Droit de la famille — 161705 |
2016 QCCS 3303 |
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JG 2551 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
TERREBONNE |
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N° : |
700-04-024316-140 |
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DATE : |
14 juillet 2016 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
LUKASZ GRANOSIK, j.c.s. |
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M... L... |
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Demandeur |
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c. |
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K... G... |
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Défenderesse
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JUGEMENT (Garde et pension alimentaire) |
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[1] Les parties ont fait vie commune pendant 3 mois en 2003. Après cette courte cohabitation, Monsieur quitte Madame mais les parties ont de toute évidence repris la relation puisqu’un enfant, X, est né le [...] 2007.
[2] Même si les parties étaient séparées, Monsieur a toujours accompagné Madame aux examens médicaux liés à la grossesse et a assisté à l’accouchement de X.
[3] Toutefois, son nom n’a pas apparu sur le certificat de naissance car Madame était prestataire d’aide sociale et les parties croyaient, à tort ou à raison, que les bénéfices seraient réduits si jamais Monsieur était identifié comme père. Monsieur est technicien pour la compagnie A et a des revenus d’environ 50 000 $ par année.
[4] Monsieur a toujours été présent dans la vie de l’enfant et a volontairement payé une pension alimentaire mensuelle de 200 $ depuis la naissance de X. Les accès de Monsieur à son fils se passaient selon le bon vouloir de Madame. Au début de la vie de l'enfant, il s’agissait d’une journée par mois avec une augmentation progressive au fil des ans, pour arriver à tous les weekends, du dimanche matin jusqu'au lundi soir et, enfin, à partir de juillet 2014, du dimanche matin jusqu'au mardi soir. Toutefois, même si Monsieur souhaite voir l’enfant davantage, Madame refuse les accès accrus.
[5] En décembre 2013, Monsieur décide d’introduire les procédures de reconnaissance de paternité et en réclamation d’état. Madame ne conteste pas cette demande et, le 6 mars 2014, le juge Caron reconnaît la paternité de Monsieur pour l’enfant des parties.
[6] En 2013, X entame sa première année à l’École A à Ville A. Il y a déjà fréquenté la maternelle. Malheureusement, dès ce niveau de scolarité, les instituteurs notent chez lui - et le mentionnent notamment dans le bulletin scolaire - certaines difficultés, et ce, à tous les niveaux. Cette situation perdure et dès le mois de décembre 2013, les responsables pédagogiques avisent les parents que leur fils présente des problèmes importants. On souligne qu’il est en situation d’échec, tant en lecture qu’en écriture et en mathématiques. Il n’arrive pas à se concentrer et à gérer les activités quotidiennes de la vie scolaire avec succès.
[7] On diagnostique alors chez X un trouble de déficit de l’attention (TDA)[1]. Il commence à être suivi régulièrement par un orthopédagogue et une accompagnatrice à l’école. À partir du mois d’avril 2014, on lui prescrit un premier médicament.
[8] De plus, X présente des problèmes de comportement face à l’autorité, fait des crises, n’aime pas s’asseoir pour faire les devoirs, s’oppose de façon générale à ses parents. Monsieur prend alors l’initiative d’engager une psychologue privée qui suit son fils de façon hebdomadaire depuis 2014.
[9] En juin 2014, Monsieur entame la présente procédure visant à obtenir initialement la garde partagée de X, mais aussi afin d’ordonner une expertise psychosociale et fixer la pension alimentaire. Dans le cadre de sa demande Monsieur prétend notamment qu’il doit faire les devoirs avec X lors de ses accès le week-end car Madame ne les ferait pas de façon adéquate. De plus, Madame omettrait de donner de façon régulière le médicament requis par l'état de santé de X.
[10] Le 24 juillet 2014, Madame accepte de se soumettre à une expertise psychosociale en regard des capacités parentales des parties et du lien d’attachement. Le 4 novembre 2014, un rapport d’expertise psychosociale est émis. La travailleuse sociale recommande que la résidence principale de X soit fixée chez son père et que la mère ait accès à son fils à raison d’une fin de semaine sur deux, ainsi que les jours fériés et pédagogiques, avec un aménagement particulier pour les vacances estivales.
