Décision

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Corica c. Ford Motor Company of Canada Limited

2020 QCCS 3285

 

COUR SUPÉRIEURE

(Action collective)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT

DE MONTRÉAL

 

N° :

500-06-000827-168

 

DATE :

16 octobre 2020

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

PIERRE-C. GAGNON, j.c.s.

______________________________________________________________________

 

 

DOMENIC CORICA

Demandeur

c.

FORD MOTOR COMPANY OF CANADA, LIMITED

et

FORD MOTOR COMPANY

Défenderesses

et

FONDS D’AIDE AUX ACTIONS COLLECTIVES

           Mis en cause

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT  DE CLÔTURE

______________________________________________________________________

 

[1]          Dans ce dossier, la dernière étape menant à ce jugement de clôture aura été laborieuse.

[2]          La chronologie de cette étape est résumée ci-après.

[3]          Le Tribunal juge nécessaire d’énoncer certains commentaires pour favoriser des communications transparentes et efficaces entre les avocats et le juge gestionnaire, et pour éviter la répétition de pareilles situations.

A.           CHRONOLOGIE ESSENTIELLE

[4]          Ce dossier débute le 28 novembre 2016, par une demande d’autoriser une action collective contre Ford Motor Company of Canada, Limited et Ford Motor Company (collectivement, « Ford » ).

[5]          L’action collective entend regrouper les résidants du Québec ayant acheté ou loué un Ford Explorer, modèles 2011 à 2015, en raison de l’allégation d’un vice permettant aux gaz d’échappement de pénétrer dans la cabine du véhicule.

[6]          Les parties produisent éventuellement la Canadian Class Action Settlement Agreement datée du 17 août 2017. Cette transaction concerne deux dossiers judiciaires apparentés, soit :

·        le présent dossier;

·        le dossier Richard Marchand c. Ford Motor Company et Ford Motor Company of Canada Ltd., dossier CV-15-22778 CP de la Cour supérieure de justice de l’Ontario (l’ « Action collective ontarienne » ).

[7]          L’Action collective ontarienne est gérée par l’honorable Russell M. Raikes, de Sarnia (Ontario). À l’annonce de la transaction, le juge soussigné se coordonne avec le juge Raikes pour la suite coordonnée des deux dossiers.

[8]          Le 29 août 2017, après audience conjointe tenue le 24 août 2017 dans le dossier québécois et dans le dossier ontarien, le Tribunal rend un jugement préliminaire[1], notamment pour donner avis aux membres en vue de la prochaine audience conjointe (fixée au 19 janvier 2018) sur la demande d’approbation de l’Entente de règlement.

[9]          Après l’audience conjointe du 19 janvier 2018, le Tribunal rend le 30 janvier 2018 un autre jugement[2] (rectifié le 12 puis le 14 février 2018) qui approuve l’Entente de règlement et confirme la désignation de RicePoint Administration Inc. à titre d’Administrateur du règlement.

[10]       Par jugement distinct du 26 juin 2018, le Tribunal approuve les honoraires et débours des avocats québécois du groupe.

[11]       À la connaissance du Tribunal, il ne se produit aucun développement au dossier jusqu’au 21 novembre 2019, quand le juge soussigné transmet aux avocats un courriel pour vérifier si le temps est venu de recevoir le rapport de l’Administrateur du règlement et de prononcer le jugement de clôture.

[12]       La réponse à ce courriel provient de Me John Archibald, avocat de Toronto, qui n’agit pas dans le dossier québécois mais qui représente les membres dans l’Action collective ontarienne. Me Archibald s’exprime comme suite dans un courriel du 25 novembre 2019 :

Justice Gagnon,

Thank you for your email and apologies for the delay in responding.

The final report of the claims administrator is currently under consideration by Justice Raikes in the context of a motion by the Ontario representative plaintiff to address the issue of settlement compliance. Given that Justice Raikes’ decision is currently under reserve, we respectfully submit that the Quebec Court not pronounce final judgment at this time. Your Honour and Justice Raikes may wish to consult as you see fit pursuant to the Judicial Protocol for the Management of Multijurisdictional Class Actions to which the parties have abided in these proceedings.

Yours truly,

John Archibald, LL.M.

[soulignements du Tribunal]

[13]        À ce stade, le juge soussigné apprend, pour la première fois, que le juge Raikes est saisi d’une demande « to address the issue of settlement compliance », au sujet de laquelle son jugement est attendu.

