis que l'occupation d'une maison fait suite à la volonté de la locataire d'en faire l'acquisition. Le loyer devait servir d'acompte sur cet achat. Les parties ne sont donc pas liées par un contrat dont l'objet principal est relatif au bail d'un logement. Le contrat de location n'est que l'accessoire du contrat principal.

[21]   Dans la décision récente Brunette c. Mailloux (2013) QCRDL 20694, ma collègue Me Francine Jodoin commente ainsi un contexte analogue :

« Une analyse attentive des documents produits par la partie demanderesse permet de conclure que les parties n'ont pas voulu être assujetties aux dispositions applicables au louage résidentiel...Les règles relatives au bail résidentiel ne sont pas suivies... Ceci est en nette contradiction avec les droits et obligations résultant d'un bail de location résidentiel.

Dans la présente affaire, à l'annexe du contrat, le bail est à terme fixe et n'est pas soumis au renouvellement automatique (article 1, par. 2). À l'article 2.2.2, un taux variable est prévu pour les frais d'électricité. Également, la locataire est tenue responsable de toutes réparations aux lieux loués. »

[22]   Dans le jugement Bédard c. Drolet (2006, QCCS 3484), la Cour supérieure trace des balises pour délimiter la compétence du tribunal :

« [22] Ces particularités relatives à l'option d'achat et incluses au bail de location, confèrent un statut particulier à ce contrat et s'expliquent par le fait que le locateur loue son immeuble en vue de le vendre. C'est pourquoi, il prend soin de le louer à un acheteur éventuel et sérieux, en exigeant de celui-ci un prix de location plus élevé dont une partie pourra servir au paiement du capital et en prévoyant une durée limitée au bail, par l'ajout d'une clause qui y met fin immédiatement si la vente n'a pas lieu avant l'expiration de celui-ci. Le locateur peut ainsi tenter sa chance auprès d'un autre acheteur potentiel.

[23] Le Tribunal est d'avis qu'un tel contrat, en raison de ses particularités, ne constitue pas un bail de logement et n'est pas assujetti aux dispositions du Code civil du Québec applicables à un tel bail. »

[23]   Il faut voir les intentions des parties. Il est clair pour le tribunal que les parties avaient effectivement l’intention première de procéder à la vente d’une unité de condominium, situé dans un immeuble appartenant à la locatrice et c’est même avoué par la locataire.

[24]   La preuve soumise par la locatrice a l’effet qu’elle ne loue aucun logement, mais sa raison d’être est uniquement de vente des unités de condominium, convainc le tribunal que le bail est assurément accessoire au contrat de vente et qu’il a été signé uniquement dans le but d’aider la locataire à obtenir son financement.

[25]   Donc, pour cette raison, soit la nature du bail, la présente cause ne relève pas de l'autorité de la Régie du logement.


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[26]   DÉCLINE COMPÉTENCE pour entendre le litige entre les parties.

 

 

 

 

 

 

 

 

Marc C. Forest

 

Présence(s) :

la locataire

le mandataire de la locatrice

Date de l’audience :  

1er avril 2016

 

 

 


 

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