Décision

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Perlina c. Immeubles Lambert et als

2024 QCTAL 37859

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

725302 31 20230801 G

No demande :

3990538

 

 

Date :

04 décembre 2024

Devant le juge administratif :

Charles Rochon-Hébert

 

Natalia Perlina

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Immeubles Lambert et Als

 

Locatrice - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

  1.          Par une demande introduite le 1er août 2023 et ensuite amendée le 13 octobre et le 23 novembre 2023, la locataire demande :

-         d’ordonner à la locatrice de remplacer une fenêtre brisée;

-         d’être autorisée à déposer son loyer au Tribunal;

-         une diminution de loyer de 50 $ par mois d’avril 2023 à la mi-octobre 2023, pour un total de 325 $;

-         700 $ en dommages pour des pertes de revenus;

-         le paiement des frais de justice.

Les faits

  1.          Les parties sont liées par un bail du 1er octobre 2022 au 30 septembre 2023 pour un loyer mensuel de 510 $ ensuite reconduit jusqu’au 30 septembre 2024 pour un loyer de 536 $ puis le 30 septembre 2025 pour un loyer de 563 $.
  2.          Il s’agit d’un studio situé dans un immeuble d’une trentaine de logements. 
  3.          En mars 2023, une fenêtre à glissière tombe et se fracasse sans faute de la locataire.
  4.          Elle dénonce le tout au gestionnaire désigné par la locatrice.

  1.          Vu l’absence de réponse, une mise en demeure est transmise par courrier recommandé en avril 2024.
  2.          Vu l’absence de réponse malgré des messages et des suivis auprès de la concierge, la locataire dépose sa demande au Tribunal le 1er août 2023.
  3.          À l’audience tenue le 13 octobre 2023, la locatrice informe la locataire que la fenêtre sera remplacée le lendemain, ce qui a été fait.
  4.          La gestionnaire, venue témoigner, explique les délais par un changement d’employés au sein de la firme de gestion qui a fait en sorte que la fenêtre n’aurait été commandée qu’après la notification de la demande en justice bien qu’une soumission avait été obtenue en mai 2023 sans jamais être approuvée.
  5.      Elle nie l’absence de suivi auprès de la locataire. Elle affirme avoir fait des suivis par courriel, mais la locataire le nie et aucun courriel n’a été produit pour le corroborer.
  6.      La gestionnaire avance aussi qu’elle tenait informée la concierge et a tenu pour acquis que cette dernière ferait un suivi auprès de la locataire.

Analyse et conclusion

  1.      La fenêtre ayant été remplacée, les conclusions recherchées pour l’émission d’ordonnances et l’autorisation de déposer le loyer sont maintenant sans objet.
  2.      Quant aux dommages pour pertes de revenus, la locataire invoque des pertes de salaire pour assister aux audiences. Or, il s’agit, le cas échéant, de dommages extracontractuels et indirects aux fautes reprochées en lien avec les obligations découlant du bail. Ceux-ci ne peuvent donc pas être accordés.
  3.      Quant à la diminution du loyer, le recours repose notamment sur les articles suivants du Code civil du Québec :

« 1854. Le locateur est tenu de délivrer au locataire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du bail. 

Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l’usage pour lequel il est loué, et de l’entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail. »

« 1858. Le locateur est tenu de garantir le locataire des troubles de droit apportés à la jouissance du bien loué.

Le locataire, avant d’exercer ses recours, doit d’abord dénoncer le trouble au locateur. »

« 1863. L’inexécution d’une obligation par l’une des parties confère à l’autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l’exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l’inexécution lui cause à elle-même ou, s’agissant d’un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.

