Décision

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R. c. Londono

2022 QCCA 1097

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

 :

500-10-007414-202

(505-01-144804-172)

 

DATE :

 12 août 2022

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

GUY GAGNON, J.C.A.

DOMINIQUE BÉLANGER, J.C.A.

PETER KALICHMAN, J.C.A.

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

REQUÉRANTE – poursuivante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

REQUÉRANT – mis en cause

c.

 

SEBASTIAN LONDONO

INTIMÉ – accusé

 

 

ARRÊT

 

 

MISE EN GARDE : Ordonnance de non-publication en vertu de l’article 486.4(1) C.cr. : il est interdit de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité d’un plaignant ou d’un témoin.

[1]                Le Procureur général du Québec et la poursuivante se pourvoient contre un jugement rendu le 16 septembre 2020 par la Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale, (l’honorable Stéphane Godri), district de Longueuil, lequel déclare inopérante à l’égard de l’intimé la peine minimale d’un an d’emprisonnement prévue à l’alinéa 152a) C.cr. et le condamne à une peine d’emprisonnement de 90 jours à être purgée de façon discontinue assortie d’une probation de deux ans[1].

[2]                Pour les motifs du juge Gagnon, auxquels souscrit le juge Kalichman, LA COUR :

[3]                ACCUEILLE la requête pour permission d’appeler de la peine;

[4]                ACCUEILLE l’appel de la poursuivante;

[5]                ANNULE la peine de 90 jours à être purgée de façon discontinue infligée à l’intimé;

[6]                CONDAMNE l’intimé à une peine de 15 mois d’emprisonnement de laquelle doit être déduite la peine de 90 jours déjà purgée;

[7]                SURSEOIT à l’exécution de la peine et à la réincarcération de l’intimé;

[8]                ANNULE la déclaration rendant inopérant l’article 152 C.cr. à l’égard de l’intimé;

[9]                MAINTIENT les autres conclusions du jugement dont appel;

[10]           DÉCLARE l’appel du Procureur général du Québec sans objet;

[11]           Pour sa part, la juge Bélanger aurait substitué à la peine prononcée en première instance une peine de six mois d’emprisonnement tout en suspendant l’exécution de la peine. Elle aurait aussi déclaré cette peine inapplicable constitutionnellement à l’intimé et aurait rejeté l’appel du Procureur général du Québec.

 

 

 

 

 

GUY GAGNON, J.C.A.

 

 

 

 

 

DOMINIQUE BÉLANGER, J.C.A.

 

 

 

 

 

PETER KALICHMAN, J.C.A.

 

Me Julien Fitzgerald

DIRECTEUR DES POURSUITES

CRIMINELLES ET PÉNALES

Pour Sa Majesté la Reine

 

 

Me Maxime Seyer-Cloutier

BERNARD, ROY (JUSTICE QUÉBEC)

Pour le Procureur général du Québec

 

Me Emmanuelle Rheault

Me Maxime Hébert Lafontaine

LATOUR DORVAL AVOCATS

Pour l’intimé

 

Date d’audience :

3 décembre 2021


 

 

 

MOTIFS DE LA JUGE BÉLANGER

 

 

[12]           Le 14 août 2019, l’intimé a été reconnu coupable des deux chefs d’accusation suivants :

  1. Entre le 1 octobre 2016 et le 31 octobre 2016, à Longueuil, district de Longueuil, a, à des fins d’ordre sexuel, touché une partie du corps de X, enfant âgée de moins de seize (16) ans, commettant ainsi l’acte criminel prévu à l’article 151a) du Code criminel.
  2. Entre le 1 octobre 2016 et le 31 octobre 2016, à Longueuil, district de Longueuil, a, à des fins d’ordre sexuel, invité, engagé ou incité X, enfant âgée de moins de seize (16) ans, à le toucher, à se toucher et/ou à toucher un tiers, commettant ainsi l’acte criminel prévu à l’article 152a) du Code criminel.

[13]           Le 16 septembre 2020, le juge déclare inopérante la peine minimale d’un an d’emprisonnement prévue à l’article 152a) C.cr. et condamne l’intimé à une peine d’emprisonnement de 90 jours à être purgée de façon discontinue dans le cadre d’une probation de deux ans.

[14]           La poursuivante sollicite la permission d’appeler de ce jugement, étant d’avis que le juge a commis plusieurs erreurs. Le Procureur général du Québec (« PGQ ») demande à la Cour d’infirmer la déclaration selon laquelle la peine minimale prévue à l’article 152a) C.cr. est inconstitutionnelle et inopérante pour l’intimé [2].

[15]           Après analyse des moyens soulevés, je suis d’avis que l’appel doit être accueilli, la peine annulée et remplacée par une peine de six mois d’emprisonnement, et de confirmer le jugement quant à l’inapplicabilité de la peine minimale.

Le contexte

[16]           En octobre 2016, l’intimé, âgé de 21 ans, travaille comme concierge dans une école secondaire. Il est arrivé au Canada à l’âge de 19 ans, en 2013, après avoir vécu une enfance difficile en Colombie. Il est venu rejoindre son père qui travaille pour une entreprise dans le domaine de l’entretien ménager. En août 2014, il débute un emploi de concierge à la même école secondaire que ce dernier. Durant l’année scolaire 2015-2016, il fait la connaissance de la victime, elle-même arrivée au Canada en décembre 2013. Elle est alors en 1re secondaire. Étant tous deux d’origine colombienne, ils ont jusque-là des échanges cordiaux et anodins.

[17]           En début d’année scolaire 2016-2017, la victime réussit à obtenir le numéro de téléphone de l’intimé. Elle communique avec lui et l’invite chez elle, sachant qu’elle sera seule. La première rencontre, début octobre, se passe à l’extérieur de la résidence. Il n’y a aucun contact sexuel. La victime demande à le revoir et lui demande d’apporter des préservatifs. Trois autres rencontres auront lieu en octobre lors desquelles deux contacts sexuels complets surviennent. Elle est alors âgée de 13 ans, quoiqu’elle aura 14 ans quelques semaines plus tard, se dit amoureuse et croit en la possibilité d’une relation à long terme avec l’intimé.

[18]           À cette époque, l’intimé vit une période difficile, connaissant une rupture amoureuse, des problèmes de consommation et certains problèmes personnels. Il a des pensées suicidaires et le besoin de se faire écouter. Il croyait que la victime avait la maturité nécessaire pour cela.

[19]           La mère de la victime aura connaissance de l’affaire et demandera à l’intimé de cesser de voir sa fille qu’elle sait amoureuse. La dénonciation proviendra toutefois de l’école, dont le directeur a été alerté par une amie de la victime.

[20]           Il faut préciser que la victime apprend alors que l’intimé a eu un enfant en Colombie et elle se sentira trahie par ce qu’elle considère être un mensonge. De fait, à l’âge de 17 ans, l’intimé a eu un enfant qui est demeuré en Colombie avec sa mère.

Le jugement sur la peine

[21]           Après avoir relaté les faits de l’affaire et la preuve apportée à l’audience sur la peine, voici comment le juge se dirige :

1. Quelle est la peine appropriée à imposer à l’accusé?

[20] Toute peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité de l’accusé. Celle-ci doit également tenir compte des principes d’individualisation, d’harmonisation et de modération. Les articles 718 et suivants du Code criminel encadrent l’ensemble du processus d’imposition de la peine à l’égard d’un accusé. On y prévoit entre autres que les infractions d’ordre sexuel commises à l’égard d’une personne âgée de moins de 18 ans doivent mettre de l’avant les facteurs de dissuasion et d’exemplarité.

[21] La poursuite fonde une bonne partie de son argumentation pour exclure une peine de moins de deux ans sur la décision Chamberland rendue par ma collègue Marie-Chantale Doucet dans le district de Beauharnois.

[22] J’estime cependant qu’il y a plusieurs distinctions à faire au niveau factuel avec cette affaire. Premièrement, les infractions se sont échelonnées sur une période de six mois, l’accusé était âgé de 39 ans et la victime de 15 ans. L’accusé avait un rôle évident d’autorité étant un animateur au collège d’enseignement que fréquentait la victime. Il existait également une réelle relation de confiance et de confidences entre l’accusé et la victime qui avait même été encouragée par la mère de la victime, celle-ci occupant la même fonction que l’accusé à la même école. Ma collègue a imposé une peine de 18 mois d’incarcération à l’accusé dans cette affaire.

[23] La poursuite estime qu’il s’agit ici d’un cas plus grave, ce avec quoi je suis en désaccord. J’estime que la relation de confiance et la différence d’âge entre l’accusé et la victime dans l’affaire Chamberland justifiaient la peine imposée par ma collègue. Ces deux éléments sont absents dans la présente affaire. L’accusé était un jeune adulte au moment des évènements, n’avait pas de lien d’autorité sur la victime et ne tenait pas un rôle à l’école où la confiance était en jeu. Même si une relation de confiance s’est développée entre l’accusé et la victime en raison de leurs racines colombiennes, j’estime que ceci est le fruit du hasard et que l’accusé n’a pas profité de cette situation pour faciliter la commission de l’infraction qu’on lui reproche.

[24] J’estime que les faits reprochés à l’accusé se situent dans une échelle de trois à six mois d’incarcération. En tenant compte des autres facteurs atténuants et des autres particularités mentionnées précédemment reliées au présent dossier, j’estime qu’une peine située dans le bas de l’échelle, soit de trois mois d’incarcération, serait justifiée dans les circonstances.[3]

[Renvois omis]

[22]           En conséquence, le juge déclare la peine minimale d’un an prévue à l’article 152 C.cr. inopérante à l’égard de l’intimé et inflige une peine de 90 jours à être purgée de façon discontinue.

Les moyens d’appel

[23]           La poursuivante soumet cinq moyens :

1)            Le jugement ne serait pas suffisamment motivé;

2)            Le juge a commis une erreur de principe en considérant comme pertinente la participation de la victime aux gestes de nature sexuelle;

3)            Le juge a commis une erreur de principe en minimisant l’abus de confiance et la manipulation de la victime par l’intimé;

4)            Le juge a sous-estimé la gravité intrinsèque des crimes sexuels commis;

5)            La peine est manifestement non indiquée.

[24]           Pour sa part, le PGQ demande à la Cour d’infirmer la déclaration selon laquelle la peine minimale prévue à l’alinéa 152a) C.cr. est inconstitutionnelle et inopérante pour l’intimé.

[25]           Précisons d’emblée, ce dont le PGQ était bien au fait car il en a lui-même informé le juge de première instance, que l’arrêt Caron Barrette c. R.[4] a déclaré la peine minimale d’une année d’emprisonnement prévue à l’article 151a) C.cr. (contacts sexuels) inconstitutionnelle, arrêt qui n’a pas été porté en appel. C’est d’ailleurs en soulignant cet état du droit, qu’après avoir reçu un avis, le PGQ a informé le juge qu’il n’entendait pas faire d’observations sur la validité constitutionnelle de l’alinéa 152a) C.cr. (incitation à des contacts sexuels)[5].