[11] En février 2015, Madame réplique par une requête pour garde d’enfant, fixation de pension alimentaire et nomination d’un procureur à l’enfant. Elle allègue aussi avoir déposé une plainte à l'endroit de l'auteure du rapport d'expertise psychosociale.
[12] Le 20 février 2015, le juge Champagne fixe, par une ordonnance de sauvegarde, la résidence principale de X chez Monsieur et accorde à Madame des accès à raison d’une fin de semaine sur deux du vendredi après l’école jusqu’au lundi après l’école et refuse de nommer un procureur à l’enfant. Suite au prononcé du jugement, Madame se désorganise, sort de la salle d’audience en hurlant et menace certaines personnes présentes.
[13] X échoue sa deuxième année.
[14] Le 26 juin 2015, la juge Nantel fixe de nouveau, et toujours à titre intérimaire, la résidence principale de X chez Monsieur, accorde des accès accrus à Madame, autorise Monsieur à inscrire X à l’École B à Ville B et ordonne la garde partagée de X pendant l’été 2015. Le changement d'école s'explique par le déménagement de Monsieur.
[15] Depuis que X réside chez son père, son comportement s’améliore, tout comme ses notes à l’école, malgré l'échec de sa deuxième année. Monsieur instaure une routine plus rigide avec l’enfant. Les grands-parents paternels sont présents, car ils récupèrent notamment l’enfant à la fin des classes, Monsieur travaillant souvent jusqu’à 18h 00, ainsi que parfois les samedis.
[16] En particulier, la grand-mère paternelle est depuis toujours très impliquée auprès de l’enfant. C'est une jeune retraitée; elle dispose de beaucoup de temps pour s’investir auprès de son petit-fils. Elle l’aide dans ses devoirs et l’accompagne souvent dans ses activités parascolaires ou en suivis pédagogiques. Elle va le chercher à l’école et le fait dîner à la maison à tous les jours. Elle note de grands progrès au niveau de l’attitude et de l’organisation de l’enfant depuis qu'il réside chez Monsieur.
[17] Le Tribunal note aussi que la grand-mère paternelle a connu une belle relation avec Madame jusqu’à la fin de l’année scolaire en juin 2014, alors que survient un événement marquant. En effet, en accédant au casier de l’enfant, la grand-mère trouve dans le sac d’école de X le flacon de médicaments que la mère y a laissé. Elle trouve ce geste absolument irresponsable.
[18] Quant à elle, Madame reproche à la grand-mère paternelle d’avoir fouillé dans les affaires de X dans le but de prendre Madame en défaut. Elle reproche aussi à la grand-mère paternelle d’avoir subtilisé des documents à une autre occasion et de façon générale, de trop s’impliquer auprès de X. Depuis cet événement de juin 2014, la relation entre Madame et la grand-mère paternelle est rompue et les contacts se limitent uniquement à ce qui est nécessaire en cas de retards ou de besoins urgents de X.
[19] Madame réclame aujourd'hui la garde partagée de X. Elle affirme être revenue récemment sur le marché du travail alors qu'elle bénéficiait depuis très longtemps des prestations d'aide sociale. Elle est d’avis que le milieu familial qu’elle peut offrir à son fils est tout à fait adéquat. Elle insiste sur le fait que X est très proche des enfants de son frère. Ainsi, les weekends, alors qu’elle a la garde de X, se passent toujours en famille avec son frère, ses neveux, ainsi que les grands-parents maternels. Elle souligne qu’elle fait un suivi assidu au niveau des visites médicales, en psychologie et en orthopédagogie pour son fils.