L’inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l’avenir. »

  1.      Les auteurs Isabelle Jodoin et Pierre Gagnon au sujet de l'article 1854 du Code civil du Québec s'expriment comme suit :

« Cet article énonce les principales responsabilités du locateur : fournir, au début du bail en bon état, le logement visé (délivrance) et procurer au locataire, en tout temps, une occupation confortable et conforme à l'usage auquel il est destiné (jouissance paisible). Il s'agit d'une obligation de résultat, et non seulement de moyens. Par conséquent, il ne suffit pas pour le locateur de tenter de résoudre les problèmes relatifs à la location. Il doit les régler, sauf dans des situations exceptionnelles relevant de la force majeure[1]. »


  1.      Dans son ouvrage sur la diminution du loyer[2], l'auteur Denis Lamy passe en revue la jurisprudence en la matière et conclut que toute diminution de prestation du locateur n'est pas ouverture au recours en diminution de loyer :

« Il est essentiel, une fois de plus, de relire attentivement les dispositions qui ont à l'origine créé le recours en diminution de loyer, soit la Loi concernant la Régie des loyers et la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires, puisque ce principe y fut très clairement énoncé :

Lorsqu'une maison, sans le fait ou la faute du locataire ou d'une personne dont il a la responsabilité, subit une dégradation qui en réduit sérieusement la valeur locative ou lorsque le locateur en diminue l'espace, les services ou les commodités, le locataire, à défaut d'entente avec le locateur, peut s'adresser à l'administrateur local pour obtenir la résiliation du bail ou une réduction de loyer et l'administrateur a le pouvoir de lui accorder une telle réduction qu'il juge équitable.

Le législateur avait donc clairement à l'esprit des situations qui allaient affecter sérieusement le logement du locataire. Selon les dictionnaires, le mot « sérieux » fait référence au caractère de ce qui mérite attention et considération du fait de son importance, de sa gravité (critique, réel, préoccupant, inquiétant).

...

Des défectuosités mineures qui n'occasionnent qu'un simple désagrément aux locataires, sans pour autant diminuer de façon significative et substantielle la jouissance paisible des lieux ou la fonctionnalité du logement, ne justifient donc pas l'intervention du tribunal.

En conséquence, pour obtenir une diminution de loyer, la perte de valeur locative ou la diminution de prestation d'une situation ou encore les défectuosités dénoncées par le locataire doivent lui occasionner une diminution significative réelle ou une perte substantielle. Le trouble ne doit pas être mineur ou n'être qu'un simple préjudice esthétique, il doit être sérieux. »

  1.      L’obligation du locateur de fournir la pleine jouissance du logement en est une de résultat.
  2.      Qu’en est-il en l’instance ?
  3.      Le Tribunal n’estime pas que le bris de la vitre et son absence, même pendant plusieurs mois, a diminué de façon significative et substantielle la jouissance paisible des lieux ou la fonctionnalité du logement.
  4.      La vitre brisée était l’une de deux. L’autre a protégé la locataire des intrus et des éléments en attendant la réparation. De plus, il n’est pas ici question de la période hivernale où l’absence de la deuxième fenêtre aurait pu avoir un impact significatif sur la capacité de chauffer le logement et d’y vivre confortablement.
  5.      Aucune diminution n’est donc accordée.
  6.      Quant aux frais de justice, il appert que la locatrice a non seulement tardé à remplacer la fenêtre, mais elle a aussi et surtout été négligente dans ses communications avec la locataire en la laissant dans l’ignorance des démarches, ce qui l’a contrainte à déposer une demande en justice.
  7.      La locataire a donc droit au remboursement des frais engagés de 84 $ pour le dépôt de la demande et de 19,50 $ pour sa notification et celle de l’un de ses amendements (9,75 $ X 2). Le Tribunal précise que les amendements du 13 octobre et du 23 novembre 2023 auraient pu faire l’objet d’une seule procédure.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.      CONDAMNE la locatrice à payer à la locataire les frais de justice de 103,50 $;

  1.      REJETTE la demande quant aux autres conclusions.

 

 

 

 

 

 

 

 

Charles Rochon-Hébert

 

Présence(s) :

la locataire

la mandataire de la locatrice

Me Léa Couillard, avocate de la locatrice

Date de l’audience : 

27 novembre 2024

 

 

 


 


[1] Louer un logement, 2e édition, Éditions Yvon Blais, 2012, page 8.

[2] LAMY, Denis, La diminution de loyer, Wilson & Lafleur Ltée, 2004, pages 29-30.

AVIS :
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