Décision

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Servais c. Poissant

2022 QCTAL 4626

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Saint-Jérôme

 

No dossier :

549689 28 20201217 S

No demande :

3407469

 

 

Date :

17 février 2022

Devant la juge administrative :

Louise Fortin

 

Anne Servais

 

Roland St-Jacques

 

Locateurs - Partie demanderesse

c.

Anne-Marie Poissant

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Suivant un recours introduit le 2 décembre 2021, les locateurs demandent de lever la péremption dans le présent dossier et d'être relevés des conséquences de leur défaut de respecter le délai prévu pour déposer la preuve de notification et de prolonger le délai.

[2]         Depuis le 31 août 2020, la Loi sur la Régie du logement a été remplacée par la Loi sur le Tribunal administratif du logement. Les articles 56 et 56.2 de cette loi se lisent comme suit :

« 56. Une partie qui produit une demande doit en notifier une copie à l'autre partie.

La notification de la demande peut être faite par tout mode approprié qui permet à celui qui notifie de constituer une preuve de la remise ou de la publication du document.

Elle l'est notamment par l'huissier de justice, par l'entremise de la poste recommandée, par la remise du document en mains propres par un service de messagerie, par un moyen technologique ou par avis public.

Quel que soit le mode de notification utilisé, la personne qui accuse réception du document ou reconnaît l'avoir reçu est réputée avoir été valablement notifiée.

[...]. »

« 56.2. La preuve de la notification ainsi qu'une liste des pièces au soutien de la demande doivent être déposées au dossier du Tribunal. Ce dernier peut refuser de convoquer les parties en audience tant que ces documents n'ont pas été déposés.

Si la preuve de notification n'est pas déposée dans les 45 jours suivant l'introduction de la demande, cette dernière est alors périmée et le Tribunal ferme le dossier.


Le présent article n'a pas pour effet d'empêcher le Tribunal de convoquer les parties sans délai lorsqu'il le juge approprié, auquel cas la preuve de notification de la demande doit être produite à l'audience sous peine du rejet de la demande. »

[3]         Il s'ensuit que les possibilités d'être relevés du défaut ou de voir prorogé le délai dont l'inobservance a mené à la péremption sont régies par l'article 59 LTAL :

« 59. Le Tribunal peut, pour un motif raisonnable et aux conditions appropriées, prolonger un délai ou relever une partie des conséquences de son défaut de le respecter, si l'autre partie n'en subit aucun préjudice grave. »

[4]         Le juge Aubin de la Cour du Québec s'exprimait ainsi sur l'application de cette dernière disposition dans Société immobilière Parc Samuel Holland inc. c. St-Pierre[1] :

« Cette disposition législative comporte donc comme conditions de fond de prolonger un délai ou relever une partie des conséquences de son défaut ce qui suit :

a) s'il y a un motif raisonnable;

b) si l'autre partie n'en subit aucun préjudice grave;

La condition que constitue le motif raisonnable implique d'abord la bonne foi de celui qui revendique une extension de délai. »

[5]         Plus récemment, dans l'affaire Thiffault c. Municipalité de Saint-Ignace-de-Loyola[2], le juge Le Reste de la Cour du Québec, après une revue de la jurisprudence en la matière, concluait :

« [73] Le motif raisonnable a souvent été décrit comme étant un motif non farfelu, crédible et qui fait preuve de bon sens, de mesure et de réflexion. »

[6]         À cet égard, le juge Breault de la Cour du Québec s'exprimait comme suit dans l'affaire CSX Transportation Inc. c. Price[3] quant à la possibilité de relever une partie de son défaut dans une instance périmée en vertu de l'article 107 du Code de procédure civile[4] :

« [43] Est-ce à dire que le Tribunal doit relever la partie qui le demande dans tous les cas, quelle que soit la raison, et peu importe sa conduite ou diligence dans le déroulement de l'instance?

[44] Bien sûr que non. Il ne s'agit pas d'un automatisme, sans quoi le délai ne serait pas obligatoire. Comme le dit la Cour d'appel, la « discrétion ne peut être un remède à la négligence, à l'incompétence ou à l'incurie des procureurs ».

[45] En fait, en s'inspirant de la jurisprudence traitant d'autres dispositions du C.p.c. qui, tout en rendant obligatoire un délai, ne prévoient pas qu'il est de rigueur, le Tribunal est d'avis que, dans l'exercice de sa discrétion, il doit vérifier, notamment, si la demande judiciaire est sérieuse et si les raisons invoquées pour justifier le retard sont valables et explicable, si la partie demanderesse a été diligente dans le traitement de son dossier et si la preuve qu'elle présente est probante et suffisante pour justifier le défaut ou retard. Le Tribunal doit sans doute aussi vérifier si la conduite de la partie demanderesse est respectueuse des principes directeurs du C.p.c.

[...]

[54] En somme, dans le contexte des principes directeurs du nouveau C.p.c. où l'efficience du déroulement des procédures doit prévaloir, une demande pour être relevé du défaut d'avoir respecté un délai ne doit pas être présentée avec légèreté. Ce n'est pas un automatisme. Une preuve solide et bien appuyée doit être offerte. »

[Références omises]

[7]         En l'instance, les locateurs ont reconnu que leur défaut à produire la preuve de notification dans le délai de 45 jours est dû à leur ignorance de la loi.

[8]         Ainsi, l'ignorance de la loi ne peut constituer un motif raisonnable, comme confirmé à maintes reprises par la jurisprudence du présent Tribunal[5].

[9]         Vu l'absence de motifs raisonnables, le Tribunal ne peut donc accorder de délai aux locateurs pour remédier au défaut.


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[10]     REJETTE la demande des locateurs qui en supportent les frais.

 

 

 

 

 

 

 

 

Louise Fortin

 

Présence(s) :

la locatrice

le mandataire du locateur

Date de l’audience : 

3 février 2022

 

 

 


 


[1] 200-02-004919-876, le 28 janvier 1988, C.Q.

[2] 2017 QCCQ 7663.

[3] 2017 QCCQ 8163.

[4] RLRQ, c C-25.01.

[5] Thevenot c. Turcotte, 2006, 31-060228-241G, r. L. Boucher; Brossard c. Reilly, 2011 CanLII 110712 (QC RDL); Memari c. Ryshpan, R.L. Montréal 31-101118-030G, le 1er septembre 2011, r. C. Novello.

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