[20] Madame souligne qu'elle dispose d'un appartement grand et confortable, car elle fait des ménages à domicile et notamment pour le propriétaire de son logement, ce qui lui permet de bénéficier d’une diminution de loyer d’environ 300 $ par mois. Elle dit qu’elle travaille désormais comme serveuse, du lundi au vendredi de 14:00 à 20:00 mais qu’elle pourra, en cas de décision favorable du Tribunal, modifier son horaire de travail pour celui du matin ou de jour, afin de pouvoir récupérer son fils après l’école. Elle ne nie pas que le flacon de médicaments se soit retrouvé dans le sac d’école de son fils à la fin de l'année scolaire 2014, mais il s'agirait selon elle d'un événement isolé et n'ayant pas la gravité que la grand-mère paternelle y attribue. Madame produit aussi la lettre du 13 août 2015 de l’Association Panda[2] qui confirme sa participation à une activité intitulée « Mieux vivre avec le TDAH à la maison » et qui fait état de la volonté de Madame de suivre une seconde session débutant en septembre 2015[3].
[21] Enfin, elle est d'avis que l’amélioration de la situation de X n’est pas due à l’encadrement accru ou au changement de son milieu de vie, mais surtout au traitement approprié de la pathologie dont il souffre. En effet, au fil du temps, depuis 2 ans, X a reçu successivement trois différents médicaments, toutefois dorénavant le choix de ce dernier est arrêté, tout comme sa posologie, qui apparait correcte.
[22] Les parents de Madame insistent dans leur témoignage sur le caractère responsable et généreux de leur fille. Ils ajoutent qu'ils sont toujours été impliqués dans la vie de X, au niveau des activités sportives pour le grand-père (karaté, soccer) et sur le plan des activités scolaires et pour les confidences pour la grand-mère. En effet le grand-père est en arrêt de travail depuis trois ans alors que la grand-mère ne travaille que 8 jours aux deux semaines et donc tous deux sont en mesure de consacrer beaucoup de temps à X.
[23] Les grands-parents maternels déplorent qu'ils ne voient plus X autant qu'avant et surtout que la belle camaraderie qu'il a développée avec ses deux cousins semble rompue. Les deux remarquent cependant une amélioration récente du comportement et de la situation de X.
[24] Madame insiste sur une lettre de l’École A datant déjà du 29 mai 2014[4] qui dénote des changements positifs dans le comportement et dans les apprentissages de X depuis le début de la prise de médication.
[25] Bref, elle banalise les causes d'amélioration de la situation de X les attribuant uniquement à la médication, désormais adéquate, ainsi que l'accroissement de la maturité de l'enfant qui vient avec son âge.
* * *
[26] En matière de garde, chaque cas est un cas d’espèce et aucune forme de garde ou de droit d’accès n’est privilégiée a priori. La garde partagée ne jouit d’aucune présomption favorable[5]. Certes, il est avantageux que l’enfant passe le plus de temps possible avec ses deux parents, mais la Cour d’appel affirme à cet égard[6] :
[40] Certes l’octroi d’une garde partagée signifie que l’enfant passe un maximum de temps avec chaque parent, mais tel n’est pas le sens de l’art. 16(10) de la Loi qui énonce plutôt une obligation pour le juge, faute d’entente entre les parents, de mettre en place un arrangement favorisant le plus de contact entre l’enfant et chacun d’eux qui soit compatible avec son propre intérêt. Elle invite ainsi le juge à retenir un arrangement qui compte tenu d’abord et avant tout des besoins de l’enfant y répond tout en lui donnant l’opportunité d’être avec chacun de ses parents aussi souvent que possible et approprié auxdits besoins.
[27] La décision concernant la garde de l'enfant doit être prise dans son intérêt et dans le respect de ses droits[7], suivant l’article 33 du Code civil du Québec. Ainsi, il faut prendre en considération non seulement les besoins moraux, intellectuels, affectifs et physiques mais aussi son âge, sa santé[8], son caractère, le milieu familial et les autres aspects de sa situation, tels que les ressources et l’épanouissement de l’enfant.
