Décision

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Thorne c. 12606038 Canada inc.

2025 QCTAL 14434

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

831179 31 20241106 G

No demande :

4520906

 

 

Date :

17 avril 2025

Devant la juge administrative :

Marie-Ève Marcil

 

Joyanne Thorne

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

12606038 Canada Inc

 

Locatrice - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

  1.          Par demande produite le 6 novembre 2024, la locataire réclame la réparation du plafond de la salle de bain de son logement, des dommages matériels de 1 000 $, des dommages moraux de 5 000 $, des dommages punitifs de 5 000 $, l'exécution provisoire malgré l'appel et la condamnation aux frais.
  2.          Bien que dûment signifiée et convoquée, la locatrice n’est pas présente à l’audience.
  3.          Les parties sont liées par un bail du 1er mars 2011 au 30 juin 2012, reconduit au 30 juin 2025 au loyer mensuel de 625 $.

Prétentions de la locataire

  1.          La locataire explique qu’au retour à son logement suivant un voyage du 12 septembre 2024 au 3 octobre 2024, elle constate qu’une infiltration d’eau est survenue dans sa salle de bain pendant son absence.
  2.          Elle indique notamment que son tapis de bain est imbibé d’eau, qu’une bulle d’eau s’est formée au plafond et que des résidus se retrouvent au sol et dans le lavabo de sa salle de bain. Ses effets personnels comme ses produits pharmaceutiques et cosmétiques sont mouillés et souillés. Elle texte alors le surintendant de l’immeuble l’informant de la situation.
  3.          Un représentant de la locatrice se présente à son logement quelques jours plus tard, soit vers le 7 octobre 2024. Aucune réparation n’est effectuée dans les jours suivants et la situation se détériore; une partie du plafond s’effondre laissant un trou important au plafond et des débris jonchent le sol et la baignoire, explique-t-elle.  Elle tente de rejoindre des représentants de la locatrice à plusieurs reprises par téléphone, textos et courriels, sans succès.
  4.          Suivant l’inaction et le silence de la locatrice, la locataire porte plainte à la Ville de Côte-Saint-Luc le 21 octobre 2024. Une inspectrice de la Ville se présente à son logement le 23 octobre 2024. Suivant cette visite, un rapport d’inspection est produit et plusieurs avis de non-conformités transmis à la locatrice. La Ville contraint alors la locatrice de réparer les dommages causés par l’eau soit de réparer le trou et la bulle formée au plafond et de peinturer les murs et le plafond de la salle de bain.

  1.          Selon la locataire, des réparations débutent le 26 octobre 2024. Par contre, affirme-t-elle, la remise en état du plafond demeure non complétée au jour de l’audience; précisant notamment que seule la couche d’apprêt a été appliquée.
  2.          La locataire ajoute avoir fait une réclamation à son assurance habitation pour la perte de ses biens personnels suivant ce sinistre. Son assureur l’a indemnisée, dit-elle, mais elle a dû assumer une franchise de 1 000 $. Or, elle indique que la locatrice refuse de l’indemniser. Elle réclame la somme de 1 000 $ à titre de dommages matériels pour le remboursement de la franchise non couvert par son assurance.
  3.      La locataire ajoute avoir été ignorée et délaissée par la locatrice malgré sa dénonciation du sinistre dès son retour à son logement le 4 octobre 2024. Elle souligne que la locatrice a agi que suivant l’intervention de la Ville. Elle dit avoir été extrêmement stressée et angoissée par cet évènement et que les diverses démarches requises pour forcer les travaux lui ont causé des inconvénients importants.  Elle réclame 5 000 $ en dommages moraux pour le stress, les inconvénients et l’anxiété subis et 5 000 $ en dommages punitifs suivant le comportement de la locatrice à son égard.
  4.      Une mise en demeure est transmise à la locatrice le 21 octobre 2024.
  5.      La locataire produit notamment le bail, le rapport d’inspection de la Ville de Côte-Saint-Luc daté du 23 octobre 2024, des photographies, diverses correspondances entre les parties et des correspondances entre la locataire et son assureur.

Analyse et décision

  1.      D'entrée de jeu, le Tribunal rappelle qu'il appartient à celui qui veut faire valoir un droit, d'établir, par prépondérance de preuve, les faits au soutien de ses prétentions, conformément aux dispositions des articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec (C.c.Q.) qui se lisent ainsi :

«2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée. »

«2804. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.»