[26]           De fait, la seule question plaidée devant la Cour est celle de savoir si la peine minimale d’une année prévue à l’alinéa 152a) C.cr. est inopérante quant à l’intimé. L’invalidité constitutionnelle de la peine minimale prévue à l’alinéa 151a) C.cr. n’est pas remise en cause devant nous.

L’analyse

[27]           La norme d’intervention en matière de peine est très bien établie. Seul un motif valable permet à une cour d’appel de substituer sa propre décision à celle du juge de première instance[6]. Il y a matière à intervention lorsque la peine est manifestement non indiquée ou que le juge de la peine a commis une erreur de principe. Une erreur de principe peut être une erreur de droit ou encore l’omission de tenir compte d’un facteur pertinent ou la considération erronée d’un facteur aggravant ou atténuant et qu’une telle erreur a une incidence significative sur la peine infligée[7]. Cela est bien logique car le juge a l’avantage d’avoir pu observer les témoins au procès et d’avoir pu entendre les observations formulées lors des plaidoiries sur la peine[8].

[28]           Il y a lieu d’analyser les moyens d’appel, à la lumière de cette norme d’intervention qui commande une haute déférence. Une peine clémente, comme c’est le cas en l’espèce, n’est pas nécessairement non indiquée.

Le jugement est-il suffisamment motivé?

[29]           La poursuivante soutient que le jugement n’est pas suffisamment motivé, ce qui fait en sorte que la déférence due au jugement de première instance serait moindre. Selon elle, il est difficile de bien comprendre l’importance apportée aux circonstances aggravantes et atténuantes ou les raisons pour lesquelles l’affaire se situe dans la catégorie inférieure des fourchettes applicables. Elle ajoute que l’on ne sait pas quel risque de récidive le juge a retenu, tout en invoquant la présence de contradictions sur l’existence d’un abus de confiance.

[30]           La Cour suprême a souligné à quelques reprises l’importance d’une interprétation fonctionnelle et contextuelle des motifs du juge, imposant aux cours d’appel, non pas de décortiquer finement les motifs, mais plutôt de se demander si, pris dans leur ensemble et à la lumière des questions qui lui étaient soumises, il est possible de discerner les raisons dans le contexte de la preuve présentée et des observations des avocats. Il s’agit en fait de voir si la motivation constitue une entrave à l’examen en appel[9].

[31]           En l’espèce, il est possible de bien discerner les raisons du jugement dans le contexte des observations sur la peine.

[32]           Il est utile de préciser que les plaidoiries des avocats furent courtes et ont porté sur deux éléments : le risque de récidive et le lien de confiance ou d’autorité existant entre l’intimé et la victime. Or, le juge a traité de ces deux aspects. De toute évidence, le juge a retenu le rapport présentenciel, contemporain à l’audition, qui conclut à un faible risque de récidive.

[33]           Le raisonnement du juge est intelligible et fait état d’éléments généralement pris en compte à titre de facteurs atténuants ou aggravants, selon le cas[10].

[34]           Bien qu’il demeure une certaine ambiguïté sur la question de la relation de confiance sur laquelle nous reviendrons, les passages du jugement portant sur les facteurs retenus sont suffisamment clairs :

LES FACTEURS À CONSIDÉRER

[7] La victime, sa mère ainsi que l’accusé ont été entendus lors de l’audition tenue dans le cadre des observations sur la peine.

[8] Des lettres de soutien de proches ainsi que de certains membres de son église ont été présentées par l’accusé. Un rapport présentenciel ainsi qu’une évaluation psychosexuelle ont également été produits au dossier de la Cour.

[9] L’accusé est aujourd’hui âgé de 25 ans. Il a obtenu sa citoyenneté canadienne après avoir immigré au Canada en 2013 de la Colombie. Il était âgé de 21 ans au moment des évènements. À la suite des accusations portées dans la présente affaire, il a laissé son emploi de concierge. Il a entrepris et terminé une formation professionnelle en mécanique de véhicules lourds et il occupe maintenant un emploi dans ce domaine. Il est sans antécédents judiciaires et reçoit beaucoup de support, autant de sa famille, de sa nouvelle conjointe, que du reste de son entourage.

[10] La rédactrice du rapport présentenciel conclut à un passage à l’acte qui apparaît être isolé et circonstanciel à un épisode de vie désorganisé et fragile. Même si l’évaluation sexologique produite en décembre 2017 conclut à un risque de récidive moyen, la rédactrice du rapport présentenciel l’évalue plutôt comme étant faible. Elle explique cette différence avec le fait que l’accusé est dans une relation stable, a une libido normale et qu’il a réussi à diminuer son impulsivité de façon générale. En raison de différentes difficultés émotionnelles et affectives dues à certains traumatismes reliés à son enfance, elle croit qu’une thérapie psychosociale ou psychosexuelle serait appropriée dans les circonstances.

[11] L’accusé est le principal pourvoyeur pour sa famille. Sa conjointe est présentement en arrêt de travail et a un jeune enfant. L’accusé supporte également son propre enfant et la mère de celui-ci qui résident toujours en Colombie.

[12] La victime a expliqué comment ces évènements ont eu un effet sur sa confiance en soi, et ce, surtout au niveau social. Elle s’est sentie trahie par certains « mensonges » de l’accusé, ce qui l’a affectée au niveau émotionnel et moral. Elle dit maintenant craindre en quelque sorte sa naïveté. Tout en reconnaissant que l’accusé doit se faire imposer une peine, et que ce qui s’est produit est de sa faute, elle reconnaît avoir une certaine part de responsabilité par rapport à ces évènements. Elle croit donc que l’accusé ne devrait pas aller en prison.

[13] Sans chercher à déresponsabiliser l’accusé ni à excuser son comportement, elle indique qu’il est plus commun en Colombie de voir des relations entre des filles de 15 et 16 ans et des garçons de 20 à 25 ans. Il s’agit d’une situation qui est « non punie » dans leur pays.

[14] L’accusé pour sa part a expliqué les impacts positifs que le processus judiciaire a eu sur ses comportements et des décisions qu’il a prises. Il vit cependant beaucoup de stress en lien avec l’incertitude entourant la peine qu’il recevra. Une peine de prison l’empêcherait de continuer à aider sa conjointe et son enfant au niveau financier. Il indique être prêt à faire un don de 1 000 dollars, il a exprimé de l’empathie envers la victime et il semblait sincère quant aux regrets qu’il a exprimés.

[15] Au niveau de la gravité de l’infraction, il s’agit de relations sexuelles complètes ainsi que de certains gestes à caractères sexuels accessoires à ce type de comportement. Ces deux évènements se sont produits sur une relativement courte période de temps, soit environ un mois. Il existe une certaine situation d’abus de confiance puisque l’accusé était un employé d’école, sans être quelqu’un qui avait une autorité directe sur la victime. À l’époque des évènements, l’accusé était quelque peu désorganisé et déprimé. Il avait augmenté sa consommation de stupéfiants et avait eu quelques idées suicidaires en lien avec une récente séparation.

[16] L’accusé se victimise quelque peu, estimant que les conséquences de ses gestes sont grandes et pas nécessairement en proportion avec le comportement qu’il a eu.

[17] La poursuite reconnaît également qu’il ne s’agit pas d’un profil habituel pour un contrevenant au niveau d’infractions sexuelles. Elle soutient cependant que lorsqu’on analyse les échelles applicables, qu’il s’agit d’un cas où une peine de deux ans moins un jour à six ans devrait être imposée plutôt qu’une peine dans le bas de l’échelle, soit moins de deux ans.

[35]           Le reproche n’est donc pas fondé.

Le juge a-t-il trop insisté sur le rôle de la victime?

[36]           La poursuivante soutient que le juge a commis une erreur de principe en insistant sur le rôle de la victime, contrairement aux enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Friesen[11].

[37]           Il faut dire qu’entre le moment de l’audience sur la peine et celui où le jugement a été rendu, il s’est écoulé plusieurs mois au cours desquels l’arrêt R. c. Friesen a été rendu, alors qu’aucune des parties ne demande au juge de faire des observations additionnelles et que ce dernier ne dit mot de cet arrêt.

[38]           En effet, dans R. c. Friesen, la Cour suprême a émis des directives qui valent pour toutes les infractions d’ordre sexuel contre les enfants, dont celles de contacts sexuels à l’endroit de victimes âgées entre 12 et 16 ans. Ainsi, le consentement de facto n’est pas un facteur pertinent en droit lors de la détermination de la peine. L’absence de résistance ne doit pas assimiler la participation d’un enfant ou d’un adolescent à un consentement, pas plus qu’elle ne le fait pour un crime à l’endroit d’un adulte. De plus, la participation de la victime ne fait pas en sorte qu’il n’y a aucune violence psychologique ou physique, car il y a une violence inhérente aux infractions de contacts sexuels chez les enfants et adolescents. Cette violence inhérente comporte une grave atteinte à l’intégrité sexuelle, la dignité et la vie privée de l’enfant et de l’adolescent, même en cas de « consentement apparent »[12]. Les juges doivent aussi tenir compte que, dans certains cas, la participation de l’enfant ou de l’adolescent peut résulter d’une campagne de manipulation orchestrée par le délinquant ou de la rupture d’un lien de confiance. Lorsque la manipulation ou l’abus de confiance sont à l’origine de la participation, ils doivent être considérés comme un facteur aggravant[13]. Finalement, la Cour suprême indique qu’il appartient toujours aux adultes de s’abstenir de se livrer à de la violence sexuelle sur des enfants et des adolescents[14].

[39]           Malgré le fait que le juge ne dit mot de l’arrêt Friesen, il n’a pas commis l’erreur que lui attribue la poursuivante, soit celle d’avoir erronément considéré la participation de la victime ou son consentement. La poursuivante ne démontre pas que le juge a commis une erreur sur ce point et il ne nous appartient pas de tenter de déduire du jugement autre chose que ce que le juge affirme. Les conjonctures ne suffisent pas, la démonstration d’une erreur de principe doit être convaincante[15].

Le juge a-t-il omis de tenir compte de deux facteurs aggravants : la présence d’un lien de confiance et la manipulation de la victime?

[40]           Selon la poursuivante, une autre erreur de principe aurait été commise, soit celle de ne pas avoir tenu compte de l’abus de confiance commis par l’intimé ni du fait qu’il aurait exploité sa relation d’amitié pour obtenir ce qu’il désirait, c’est-à-dire des rapprochements intimes.