[28] Le Tribunal retient que la preuve indique de façon limpide que X va mieux depuis qu'il habite chez son père, tant au niveau de ses apprentissages à l'école que de son comportement. Tous les témoins le soulignent.
[29] Le Tribunal note surtout que l’année scolaire 2015-2016 à l’École B à Ville B, alors qu'il y reprend sa seconde année de scolarité, est une réussite pour X. Il va mieux à tous les égards. Le carnet d’école ainsi que le bulletin scolaire le démontrent.
[30] La lettre du 29 mai 2014 sur laquelle Madame attire l'attention du Tribunal avec insistance, est en porte-à-faux avec les notes du Plan d’intervention de la Commission scolaire[9] alors qu’on y note que: Depuis le 19 septembre 2014, X a augmenté la dose de sa médication (il est rendu à 20 mg). Cependant, on ne voit aucun effet bénéfique en classe (en date du 8 octobre 2014).
[31] En revanche, ce même Plan d’intervention souligne une amélioration considérable de la situation durant l’année scolaire 2015-2016, au niveau de l’attitude et des apprentissages et conclut en date du 28 avril 2016 : L’encadrement familial et les services professionnels qui entourent X font une différence dans sa réussite.
[32] Enfin, le Tribunal retient que la conclusion de la psychologue Nathalie Pelletier qui suit X depuis le 31 mars 2014 sur une base régulière est au même effet. Cette professionnelle de la santé note qu’au début de son intervention X était colérique, impulsif, désorganisé et très peu réceptif à l’encadrement familial, mais en date du 13 mai 2016, elle conclut[10]:
« Au cours de la dernière année, X a connu une nette amélioration au plan de son attitude et de son comportement, et ce tant à l’école qu’à la maison. Malgré les bouleversements connus (changement de garde, changement d’école, déménagement récent) qui auraient pu le déstabiliser, X a su faire preuve d’une grande capacité d’adaptation et offrir une saine gestion de ses émotions. L’encadrement parental mis en place a permis à X de s’adapter positivement aux changements connus, à faire croître sa confiance en lui et un sentiment de sécurité. »
[33] Même la professeure engagée par Madame pour soutenir X au niveau du français, remarque une belle amélioration[11] et souligne que X collabore mieux, surtout durant la dernière année, alors que sa lettre est datée du 15 mai 2016.
[34] Bref, toute la preuve démontre que le changement de résidence instauré en février 2015 a été très positif pour X et que ses effets ont été bénéfiques à tous les niveaux. Le Tribunal estime qu'il est dans le meilleur intérêt de l’enfant de ne pas modifier cette situation et risquer ainsi de perdre les avantages acquis.
[35] Cette détermination ne remet pas en question tous les efforts que Madame engage au bénéfice de son fils. Le Tribunal reconnaît qu'elle est l'interlocutrice principale des professionnels de la santé qui se sont occupés de X[12]. Quoiqu'importants, tous ces éléments ne suffisent pas, du moins actuellement, pour instaurer la garde partagée.
[36] En effet, le Tribunal retient les prétentions de Monsieur qui note une approche passablement approximative de Madame par rapport à la médication de X. Il souligne que celle-ci n’est pas tout à fait d’accord avec la prise de médicaments, qu’elle oublie quelques fois de les administrer et qu’elle ne fait pas le suivi approprié.
[37] Madame le nie mais du même souffle avoue être parfois en opposition avec l’équipe soignante et notamment avec l’infirmière dédiée à son fils. Elle admet aussi avoir modifié la posologie du médicament de X sans le vérifier avec les professionnels de la santé. Ainsi, Madame a cessé la médication pendant la semaine de relâche pour, dira-t-elle, éviter des effets secondaires désagréable à son fils. Elle indique avoir discuté et avoir obtenu l’approbation de l’infirmière à ce sujet, mais les notes au dossier médical[13] démontrent le contraire, alors qu'on y lit que Madame a cessé la médication depuis 3 jours de sa propre initiative et sans contacter qui que ce soit.