  1.      Si une partie ne s'acquitte pas de son fardeau de convaincre le Tribunal ou que ce dernier soit placé devant une preuve contradictoire, c'est cette partie qui succombera et verra sa demande rejetée. Enfin, selon l'article 2845 C.c.Q., la force probante des témoignages est laissée à l'appréciation du Tribunal.
  2.      Quant aux obligations du locateur, celui-ci doit procurer au locataire la jouissance paisible du logement (article 1854 C.c.Q.) et celui-ci doit délivrer et maintenir le logement en bon état d'habitabilité selon l'article 1910 C.c.Q.
  3.      L'article 1863 C.c.Q. indique les recours généraux ouverts au locataire en cas d'inexécution des obligations du locateur, à savoir l'émission d'ordonnance ou l'exécution en nature dans les cas qui le permettent, la diminution de loyer, les dommages-intérêts et la résiliation du bail.

Ordonnance

  1.      La locataire requiert du Tribunal qu’une ordonnance soit émise afin de contraindre la locatrice à compléter et finaliser les travaux du plafond de sa salle de bain.
  2.      Suivant la preuve non contestée, la soussignée constate que la remise en état de la salle de bain du logement de la locataire a été entamée, mais non complétée au jour de l’audience, soit plus d’un an après le sinistre. En effet, la peinture de la salle de bain n’a pas été terminée.
  3.      Ainsi, le Tribunal fera droit à la demande de la locataire quant à l’ordonnance demandée.

Dommages matériels

  1.      La locataire demande le remboursement de la franchise de 1 000 $ non remboursé par son assurance habitation suivant la perte de ses biens causé par l’infiltration d’eau provenant de l’étage supérieur.

  1.      Il appert de la preuve que la locataire a été remboursée par son assureur pour la perte de ses biens, mais qu’une somme de 1 000 $, soit le déductible prévu dans son contrat d’assurance habitation locataire, demeure non couverte.
  2.      Ainsi, suivant les présentes circonstances et la preuve prépondérante offerte, le Tribunal considère justifier que la locatrice rembourse à la locataire la somme de 1 000 $, soit la franchise non couverte par l’assureur et assumée par la locataire. Le Tribunal accorde cette partie de la demande de la locataire.

Dommages moraux

  1.      Quant aux dommages moraux de 5 000 $ réclamés par la locataire, ceux-ci visent à compenser le stress, les inquiétudes, la fatigue et les troubles et inconvénients de toutes sortes qu'a pu éprouver la partie lésée.
  2.      En l’espèce, la locataire a démontré par preuve probante avoir été stressée et fortement incommodée par cet évènement.  Aussi, le silence et l’inaction de la locatrice pendant plusieurs semaines suivant la dénonciation du sinistre et la nécessité pour la locataire de faire intervenir la Ville pour contraindre la locatrice d’exécuter les travaux requis, sont assimilés par le Tribunal à une faute de la locatrice et donnent ainsi droit à la locataire à l’obtention de dommages.
  3.      Suivant la preuve soumise, le Tribunal accorde la somme de 1 000 $ en dommages moraux à ce chapitre.

Dommages punitifs

  1.      La locataire réclame la somme de 5 000 $ en dommages punitifs suivant le comportement de la locatrice à son égard.
  2.      Pour pouvoir attribuer des dommages punitifs, ces dommages doivent être dûment prévus par la loi comme l'article 1902 du Code civil du Québec ou l'article 49 de la Charte des droits et libertés de la personne.
  3.      Or, la preuve soumise par la locataire à cet égard ne permet pas de faire cette preuve. 
  4.      La demande de la locataire quant aux dommages punitifs est par conséquent rejetée.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.      ACCUEILLE en partie la demande de la locataire;
  2.      ORDONNE à la locatrice de compléter et de finaliser les travaux de la salle de bain, notamment de peinturer le plafond de la salle de bain ;
  3.      CONDAMNE la locatrice à payer à la locataire 2 000 $, plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter du 6 novembre 2024, plus les frais judiciaires de 99,50 $.

 

 

 

 

 

 

 

 

Marie-Ève Marcil

 

Présence(s) :

la locataire

Date de l’audience : 

20 janvier 2025

 

 

 


 

AVIS :
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