[41]           L’abus de confiance ou d’autorité à l’égard d’une victime constitue un facteur aggravant (sous-alinéa 718.2a)(iii) C.cr.). Dans Friesen, la Cour suprême reconnaît qu’il existe un spectre de situations d’abus de confiance et que toutes ne doivent pas être traitées sur le même pied. Elle ajoute que la manipulation psychologique peut aussi donner naissance à une nouvelle relation de confiance, un phénomène présent par exemple dans le cas de leurre d’enfants. Aussi, la manipulation psychologique est un facteur aggravant à elle seule[16].

[42]           Tout d’abord, la preuve ne soutient pas l’affirmation selon laquelle l’intimé aurait manipulé la victime. Comme nous l’avons vu, l’intimé était un jeune homme de 21 ans vivant une période difficile, et qui avait jusque-là entretenu une relation anodine avec la victime.

[43]           Je suis en désaccord avec le juge Gagnon lorsqu’il affirme que « l’intimé a séduit une enfant émotivement vulnérable qui a cru au bon sentiment et à la sincérité d’un adulte ». Rien dans la preuve ne démontre que l’intimé, qui était un tout jeune homme, n’était pas sincère, bien au contraire. Le fait qu’il lui a caché l’existence d’un enfant qu’il a eu en Colombie à l’âge de 17 ans ne fait pas de lui un manipulateur ou un prédateur sexuel manipulant sa victime. Sur ce point, dans la déclaration vidéo de la victime, donnée deux ans après les faits, celle-ci affirme que l’intimé ne savait pas qu’elle était en amour avec lui et qu’elle a initié les conversations avec lui.

[44]           D’ailleurs, de l’aveu même de la victime, elle croyait en la possibilité d’une relation avec l’intimé, et même après avoir appris l’existence de l’enfant, elle lui a pardonné. La relation entre les deux a cessé dès que la mère en eut connaissance, et ce, environ un mois avant que le directeur de l’école ne dénonce l’intimé aux autorités.

[45]           De cette déclaration très éloquente et que je ne reprendrai pas ici, le juge pouvait tirer tous les constats qu’il effectue, dont le fait que la première relation sexuelle a lieu la deuxième fois que l’intimé se rend chez la victime, à l’invitation de cette dernière.

[46]           Je suis aussi en désaccord avec le juge Gagnon lorsqu’il tire des conclusions d’un rapport sexologique effectué deux ans avant le rapport présentenciel. Le juge pouvait, à la lumière de la preuve entendue, l’écarter et retenir plutôt les conclusions du deuxième rapport. C’était sa prérogative et je n’y vois pas d’erreur.

[47]           Je constate toutefois une ambiguïté, voire une erreur, sur la question de l’abus de confiance.

[48]           Au paragraphe 17 de son jugement, le juge retient qu’il « […] existe une certaine situation d’abus de confiance puisque l’accusé était un employé d’école, sans être quelqu’un qui avait une autorité directe sur la victime ». Il a raison sur ce point.

[49]           À ce niveau, comme le juge l’affirme, il existe un certain niveau de confiance que l’on pourrait situer, sur un spectre, beaucoup plus bas que celui auquel on s’attend d’un enseignant, animateur ou entraîneur d’une équipe de sport. Un concierge ne joue pas un rôle de premier plan dans l’éducation des élèves. Aucune autorité parentale ne lui est déléguée. Il n’est pas inextricablement lié au système scolaire. Par contre, il est vrai que l’on peut s’attendre à ce qu’un concierge dans une école secondaire n’entretienne pas de relation intime, ni ne tente de le faire, avec une étudiante. Dans la même foulée, il est utile de préciser que la Cour suprême indique que le degré de responsabilité du délinquant qui a l’obligation de protéger et de prendre soin d’un enfant sera plus grand que celui d’un étranger[17]. En l’espèce, l’obligation d’un concierge de prendre soin des élèves est peu élevée.

[50]           La preuve permettait donc au juge d’adopter une position nuancée sur la question de l’abus de confiance.

[51]           Plus loin dans la sentence, le juge distingue la situation de l’intimé avec celle décrite dans le jugement Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Chamberland[18] en précisant que, dans cette dernière affaire, l’accusé avait « un rôle évident d’autorité étant animateur au collège d’enseignement que fréquentait la victime »[19]. Il est vrai que sur le spectre, un animateur qui travaille directement auprès des élèves jouit d’un niveau de confiance et d’autorité beaucoup plus élevé qu’en l’espèce.

[52]           Par contre, écartant l’affaire Chamberland, le juge détermine que, dans son rôle de concierge dans une école, la confiance n’était pas en jeu :

[23]  La poursuite estime qu’il s’agit ici d’un cas plus grave, ce avec quoi je suis en désaccord. J’estime que la relation de confiance et la différence d’âge entre l’accusé et la victime dans l’affaire Chamberland justifiaient la peine imposée par ma collègue. Ces deux éléments sont absents dans la présente affaire. L’accusé était un jeune adulte au moment des évènements, n’avait pas de lien d’autorité sur la victime et ne tenait pas un rôle à l’école où la confiance était en jeu. Même si une relation de confiance s’est développée entre l’accusé et la victime en raison de leurs racines colombiennes, j’estime que ceci est le fruit du hasard et que l’accusé n’a pas profité de cette situation pour faciliter la commission de l’infraction qu’on lui reproche.

[Soulignement ajouté]

[53]           Ce passage est problématique en ce que le juge semble écarter complètement le fait que l’intimé exerçait « un certain niveau de confiance ».

[54]           La preuve démontre que l’intimé était en contact régulièrement avec les étudiants et qu’il était très populaire auprès des jeunes de l’école, autant les filles que les garçons. Ceux-ci pouvaient donc penser pouvoir compter sur sa bienveillance en cas de besoin. Tout est une question de contexte, mais il ne faut pas perdre de vue que, dans la présente affaire, c’est justement la tâche de l’intimé en milieu scolaire et surtout ses relations avec les étudiants qui ont été l’occasion de rencontrer la victime[20].

[55]           Le juge a eu raison d’établir une distinction avec l’affaire Chamberland, dans laquelle l’accusé, 39 ans et animateur à l’école de la victime, a entretenu une relation pendant 6 mois avec une élève de 15 ans, ce qui lui a valu une peine de 18 mois d’incarcération. Par contre, il devait tenir compte de la présence d’une « certaine situation de confiance », mais aussi de toutes les circonstances dont le fait que c’est en raison de leurs origines communes que la victime et l’intimé se sont liés d’amitié.

[56]           Avec égards, le défaut du juge de considérer le facteur aggravant qu’est la relation de confiance, même à un bas niveau, couplée à la présence d’une deuxième erreur concernant l’âge de la victime, fait en sorte que la Cour doit intervenir.

[57]           En effet, le juge se trompe lorsqu’il écrit que la victime avait 15 ans au moment des événements, alors qu’elle en avait 13, bien que presque 14 ans. L’âge de la victime est important dans les cas d’infractions de contacts sexuels, en l’absence de coercition. Ceci s’explique bien par le niveau de maturité différent que l’on peut observer chez des adolescents de cet âge.

[58]           En l’espèce, le juge a retenu qu’en semblable matière, la fourchette de peines se situe entre 3 et 6 mois d’emprisonnement et qu’en l’espèce, la peine doit se situer au bas de l’échelle.

[59]           Il faut d’ailleurs préciser que la peine de 90 jours était en harmonie avec la jurisprudence de notre Cour[21] dans les cas où il y a absence de toute relation de confiance et en présence d’une victime de 14 ou 15 ans, ayant une faible différence d’âge entre elle et l’accusé. Cette jurisprudence fait état de cas où l’accusé est un jeune adulte sans antécédents judiciaires de nature similaire, en l’absence de situation d’abus de confiance ou d’autorité et en présence de contacts sexuels non coercitifs[22].

[60]           Par exemple, en 2018, dans Caron Barrette c. R.[23], la Cour a prononcé une peine discontinue de 90 jours. Il s’agissait d’un jeune homme de 23 ans, sans antécédents judiciaires, qui a entretenu une relation amoureuse avec une jeune fille de 14 ans, sur plus d’une année, avec le consentement des parents de celle-ci. Il n’y avait pas d’abus de confiance. Aussi, en 2018 dans St-Cyr c. R. [24], la Cour est intervenue pour diminuer une peine de 12 mois d’emprisonnement à 90 jours à être purgée de façon discontinue, dans le cas où un jeune homme de 19 ans (sans antécédents judiciaires, aucun désordre sexuel, pas de risque de récidive élevé, exprime des remords et stabilité acquise) a eu un contact sexuel avec une jeune fille de 14 ans qui a toutefois eu des séquelles à la suite de l’événement.

[61]           Le juge devait donc s’écarter de ces précédents, considérant qu’il y avait en l’espèce une « certaine situation de confiance » et que la victime était âgée de 13 ans.

Le juge a-t-il sous-estimé la gravité intrinsèque des infractions?

[62]           La poursuivante plaide aussi que le juge aurait sous-estimé la gravité intrinsèque des crimes sexuels commis sur les enfants. Pour soutenir son affirmation, elle cite de longs passages de l’arrêt Friesen. Bien sûr, ce dernier est sans équivoque quant à la gravité des crimes sexuels commis sur les enfants. Mais rien dans cet arrêt n’affirme que tous les crimes à caractère sexuel qui touchent les enfants ou les adolescents et tous les contrevenants doivent être traités sans tenir compte des circonstances spécifiques à chacune des affaires. Les tribunaux doivent continuer à appliquer le principe de proportionnalité et à individualiser les peines.

La peine est-elle manifestement non indiquée?

[63]           La poursuivante estime que c’est le cas. L’erreur du juge quant à l’âge de la victime en serait le premier indice, tout comme le fait qu’il n’aurait pas tenu compte des conséquences sur la victime et sa famille. Ces circonstances feraient en sorte que le juge ne pouvait prononcer une peine au plus bas de la fourchette la plus clémente.

[64]           Compte tenu de l’arrêt Friesen, de l’erreur du juge quant à l’âge de la victime et de l’existence d’un certain lien de confiance, la peine est, de fait, non indiquée.

Quelle est la peine appropriée?

[65]           Bien que l’on puisse observer une augmentation relative des peines en matière d’infractions d’ordre sexuel contre des enfants depuis l’arrêt R. c. Friesen, une revue de la jurisprudence rendue par la Cour du Québec et la Cour supérieure montre encore une grande disparité des sanctions. Des peines allant de l’emprisonnement avec sursis[25] à six ans d’emprisonnement, en passant par des peines d’emprisonnement discontinues, ont été prononcées récemment[26]. Plusieurs de ces décisions touchent de très jeunes enfants. Peu de ces dossiers concernent toutefois des circonstances similaires aux nôtres.

