Décision

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Clément c. Parent

2012 QCRDL 537

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau de Longueuil

 

No :          

37 091118 002 G

 

 

Date :

01 février 2012

Régisseure :

Suzie Ducheine, juge administratif

 

Chantale Clément

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

François Parent

 

Hushang Namiranian

 

Antal Gyemant

 

Locateurs - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N   R E C T I F I É E

 

 

[1]      La locataire demande l’exécution en nature des obligations des locateurs, une diminution de loyer de 200 $ par mois, des dommages-intérêts de 300 $, avec les intérêts et les frais judiciaires. Elle demande aussi au tribunal de statuer sur le loyer mensuel qu’elle doit assumer, plus l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel.

[2]      Au moment du dépôt de la demande, les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010 à un loyer mensuel de 440 $ pour un logement de quatre pièces et demie. Ce bail est reconduit d’année en année jusqu’au 30 juin 2012 à un loyer de 480 $ par mois.

[3]      Dans ses mises en demeure, dans sa demande et à l’audience, la locataire se plaint de la perte jouissance de son logement et plus particulièrement, de la salle de bains, durant les mois de mai à août 2009. 

[4]      Elle témoigne qu’au printemps 2009, les locateurs décident de refaire la salle de bains du logement. Ils ne lui donnent pas un avis de travaux majeurs au préalable. Ils lui donnent les coordonnées de leur entrepreneur nommé Eugène et de « s’arranger avec lui ». Elle communique avec Eugène qui s’engage à terminer les travaux en moins de dix jours.

[5]      Les travaux débutent le 11 mai 2009. Eugène entreprend la démolition de la salle de bains. Il arrache tous les matériaux sur les murs, le plancher et le plafond, créant beaucoup de poussière. Il enlève le réservoir d’eau de la toilette. Pendant une semaine, elle ne peut évacuer la toilette. Éventuellement, il enlève la toilette. Elle doit quitter le logement et se faire héberger une nuit par des amis. Elle est aussi privée de l’usage de la douche et du lavabo pendant les travaux. 


[6]      Les travaux ne sont pas terminés à la date prévue. Ils sont retardés par des imprévus et un manque de planification, d’organisation et de supervision. Il faut attendre la livraison de matériaux. Certains matériaux ne conviennent pas, il faut placer une nouvelle commande. Des travaux ne sont pas exécutés adéquatement. Le drain du nouveau lavabo est bouché. La tuyauterie est endommagée lorsque l’entrepreneur débouche le drain, l’eau coule. Elle doit attendre la réparation de la tuyauterie avant d’utiliser le lavabo. Il faut remplacer le pommeau de douche. La chasse d’eau fonctionne mal. Le robinet de la douche coule dès qu’elle ouvre celui de la baignoire. Ce problème n’est pas résolu à la date de l’audience. Les autres travaux sont terminés le 26 août 2009 avec l’installation de la nouvelle fenêtre dans la salle de bains.

[7]      La locataire se plaint que le logement n’était pas laissé en bon état de propreté à la fin des travaux. Une épaisse couche de poussière recouvre les meubles, les murs et les plafonds.

[8]      Elle doit faire un grand ménage à la fin des travaux. Elle débourse une somme de 100 $ pour les services d’une femme de ménage qu’elle réclame aux locateurs.

[9]      Elle réclame aussi les dépenses encourues pour faire développer les photos ainsi que les frais de poste.

[10]   Le locateur reconnaît que la durée des travaux était plus longue que prévue et que la locataire a subi une perte de jouissance pendant la période concernée. Toutefois, il estime que la diminution de loyer réclamée par la locataire est excessive.

[11]   Il rappelle que le loyer de la locataire est très bas et qu’il a investi des sommes importantes pour rendre les lieux plus attrayants.

[12]   Il ajoute qu’il ignorait que les robinets de la douche et de la baignoire fonctionnaient mal. Il s’engage à les faire réparer par le plombier dans les jours suivants l’audience.

Analyse et décision

[13]   Les obligations du locateur sont prévues entre autres aux articles 1854 , 1864 et 1910 du Code civil du Québec :

« 1854.      Le locateur est tenu de délivrer au loca­taire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouis­sance paisible pendant toute la durée du bail.

                 Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l'usage pour lequel il est loué, et de l'entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail.»

