Décision

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Décision

Jolicoeur c. Office municipal d'habitation de Montréal

2019 QCRDL 5822

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

345691 31 20170710 G

No demande :

2285290

 

 

Date :

25 février 2019

Régisseur :

Marc C. Forest, juge administratif

 

Vicky Jolicoeur

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

OFFICE MUNICIPAL D’HABITATION de Montréal

 

Locatrice - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

La demande

[1]      La locataire réclame la résiliation de son bail pour le 1er décembre 2017, ainsi que des dommages de 6 000 $ qui englobent sa diminution de loyer, des dommages moraux et des dommages matériels.

Questions en litige

[2]      La locataire a-t-elle droit à la résiliation du bail?

[3]      La locataire a-t-elle droit aux dommages qu'elle réclame?

Analyse et commentaires

[4]      La première question est facile à répondre puisque la locataire a quitté son logement le 1er décembre 2017.

[5]      Ce bail est résilié avec l'accord de la locatrice.

[6]      La locataire a pris possession de son logement en mai 2016. Il s'agit d'un logement situé dans un immeuble de six logements et faisant partie du parc immobilier de l'office municipal d'habitation de Montréal, organisme sans but lucratif, qui gère des immeubles à logements modiques.

[7]      Le loyer mensuel que devait payer la locataire était de 265 $.

[8]      C'est à l'automne 2016 que la locataire a commencé à se plaindre des bruits provenant du logement situé sous le sien.

[9]      Ce dernier est habité par une dame et son fils de 19 ans affectés d'une maladie ayant affecté son développement intellectuel à un très jeune âge.


[10]   Ce jeune homme fréquente une école spécialisée le jour et habituellement à son retour, il fait une courte sieste. Or la nuit, il ne dort pas et agit comme un jeune enfant en sautant partout et en frappant sur les murs.

[11]   Ce comportement dérange la locataire qui dit malheureusement souffrir, ainsi que sa jeune fille, de cette fâcheuse situation.

[12]   Toutes les deux ne peuvent dormir convenablement la nuit, ce qui complique leurs journées subséquentes. La jeune fille de la locataire fréquente l'école primaire, tandis que la locataire fréquente l'école aux adultes ainsi que le cégep.

[13]   Les deux voient leurs résultats scolaires grandement affectés et même que la locataire a dû à de nombreuses reprises s'absenter de ses cours, ce qui lui aurait fait perdre une subvention de 400 $ l'an dernier et elle prévoit perdre environ 13 000 $ cette année.

[14]   La locataire a fait plusieurs plaintes auprès de la locatrice et lui a même adressé une quinzaine de lettres à ce sujet. Selon elle, la locatrice n'aurait rien fait pour tenter de régler la situation.

[15]   Deux amis de la locataire sont venus témoigner à l'effet qu'il y avait effectivement beaucoup de bruit provenant du logement d'en bas.

[16]   Ce n'est qu'un an plus tard, soit en août 2017 qu'elle a reçu une correspondance de sa locatrice qui se disait prête à la reloger dans un autre immeuble.

[17]   Selon la version de la locatrice, celle-ci a fait entendre trois témoins qui ont tous corroboré en précisant qu'ils ont tout fait pour aider la locataire à résoudre la problématique qu'elle vivait.

[18]   Dans le quotidien des opérations de la locatrice, il n'y a pas de changement d'appartement sans un motif majeur tel qu'une obligation d'agrandir d'un logement, ou pour des raisons de santé.

[19]   Dans le cas de la locataire, la locatrice a quand même voulu l'aider, mais il lui a été demandé de vérifier auprès de son médecin afin que celui-ci puisse lui fournir un dossier médical attestant de son état de santé précaire dû au manque de sommeil. La locataire n'a jamais fourni ce document.

[20]   Ce n'est pas un, ni deux, mais trois logements qui ont été offerts à la locataire afin qu'elle puisse se relocaliser dans un autre immeuble pour résoudre son problème.

[21]   À chacune de ces trois occasions, la locataire a décliné l'offre de déménager dans l'un de ces logements.

[22]   Avec tous les inconvénients qu'elle a vécus à son logement, la locataire réclame des dommages aux locateurs.

[23]   Le Tribunal croit opportun de reproduire ci-après l'article 1858 du Code civil du Québec :

1858. Le locateur est tenu de garantir le locataire des troubles de droit apportés à la jouissance du bien loué.

Le locataire, avant d'exercer ses recours, doit d'abord dénoncer le trouble au locateur.

[24]   Le Tribunal est conscient de la maladie du fils de la locataire qui habitait sous le logement de la locataire, mais la loi précise que la locataire a droit à la pleine jouissance de son logement.

[25]   Au sujet de la diminution de loyer, le Tribunal souscrit à l'opinion de Me Gilles Joly dans l'affaire Gagné c. Larocque (R.L., 31-970501-054G ,1 Décembre 1997) :

« Le recours en diminution de loyer a pour but de rétablir l'équilibre dans la prestation de chacune des parties au bail; lorsque le montant du loyer ne représente plus la valeur de la prestation des obligations rencontrées par le locateur parce que certains des services ne sont plus dispensés ou que le locataire n'a plus la pleine et entière jouissance des lieux loués, le loyer doit être réduit en proportion de la diminution subie.

Il s'agit en somme de rétablir le loyer au niveau de la valeur des obligations rencontrées par le locateur par rapport à ce qui est prévu au bail; la diminution ainsi accordée correspond à la perte de la valeur des services ou des obligations que le locateur ne dispense plus. Il ne s'agit donc pas d'une compensation pour des dommages ou des inconvénients que la situation peut causer ».