[66]           Dans R. c. Perron[27], notre Cour a estimé que la fourchette des peines en matière de contacts sexuels et incitation à des contacts sexuels se situait entre 3 et 48 mois.

[67]           Les professeurs Parent et Desrosiers retiennent d’ailleurs que : « [l]es contacts sexuels donnent généralement lieu à des peines de quelques mois de prison à 4 ans d’emprisonnement environ ». Ils notent que des pointes supérieures allant de 4 à 6 ans et plus peuvent être observées[28].

[68]           En soi, cela n’est pas surprenant car les infractions de contacts sexuels et d’incitation à des contacts sexuels couvrent une très vaste gamme de comportements, allant du jeune de 19 ans qui incite une adolescente de 13 ans à avoir des contacts sexuels, au proxénète imposant des relations sexuelles dégradantes à une adolescente, au pédophile invétéré, au parent qui commet l’inceste et au prédateur sexuel, le tout, sur des périodes plus ou moins longues, avec ou sans abus d’autorité ou manipulation. L’âge des victimes et des délinquants constitue aussi un facteur très variable. Et tout cela, dans des contextes où les conséquences pour la victime peuvent être très différentes de l’une à l’autre.

[69]           Il découle de cette multitude de situations la nécessité d’examiner plusieurs critères lors de la détermination de la peine.

[70]           Dans l’arrêt de principe en matière de contacts sexuels donnant lieu à une peine de courte durée, R. c. Morasse[29], la Cour reprend huit critères à examiner : 1) l’usage de menace, violence, contrainte psychologique, manipulation; 2) fréquence et durée des infractions; 3) situation d’abus de confiance ou d’autorité; 4) désordres sous-jacents à la commission de l’infraction telles détresse psychologique, déviances, intoxication; 5) condamnations antérieures; 6) comportement postérieur dont implication dans un programme de traitement, potentiel de réadaptation, compassion à l’endroit des victimes, remords; 7) facteurs tels âge, intégration sociale et professionnelle, et 8) conséquences chez la victime.

[71]           En l’espèce, nous devons respecter certains des constats établis par le juge. Il n’y a eu ici aucune menace ou manipulation en l’espèce. Nous sommes en présence de deux contacts sexuels complets survenus en l’espace d’un mois. L’accusé ne souffrait d’aucun désordre d’ordre sexuel, mais plutôt d’une détresse psychologique momentanée. Il était sans antécédents judiciaires, s’est impliqué dans un traitement, a manifesté des remords et de la compassion à l’endroit de la victime et de sa famille. Il n’avait que 21 ans au moment des gestes. Il s’est repris en main et est supporté par sa communauté et sa famille, est soutien de famille et ne présente que peu de risque de récidive. Finalement, la victime, particulièrement mature pour son âge, ne démontre pas de séquelle, comme nous le verrons, et a indiqué clairement qu’elle ne veut pas que l’intimé soit emprisonné.

[72]           Dans la même foulée, l’arrêt Friesen met l’accent sur l’importance de prendre en compte les sévices physiques et psychologiques, visibles ou non, considérant la violence intrinsèque qu’ont les gestes d’abus à l’endroit des enfants et des adolescents, même lorsque les gestes sont non coercitifs. Il faut aussi garder à l’esprit qu’il peut y avoir un préjudice non apparent.

[73]           Le degré de vulnérabilité de la victime, la manipulation exercée, l’âge de l’adulte et les différentes circonstances de l’affaire feront en sorte que les séquelles de l’abus sexuel seront plus ou moins grandes et varieront nécessairement d’une affaire à l’autre :

[85] Dans la mesure du possible, les tribunaux doivent tenir compte du préjudice réel qu’une victime en particulier a subi par suite de l’infraction. Ce préjudice résultant de l’infraction est un facteur déterminant en ce qui a trait à la gravité de l’infraction (voir M. (C.A.), par. 80). Il existe souvent des preuves directes d’un préjudice réel. Plus précisément, les déclarations des victimes, y compris celles faites par les parents et gardiennes et gardiens de l’enfant, constituent habituellement la [traduction] « meilleure preuve » du préjudice subi par la victime (R. c. Gabriel (1999), 137 C.C.C. (3d) 1 (C.S.J. Ont.), p. 11). Les poursuivants devraient s’assurer de présenter un dossier de preuve suffisamment étoffé au tribunal afin que ce dernier puisse adéquatement évaluer [traduction] « le préjudice causé à l’enfant par la conduite du délinquant ainsi que les conséquences dévastatrices qui peuvent découler et qui découlent souvent d’une telle conduite » (Woodward, par. 76).

[86] Lorsqu’il n’existe pas de preuve directe du préjudice réel causé à l’enfant, les tribunaux devraient utiliser le préjudice subi par l’enfant comme un prisme au moyen duquel ils analysent l’importance de nombreux facteurs aggravants en particulier. Les tribunaux peuvent être en mesure de conclure à l’existence d’un préjudice réel sur la foi de nombreuses circonstances factuelles qui peuvent causer un préjudice additionnel et constituer des facteurs aggravants de la violence sexuelle à l’égard des enfants, par exemple un abus de confiance, la manipulation psychologique, les multiples épisodes de violence sexuelle et le jeune âge de l’enfant. Nous insistons pour dire qu’une preuve directe émanant des enfants ou de leurs gardiens euxmêmes n’est pas nécessaire pour que le tribunal arrive à la conclusion que des enfants ont subi un réel préjudice par suite de la violence sexuelle. Bien entendu, nous ne prétendons pas que le préjudice subi par l’enfant est le seul prisme à l’aide duquel on peut évaluer les facteurs aggravants.[30]

[74]           La Cour vient de rappeler dans R. c. H. V.[31], suivant en cela les enseignements de Friesen, qu’il convient de ne pas hiérarchiser les actes physiques, mais qu’il faut plutôt examiner la preuve particularisée du tort causé à la victime :

[47] Nous ne souscrivons pas à l’argument des appelants selon lequel il faut mettre complètement de côté le cas hypothétique présenté dans Hood pour cette raison. En effet, même en omettant la référence à du « fondling », celui-ci offre un exemple d’un comportement moins blâmable que celui décrit dans Rayo, par exemple. La Cour suprême dans Friesen rejette la théorie qu'il existerait une « hiérarchie des actes physiques » en matière d'agressions sexuelles et invite ainsi les cours à plutôt regarder le tort causé à la victime[32]. Bien que nous reconnaissions le tort inhérent que comprend l'infraction sexuelle et que nous condamnions fortement ces actes, il n'y a pas, en l'espèce, de preuve particularisée du tort causé à la victime.

[Soulignement ajouté]

[75]           En l’espèce, le juge retient le témoignage de la victime, rendu deux ans après les faits, ce qui constitue la meilleure preuve du préjudice réel subi[33]. Comme le souligne le juge, les événements ont eu un effet sur sa confiance en elle. Sur le moment, elle s’est sentie trahie par certains mensonges de l’intimé et l’on comprend que l’intimé lui a caché l’existence de son enfant en Colombie. Aussi, le juge souligne le fait que la victime ne veut pas que l’intimé aille en prison[34]. Le témoignage de la victime sur ce point est éloquent.

[76]           Il est d’ailleurs à propos de souligner les observations de la poursuivante quant aux conséquences des infractions sur la victime :

Pour ce qui est des conséquences des infractions sur la victime, je vais vous référer à la preuve qui a été administrée plus tôt par le ministère public tout en vous disant que je sens que…je sens que [la victime] est une personne quand même forte, très mature et qui a beaucoup réfléchi à la situation. Je voudrais pas qu’on…je voudrais pas qu’on pense que de par ses traits de caractère il n’y a pas de conséquences véritables qui ont été vécues par elle.

On comprend que de par sa maturité, elle a su bien gérer les conséquences qui ont pu découler de ce qui…qui ont pu découler des gestes qui ont été commis. Elle est quand même très réaliste également de par…de par ses décisions à elle dans cette relation.

[77]           De fait, la preuve démontre que la victime a poursuivi ses études avec beaucoup de succès, qu’elle entretient une relation amoureuse tout à fait normale au moment de l’audience sur la peine et que sa vie poursuit son cours. Elle n’est pas dans une situation que l’on rencontre souvent chez plusieurs victimes d’agression sexuelle aux prises avec de nombreux traumatismes souvent permanents.

[78]           Il faut écouter les victimes.

[79]           Écouter les victimes implique que, dans chacun des dossiers, le juge écoute la version des faits de la victime, écoute ce qu’elle a à dire sur l’affaire et tienne compte de ses traumatismes. C’est ce que le juge a fait en l’espèce.

[80]           Par ailleurs, même dans les cas, comme en l’espèce, où le législateur prévoit que les objectifs de dénonciation et de dissuasion doivent être priorisés, un poids significatif peut être accordé à d’autres facteurs comme la réinsertion sociale, pour en arriver à une peine juste et proportionnelle à la gravité de l’infraction et à la responsabilité du délinquant[35]. La réhabilitation demeure un élément important de la pénologie au Canada. Cet objectif participe, avec la réparation et la responsabilisation, de la réalisation du principe de modération dans la détermination de la peine. Il « fait partie des valeurs morales fondamentales qui distinguent la société canadienne de nombreuses autres nations du monde et il guide les tribunaux dans la recherche d’une peine juste et appropriée »[36].

[81]           Encore récemment, dans R. c. Bissonnette[37], la Cour suprême rappelle l’importance de cet objectif :

[48] Enfin, l’objectif de réinsertion sociale vise à réformer le contrevenant en vue de sa réintégration dans la société, afin qu’il devienne un citoyen respectueux des lois. Cet objectif pénologique présuppose chez l’individu une capacité de prendre sa vie en main et de s’améliorer, avec pour conséquence ultime une meilleure protection de la société. Les auteurs M. Manning et P. Sankoff soulignent que la réhabilitation [TRADUCTION] « constitue probablement à long terme la solution la plus économique sur le plan financier et l’objectif pénologique le plus humain ». Dans ce même ordre d’idées, je réitère, comme je l’ai affirmé dans l’arrêt R. c. Lacasse, que « [c]et objectif fait partie des valeurs morales fondamentales qui distinguent la société canadienne de nombreuses autres nations du monde ».

[49]  L’importance relative de chacun des objectifs de la peine varie selon la nature du crime et les particularités du contrevenant. Il n’existe aucune formule mathématique permettant de déterminer ce qui constitue une peine juste et appropriée. C’est pourquoi notre Cour a décrit la détermination de la peine comme un « art délicat, où l’on tente de doser soigneusement les divers objectifs sociétaux de la détermination de la peine, eu égard à la culpabilité morale du délinquant et aux circonstances de l’infraction, tout en ne perdant jamais de vue les besoins de la communauté et les conditions qui y règnent ».