« 1864.      Le locateur est tenu, au cours du bail, de faire toutes les réparations nécessaires au bien loué, à l'exception des menues répa­rations d'en­tretien; celles-ci sont à la charge du locataire, à moins qu'elles ne résultent de la vétusté du bien ou d'une force majeure.»

« 1910.      Le locateur est tenu de délivrer un loge­ment en bon état d'habitabilité; il est aussi tenu de le maintenir ainsi pendant toute la durée du bail.

                La stipulation par laquelle le locataire recon­naît que le logement est en bon état d'habitabi­lité est sans effet.»

[14]   La jurisprudence et la doctrine ont établi que ces obligations sont de résultat, limitant ainsi les moyens de défense du locateur. À ce sujet, les auteurs Pierre-Gabriel Jobin et Jean-Louis Baudouin expliquent :

« ...dans le cas d'une obligation de résultat, la simple constatation de l'absence du résultat ou du préjudice subi suffit à faire présumer la faute du débiteur, une fois le fait même de l'inexécution ou la survenance du dommage démontré par le créancier. Dès lors, le débiteur, pour dégager sa responsabilité, doit aller au-delà d'une preuve de simple absence de faute, c'est-à-dire démontrer que l'inexécution ou le préjudice subi provient d'une force majeure. Il ne saurait être admis à dégager sa responsabilité en rapportant seulement une preuve d'absence de faute. »[1]

[15]   De plus, le deuxième paragraphe de l'article 1854 impose au locateur une obligation de garantie; ce qui implique une responsabilité plus lourde :

« En présence enfin d'une obligation de garantie, le débiteur est présumé responsable. La seule façon pour lui d'échapper à sa responsabilité est de démontrer que c'est par le fait même du créancier qu'il a été empêché d'exécuter son obligation, ou encore que l'inexécution alléguée se situe complètement en dehors du champ de l'obligation assumée. »[2]


[16]   En cas d'inexécution des obligations d'une des parties au bail, l'article 1863 du Code civil du Québec prévoit que :

«1863.       L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de deman­der, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent.  Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agis­sant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résilia­tion du bail.

                 L'inexécution confère, en outre, au loca­taire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablis­sement du loyer pour l'avenir.»

[17]   La diminution de loyer a pour but le rétablissement de l'équilibre entre les prestations des parties. Elle est calculée en fonction du prix du loyer, de la dimension ou de la contenance du logement, des services prévus au bail et de la perte de jouissance réelle, sérieuse, significative et substantielle subie par les locataires[3].

[18]   La preuve établit clairement les défectuosités, la perte de jouissance et de valeur locative, dont se plaint la locataire dans sa demande et à l'audience. Le tribunal estime juste et raisonnable de lui accorder une somme forfaitaire de 600 $ pour compenser la perte de jouissance et de valeur locative du logement, les troubles et inconvénients et les dommages matériels subis en raison de l’inexécution des obligations des locateurs.

[19]   En ce qui concerne la demande d'exécution en nature des obligations des  locateurs, la locataire reconnaît que les travaux réclamés dans sa demande ont été exécutés. Il ne reste qu’à corriger la défectuosité des robinets de la douche. Le locateur Parent s’engage à y voir dans un bref délai. Une ordonnance sera émise afin d’enjoindre les locateurs à faire les réparations nécessaires pour sauvegarder les droits de la locataire.

[20]   La locataire demande aussi au tribunal de statuer sur le loyer mensuel qu’elle doit assumer pour la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010.

[21]   Le 9 mars 2009, les locateurs lui font parvenir un avis de modification des conditions du bail. Ils lui proposent une augmentation de loyer de 30 $ par mois.

[22]   Le 4 avril 2009, elle avise les locateurs qu’elle refuse la hausse de loyer proposée. Elle leur offre une augmentation de 12 $ par mois. Les locateurs ne répondent pas à sa lettre.

[23]   En juillet 2009, les locateurs lui réclament l’augmentation de 30 $ qu’elle a refusée. Elle doit leur rappeler son refus. Par la suite, ils exigent le paiement de la hausse de 12 $ qu’elle leur avait proposée.

[24]   La preuve démontre que la locataire a avisé les locateurs de son refus de la hausse de loyer de 30 $ par mois dans le délai de trente jours imparti par la loi.