[14]        Le juge soussigné en vient à comprendre que les avocats ontariens des membres ont soumis au juge Raikes une plainte à l’effet que Ford transgresserait l’Entente de règlement en procédant à un rappel distinct des véhicules Explorer pour des problèmes de nature analogue, ce qui court-circuiterait l’exécution de l’Entente de règlement. L’audition devant le juge Raikes s’est tenue le 3 juillet 2019. Près de cinq mois plus tard, personne n’avait avisé le juge soussigné de cet incident.

[15]        On voit mal comment, à la fois, l’Entente de règlement serait transgressée en Ontario tout en étant adéquatement exécutée au Québec.

[16]        Le lendemain 26 novembre 2019, le juge soussigné réagit en transmettant (avec copie aux avocats québécois) le courriel suivant :

Mtre Archibald,

It seems I need to remind you that the Superior Court of Québec operates independently and is not subservient to another court.

Please read Section 11 of the Settlement Agreement.

I will communicate with my colleague Mr. Justice Raikes as I see fit.

As there is a final report of the claims administrator, I request communication of it without delay. My request is to Siskinds and Blakes, as they act for the parties in the Québec matter.

Yours truly.

[soulignement du Tribunal]

[17]        L’avocat québécois des membres, Me Diallo, prend alors la relève et, le 26 novembre 2019, transmet le courriel suivant :

Dear Justice Gagnon,

Please accept our apologies for not answering directly to your latest email in the matter here above.

Mtre Elnemr no longer practices at Siskinds Desmeules and the undersigned was out of the country all of last week for personal matters.

We understand that Mtre Archibald’s answer had previously been circulated to all counsel acting both in Québec and Ontario, for their review and approval.

Respectfully, and without suggesting in any way that the Québec superior court is subservient to any another court, we are of the opinion that pronouncing final judgment in this matter would be premature at this stage, given that Justice Raikes’ decision might have an impact in the claims and administration process for all class members, including Québec residents. Please find attached the affidavit of Mr. Tomislaw Ristic, dated January 29, 2019, which exhibits the requested report.

We propose to follow up on the present matter no later than December 20, 2019 to advise the Court as to the opportunity of seeking final judgment at that time.

Please let us know if you have any further questions.

Yours sincerely,

Karim Diallo

[soulignements du Tribunal]

[18]        Ainsi, avec le courriel de Me Diallo du 26 novembre 2019, le juge soussigné reçoit la déclaration assermentée de M. Ristic, représentant de RicePoint Administration Inc., l’Administrateur du règlement. Cette déclaration est effectivement datée du 29 janvier 2019. Personne n’a vu à la produire jusqu’alors au dossier québécois.

[19]        Ensuite, dans une lettre du 29 novembre 2019, Me Diallo explique longuement en quoi la controverse soulevée en Ontario a été considérée comme une problématique exclusive à cette province, et traitée jusqu’alors comme telle. Par contre, Me Diallo indique que « les avocats québécois du groupe adhèrent aux représentations des avocats ontariens du groupe ». Il appuie la demande conjointe d’attendre le jugement attendu du juge Raikes avant d’en vérifier l’impact au Québec :

Nous anticipions que la Cour supérieure du Québec puisse se pencher sur la question du respect de l’Entente de règlement par Ford ultérieurement, à la suite d’une demande des parties ou du Tribunal. À ce moment, ce Tribunal aurait eu le bénéfice du recul nécessaire sur la conduite des parties et le bénéfice de la décision de l’honorable juge Raikes.

Rétrospectivement, les Avocats du groupe reconnaissent que les évènements se sont déroulés dans l’urgence, ce qui a pu les amener à omettre d’aviser et d’impliquer la Cour supérieure du Québec d’une façon plus appropriée.

Les avocats ontariens du groupe, et non ceux du Québec, sont responsables de cette situation.

[soulignements du Tribunal]

[20]        Le 3 décembre 2019, Me Torralbo écrit (en français et en anglais) au nom de Ford. Il expose pourquoi Ford a plaidé devant le juge Raikes que les prétentions des avocats ontariens des membres sont sans fondement; ce que Ford plaiderait tout autant advenant que le même débat surgisse, plus tard, devant la Cour supérieure du Québec.

[21]        Me Torralbo indique que le rapport de M. Ristic (29 janvier 2019) n’a pas été acheminé au dossier québécois pour « (l)a seule raison (…) que les procureurs du Groupe ontarien étaient d’avis que le rapport n’était pas final, étant donné leur requête pour obtenir une réparation » . [soulignement du Tribunal]

[22]        Me Torralbo conclut sa lettre comme suit :

Considérant que ces questions sont présentement devant le juge Raikes, Ford soumet que la solution la plus efficace est d’attendre la décision du juge Raikes sur les requêtes dont il est saisi avant d’examiner s’il y a lieu de poursuivre les procédures au Québec.