[50]  Cependant, la détermination de la peine doit en toutes circonstances être guidée par le principe cardinal de la proportionnalité. La peine doit être suffisamment sévère pour dénoncer l’infraction, sans excéder « ce qui est juste et approprié compte tenu de la culpabilité morale du délinquant et de la gravité de l’infraction ». La proportionnalité des peines est considérée comme un facteur essentiel au maintien de la confiance du public dans l’équité et la rationalité du système de justice pénal et criminel. L’application de ce principe permet d’assurer au public que le contrevenant mérite la punition qui lui a été infligée.

[Renvois omis]

[82]           En l’espèce, il convient de rappeler que la peine est accompagnée d’autres ordonnances, dont une probation de deux ans qui comporte son lot de contraintes[38] et que les autres ordonnances imposées par la loi[39] comportent des stigmates indéniables : inscription à vie au registre des délinquants sexuels et prélèvement de substances corporelles pour analyse génétique. Ces ordonnances sont une conséquence de la peine prononcée et « permettent, avec la peine d’emprisonnement proprement dite, d’atteindre l’objectif de dénonciation et de dissuasion visé par le législateur à l’article 718.01 C.cr. »[40].

[83]           Ainsi, le délinquant primaire qui présente un faible risque de récidive ne doit pas être puni de la même façon que le prédateur sexuel, pédophile ou le proxénète. Il faudra toujours tenir compte de toutes les circonstances d’une affaire et de l’important critère de proportionnalité[41].

[84]           Dans la présente affaire, toute la preuve indique que la réhabilitation de l’intimé était acquise au moment du prononcé de la peine.

[85]           Certes, les infractions en jeu sont graves et méritent que nos tribunaux les dénoncent en imposant des peines qui reflètent leur caractère intrinsèquement répréhensible.

[86]           Par contre, les facteurs atténuants sont ici nombreux : le jeune âge de l’intimé au moment des événements, l’absence d’antécédents judiciaires, sa participation à neuf séances de thérapie, le faible risque de récidive qu’il représente, l’expression de regrets et d’empathie pour la victime, le fait qu’il soit un actif pour la société, le respect intégral de ses conditions et le soutien de son entourage[42]. On peut aussi noter que la rédactrice du rapport présentenciel conclut à un « passage à l'acte [qui] apparaît isolé et circonstanciel à un épisode de vie désorganisée et fragile »[43].

[87]           Finalement, il est utile de rappeler la mise en garde de la professeure Julie Desrosiers et de sa coautrice de ne pas stigmatiser les accusés au point de leur nier toute possibilité de réhabilitation :

Or, nous le savons, une minorité de crimes sexuels est dénoncée aux autorités et, dans la majorité des cas, ils sont commis par des hommes qui font partie de l’entourage immédiat de la victime. Par ailleurs, les données disponibles suggèrent que les agresseurs sexuels condamnés récidivent moins que la population criminelle générale. Leurs crimes doivent, à n’en pas douter, être dénoncés et sanctionnés avec une sévérité qui témoigne de la gravité de l’atteinte à l’intégrité physique et émotionnelle de leurs victimes. Mais dans cet élan dénonciateur, il faut prendre garde de ne pas les stigmatiser au point de leur nier toute possibilité de réhabilitation. Pour le système juridique, ce risque existe tout autant que celui de ne pas entendre les victimes.[44]

[88]           Tenant compte de toutes les circonstances, j’estime que la peine globale appropriée doit être de six mois d’emprisonnement.

La peine minimale de l’alinéa 152a) C.cr. est-elle applicable?

[89]           Comme la peine minimale d’une année pour l’infraction de contacts sexuels prévue à l’alinéa 151a) C.cr. est inconstitutionnelle[45], il n’y a pas lieu de faire l’exercice prévu dans R. c. Nur[46] et d’évaluer s’il existe une disproportion entre la peine de six mois et la peine minimale.

[90]           Par ailleurs, il y a lieu de confirmer la conclusion du juge qui déclare la peine minimale d’un an d’emprisonnement prévue à l’alinéa 152a) C.cr. inopérante à l’égard de l’intimé. Non seulement le requérant PGQ a décliné l’invitation de faire des observations sur le sujet en première instance, mais, en l’espèce, il serait incongru de rendre une peine différente pour l‘infraction d’incitation à avoir des contacts sexuels de celle prévue à l’article 151a) C.cr. (contacts sexuels).

[91]           Plus encore, l’exercice en trois étapes que nous commandent les arrêts R. c. Nur[47] et R. c. Lloyd[48] conduit à affirmer qu’une différence de six mois entre la peine minimale de douze mois et la peine que doit purger l’intimé a pour effet de rendre la peine minimale exagérément disproportionnée.

[92]           Rappelons que la première étape consiste à déterminer ce qui constituerait une peine proportionnée à l’infraction eu égard aux objectifs et aux principes de détermination de la peine établis par le Code criminel.

[93]           Deuxièmement, il y a lieu de décider si la disposition contraint à l’infliction d’une peine totalement disproportionnée, voire exagérément disproportionnée quant au contrevenant. Il est utile de reprendre les propos de la juge en chef McLachlin dans R. c. Lloyd sur ce que signifie ce critère :

[24] La Cour place la barre haute lorsquil sagit de savoir si une peine constitue une peine cruelle et inusitée. Pour quelle soit « exagérément disproportionnée », la peine ne peut être simplement excessive. Elle doit être « excessive au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine », de même qu« odieuse ou intolérable » socialement (Smith, p. 1072, citant Miller c. La Reine, [1977] 2 R.C.S. 680, p. 688; Morrisey, par. 26; R. c. Ferguson, 2008 CSC 6, [2008] 1 R.C.S. 96, par. 14). Plus la variété des comportements et des circonstances qui font encourir la peine minimale obligatoire est grande, plus cette peine est susceptible dêtre infligée à des délinquants pour lesquels elle est exagérément disproportionnée.[49]

[Renvois omis]

[94]           Puisqu’une peine globale de six mois d’emprisonnement aurait dû être imposée, la peine minimale d’un an d’emprisonnement prévue à l’alinéa 152a) C.cr. est exagérément disproportionnée à l’endroit de l’intimé, compte tenu des circonstances particulières de la présente affaire. L’infliction d’une peine d’emprisonnement deux fois plus longue que ce qui est approprié ne saurait être tolérée en l’espèce.

[95]           Ainsi, même si aucune formule mathématique ne s’applique, il faut néanmoins rappeler qu’« on ne peut infliger à une personne une peine totalement disproportionnée à la seule fin de dissuader ses concitoyens de désobéir à la loi »[50].

[96]           En l’espèce, il y a une telle disproportion, en ce que la peine minimale ferait passer du simple au double la peine imposée. Compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire, dont le fait que la victime affirme ne pas avoir subi de séquelles importantes et ne pas vouloir que l’intimé aille en prison, il serait exagérément disproportionné  d’imposer une peine de 12 mois à l’intimé sur le chef d’incitation à des contacts sexuels, d’autant plus alors qu’il se verrait alors imposer une peine de 6 mois sur le chef de contacts sexuels.

[97]           Par ailleurs et en guise d’exemples, dans quatre affaires différentes[51], les tribunaux canadiens ont décidé que d’imposer une peine minimale de 12 mois alors que la peine appropriée serait de 6 mois constitue une peine cruelle et inusitée.

[98]           Sans avoir à examiner des situations hypothétiques ni même à nous prononcer sur la constitutionnalité de cette peine minimale (le débat n’ayant porté que sur son applicabilité constitutionnelle), il suffira de souligner de nouveau que l’infraction d’incitation à des contacts sexuels touche une variété très grande de comportements, dans des circonstances encore plus diverses. À titre d’exemple seulement, la peine pourrait s’appliquer à un jeune homme de 19 ans qui demande à une jeune fille de 13 ans de le toucher, sans qu’il y ait de suite.

[99]           Finalement, la troisième étape, celle de savoir si la violation peut se justifier par l’article premier, soulignons qu’aucune preuve ou observation n’a été faite sur ce point.

[100]      Il y a donc lieu de conclure que la peine minimale prévue à l’alinéa 152a) C.cr. est inapplicable en l’espèce.

Doit-on ordonner la réincarcération de l’intimé?

[101]      L’intimé soutient que d’ordonner sa réincarcération créerait une injustice et saperait ses efforts de réinsertion sociale. Je suis d’accord.

[102]      La Cour possède le pouvoir, à être exercé de façon exceptionnelle faut-il le préciser, d’ordonner le sursis d’une ordonnance de réincarcération. Les principes à cet égard se résument ainsi :

[108]  Dans l’arrêt K.F. c. R., notre Cour écrit que « [l]e pouvoir de surseoir à l’exécution d’une mesure d’incarcération, par ailleurs appropriée, peut s’exercer lorsque la réincarcération du délinquant causerait une injustice, ce qui n’est généralement le cas que lorsque la peine d’emprisonnement prononcée en première instance est entièrement ou presque entièrement purgée au moment où la cour d’appel y substitue une peine plus sévère à la suite d’un appel du ministère public ».

[109]  Ce pouvoir doit rester exceptionnel, de manière à ne pas compromettre l’intégrité du processus de détermination de la peine. Il s’agit  d’un tempérament qui peut trouver application lorsqu’une cour d’appel accueille l’appel du ministère public pour imposer, changer les modalités ou allonger une peine d’incarcération pour des questions de principe, mais que de telles mesures ont un impact démesuré sur le délinquant alors que sa peine a été ou est presque complètement purgée.

[110]  Dans l’arrêt R. c. Veysey, la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a dégagé les facteurs non limitatifs suivants qu’une cour d’appel peut prendre en considération en évaluant cette question : (1) la gravité de l’infraction pour laquelle le délinquant a été condamné; (2) la période de temps qui s’est écoulée entre le moment où le délinquant a recouvré sa liberté et la date à laquelle la cour entend et tranche l’appel sur la peine; (3) la question de savoir si des retards quelconques sont imputables à l’une ou l’autre des parties; et (4) l’incidence de la réincarcération sur la réadaptation du délinquant. Ces facteurs ont été considérés par notre Cour dans plusieurs arrêts.[52]

[Renvois omis]

[103]      Bien qu’il s’agisse d’un pouvoir exceptionnel, il est opportun que la Cour l’exerce compte tenu des circonstances particulières du présent dossier.