[38] Bref, tous ces éléments démontrent un certain manque de maturité de la part de Madame. Ceci est d’ailleurs noté par la travailleuse sociale dans le cadre de l’expertise psychosociale :
« Présentement, Monsieur se mobilise plus que dans l’adaptation de ses comportements à mieux répondre aux besoins de son fils. Il démontre une ouverture d’esprit à changer et modifier ses interventions. Il arrive préparé aux rencontres médicales, poses des questions sur la médication, met en application ce que les intervenants lui enseignent. Quant à Madame, elle ne donne pas toujours suite aux recommandations émises par les professionnels et donne la médication à son fils de façon aléatoire. Nous avons observé que Mme G... aime son fils, mais peut être maladroite dans son approche. Elle ne donne pas la médication de façon continue requise à son fils pour l’aider à bien s’intégrer au niveau scolaire et obtenir de bons résultats académiques. Elle ne croit pas aux bienfaits de la médication. »
[39] Il faut en effet souligner que la passivité, sinon la résistance de Madame au niveau de l'administration des médicaments milite contre l'octroi de la garde partagée car cela risquerait de mettre en péril la continuité du traitement de l'enfant[14]. Il importe que X prenne ses médicaments selon la posologie prescrite, sans prendre le risque d’interruption de soins, selon qu'il soit confié à son père ou à sa mère.
[40] De plus, le Tribunal doit être en présence de faits et d’éléments de preuve valables et importants, afin de s’écarter des recommandations de l’expertise psychosociale. En l’occurrence, non seulement il ne s'en trouve pas mais, de surcroit, le Tribunal arrive à la même conclusion que l’expert.
[41] Les reproches que Madame formule vis-à-vis cette expertise, soit qu'elle indique que la professeure privée qu’elle a engagé pour X est qualifiée uniquement de voisine ou que la travailleuse sociale n’aurait pas rencontré en personne la grand-mère maternelle alors qu’elle a interviewé la grand-mère paternelle, ont peu ou pas d’impact sur les recommandations finales. Ainsi, il n'existe aucune justification en l’espèce pour ne pas suivre les recommandations de l’expert et de les mettre de côté quant au meilleur intérêt de l’enfant.
[42] D'ailleurs, Madame exigeait que l’auteure de ce rapport d’expertise psychosociale soit entendue par le Tribunal. Cependant, lorsque celle-ci s'est présentée à l'instruction, Madame a renoncé à l’interroger, privant ainsi le soussigné de la possibilité de tester la véracité ou l'opportunité de ses constats.
[43] Le Tribunal souligne par ailleurs que la crédibilité de Madame n'est pas impeccable. Plusieurs éléments contredisent ses affirmations ou alors elle se contredit elle-même. Elle affirme qu’elle a payé seule les frais de pré-maternelle de son fils pendant deux ans, pour admettre en contre-interrogatoire, au vu des reçus, que Monsieur en a payé la moitié. Elle déclare avoir rapporté aux autorités fiscales son revenu de travail, pour admettre ensuite qu’elle ne l’a jamais fait. Elle indique ne jamais faire garder X pendant l’exercice de ses droits d’accès, pour se rappeler ensuite que c’est déjà arrivé lorsqu’elle travaillait le samedi soir. Elle témoigne avoir commencé à travailler uniquement depuis une semaine avant l'instruction mais change ensuite son témoignage pour dire qu’elle faisait des remplacements déjà depuis quelques mois. Enfin, elle affirme en début de la deuxième journée d’instruction qu’elle a demandé à l'issue de la première audience, par texto à Monsieur, de communiquer avec son fils la veille au soir mais qu’elle n’a jamais eu de retour d’appel. Or, en contre-interrogatoire, elle admet avoir reçu des appels sur son cellulaire dans les minutes qui ont suivi son message et ne pas y avoir répondu.