[23]        Le 5 décembre 2019, par courriel aux avocats, le juge soussigné convient d’attendre la décision du juge Raikes.

[24]        Le 26 mars 2020, Me Diallo transmet copie du jugement rendu le 23 mars 2020 par le juge Raikes[3] (le « Jugement Raikes » ).

[25]        Cette décision détaillée et motivée relate comment se sont soulevées, dès mai 2019, les allégations par les avocats ontariens des membres que Ford n’exécutait pas adéquatement l’Entente de règlement.

[26]        Le juge Raikes explique qu’à l’audience du 3 juillet 2019, les avocats présents l’ont convaincu de statuer sur cette problématique dans la mesure où son jugement n’aurait effet que sur les membres du groupe ontarien.

[27]        Sur le fond du problème soulevé, le juge Raikes statue de rejeter la requête des demandeurs :

[50]  There is simply no evidence that the CSP[4] sent by Ford to its dealers has resulted in class members not getting needed and proper repairs. The CSP does not undercut the TSB[5] which remains the applicable procedure to repair a vehicle where the issue is present. If the plaintiffs wished to have every class vehicle undergo a Phase 1 Service repair, they should have negotiated same into the agreement.

[51]  The fact that sealing may not be done under the CSP on class vehicles that were not experiencing an exhaust odour issue does not, in my view, amount to a breach of the Settlement Agreement or a breach of the defendants’ duty of good faith under that agreement. There is simply no evidence that any class vehicle with an exhaust odour issue did not get the appropriate repair. The plaintiffs’ position assumes that dealers will knowingly or inadvertently not do a TSP repair where one is needed, and that was Ford’s intent when it issued the CSP. That is not apparent to me on the evidence filed.

[soulignements du Tribunal]

[28]        Après écoulement du délai d’appel, Me Torralbo avise par courriel du 9 juin 2020 qu’aucun appel n’est logé à l’encontre du Jugement Raikes, ce qui permet de convoquer une conférence de gestion dans le dossier québécois, tenue le 26 juin 2020.

[29]        Tel qu’il appert du procès-verbal dressé le 26 juin 2020, Me Diallo, au nom des membres du groupe québécois, retire toute prétention que Ford n’aurait pas exécuté adéquatement l’Entente de règlement.

[30]        À la demande du juge soussigné, Me Diallo confirme cette position par lettre du 9 juillet 2020.

[31]        Voici un extrait de sa lettre :

Nous vous rappelons que le soussigné a pris la relève de ce dossier une fois l’entente de règlement approuvée et donc, rendu au stade des réclamations gérées par un administrateur des réclamations. Or, malgré l’obligation qui lui incombait, l’administrateur des réclamations ne nous a pas fait suivre son rapport final émis en janvier 2019. Ce rapport n’a été transmis qu’aux avocats de toutes les parties en Ontario, lesquels ont également fait défaut de nous en informer.

Suite à votre courriel du 21 novembre 2019, les avocats soussignés ont obtenu ledit rapport et vous l’ont fait suivre. Nous avons également été informés à ce moment que les avocats ontariens ne considéraient pas ce rapport comme étant final, compte tenu d’un litige sévissant en Ontario. Sur la base des prétentions des avocats ontariens, avec lesquelles nous étions alors d’accord, ne possédant aucun autre éclairage ni une connaissance approfondie du dossier, nous vous avons fait suivre la lettre conjointe avec les avocats ontariens du 27 novembre 2019.

[soulignements du Tribunal]

[32]        Le Tribunal note que cet extrait blâme l’Administrateur des réclamations (RicePoint). Cependant, cet aspect de l’imbroglio ne sera pas analysé ici, étant donné que RicePoint n’a pas été appelé à donner son point de vue[6]. Il ne vaut pas la peine d’élargir le débat à cet égard. De toute façon, ce sont les avocats ad litem qui s’obligent envers le tribunal.

[33]        Il en sera autrement quand les avocats québécois du groupe blâment leurs homologues ontariens pour le « silence radio » qui a prévalu jusqu’à la fin de novembre 2019[7].

[34]        Le 4 septembre 2020, tel que prévu au procès-verbal, le Tribunal reçoit la déclaration assermentée de M. Nicolas Lacasse, un représentant de Ford.