[104]      Il est vrai que les infractions commises sont graves, comme discuté précédemment. Par contre, il s’est écoulé plusieurs mois depuis la fin de l’incarcération de l’intimé. Finalement, il semble évident que la réhabilitation de l’intimé est en grande partie acquise. À cet égard, le rapport présentenciel indique ce qui suit :

Depuis son arrestation, l'intimé a apporté différents changements positifs dans sa vie. Il a obtenu un diplôme professionnel et travaille maintenant dans son domaine d'études. Il évolue dans une relation amoureuse harmonieuse et aidante, qui lui permet de développer l'affirmation de soi et la communication de ses émotions sans craindre le rejet. De plus, il maintient une abstinence au cannabis et une prise modérée de l'alcool. Finalement, il a un soutien social offrant une influence et un impact positif en termes de réinsertion sociale. Plusieurs de ces éléments peuvent agir comme facteurs de protection.[53]

[105]      Qui plus est, réincarcérer l’intimé aurait forcément des conséquences personnelles et familiales importantes :

[11] L’accusé est le principal pourvoyeur pour sa famille. Sa conjointe est présentement en arrêt de travail et a un jeune enfant. L’accusé supporte également son propre enfant et la mère de celui-ci qui résident toujours en Colombie.

[…]

[27] […] J’estime également qu’au niveau de la réhabilitation de l’accusé, il serait souhaitable de lui permettre de purger cette peine de façon discontinue afin qu’il puisse maintenir son emploi et demeurer un soutien utile pour sa famille. Une telle peine respecterait autant les principes de dissuasion et de dénonciation que l’individualisation et l’harmonisation des peines.[54]

[106]      À la lumière de ces considérations, je propose que la Cour accueille la requête pour permission d’appeler, accueille l’appel de la poursuivante, annule la peine infligée à l’intimé et lui substitue une peine de six mois d’emprisonnement, confirme que la peine minimale prévue à l’alinéa 152a) C.cr. est inapplicable à l’intimé et qu’elle sursoit à l’ordonnance de réincarcération de l’intimé.

[107]      Quant à l’appel du Procureur général du Québec, je propose qu’il soit rejeté.

 

 

 

 

DOMINIQUE BÉLANGER, J.C.A.


 

MOTIFS DU JUGE GAGNON

 

 

[108]      En première instance, l’intimé s’est vu infliger une peine de 90 jours d’emprisonnement à être purgée de manière discontinue pour avoir eu des contacts sexuels avec une enfant de 13 ans et pour l’avoir incité à de tels contacts.

[109]      Bien que je sois d’accord avec ma collègue la juge Bélanger pour infirmer la peine, je ne puis partager son analyse qui conduirait à une intervention de la Cour pour faire passer la durée de la détention de l’intimé de trois mois à six mois. J’estime qu’un tel résultat se conçoit difficilement au regard de la norme d’intervention pour une peine
– manifestement pas indiquée –. De plus, je considère que les faits de l’affaire commandent une plus grande sévérité au regard des objectifs prioritaires de dissuasion et de dénonciation applicables à la criminalité en cause.

[110]      Avec beaucoup d’égards pour le juge de première instance, je suis d’avis que son raisonnement est entaché par des erreurs de principe qui ont eu une incidence certaine sur la détermination de la peine.

[111]      La première erreur est de nature factuelle et, comme on le verra plus loin, elle s’avère déterminante. Le juge retient que la victime avait 15 ans lors des événements alors qu’elle était âgée de 13 ans.

[112]      Ensuite, le juge commet une erreur de droit au moment de discuter de la participation « active » de la victime à des « ébats » sexuels. Il en commet une autre en tempérant indûment la situation de confiance dans laquelle l’emploi de l’intimé le plaçait envers les enfants qui fréquentaient l’école dont il était le concierge. Il commet une troisième erreur de droit en minimisant l’abus de confiance et la manipulation dont la victime a été l’objet. Finalement, le juge se trompe en ne faisant pas primer dans son analyse les facteurs de dénonciation et de dissuasion[55] pour les crimes de nature sexuelle commis sur des enfants[56].

[113]      Le cumul de ces erreurs et l’infliction d’une peine manifestement pas indiquée obligent à revoir la preuve aux fins de déterminer une peine juste adaptée à la situation de l’intimé.

I)                    CONSIDÉRATIONS DE PRINCIPE

[114]      Il va de soi que je souscris aux objectifs et principes en matière de détermination de la peine énoncés par ma collègue la juge Bélanger. Mais je tiens à réitérer le message constant lancé par les tribunaux pour les crimes sexuels commis sur des enfants. L’obligation de protection à l’égard de ce groupe vulnérable ne doit souffrir d’aucun compromis dans la mesure où il exprime la répugnance ressentie par la collectivité à l’égard des atteintes à l’intégrité sexuelle des enfants.

[115]      Sur cette question, les énoncés de principe constamment repris par la jurisprudence ne se comptent plus. J’en reproduis quelques-uns, ne serait-ce que pour situer l’assise de ma position à l’égard de ce pourvoi :

[42] Protéger les enfants de l’exploitation illicite et du danger est l’objectif primordial du régime législatif créant les infractions d’ordre sexuel contre des enfants dans le Code criminel. Notre société est résolue à protéger les enfants et à assurer le respect de leurs droits et intérêts (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, par. 67). Tel que l’a mentionné la juge d’appel Otis dans R. c. L. (J.-J.), [1998] R.J.Q. 971 (C.A.), « la protection des enfants constitu[e] l’une des valeurs essentielles et pérennisées » de la société canadienne (p. 979). Il est donc essentiel dans une société libre et démocratique d’empêcher que les enfants soient victimes d’infractions d’ordre sexuel (R. c. Mills, 2019 CSC 22, par. 23).

[]

[65]  La protection des enfants est l’une des valeurs les plus fondamentales de la société canadienne. La violence sexuelle contre des enfants est particulièrement répréhensible parce qu’elle représente tout le contraire de cette valeur. […]

[66] Les enfants sont les plus vulnérables et en danger chez eux et auprès des personnes en qui ils ont confiance (Sharpe, par. 215, les juges L’HeureuxDubé, Gonthier et Bastarache; K.R.J., par. 153, le juge Brown). […]

[…]

[76] Les tribunaux doivent infliger des peines correspondant à la gravité des infractions d’ordre sexuel commises contre des enfants. Il ne leur suffit pas de déclarer que de telles infractions sont graves. La peine infligée doit refléter le caractère normatif des actes du délinquant et les torts qu’ils causent aux enfants, à leurs familles, à leurs gardiens et à leurs collectivités (voir M. (C.A.), par. 80; R. c. Morrisey, 2000 CSC 39, [2000] 2 R.C.S. 90, par. 35). […].

[95] Le législateur a reconnu les torts immenses causés par les infractions d’ordre sexuel contre des enfants et décidé que les peines infligées pour ces infractions doivent être alourdies afin de correspondre à l’opinion qu’il se fait de leur gravité. […][57]

[Soulignements ajoutés]

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[64] Comme le juge Rowe le souligne dans R. c. Friesen, le choix du Parlement de privilégier la dénonciation et la dissuasion pour les infractions d’ordre sexuel contre des enfants est une réponse sensée au caractère répréhensible de ces infractions et aux graves préjudices qu’elles causent. L’objectif de dénonciation témoigne, notamment, d’un rôle de communication et d’éducation du droit, lequel reflète des valeurs auxquelles adhèrent les Canadiens et qui servent à exprimer la dénonciation envers l’atteinte au code des valeurs fondamentales de notre
société, lesquelles valeurs comprennent la protection des enfants contre les prédateurs.[58]

[Soulignement ajouté]

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[35] Dans ce cadre, il faut néanmoins que le juge respecte les directives législatives comme celle qu'énonce l'article 718.01 C.cr., adopté en 2005. Selon cette disposition, lorsque l'infraction constitue un mauvais traitement à l'endroit d'une personne âgée de moins de 18 ans au sens de l'alinéa 718.2(a)ii.1) (ce qui est le cas de l'infraction commise en violation de l'article 151 C.cr.), le juge doit accorder une "attention particulière aux objectifs de dénonciation et de dissuasion d'un tel comportement" ("primary consideration to the objectives of denunciation and deterrence of such conduct"). Le législateur consacre ainsi un principe dont les raisons sous-jacentes, déjà reconnues par la jurisprudence antérieure, sont bien expliquées, par exemple, dans R. c. L. (J.-J.), [1998] J.Q. no 755 :

Il est des crimes qui témoignent des valeurs protégées par une collectivité humaine à un moment déterminé de son histoire et qui, à la faveur de l'évolution des sociétés, deviennent finalement périmés. Il en va différemment des crimes d'ordre sexuel commis sur des enfants en bas âge. Même avant que des lois pénales répressives ne sanctionnent ces délits, la protection des enfants constituait l'une des valeurs essentielles et pérennisées par la plupart des sociétés organisées. La fragmentation de la personnalité d'un enfant à l'époque où son organisation naissante ne laisse voir qu'une structure défensive très fragile, engendrera - à long terme - la souffrance, la détresse et la perte d'estime de soi. S'il est une intolérance dont une société saine ne doive jamais s'émanciper, c'est bien celle qui concerne les abus sexuels commis sur de jeunes enfants.

[36] Ces propos sont largement transposables aux adolescents qui, pour n'être plus des bambins, n'en sont pas moins, eux aussi, des personnes vulnérables, à une étape cruciale de leur développement personnel. Leur vulnérabilité réside souvent dans le fait qu'ils paraissent consentir, désirer, s'abandonner même aux abus perpétrés sur leur personne, ce qui en fait des victimes idéales, qui ne résistent pas à l'emprise qu'on exerce sur eux. On ne compte plus les adolescents ou adolescentes, par exemple, qui s'amourachent d'un professeur, d'un entraîneur ou autre personne faisant figure de mentor, et c'est précisément de cette attirance, qui accroît leur fragilité, que les adultes ne peuvent pas et n'ont pas le droit de profiter. L'article 718.01 C.cr. commande donc qu'une attention particulière ("primary consideration") soit, dans leur cas comme dans celui des petits enfants, portée à l'objectif de dénonciation et de dissuasion.[59]

[Soulignements ajoutés]

———————————————————

[60] Devant toutes ces circonstances, la Cour trouve applicables les conclusions de nos collègues dans G.L. c. R. selon lesquelles "en l'espèce la peine doit viser plus spécifiquement "les objectifs de dénonciation, d'exemplarité collective, de dissuasion individuelle et de conscientisation personnelle." Il y lieu aussi, comme nos collègues l'ont fait, de tenir compte du principe "[qu']en regard des infractions contre les enfants [...] la protection des enfants représente l'une des valeurs essentielles des sociétés organisées [...].". À cet égard, les efforts de réhabilitation entrepris par l'intimé après son arrestation ne suffisent pas à écarter ou à atténuer l'importance et la gravité de ses gestes, ni à atteindre les objectifs de dénonciation et de dissuasion.[60]

[Soulignement ajouté]

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[35] Deterrence and denunciation are of prime importance for offences involving a sexual assault of a child: see the Criminal Code, R.S.C. 1985, c. C-46, s. 718.01; Friesen, at paras. 101-105. Sentences for such offences should be strict. Factors justifying longer sentences include conduct found to be "grooming", as well as the degree of physical interference with the victim's bodily integrity: Friesen, at paras. 125, 138, 153.[61]

[Soulignement ajouté]

II)                 LES FAITS

[116]      Les faits de l’affaire impliquent un adulte de 21 ans au moment des événements. Il est un des concierges de l’école fréquentée par la victime alors âgée de 13 ans. Après s’être assuré de l’absence de ses parents lors d’une seconde visite au domicile de la victime, l’intimé s’y retrouve avec cette dernière. Il l’embrasse, la caresse et elle lui fait une fellation[62]. S’ensuit une relation sexuelle complète. Il s’agit d’une première expérience de ce genre pour la victime[63]. Une quatrième visite de l’intimé au domicile de la victime donnera lieu à une deuxième relation sexuelle complète.