[25]   La locataire a fait une nouvelle offre aux locateurs qui n’était pas assortie d’un délai. Cependant, les locateurs devaient l’aviser dans un délai raisonnable s’ils voulaient accepter son offre. Leur silence n’équivaut pas à acceptation. La locataire l’a interprété comme un refus. Les locateurs n’ont pas avisé la locataire dans un délai raisonnable. Ils ont attendu trois mois pour l’en informer. Ils n’ont pas exercé leur recours à la fixation du loyer. par conséquent, le bail s’est reconduit pour une autre année au même loyer et aux mêmes conditions.  

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[26]   ACCUEILLE en partie la demande de la locataire;

[27]   CONDAMNE les locateurs à payer à la locataire la somme de 600 $, avec les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 2 juin 2010, plus les frais judiciaires de 57 $ dans un délai de trente jours (30) de la présente décision et, À DÉFAUT, AUTORISE la locataire à opérer compensation avec les loyers à échoir;


[28]   ORDONNE aux locateurs de réparer la tuyauterie de la douche;

[29]   DÉCLARE que le loyer mensuel payable est 440 $ pour la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010;

[30]   REJETTE la demande quant aux autres conclusions.

[31]   Le texte de cette décision est rectifié en totalité afin de corriger l'erreur produite lors de l'insertion du texte original.

 

 

 

 

 

Suzie Ducheine

 

Présence(s) :

la locataire

le locateur François Parent

Date de l’audience :  

30 novembre 2011

 


 

Clément c. Parent

2012 QCRDL 537

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau de Longueuil

 

No :          

37 091118 002 G

 

 

Date :

10 janvier 2012

Régisseure :

Suzie Ducheine, juge administratif

 

Chantale Clément

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

François Parent

 

Hushang Namiranian

 

Antal Gyemant

 

Locateurs - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Par une demande amendée verbalement à l’audience, la locataire demande l’exécution en nature des obligations des locateurs, une diminution de loyer de 250 $ par mois pour les mois d’avril à octobre 2009, des dommages-intérêts de 1 673,04 $, avec les intérêts et les frais judiciaires, plus l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel.

[2]      Les  parties étaient liées par un bail du 1er septembre 2002 au 30 juin 2003, reconduit d’année en année jusqu’au 30 juin 2009 au loyer mensuel de 445 $.

Les faits

[3]      Au  mois de juillet 2008, le locateur Yu Wang vend l’immeuble à Gilles Leclerc et Johanne Roy.

[4]      Les nouveaux locateurs et la locataire concluent un nouveau bail du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010, à un loyer mensuel de 455 $. Ce bail a été reconduit d’année en année jusqu’au 30 juin 2012.

[5]      Au soutien de sa demande, la locataire allègue qu’elle n’a pas eu la jouissance des lieux loués durant les mois de mars à octobre 2008 en raison d’une infestation de punaises dans son logement.

[6]      La locataire, corroborée par son conjoint, témoigne qu’elle habite dans son logement depuis 16 ans. Elle le partage avec son époux qui souffre de cécité et ses trois enfants, dont la plus jeune est née le [...] 2008. Ses deux autres filles sont âgées de 14 et 13 ans en 2008.


[7]      Vers le mois de mars 2008, elle remarque des piqûres d’insectes sur le corps et le visage de sa fille cadette et de son époux. Elle constate que les piqûres sont causées par des punaises qui sont présentes dans le logement.

[8]      Elle dénonce verbalement l'infestation à l’ancien locateur. Mais, ce dernier néglige d’agir, prétextant un emploi du temps chargé. Les punaises se multiplient et se propagent à travers le logement et dans les meubles.

[9]      Ce n’est que vers la fin du mois de juin 2008, que M. Wang applique personnellement un produit afin d’exterminer les punaises. Il lui laisse le contenant avec le reste du produit qu’il a utilisé. Le locateur lui remet aussi un document rédigé d’un exterminateur professionnel. Ce document indique les instructions qu’elle doit suivre avant et après la fumigation.

[10]   La locataire témoigne que la préparation du logement est longue et laborieuse. Il faut vider tous les meubles et les tiroirs, nettoyer tout leur contenu, laver le linge, la literie, les garder dans des sacs en plastique qui doivent être fermés hermétiquement, passer l’aspirateur sur les meubles et dans toutes les pièces et tous les recoins du logement. La famille doit quitter le logement durant le traitement et ne peut le réintégrer qu’à la fin de la journée. Ils ne peuvent utiliser les lits et les matelas traités pendant 12 heures.