[35]        Cette déclaration nous apprend que l’Entente de règlement a donné lieu à 321 réparations au Canada, dont 55 au Québec.

[36]        De plus, un (deuxième) rapport de M. Tomislaw Ristic, daté du 31 août 2020, indique que RicePoint a reçu 51 réclamations par des résidants du Québec, mais qu’une seule a été acceptée.

[37]        Il vaut la peine de s’arrêter à ce taux de rejet surprenant mais justifié.

[38]        En effet, l’Entente de règlement prévoyait principalement un processus d’inspection des véhicules puis de réparation des défectuosités[8] s’il s’en trouvait.

[39]        Un remède secondaire consistait à rembourser aux membres qui le justifiaient leurs « frais remboursables » (Out-of-Pocket Expenses) déjà encourus pour faire réparer leur véhicule (sans pouvoir bénéficier pleinement de la gratuité du processus d’inspection et de réparation)[9].

[40]        La déclaration du représentant de Ford appuie les 50 rejets de réclamations comme suit :

a)    45 had no proof of eligible Exhaust Odour Repairs;

b)    4 had no Out-of-Pocket Expenses incurred for receiving Exhaust Odour Repairs;

c)    1 was a duplicate claim submission.

[41]        La documentation soumise démontre que l’Avis de décision rejetant chaque réclamation avait été précédé d’un avis de lacunes, accordant un délai adéquat pour les corriger[10].

B.           ANALYSE

[42]        Si le Tribunal a tenu à documenter les incidents de parcours dans ce dossier depuis l’approbation de l’Entente de règlement, c’est pour rappeler aux avocats québécois agissant en matière d’actions collectives leurs responsabilités face aux tribunaux québécois.

[43]        Dans tout dossier de la Cour supérieure du Québec, le/la juge interagit nécessairement avec les avocat/e/s ad litem. Ceux-ci sont, pour la plupart, membres du Barreau du Québec et, parfois, des avocat/e/s d’autres juridictions ayant obtenu du Barreau du Québec une autorisation spéciale d’exercer au Québec.

[44]        Ce qui importe ici de noter, c’est que le/la juge du Québec ne dispose d’aucune autorité sur des avocat/e/s agissant dans une action collective parallèle mue dans une autre province ou un territoire du Canada.

[45]        Même après l’approbation d’une transaction, même après que leurs honoraires et débours aient été approuvés et acquittés (dans le cas des avocats des membres), les avocats québécois restent investis d’obligations envers le processus judiciaire, tant que le jugement de clôture n’est pas prononcé.

[46]        Ces avocats, tant en demande qu’en défense, doivent veiller à l’exécution fidèle et diligente de la transaction approuvée par le tribunal, et réagir efficacement dès qu’ils décèlent un incident perturbateur.

 

[47]        L’Entente de règlement comporte les clauses suivantes :

11.3  Chaque Cour conserve sa compétence continue et exclusive sur l’Action intentée relevant de sa compétence pour régler tout différend ou toute autre question qui pourrait survenir dans le cadre de la mise en œuvre de l’Entente de règlement (notamment à l’égard des Honoraires des avocats) ou de son Ordonnance d’approbation. Il est entendu que chaque Cour conserve sa compétence pour régler tout différend qui pourrait survenir relativement à l’Action relevant de sa compétence, notamment tout différend portant sur la validité, l’exécution, l’interprétation, l’administration, le caractère exécutoire ou la résiliation de l’Entente de règlement, et aucune Partie ne peut s’opposer à la réouverture et au rétablissement d’une Action pour donner effet à la présente section. Aucune partie ne peut demander à une Cour de rendre une ordonnance ou de donner une directive à l’égard d’une question de compétence partagée, à moins que cette ordonnance ou cette directive ne soit conditionnelle à une ordonnance ou à une directive complémentaire rendue ou donnée par l’autre Cour avec laquelle elle partage la compétence sur cette question.

11.4  Si une Partie à la présente Entente de règlement considère qu’une autre Partie commet un manquement important à ses obligations prévues dans la présente Entente de règlement, elle doit lui donner un avis écrit du manquement important allégué et lui donner l’occasion raisonnable de remédier à ce manquement avant d’entreprendre toute action visant à faire valoir des droits prévus dans la présente Entente de règlement.

[soulignement du Tribunal]

[48]        Il s’agit de dispositions essentielles que le jugement d’approbation du 30 janvier 2018 a ordonné aux parties de mettre en œuvre.

