Décision

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Décision

Tout va bien Expert-conseil inc. c. Drapeau

2021 QCTAL 18709

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

564219 31 20210329 G

No demande :

3214205

 

 

Date :

23 juillet 2021

Devant la juge administrative :

Claudine Novello

 

Tout va bien expert-conseil inc.

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Jeremie Drapeau

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Par un recours introduit le 29 mars 2021 et amendé verbalement à l’audience, le locateur demande le recouvrement du loyer dû au moment du départ du locataire au montant de 1 550 $ et une indemnité de relocation de 4 650 $, plus les intérêts, l'indemnité additionnelle prévue au Code civil du Québec et les frais.

[2]      La preuve démontre que les parties étaient liées par un bail du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021, au loyer mensuel de 1 550 $.

[3]      La preuve démontre également que le locataire a quitté le logement au mois d’août 2020.

[4]      Le mandataire du locateur allègue que ce n’est qu’au cours du mois de septembre 2020 qu’il a constaté le départ définitif du locataire et qu’il a remis le logement sur le marché locatif. Malheureusement, malgré plusieurs annonces sur les sites de location et diverses visites, le logement a été reloué qu’à compter du 1er janvier 2021.

[5]      Il réclame donc les loyers perdus pour les mois de septembre à décembre 2020 inclusivement.

[6]      Le locataire allègue qu’il a quitté le logement au mois d’août 2020 car il ne s’y sentait plus bien. Il relate notamment qu’il se faisait harceler dans le quartier, que des gens actionnaient sa sonnette pour lui nuire et que sa voiture a été vandalisée dans le stationnement, situations qui avaient pour effet de l’insécuriser.

[7]      Originaire d’une autre province et ignorant les règles applicables au Québec dit-il, il croyait qu’en abandonnant son dépôt de sécurité versé au locateur à la signature de son bail au montant de 1 550 $, il était autorisé à quitter le logement sans autre pénalité.

[8]      Il ne comprend pas toutefois pourquoi le logement est resté vacant aussi longtemps et conteste les dommages réclamés.

[9]      Le mandataire du locateur réplique qu’il a informé le locataire qu’il devait respecter les obligations du bail jusqu’à son terme, lorsque ce dernier lui a mentionné son désir de quitter les lieux au mois d’août 2020.


[10]   Quant au dépôt versé par le locataire, il a été appliqué sur les dépenses encourues par le locateur dans la remise en état du logement et sa relocation. À cet égard, il allègue que le locataire a laissé le logement très sale et qu’il a dû y faire procéder à un ménage en profondeur au coût de 425 $. Il ne peut cependant préciser les autres dépenses effectuées.

[11]   Ainsi se résume l’essentiel de la preuve.

[12]   Les articles 1863, 1915 et 1913 du Code civil du Québec stipulent ce qui suit :

« 1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.

L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir. »

« 1915. Le locataire peut abandonner son logement s'il devient impropre à l'habitation. Il est alors tenu d'aviser le locateur de l'état du logement, avant l'abandon ou dans les 10 jours qui suivent.

Le locataire qui donne cet avis est dispensé de payer le loyer pour la période pendant laquelle le logement est impropre à l'habitation, à moins que l'état du logement ne résulte de sa faute. »

« 1913. Le locateur ne peut offrir en location ni délivrer un logement impropre à l'habitation.

Est impropre à l'habitation le logement dont l'état constitue une menace sérieuse pour la santé ou la sécurité des occupants ou du public, ou celui qui a été déclaré tel par le tribunal ou par l'autorité compétente. »

[13]    Dans l'affaire Gestion immobilière Dion, le juge Blanchette mentionne :

« (...) pour évaluer si l'impropreté d'un logement à habitation constitue une menace sérieuse pour la santé, la Cour doit procéder à ladite évaluation d'une façon objective et se demander si une personne ordinaire peut vivre objectivement dans les conditions exposées lors de l'audition. Ce ne sont pas les appréhensions subjectives ni l'état psychologique du locataire ou des occupants qui doivent prévaloir, mais bien la situation ou l'état des lieux compris et analysé objectivement lors de la prise de décision du déguerpissement (...) » ([1])

[14]   En l’espèce, outre ses appréhensions, le locataire n’a pas démontré au tribunal que le logement à son départ était impropre à l’habitation ou encore l’existence d’un préjudice sérieux justifiant la résiliation du bail.

[15]   Considérant les conclusions auxquelles en arrive le Tribunal, il ne peut faire droit à la défense du locataire et conclut que le bail a été résilié de plein droit à ses torts suite à son départ, en vertu de l'article 1975 du Code civil du Québec.

[16]   Quant aux principes applicables à l'indemnité de relocation, le professeur Jobin mentionne ce qui suit ([2]) :

« 116. Dommages-intérêts. Le recours en dommages-intérêts vient presque toujours s'ajouter à celui en résiliation. En plus d'une indemnité pour pertes causées au bien loué ou autres dommages le cas échéant, le locateur réclame systématiquement une indemnité pour perte de loyer durant la période nécessaire pour trouver un nouveau locataire; plus précisément, l'indemnité couvre la perte de loyer jusqu'à la délivrance du bien au nouveau locataire, car c'est à partir de l'entrée en jouissance que le nouveau loyer est calculé.

L'indemnité de relocation obéit aux règles habituelles. Ainsi, le locateur a droit uniquement à la réparation du préjudice qui constitue une suite immédiate et direction de la faute du locateur. De plus, on ne doit pas oublier que le locateur a le devoir de minimiser sa perte: dans le contexte d'une résiliation, il doit prendre les moyens raisonnables pour remplacer le locataire fautif le plus vite possible. »

[17]   Le principe de la minimisation de dommages étant stipulé à l'article 1479 du Code civil du Québec:

« 1479. La personne qui est tenue de réparer un préjudice ne répond pas de l'aggravation de ce préjudice que la victime pouvait éviter. »


[18]   En l'instance, le tribunal constate que le locateur outre un bref témoignage n'a fourni aucune preuve des efforts qu'il a consacrés à la prompte relocation des lieux loués, ni de facture à cet effet.

[19]   Partant, le tribunal n'est pas convaincu des efforts de minimisation de ses dommages par le locateur et réduit l'indemnité de relocation qu'il réclame à trois mois de loyer, soit 4 650 $, moins la somme de 1 125 $ (1 550 $ - 425 $) représentant la portion du dépôt retenue illégalement par le locateur.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[20]   CONDAMNE le locataire à payer au locateur la somme de 3 525 $ plus les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue au Code civil du Québec à compter du 29 mars 2021 plus les frais judiciaires de 79 $;

[21]   REJETTE la demande quant aux autres conclusions.

 

 

 

 

 

 

 

 

Claudine Novello

 

Présence(s) :

le mandataire du locateur

le locataire

Date de l’audience :  

8 juin 2021

 

 

 


 



[1] J. E. 91-345 (C.Q.).

[2] Jobin, Pierre-Gabriel, Le louage, 2e édition, no. 116, p. 364.

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