[44] Madame reconnaît aussi qu’elle discute de ce litige avec X, quoiqu’elle dise ne pas aborder le fond du différend. Néanmoins, elle garantit à son fils que la situation va se régler bientôt et encourage celui-ci lorsque ce dernier dit apparemment à sa mère de « se battre » pour obtenir sa garde. Le Tribunal déplore que Madame ne semble pas comprendre les difficultés que cela risque de poser à l'enfant, et ce même si elle tente de limiter au strict minimum ce type d'échanges.
[45] Enfin, le témoignage approximatif rendu à l’instruction, la gesticulation qui se substitue aux paroles, les questions posées en réponse aux questions, notamment lors du contre-interrogatoire, soutiennent les constats du Tribunal au niveau de la maturité et la crédibilité, toutes deux quelque peu déficientes, de Madame. Elle allègue être atteinte elle-même du TDA et avoir été suivie jadis par la même orthopédagogue que X à l’École A. Ceci explique peut-être son attitude devant la cour et ses excès de colère ou d’agressivité vis-à-vis la grand-mère paternelle, les professionnels de la santé et même le Tribunal, lorsqu’elle est contrariée mais ne justifie pas ni n'explique pas tout.
[46] Le Tribunal enfin note avec approbation que Madame affirme ne pas consommer d’alcool et avoir cessé toute drogue depuis plusieurs mois. Il est tout aussi bénéfique que Madame ait cessé sa fréquentation d’un homme peu recommandable, avec qui elle a eu une relation passagère.
[47] Par ailleurs, quoique les infractions commises dans le passé par Madame soient moins pertinentes en l’espèce, elles soutiennent la conclusion voulant que Madame manquait de maturité nécessaire pour bien gérer la relation avec son fils dans le meilleur intérêt de ce dernier. À ce propos, le Tribunal note aussi un discours passablement égocentrique de sa part lorsqu'elle insiste sur son implication personnelle à l’école auparavant fréquentée par son fils ou se concentre sur ses propres émotions lorsqu'elle est privée de son fils, mais semble faire abstraction à cet égard de la perspective du meilleur intérêt de l’enfant.
[48] Par ailleurs, le Tribunal a été favorablement impressionné par les témoignages des grands-parents maternels. Il apparaît au Tribunal que ces membres de la famille peuvent contribuer à fournir à X un milieu de vie sain et il est tout à fait avantageux que lorsque les droits d’accès de Madame sont exercés, ses grands-parents maternels soient présents et encadrent l’enfant tant au niveau des activités de loisirs que des devoirs et des leçons.
[49] En conclusion, le Tribunal retient qu'il est dans le meilleur intérêt de X de maintenir le statut quo ce qui consiste à confier sa garde à Monsieur avec des droits d’accès à Madame.
[50] Au niveau financier, les parties ont soumis au Tribunal un consentement partiel à jugement qui sera entériné par la présente décision. En fonction des formulaires de fixation de pension alimentaire produits de consentement, pour la période du 6 mars 2014 au 31 décembre 2014, Monsieur aurait dû payer une pension alimentaire de 399,38 $ par mois alors que pour les mois de janvier et février 2015 jusqu’au changement de garde de facto, Monsieur aurait dû payer une pension mensuelle de 471,43 $. Le remboursent du solde sera fait en prenant en considération les paiements déjà effectués par Monsieur et au moyen d'entente entre ce dernier avec le percepteur des pensions alimentaires.
[51] Enfin, puisque la garde de X sera confiée au père, et que Madame aura des revenus de 23 000 $ en 2016, elle devra payer une pension alimentaire mensuelle de 159,27 $ en fonction de la répartition de ses accès.