[11]   Cependant, ce premier traitement ne règle pas le problème. Les punaises continuent de proliférer dans le logement. Elle en avise M. Wang qui lui répond qu’il est occupé. Il ne fait pas d’autre traitement.

[12]   Au début du mois de juillet 2008, M. Wang lui annonce la vente de l’immeuble à Gilles Leclerc et Johanne Roy et lui présente les nouveaux locateurs.

[13]   Au début du mois d’août 2008, elle et son époux dénoncent l’infestation au nouveau locateur lorsqu’il vient quérir le loyer. Ils lui font part de l’inefficacité du produit appliqué par M. Wang et lui montrent le contenant. Mais les nouveaux locateurs n’agissent pas. Ils doivent se plaindre de nouveau.   

[14]   Au milieu du mois d’août 2008, les nouveaux locateurs leur apportent un nouveau produit qu’ils doivent appliquer eux-mêmes. Ils leur déclarent que le produit n’est pas nocif. Ils sont obligés de faire appel à un ami, Frederico Moreno, pour faire la fumigation. La locataire qui se remet d’un accouchement par césarienne ne peut déplacer les meubles ni s’exposer à ce produit chimique. Son époux ne peut appliquer le produit, vu sa cécité.

[15]   Cependant, le produit fourni par les nouveaux locateurs n’est pas efficace et l’infestation perdure. Ils appellent en vain les nouveaux locateurs qui négligent ou refusent de régler le problème.

[16]   Ce n’est qu’au cours du mois de septembre 2008 que les locateurs prennent les moyens nécessaires pour exterminer les punaises. Le 26 septembre 2008, un exterminateur professionnel de la firme A.AA Expert Extermination Inc. effectue la fumigation du  logement. 

[17]   Cependant, une autre intervention de l'exterminateur est nécessaire pour enrayer l'infestation. Ce dernier traitement est fait en octobre 2008.

[18]   La locataire et son époux font état des nombreux troubles et inconvénients résultant de la présence des punaises. Cette infestation n’affecte pas seulement leur santé physique et morale, mais aussi leurs finances. Ils doivent jeter deux lits et deux matelas ainsi que la literie infestés de punaises. Ces biens étaient devenus inutilisables.

[19]   Ils doivent demander l'aide des amis qui les reçoivent lorsque les traitements sont appliqués. Ils leur font aussi un prêt pour payer les nouveaux meubles et la literie qu’ils achètent pour remplacer ceux qu’ils ont jetés.

[20]   En conséquence, la locataire réclame aux locateurs une diminution de loyer ainsi que le remboursement des sommes déboursées pour se procurer de nouveaux meubles et la literie.

[21]   Les nouveaux locateurs rejettent sa demande de compensation et la transmettent à l’ancien locateur qui refuse de la dédommager, d’où la présente demande.


[22]   Le tribunal a aussi entendu M. Frederico Moreno qui corrobore le témoignage de la locataire et de son époux. Il fait état de l’infestation et des troubles subis par la locataire et sa famille en raison de ce problème. Il confirme qu’il a dû appliquer un produit pour enrayer les punaises dans le logement au mois d’août 2008 à la demande de la locataire.

[23]   Les trois locateurs reconnaissent que le logement était infesté de punaises. Cependant, ils plaident avoir agi avec célérité.

[24]   Le locateur Wang prétend que c’est le 12 juillet 2008, que la locataire se plaint de la présence des punaises dans son logement pour la première fois. Il agit avec célérité afin de régler le problème. Il s’adresse à un exterminateur professionnel afin de se renseigner sur les moyens qu’il doit prendre pour éliminer les punaises. Il achète le produit recommandé par l’exterminateur et l’applique dans le logement, le 14 juillet 2008, en suivant les instructions de ce dernier. Il traite tout le logement et tous les meubles. Il demande à la locataire de laver et sécher la literie. Il laisse le reste du produit utilisé à la locataire ainsi que le document émanant de l’exterminateur qu’il a consulté. Il demande à la locataire de l’aviser si le problème persiste. Elle n’a l’a jamais appelé.

