Nadeau c. Richard | 2025 QCTAL 7772 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
Bureau dE Drummondville |
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No dossier : | 700936 16 20230426 G | No demande : | 3878780 |
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Date : | 06 mars 2025 |
Devant la juge administrative : | Brigitte Morin |
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Michel Nadeau | |
Locateur - Partie demanderesse |
c. |
Michaël Richard | |
Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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- Le locateur demande la résiliation du bail pour non-respect du bail.
- Le locateur allègue que le locataire possède plusieurs animaux dans le logement malgré une clause au bail l’interdisant. Il soutient aussi que le locataire fume du cannabis malgré aussi une interdiction au bail. Ces situations causent un préjudice sérieux nécessitant la résiliation du bail.
- Le bail entre les parties se termine 30 juin 2025 au loyer mensuel de 570 $. Une subvention au bénéfice du locataire porte sa part à 348 $ par mois. Il habite le logement depuis le 1er juillet 2017 et une clause prévoit l’interdiction de garder des animaux. Le 6 janvier 2019, le locataire a été avisé de l’interdiction de fumer du cannabis aux termes de l’article 107 de la Loi encadrant le cannabis.
- Madame Maryse Alain, la conjointe du locateur, témoigne que le locataire garde 4 chats et 1 rat. Elle soutient aussi que le locataire garde un chien et qu’il ne ramasse pas les excréments.
- Tant monsieur Michel Nadeau que madame Alain confirment avoir toléré la présence de chats verbalement. Ils soutiennent que d’autres locataires de l’immeuble souhaitent avoir des chiens, ce qui leur est refusé.
- En ce qui concerne le cannabis, madame Alain dit avoir vu que le locataire fume du cannabis. Elle a constaté cette situation depuis plusieurs mois.
- Le locataire Michael Richard explique demeurer dans le logement depuis sept ans et demi. Il admet fumer du cannabis, mais à l’extérieur de l’immeuble et à au moins 9 mètres de la porte.
- Le locataire confirme posséder 4 chats. Au moment de son arrivée, il en possédait 3 et a eu l’autorisation à la signature du bail, de posséder ces animaux. Il dit ne pas avoir vu que la case d’interdiction de posséder des animaux a été cochée.
- En ce qui concerne le chien, le locataire confirme qu’il a été de passage, il s’agit d’un chien d’assistance, toutefois, il n’est pas venu chez lui depuis plusieurs mois déjà.
- Madame Anne Champoux témoigne en faveur du locataire. Elle confirme être la propriétaire du chien qui est enregistré comme animal d’assistance. Elle confirme aussi que l’animal ne vient plus visiter le locataire lorsqu’elle se rend chez lui.
- Madame Champoux confirme aussi que le locataire possède 4 chats, mais, que le rat est mort. Elle a d’ailleurs rencontré le locateur, qu’elle a croisé à l’extérieur de l’immeuble, et il a constaté la présence des chats, mais n’a eu aucune réaction.
- Madame Champoux témoigne de la consommation de cannabis du locataire, elle affirme qu’il fume uniquement à l’extérieur de l’immeuble.
- Madame Chantal Fontaine est la mère du locataire. Elle s’est occupée des démarches préalables à la location du logement.
- Lors des discussions avec le locateur, la première question a été de vérifier s’il était possible de garder des chats, ce qui a été confirmé de façon positive. Son fils a emménagé dans le logement avec ses animaux dès le premier jour.
- Monsieur Benjamin Richard est le frère du locataire. Il demeure avec son frère depuis plus de deux ans. Il a toujours gardé ses chats. Il soutient que les chats n’ont jamais causé de problèmes. Seule la présence du chien a indisposé le locateur. Il ajoute que le chien ne vient plus au logement.
- Quant à la consommation de cannabis, Benjamin ajoute que son frère ne fume pas dans le logement. Il consomme son cannabis à l’extérieur du logement à au moins 9 mètres de l’immeuble.
- Le locateur commente, il ajoute que le locataire est un bon garçon. Il souhaite que ce dernier s’assure que la fumée de cannabis n’entre pas dans l’immeuble. Seule la situation avec le chien a causé un problème.
- Le procureur du locataire commente que le locateur a renoncé à se prévaloir de la clause d’interdiction de garder des chats en acceptant leur présence à la signature du bail. En ce qui concerne l’interdiction de fumer du cannabis dans l’immeuble, le locataire respecte cette interdiction et fume à plus de 9 mètres de l’entrée.
Analyse :
- Le recours du locateur est fondé sur l’article 1863 du Code civil du Québec les recours ouverts aux parties lors de l’inexécution de leurs obligations. Cet article se lit comme suit :
« 1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.