[52] Enfin, tous s’entendent que dans un avenir rapproché, les droits d’accès de Madame devront augmenter. Le rapport d’expertise psychosocial le souligne déjà, tout comme la procureure de Monsieur qui l'évoque à la fin de sa présentation. Le Tribunal est d'accord; il est tout à fait approprié qu’éventuellement X puisse passer plus de temps avec sa mère. Il est dans son meilleur intérêt de maximiser les contacts avec ses deux parents. Cependant, ce moment n’est pas encore venu, notamment parce que Madame doit acquérir plus de maturité. En ce sens, les droits d’accès proposés actuellement par Monsieur sont tout à fait adéquats dans les circonstances. Le Tribunal est confiant que les parties sauront identifier le moment propice afin d’accroître les droits d’accès de Madame.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[53] DÉCLARE que les deux parties exerceront conjointement l’autorité parentale à l’égard de leur enfant X et leur ORDONNE de se consulter avant de prendre quelque décision importante que ce soit relativement à X, notamment quant à sa santé et son éducation;
[54] CONFIE à Monsieur M... L... la garde de son fils X;
[55] ACCORDE à Madame K... G... des droits d’accès à X de la façon suivante et ORDONNE à M... L... de le respecter :
- une fin de semaine sur deux du vendredi après la classe jusqu’au lundi, retour à l’école et prolonger cet accès d’une journée de congé férié et/ou pédagogique, si cette journée précède ou suit la fin de semaine;
- une semaine pendant le congé de la période de fête de Noël et du Jour de l’An, incluant Noël ou le jour de l’An;
- le jour de la fête des mères, étant entendu que l’enfant sera avec le père le jour de la fête des pères;
- le jour de l’anniversaire de naissance de la mère;
- une année sur deux, pendant la semaine de relâche scolaire;
- en tout temps convenu à l’amiable entre les parties;
- quatre (4) semaines durant la période estivale, en alternance, à être convenues entre les parties;
[56] ENTÉRINE le consentement à jugement partiel en annexe de ce jugement du 29 juin 2016 et ORDONNE aux parties de s’y conformer;
[57] ORDONNE à K... G... de payer la pension alimentaire mensuelle directement à M... L..., payable le 1er jour de chaque mois tant qu’elle n’aura pas reçu l’avis du ministère du Revenu d’agir autrement, au montant de 159,27 $ à compter du 1er juillet 2016;
[58] ORDONNE que la pension alimentaire soit indexée le 1er janvier de chaque année suivant l’article 590 C.c.Q.;
[59] ORDONNE aux parties de ne pas discuter avec ou devant X de leur litige ou de leur différend ni de critiquer la conduite de l’autre partie en présence de l’enfant;
[60] ORDONNE aux parties d'échanger leur déclaration de revenus au plus tard le 1er juin de chaque année;
[61] LE TOUT, chaque partie payant ses frais de justice, vu la nature du litige.
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__________________________________ LUKASZ GRANOSIK, j.c.s. |
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Me Bianca Vigneault
Procureur du demandeur
Me Johanne St-Pierre
Procureur de la défenderesse
Dates d’audience : 24 et 25 mai 2016
Réception de la documentation additionnelle et mise en délibéré: 30 juin 2016
[1] Le diagnostic initial de TDAH a été modifié pour un diagnostic de TDA.
[2] Pièce D-7.
[3] Par ailleurs, il n’y a aucune preuve que Madame a effectivement suivi cette seconde session.
[4] Pièce D-5 et P-5.
[5] T.L. c. L.A.P, [2002] R.J.Q. 2627 (C.A.), par. 39 à 41; Droit de la famille - 091541, 2009 QCCA 1268, par. 64.
[6] T.L. c. L.A.P, [2002] R.J.Q. 2627 (C.A.), Ibid., par. 40. Même si cet arrêt traite d'un dossier de divorce, les principes applicables en matière de garde d'enfant sont les mêmes.
[7] Droit de la famille - 151284, 2015 QCCA 983.
[8] Droit de la famille - 132765, 2013 QCCA 1781.
[9] Pièce P-12.
[10] Pièce P-14.
[11] Pièce P-16.
[12] Cf. notamment le relevé D-6.
[13] Pièce P-4, note du 27 février 2014.
[14] Cf. Droit de la famille - 141847, 2014 QCCS 3617.
AVIS :
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