[26]   Le recours en diminution de loyer vise à rétablir l'équilibre entre le loyer payé par le locataire et la prestation de service du locateur. Le Tribunal souscrit à l'opinion de Me Gilles Joly, dans la décision de Girard c. Placements Bédard et Gauthier Enrg. (R. L. 36-831208-001 G), lorsqu'il définit ainsi ce recours :

« Le recours en diminution de loyer est de nature « quantis minoris », c'est-à-dire qu'il cherche à rétablir un équilibre entre la prestation du locateur et celle de la locataire; en vertu du bail, le locateur doit procurer à la locataire la jouissance du logement qui y est décrit; en contrepartie, la locataire doit payer le loyer dont le montant doit équivaloir aux droits que le contrat lui procure. Or, dès que la locataire n'a plus la jouissance des lieux comme elle devrait l'avoir, elle peut exercer le recours en diminution de loyer afin que son obligation soit réduite en proportion du trouble qu'elle endure ».

[27]   Le Tribunal est conscient que la locataire n'a pu jouir pleinement de son logement étant donné les cris et les coups donnés sur les murs provenant du logement en bas de chez elle.

[28]   Dans le présent dossier, il est demandé au Tribunal d'accorder une diminution de loyer, mais dans les circonstances, le Tribunal substitue la diminution de loyer en un montant forfaitaire. Cette façon est permise tel que l'a confirmé l'honorable juge Julie Veilleux dans le dossier Clark c. Dike (500-80-019760-116 C.Q. 28 septembre 2011) :

[16] Au surplus, bien que la requérante réfère à des courants jurisprudentiels en regard des questions en litige soulevées, elle n'a fait aucune démonstration de telle controverse. Au contraire, l'extrait de doctrine soumis par la requérante réfère expressément à la possibilité d'allouer une somme forfaitaire plutôt qu'un montant mensuel à la suite d'une demande de diminution de loyer.

[29]   Alors, à titre de diminution de loyer, le Tribunal accordera à la locataire un montant de 1 000 $.

[30]   La locataire a mentionné qu'elle avait eu des problèmes de santé, malheureusement, ceux-ci ne sont pas corroborés par un rapport médical.

[31]   La locatrice lui avait même demandé à une certaine époque de produire un dossier médical mais la locataire n’y a pas donné suite.

[32]   Il est donc assez difficile pour le Tribunal n'ayant pas en main de preuve prépondérante à l'effet que le comportement de la locatrice lui rapportait une atteinte directe pouvant lui permettre de réclamer des dommages moraux.

[33]   Le Code civil du Québec mentionne qu'il revient à la partie demanderesse de faire la preuve des faits allégués dans sa demande :

2803.    Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.

[34]   Le demandeur a donc le fardeau de démontrer, par prépondérance de preuve, que les faits qu'il présente sont probables, conformément à l'article 2804 du Code civil du Québec :

2804.    La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.

[35]   Concernant l'appréciation du témoignage, elle est laissée à l'appréciation du Tribunal :

2845.    La force probante du témoignage est laissée à l'appréciation du tribunal.

[36]   À ce sujet, l'auteur Léo Ducharme (Précis de la preuve, 6e édition, 2005, Wilson & Lafleur Ltée, p. 62), énonce relativement au fardeau de la preuve :

146. S'il est nécessaire de savoir sur qui repose l'obligation de convaincre, c'est afin de pouvoir déterminer qui doit assumer le risque de l'absence de preuve. En effet, si, par rapport à un fait essentiel, la preuve offerte n'est pas suffisamment convaincante, ou encore si la preuve est contradictoire et que le juge est dans l'impossibilité de déterminer où se situe la vérité, le sort du procès va se décider en fonction de la charge de la preuve : celui sur qui reposait l'obligation de convaincre perdra.

[37]   Ainsi, le Tribunal tient à rappeler que le fardeau de preuve appartient à la locataire. Et comme elle n'a pu relever le fardeau qui lui incombait, le Tribunal ne peut lui accorder de dommages moraux.


[38]   Il en est de même pour les dommages matériels où elle dit avoir perdu des bourses d'études. La locataire n'a aucun document pour appuyer ses dires, le Tribunal ne peut acquiescer à sa demande en dommages matériels.

[39]   La locataire précise également que la locatrice ne lui aurait rapporté aucune aide pour solutionner rapidement son problème.

[40]   Il faut préciser qu'à trois occasions, la locatrice lui a proposé des logements afin qu'elle puisse se réaménager dans un autre immeuble et à chaque fois, la locataire avait des commentaires négatifs sur le logement qu'il lui était proposé et les aurait refusés.

[41]   La locatrice est un organisme à but non lucratif qui a pour mission d'aider le plus de monde possible à pouvoir s'héberger dans les meilleures conditions possibles et au coût le plus bas possible.

[42]   La locatrice se finance par les taxes et impôts payés par tous les contribuables québécois puisque ces opérations sont déficitaires de plusieurs millions annuellement.

[43]   La locatrice ne peut donc gérer du cas par cas et octroyer à chaque locataire toutes les particularités et commodités qu'il aimerait pouvoir obtenir dans son logement.

[44]   Il ne s'agit pas d'une construction sur mesure et les locataires doivent accepter les logements tels qu'ils ont été construits dans le but de satisfaire le plus de personnes possibles.

[45]   La demande de la locataire pour dommages moraux et dommages matériels est donc rejetée.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[46]   CONDAMNE la locatrice à verser à la locataire la somme de 1 000 $, plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle de l'article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 10 juillet 2017.

 

 

 

 

 

 

 

 

Marc C. Forest

 

Présence(s) :

la locataire

le mandataire de la locatrice

Me Marie-Pier Durand, avocate de la locatrice

Dates des audiences :

9 octobre 2018 et 28 janvier 2019

 

 

 


 

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