[117]      Après un procès lors duquel la version de l’intimé a été jugée non crédible[64] et qu’elle « ne t[enait] tout simplement pas la route »[65], il a été déclaré coupable de contacts sexuels sur un enfant âgé de moins de 16 ans (art. 151 C.cr.) et d’incitation à des contacts sexuels (art. 152 C.cr.). Ces crimes ont conduit à l’infliction d’une peine globale discontinue de trois mois.

[118]      Cette affaire me donne l’occasion de réitérer l’importance que la société en général et les tribunaux en particulier ont toujours accordée à la protection des enfants et le besoin d’harmoniser les peines en fonction de cette conception sociétale, comme nous y invite d’ailleurs l’arrêt Friesen[66].

[119]      Je passe maintenant à l’analyse proprement dite.

III)               LES ASPECTS PROBLÉMATIQUES DE LA SENTENCE

i)                    L’âge de la victime

[120]        Le juge retient que la victime était âgée de 15 ans au moment des événements alors qu’elle en avait 13. L’intimé reconnaît d’emblée cette erreur de fait, mais ne l’estime pas déterminante. Il a tort.

[121]      Dans la section de la sentence intitulée « LES FACTEURS À CONSIDÉRER », le juge écrit que la victime « indique qu’il est plus commun en Colombie de voir des relations entre des filles de 15 à 16 ans et des garçons de 20 à 25 ans »[67].

[122]      Ce passage n’est pas anodin et fait voir l’effet pernicieux de l’erreur du juge sur la détermination de la peine. L’âge de 15 ans erronément attribué à la victime correspondrait, de l’avis du juge, à celui de ces autres enfants vivant dans son pays d’origine qui ont eu le malheur de fréquenter des adultes peu soucieux de la protection des mineurs.

[123]      Tout d’abord, la responsabilité morale de l’intimé et les torts subis par la victime ne peuvent être atténués en raison de ses origines, cela va de soi :

« [C]ultural norms that condone or tolerate conduct contrary to Canadian criminal law must not be considered a mitigating factor on sentencing »[68].

[124]      Ensuite, il me semble que ce passage de la sentence ne reflète pas le véritable sens du témoignage de la victime. Cette dernière n’a jamais déclaré que, dans son pays d’origine, il était commun pour les hommes adultes d’entretenir des relations avec des enfants de 15 ans. Voici plutôt ce que la victime est venue dire sur cette question lors de l’audition sur la peine :

Q. Et j’ai une autre question. On a parlé… En fait, en Colombie, la situation que t’as vécue ici, ça se passe comment?

R. Je vous dirais c’est assez fréquent. Les lois sont établies, mais personne les respecte. Donc je pourrais dire c’est donc pour ça que les gens qui viennent d’un autre pays, qui viennent faire les affaires ici, qui pensent qu’on va jamais les avoir, mais c’est tout à fait le contraire. C’est ça, c’est les adultes qui fréquentent des jeunes filles, on dirait qu’il y a rien qui se passe. Vu que les gens respectent pas les lois et les autorités sont pas si fréquentes là-dessus.

Donc c’est ça les situations, les filles de quinze (15), seize (16) ans enceintes, qui ont des conjoints de vingt (20), vingt-cinq (25), qui sont souvent laissées toutes seules à cause que c’était quand même des fréquentations juste sexuelles, après ça on les laisse avec leurs enfants. C’est assez fréquent je vous dirais. Donc je trouve ça fait un lien peut-être de sa part. Ça ne… ça n’enlève pas la faute de ce qu’il a fait.[69]

[Soulignement ajouté]

[125]      Comme on le constate, cet extrait renvoie plutôt à l’abandon des jeunes filles de 15 ou 16 ans avec leurs enfants à la suite de « fréquentations juste sexuelles » avec des adultes. Or, ce phénomène n’est particulier à aucune société. De toute façon, la victime n’est pas allée jusqu’à dire que ce type de comportement était « commun » à l’égard des enfants de 13 ans.

[126]      Finalement, le facteur de l’âge constitue une considération importante dans le raisonnement du juge au moment où il écarte le jugement Chamberland[70] comme précédent applicable à la situation de l’intimé. Il écrit :

[25]  La poursuite estime qu’il s’agit ici d’un cas plus grave, ce avec quoi je suis en désaccord. J’estime que la relation de confiance et la différence d’âge entre l’accusé et la victime [âgée de 15 ans] dans l’affaire Chamberland justifiaient la peine imposée par ma collègue. Ces deux éléments sont absents dans la présente affaire. […][71].

[127]      La différence entre 13 et 15 ans est capitale à ce stade du développement d’un enfant pour apprécier sa vulnérabilité. En l’espèce, l’écart d’âge entre l’intimé et la victime devait notamment être considéré selon la vulnérabilité d’une enfant de 13 ans plutôt que de 15 ans, compte tenu du rapport de force inégal existant entre ces deux personnes.

[128]      En somme, j’estime que l’erreur du juge dans l’appréciation de l’âge de la victime a joué un rôle déterminant en plaçant celle-ci à l’aube du consentement légal alors qu’elle était plutôt au seuil de son adolescence.

[129]      J’ajoute que les sentiments de la victime envers l’intimé se sont développés en raison de contacts à l’école plus ou moins directs qui se sont étendus sur une période de près d’un an avant la commission des actes criminels en cause[72]. Les circonstances évolutives à l’origine de la criminalité de l’intimé étaient donc déjà bien en place avant que la victime atteigne la fin de ses 13 ans.

[130]      Il s’ensuit que la culpabilité morale de l’intimé est accentuée en raison de la grande vulnérabilité d’une enfant de 13 ans, ce qui constitue un facteur aggravant significatif[73].

ii)                  La participation de la victime

[131]      La poursuivante a plaidé que les motifs du juge sont insuffisants. Ma collègue la juge Bélanger rejette cet argument, étant plutôt d’avis que la sentence est suffisamment motivée pour en permettre un examen valable en appel. Je suis d’accord avec ma collègue sur ce point.

[132]      Il faut toutefois admettre que la sentence est rédigée de façon succincte et que le juge se contente d’aller à l’essentiel. C’est précisément en raison de cette économie de mots que ceux employés dans la sentence doivent nécessairement porter à conséquence. Or, dans la partie introductive de sa décision, le juge écrit :

[2] […] À deux reprises, lors de ces rencontres, qui sont au nombre de trois ou quatre, il y a des contacts de nature sexuelle entre les deux. La victime est une participante active à ces ébats, reconnaissant même que l’accusé lui a demandé de lui dire s’il y a des choses qu’elle ne voulait pas faire. Elle est âgée de 15 ans au moment des évènements.[74]

[Soulignement ajouté]

[133]      L’arrêt Friesen assimile à une erreur de droit le fait de considérer la participation de la victime aux fins de la détermination de la peine :

[150] Tout en reconnaissant que la participation de la victime n’est pas un facteur atténuant, certaines cours l’ont néanmoins jugée pertinente pour déterminer la peine appropriée (voir Scofield, par. 39; Caron Barrette, par. 56). Il s’agit d’une erreur de droit : ce facteur n’est pas pertinent en droit lors de la détermination de la peine. La participation d’une victime peut coïncider avec l’absence de certains facteurs aggravants, comme la violence supplémentaire ou la perte de conscience. En clair, l’absence de facteur aggravant ne constitue pas un facteur atténuant.[75]

[Soulignement ajouté]

[134]      Si le juge avait clairement indiqué dans la sentence que la participation de la victime n’était pas une considération pertinente, il aurait été possible d’écarter ce passage de l’analyse comme étant une simple narration des faits, par ailleurs inutile. Cependant, la référence ultérieure du juge à l’idée selon laquelle il « est plus commun en Colombie de voir des relations entre des filles de 15 et 16 ans et des garçons de 20 à 25 ans »[76] démontre à l’évidence le poids considérable accordé au comportement de la victime aux fins de fixer la peine.

[135]      De plus, les propos du juge tendent à minimiser le caractère répréhensible des gestes de l’intimé et assimilent l’attitude prétendument participative de la victime à une forme de consentement de la part d’une personne qui n’est pas en âge de consentir. L'utilisation du mot « ébats » pour décrire ce qui s'est passé a précisément cet effet.

[136]      Cet extrait de la sentence ignore aussi l’obligation de protection à laquelle sont tenus les adultes envers les enfants, notamment en empêchant des rapports sexuels entre ces personnes[77]. Profiter de la vulnérabilité émotionnelle d’un enfant pour porter atteinte à son intégrité sexuelle constitue non seulement un facteur nettement aggravant, mais autorise aussi à ranger ce type d’agresseur dans la catégorie de ceux qui sollicitent directement leur victime[78].

[137]      Finalement, le même extrait se conçoit difficilement dans le contexte d’un verdict de culpabilité pour le crime d’incitation à des contacts sexuels. C’est l’intimé qui a incité la victime à des contacts sexuels et non l’inverse.

iii)                L’intimé était en situation de confiance

[138]      Le juge écrit :

[17]  […] Il existe une certaine situation d’abus de confiance puisque l’accusé était employé d’école, sans être quelqu’un qui avait une autorité directe sur la victime. […][79]

[Soulignement ajouté]

[139]      Plus loin dans la sentence, le juge distingue la situation de l’intimé avec celle décrite dans le jugement Chamberland en précisant que, dans cette affaire, l’accusé avait « un rôle évident d’autorité étant animateur au collège d’enseignement que fréquentait la victime »[80]. Finalement, il écarte de son raisonnement ce précédent notamment pour cette raison :

[25]  […] L’accusé était un jeune adulte au moment des évènements, n’avait pas de lien d’autorité sur la victime et ne tenait pas un rôle à l’école où la confiance était en jeu. […][81]

[Soulignement ajouté]

[140]      Ce passage s’avère infondé tant en droit qu’en vertu de la preuve admise.