[25]   Le 30 novembre 2008, il reçoit une lettre des nouveaux locateurs qui lui réclament le remboursement de la facture de leur exterminateur pour la fumigation du logement. Il doit les compenser puisqu’il ne leur a pas dénoncé l’infestation de punaises avant la vente de l’immeuble intervenue le 16 Juillet 2008.

[26]   Les nouveaux locateurs lui transmettent aussi la lettre de la locataire datée du 14 novembre 2008. Il refuse de dédommager la locataire puisqu’il a fait diligence pour régler le problème. De plus, elle ne l’a pas avisé avant de jeter ses biens. Il reproche aussi à la locataire de ne pas l’avoir avisé que le traitement fait le 14 juillet 2008 était inefficace.

[27]   Les nouveaux locateurs contestent la demande de diminution de loyer et de dommages-intérêts qu'ils trouvent excessive. Ils voient à corriger la situation rapidement. Ils font aussi valoir que la locataire a acheté de nouveaux meubles avant qu’ils se portent acquéreurs de l’immeuble.  

[28]   Ils reconnaissent que la locataire leur dénonce la présence des punaises dans son logement le 1er août 2008. Elle se plaint de nouveau quelques jours plus tard.

[29]   Le 11 août 2008, ils achètent un nouveau produit afin de traiter le logement. Mais la locataire leur demande de lui laisser l’insecticide qu’elle désire appliquer elle-même.

[30]   Vers le 20 septembre 2008,  la locataire les avise que l’infestation de punaises persiste. Ils font appel à la compagnie AAA Expert Extermination Inc. dont les employés font un premier traitement le 26 septembre 2008. Ils font aussi traiter deux autres logements. Un deuxième traitement effectué deux semaines plus tard règle définitivement le problème.

ANALYSE ET DÉCISION

[31]   Les nouveaux locateurs ont envers la locataire les droits et obligations découlant du bail, selon l’article 1937 du Code civil du Québec.

[32]   Les obligations des locateurs sont prévues entre autres aux articles 1854 et 1910 du Code civil du Québec :

« 1854.      Le locateur est tenu de délivrer au loca­taire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouis­sance paisible pendant toute la durée du bail.

                 Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l'usage pour lequel il est loué, et de l'entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail.»

« 1910.      Le locateur est tenu de délivrer un loge­ment en bon état d'habitabilité; il est aussi tenu de le maintenir ainsi pendant toute la durée du bail.

                La stipulation par laquelle le locataire recon­naît que le logement est en bon état d'habitabi­lité est sans effet.»


[33]   La jurisprudence et la doctrine ont établi que ces obligations sont de résultat, limitant ainsi les moyens de défense des locateurs. À ce sujet, les auteurs Pierre-Gabriel Jobin et Jean-Louis Baudouin expliquent :

« ...dans le cas d'une obligation de résultat, la simple constatation de l'absence du résultat ou du préjudice subi suffit à faire présumer la faute du débiteur, une fois le fait même de l'inexécution ou la survenance du dommage démontré par le créancier. Dès lors, le débiteur, pour dégager sa responsabilité, doit aller au-delà d'une preuve de simple absence de faute, c'est-à-dire démontrer que l'inexécution ou le préjudice subi provient d'une force majeure. Il ne saurait être admis à dégager sa responsabilité en rapportant seulement une preuve d'absence de faute. »[4]

[34]   De plus, le deuxième paragraphe de l'article 1854 impose au locateur une obligation de garantie; ce qui implique une responsabilité plus lourde :

« En présence enfin d'une obligation de garantie, le débiteur est présumé responsable. La seule façon pour lui d'échapper à sa responsabilité est de démontrer que c'est par le fait même du créancier qu'il a été empêché d'exécuter son obligation, ou encore que l'inexécution alléguée se situe complètement en dehors du champ de l'obligation assumée. »[5]

[35]   Dans le cas présent, les trois locateurs admettent que le logement de la locataire était infesté de punaises et qu’elle les avait avisés du problème.