L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir. »
- Le juge administratif Philippe Morissette dans une décision récente[1] fait une revue de la jurisprudence concernant l'interdiction des animaux. Voici les passages pertinents :
[161] La jurisprudence(82) a bien établi qu'une clause prohibant la présence d'animaux est considérée dans l'intérêt commun des occupants de l'immeuble et n'est ni déraisonnable ni abusive au sens de l'article 1901 du Code civil du Québec.
[162] Par ailleurs, une telle clause n'enfreint aucune disposition de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne(83).
[163] Voici comment la Cour du Québec s'est exprimée en matière d'interdiction de posséder un animal, en vertu d'une clause d'interdiction prévue au bail liant les parties :
« [42] ainsi, il est maintenant bien établi que la clause d'interdiction de posséder un animal n'est pas en soi déraisonnable (Art. 1901 C.c.Q.) ni contraire à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.
[43] La tolérance du propriétaire de la présence d'animaux n'équivaut pas non plus nécessairement à une renonciation à l'application de la clause d'interdiction, mais peut, dans certaines conditions, être invoquée avec succès par le locataire pour faire déclarer la clause sans effet, par exemple une tolérance constante et généralisée d'animaux dans l'immeuble.
[44] Lorsque le propriétaire demande la résiliation du bail pour motif de la présence d'animaux malgré la clause d'interdiction d'en posséder, il doit prouver un préjudice sérieux (Art. 1863 C.c.Q.).
[45] Toutefois, si le locateur ne demande que l'expulsion de l'animal, c'est-à-dire l'exécution en nature de l'obligation prévue à la clause du bail, il n'aura pas à prouver l'existence d'un tel préjudice. Il lui suffit de démontrer la violation de cette clause du contrat.
[...]
[64] Ce n'est donc que si la preuve permet de conclure que le locateur subit un préjudice sérieux justifiant la résiliation du bail, par le fait de son locataire de posséder un animal en contravention d'une clause de celui-ci, qu'il y a lieu d'accorder sa résiliation. » (84)
[164] Dans l'affaire Berniqué c. Office municipal d'habitation de Salaberry-De-Valleyfield (85), l'honorable juge Claude Montpetit, J.C.Q. dresse une liste de circonstances dont le Tribunal administratif du logement peut prendre en compte dans le cadre de l'examen d'une demande d'exonération fondée sur l'article 1901 du Code civil du Québec, circonstances auxquelles fait référence l'honorable juge Tremblay précédemment cité, comme suit :
« [25] Le Tribunal est également d'avis, comme le juge Tremblay, que le Tribunal administratif du logement peut tenir compte de toutes les circonstances entourant la possession de l'animal comme :
a) l'adoption de l'animal depuis 2011 au vu et au su des autres locataires;
b) l'absence de plaintes concernant les odeurs, le bruit ou la simple présence du lapin;
c) le bien-être et le réconfort que procure la présence de l'animal à madame Berniqué ;
d) la démesure d'une demande d'expulsion fondée sur la présence de l'animal;
e) le besoin thérapeutique de celle-ci d'avoir un animal de compagnie dans un contexte de solitude et d'isolement;
f) le préjudice affectif et psychologique qui découlerait de l'obligation d'avoir à se départir de son animal de compagnie depuis presque dix ans;
g) l’animal (lapin nain) a pratiquement atteint la fin de son espérance de vie. »
- Dans le présent cas, la preuve a démontré que le locateur a renoncé l’application de la clause d’interdiction quant à la présence des chats. Il était au courant, lors de la signature du bail, que le locataire en possédait et une demande a été faite expressément de pouvoir les garder.
- D’ailleurs, le locateur ainsi que son témoin, ont mentionné que la problématique ne provenait pas de la présence des chats, mais bien du fait qu’un chien a été vu dans le logement. Cette situation est maintenant réglée puisque depuis plusieurs mois déjà, l’animal ne vient plus au logement.
- Au surplus, le locateur n’a pas démontré subir un préjudice sérieux par la présence des animaux de compagnie.
- En ce qui concerne l’interdiction de fumer du cannabis, la preuve prépondérante démontre que le locataire ne fume pas à l’intérieur de l’immeuble et s’astreint à consommer à plus de 9 mètres de l’immeuble. Bien entendu, tant que le locataire respectera l’interdiction, il ne saurait y avoir ouverture à la résiliation du bail.
- VU ce qui précède :
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
- REJETTE la demande du locateur.
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| Brigitte Morin |
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Présence(s) : | le locateur le locataire Me Rachel Jasmin, avocate du locataire |
Date de l’audience : | 10 décembre 2024 |
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