[49]        Les parties se retrouvent en défaut quand leurs avocats ne mettent pas en place les mécanismes nécessaires pour se conformer à ces dispositions, notamment en portant à l’attention du tribunal un différend majeur qui persiste.

[50]        Il est inacceptable que des avocats québécois aient omis les vérifications périodiques qui auraient révélé que leurs homologues ontariens les tenaient délibérément dans l’ignorance de tel différend majeur dans le dossier parallèle ontarien.

[51]        Il est inacceptable que les avocats québécois des membres mettent dix mois (de janvier 2019 à novembre 2019) avant de réaliser que l’Administrateur des réclamations a transmis son rapport (final ou non, qu’importe) aux avocats ontariens sans le faire simultanément aux avocats québécois. De simples vérifications périodiques auraient évité cet impair.

[52]        Le Tribunal rejette l’explication tentée par Me Diallo que « l’urgence »[11] explique l’absence de communications avec le juge gestionnaire.

[53]        Un dossier québécois d’action collective doit être géré avec autonomie, minutie et rigueur par le/la juge gestionnaire et les avocat/e/s ad litem, sans se placer en situation d’assujettissement aux juristes agissant dans une autre juridiction. La réciproque est tout aussi vraie.

[54]        Il est inconvenant de tenter de placer le juge québécois face au fait accompli en lui cachant que, dans un dossier parallèle, un juge d’une autre juridiction est appelé à statuer sur un différend commun aux deux dossiers.

[55]        Le Tribunal déplore le mutisme et l’inertie de ceux qui avaient des obligations à son endroit, soit les avocats québécois en demande et en défense.

[56]        Il faudra redoubler de vigilance pour éviter la répétition de telles situations.

[57]        Plus positivement, il faut pouvoir tirer des enseignements bénéfiques de l’épisode décrit ci-haut.

[58]        Chaque juge gérant une action collective agit en toute indépendance judiciaire. Le juge soussigné doit se limiter à des suggestions en vue d’améliorer les meilleures pratiques judiciaires.

[59]        Ainsi, le juge soussigné suggère de songer aux remèdes suivants :

Ø  distinctement de ce qu’énonce la transaction approuvée, énoncer dans le jugement d’approbation une conclusion affirmant que le tribunal conserve pleine compétence pour se saisir de tout différend survenant jusqu’à pleine exécution de la transaction;

Ø  corrélativement, énoncer une conclusion ordonnant à toutes les parties de saisir diligemment le tribunal dès survenance de tel différend;

Ø  éviter d’autoriser plein paiement à l’avocat/e des membres de ses honoraires et débours, au moins jusqu’à production du rapport final de l’administrateur des réclamations;

Ø  envisager des sanctions selon les articles 51 et 342 du Code de procédure civile en cas de transgressions importantes de telles conclusions.

 

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[60]        CONSTATE que l’Entente de règlement a été exécutée, tel qu’approuvée par le jugement du 30 janvier 2018;

[61]        PRONONCE le présent jugement de clôture.

 

 

 

________________________________

PIERRE-C. GAGNON, j.c.s.

 

ANNEXE 1 :   Déclaration sous serment de M. Nicolas Lacasse, datée du 31 août 2020 (version non originale)

 

ANNEXE 2 :   Rapport de M. Tomislaw Ristic, daté du 31 août 2020

 

Me Karim Diallo

SISKINDS, DESMEULES, AVOCATS

Avocats du demandeur

 

Me Robert Torralbo

Me Simon Jun Seida

BLAKE, CASSELS & GRAYDON

Avocats des défenderesses

 

Me Frikia Belogbi

FONDS D’AIDE AUX ACTIONS COLLECTIVES

Avocats pour le mis en cause

 

 



[1]     2017 QCCS 6263.

[2]     2018 QCCS 1192. La décision parallèle du juge Raikes date elle aussi du 30 janvier 2018, 2018 ONSC 685.

[3]     2020 ONSC 1741.

[4]     CSP : Customer Satisfaction Program.

[5]     TSB : Technical Service Bulletin, mode de communication identifié à l’Entente de règlement.

[6]     Article 17 du Code de procédure civile.

[7]     Lettre par Me Diallo au juge soussigné, du 29 novembre 2019.

[8]     Infiltrations de gaz d’échappement dans la cabine.

[9]     Clause 4.2 de l’Entente de règlement.

[10]    Clause 6.6 de l’Entente de règlement.

[11]    Lettre du 29 novembre 2019.

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