[36]   Cependant, le locateur Wang soutient que la locataire dénonce cette infestation seulement deux jours avant la vente de l’immeuble. Or, M. Wang est loin d’être convaincant. M. Wang était propriétaire de l’immeuble pendant deux ans. Il a visité toutes les pièces du logement lorsqu’il a appliqué l’insecticide. Néanmoins, il prétend qu’il ignorait que la locataire avait accouché quelques mois plus tôt et que son époux est aveugle. Pourtant, il a dû voir le berceau du bébé. Il reproche à la locataire de ne pas l’avoir avisé que le traitement n’avait pas exterminé les punaises. Il a vendu l’immeuble deux jours plus tard. N’étant plus locateur du logement, il ne pouvait régler le problème. D’ailleurs, la locataire ne pouvait apprécier l’efficacité du traitement dans ce court délai. Il a aussi omis de dénoncer l’infestation aux nouveaux locateurs. 

[37]   M. Wang est aussi contredit par la locataire et son époux dont le témoignage est crédible, probant et convaincant. Le tribunal retient leur version des faits. Ils convainquent le tribunal que le locateur Wang savait que le logement était infesté de punaises et qu’il a attendu deux jours avant la vente de l’immeuble pour agir.  

[38]   Les nouveaux locateurs sont aussi contredits par la locataire et ses témoins. Ils ont manqué de prudence et de diligence. En dépit des plaintes de la locataire, ils n’ont pas jugé nécessaire de demander accès au logement pour vérifier l’ampleur du problème. Ils ont imposé à la locataire, qui n’est pas une experte en la matière, la tâche d’appliquer un produit toxique. Ils ont fait appel à un exterminateur lorsque d’autres locataires se sont plaints de la présence de punaises dans leur logement.

[39]   L’analyse de la preuve mène le tribunal à conclure que les locateurs ont contrevenu aux obligations qui leur sont imposées par la loi, causant un préjudice sérieux pour la locataire.

[40]   En cas d'inexécution des obligations d'une des parties au bail, l'article 1863 du Code civil du Québec prévoit que :

«1863.       L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de deman­der, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent.  Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agis­sant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résilia­tion du bail.

                 L'inexécution confère, en outre, au loca­taire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablis­sement du loyer pour l'avenir.»

[41]   La diminution de loyer a pour but le rétablissement de l'équilibre entre les prestations des parties. Elle est calculée en fonction du prix du loyer, de la dimension ou de la contenance du logement, des services prévus au bail et de la perte de jouissance réelle, sérieuse, significative et substantielle subie par la locataire[6].


[42]   La preuve établit clairement l’infestation de punaises, la négligence des locateurs à corriger la situation, la perte de jouissance et de valeur locative substantielle dont se plaint la locataire dans sa demande et à l'audience. Le tribunal estime juste et raisonnable de lui accorder une somme de 2 500 $ pour compenser la perte de jouissance et de valeur locative du logement, les troubles et inconvénients et les dommages matériels subis en raison de l’inexécution des obligations des locateurs.

[43]    Le tribunal tient compte de la dépréciation des biens dont la locataire a dû se départir dans l’évaluation des dommages accordés.  

[44]   Le problème dont se plaignait la locataire étant résolu, la demande d'exécution en nature  des obligations des locateurs  n'a plus d'objet.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[45]   ACCUEILLE en partie la demande de la locataire;

[46]   CONDAMNE le locateur Wang à payer à la locataire la somme de 1 500 $ avec les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, à compter du  26 février 2009,  plus les frais judiciaires de 38,50 $;

[47]   CONDAMNE les locateurs Gilles Leclerc et Johanne Roy à payer à la locataire la somme de 1 000 $ avec les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec. à compter du  26 février 2009, plus les frais judiciaires de 42,50 $;

[48]   REJETTE la demande quant aux autres conclusions.

 

 

 

 

 

Suzie Ducheine

 

Présence(s) :

lae locataire

le locateur

Date de l’audience :  

30 novembre 2011

 


 



[1] Jean-Louis Baudouin, Pierre Gabriel Jobin. Les obligations, 5e édition, Cowansville : Yvon Blais, 1996, p. 36.

[2] Idem, p. 37.

[3] R.L. Montréal 31-080218-073G, le 8 octobre 2009. Me Anne Mailfait.

[4]  Jean-Louis Baudouin, Pierre Gabriel Jobin. Les obligations, 5e édition, Cowansville : Yvon Blais, 1996, p. 36.

[5]  Idem, p. 37.

[6] R.L. Montréal 31-080218-073G, le 8 octobre 2009. Me Anne Mailfait.

AVIS :
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