[141]      Il ne fait aucun doute dans mon esprit que toute personne œuvrant dans le milieu scolaire et gravitant autour d’une clientèle composée essentiellement de personnes mineures devient de facto une personne en situation de confiance au même titre que l’est un gardien ou un animateur. En ce sens, un concierge régulièrement en contact avec des personnes mineures constitue une personne en situation de confiance pour ces enfants en ce qu’ils doivent pouvoir compter sur la bienveillance et la sollicitude de cet adulte si leur situation à l’école s’avérait compromise.

[142]      Cela dit, je reconnais d’emblée que la situation de confiance découlant du travail d’un concierge en milieu scolaire est généralement moindre que celle, par exemple, d’un enseignant. En cette matière, tout est une question de contexte. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que, dans la présente affaire, c’est justement le travail de l’intimé en milieu scolaire qui a été l’occasion d’abuser de la confiance d’une enfant[82]. Voici comment la victime décrit cette réalité :

Q. O.K. Tu l’as rencontré où?

R. À l’école.

Q. O.K. Dans quel contexte?

R. C’étaient les concierges de mon école, tout le monde les connaissait, puis c’était pas l’exception avec moi.

[]

R. Déjà eux ils ont leur nom, ça fait que c’est pas difficile. Puis, de plus, tout le monde leur parle, puis tout le monde avait confiance avec eux, j’étais pas la seule.

[]

Q. O.K. Puis, on parle de la même relation qu’il y a, c’est-à-dire, quand vous avez besoin de quelque chose, ils sont là pour vous aider…

R. Oui.

Q. ou vous donner un coup de main, peu importe là, je sais pas.

R.  Oui. Oui.

[]

R. Oui, parce que Sebastian il avait une confiance avec, je peux dire qu’avec plein d’élèves, j’étais pas la seul avec qui il y avait une confiance.

Q.  Quand tu dis : «Confiance», ça veut dire qu’il parlait à plusieurs personnes?

R. Il parlait à plusieurs personnes, puis pas mal toute l’école le connaissait.

Q. O.K. Donc, il était très populaire même s’il n’était pas un élève?

R. Oui.

[]

R. Parce que Sebastian était très populaire à l’école, je vous l’ai dit. Sebastian c’était pas mal la seule personne qui avait une confiance, il connaissait pas mal toutes les filles, toutes les filles l’aimaient, toutes les filles le connaissaient, puis il avait une confiance avec toutes les filles. Il parlait avec tous les gars, toutes les filles, il était quand même connu, j’étais pas la seule avec qui il parlait.[83]

[Soulignements ajoutés]

[143]      La situation de confiance reliée à la tâche de l’intimé ressort également du témoignage de la mère de la victime :

R. Elle [la victime] m’a dit qu’elle ne le savait pas. J’ai remarqué, bien j’ai souligné l’effet que si lui il travaillait à l’école, c’est qu’il était une personne majeure et qu’elle se rende compte qu’elle était encore une enfant; et qu’elle n’avait que treize (13) ans.[84]

[144]      Au fil du temps, la confiance de la victime envers l’intimé a progressivement évoluée au point de développer des sentiments envers ce dernier avec comme conséquence d’augmenter l’état de vulnérabilité émotionnelle de l’enfant :

Q, Dans la vidéo, tu fais référence à quelques reprises de la confiance que tu avais envers monsieur Londono, peux-tu nous décrire cette confiance-là?

R. Euh, à quel moment? Il y a deux différentes confiances que j’avais.

Q. O.K. Peux-tu nous les situer?

R. La première confiance complète totale, je me confiais totalement à lui, je pensais qu’il ne mentait pas, puis la deuxième c’est là où je me rends compte toutes les… les mensonges qu’il avait racontés ou qu’il n’avait pas dit, et que c’était un mensonge aussi. Et c’est là que je perds ma confiance, ça fait que c’est deux temps de confiance.

Q. O.K. Comment il a fait pour gagner ta confiance?

R. Euh… en me parlant doucement, des belles phrases, des beaux mots. Euh…

Q. As-tu des exemples de belles phrases ou de beaux mots?

R. «T’es belle. T’es gentille. Je m’entends bien avec toi ». Ça c’est des exemples.[85]

[Soulignements ajoutés]

[145]      Il est vrai qu’il ne faut pas confondre la vulnérabilité émotionnelle de la victime avec la position de confiance dans laquelle se trouvait l’appelant. Il n’en demeure pas moins que l’attitude délibérée de l’intimé envers la victime a conduit à l’exploitation de sa vulnérabilité. Quoi qu’il en soit, ce passage de l’arrêt de la Cour d'appel de l'Alberta dans l'affaire R v. EJB trouve ici application avec beaucoup de justesse :

[13] […] A person who is regarded by the parent or guardian of the child, and/or by the child, to be a responsible person, relied upon to do the right thing vis à vis the child, is generally in a position of trust.[86]

[146]      La jurisprudence enseigne aussi qu’un enfant souffrira sans doute encore plus lorsqu’un degré de confiance élevé s’installe entre lui et son agresseur[87].

[147]      Le juge commet donc une erreur de droit en concluant que l’intimé « ne tenait pas un rôle à l’école où la confiance était en jeu » et que la relation de confiance développée par ce dernier est « le fruit du hasard »[88]. À l’occasion de son travail, l’intimé a plutôt transformé le « hasard » en une occasion d’agir.

iv)                L’abus de confiance

[148]      Selon la narration des faits relatés par le juge, ce serait la victime qui aurait invité l’intimé chez elle[89]. À ce sujet, une mise en contexte s’impose dès maintenant.

[149]      Il importe de préciser les circonstances dans lesquelles la victime obtient le numéro de téléphone de l’intimé. Cela me semble nécessaire pour bien situer l’environnement dans lequel se produit la première rencontre. Voici comment la victime décrit les circonstances à l’origine de ses contacts avec l’intimé :

R. J’étais avec des amis, ils m’ont dit de faire ça, c’était une niaiserie d’enfant, je peux dire. J’étais avec deux de mes amis, ils m’ont dit : «Est-ce que t’es capable d’aller prendre son numéro?» je l’ai fait. Puis…

[]

Q. O.K. Mais, les filles dont tu parles, avec qui tu étais… qui t’ont demandé d’aller prendre son numéro, ils t’ont demandé d’aller le prendre pour quelles raisons?

R. Juste le prendre comme ça là, une niaiserie. Genre c’est pas pour une raison valable, genre, juste comme ça.

[]

R. Je lui ai demandé son numéro, je vous le répète, parce que mes amis m’avaient donné le défi d’aller lui demander son téléphone.[90]

[Soulignements ajoutés]

[150]      Elle ajoute :

Q. O.K. Puis, je comprends que peut-être vous parlez du fait que vous vouliez avoir son numéro pour lui parler, c’est ça? Est-ce que j’ai…

R. Bien dans le moment, je voulais pas lui parler

Q. Mais, t’es comme…

R. Mais, quand j’ai eu son numéro, je lui ai envoyé un Emoji, puis ça on peut les voir dans les convos, mais c’est lui qui a suivi la convo, puis mois aussi, j’ai continué à parler avec lui.[91]

[Soulignements ajoutés]

[151]      Or, contrairement à ce que laisse entendre le résumé de la situation fait par le juge, c’est l’intimé lui-même qui décide de tirer avantage de la situation en sollicitant la première rencontre :

R. Autant moi je lui écrivais, autant que lui. Mais, quand je me… quand je vous parle que c’est lui menait les conversations, je vous parle des conversations par rapport aux rencontres. La première rencontre c’est lui qui voulait la faire, c’est pas moi qui lui a demandé de venir, c’est lui qui s’est lui-même demandé, c’était pas moi. Puis, normalement les rencontres, après ça c’était moi, je l’avoue, mais la première c’était pas moi.[92]

[Soulignements ajoutés]

[152]      J’estime que cette preuve démontre clairement la mise en place progressive d’un processus conduisant à un abus de confiance dont la victime viendra décrire avec réalisme les effets préjudiciables lors du procès :

R. La première confiance complète totale, je me confiais totalement à lui, je pensais qu’il ne mentait pas, puis la deuxième c’est là où je me rends compte toutes les… les mensonges qu’il avait racontés ou qu’il n’avait pas dit, et que c’était un mensonge aussi. Et c’est là que je perds ma confiance, ça fait que c’est deux temps de confiance.

[]

R. Ça m’a déjà blessée, je me sentais coupable par rapport à ça, mais j’ai compris que c’était pas de ma faute totalement. J’ai agi tel qu’une fille qui se fait raconter des niaiseries, une fille qui était pas assez mature.

C’est sûr qu’à ce moment-là, tu te fais pas mal tourner la tête, puis c’est facile de t’influencer. Mais là, ce n’est plus le cas, puis là, j’ai compris que c’était pas de ma faute totalement, c’est lui l’adulte, c’est moi la jeune.[93]

[Soulignements ajoutés]

[153]      Ce sentiment d’avoir été abusée est à nouveau repris lors de son témoignage sur la peine :

R. C’est aussi envers moi. J’ai trouvé, à un moment donné, que je suis une personne qui valait pas la peine au début de cette situation à cause des événements que j’ai vécus comme… c’est ça, les mensonges ou tout ce qu’il m’a raconté qui était pas vrai. En plus si on met en relation l’âge que j’avais, ça aussi ça l’a eu un impact. Puis j’étais pas assez mature pour comprendre le fait… le fait de la situation puis le pourquoi il l’avait fait. Donc ça aussi ça l’a quand même influencé, je dirai, dans les aspects sociaux ça aussi.

Q. Et tu te sentais… T’as fait référence, dans ton témoignage, là, aux mensonges. Tu te sentais comment par rapport à ces mensonges-là?

R.  Je me sentais un petit peu trahie au début, comme je vous le disais à l’âge que j’avais à ce moment-là, c’était… je me sentais vulnérable, je me sentais trahie, je me sentais utilisée. C’est sûr que j’étais pas assez mature pour comprendre le pourquoi. Donc ça aussi ça l’a eu un impact, ça m’a… Je veux dire que j’aie touché un peu les endroits que je devais pas toucher à cet âge-là, donc ça m’a quand même touchée moralement et émotionnellement.[94]

[Soulignements ajoutés]

[154]      Dans les faits, la victime relate une opération de séduction d’une enfant émotivement vulnérable qui a cru au bon sentiment et à la sincérité d’un adulte.

[155]      Dès lors qu’on accepte l’idée selon laquelle les motifs du juge sont suffisants pour comprendre son raisonnement sur les principaux enjeux de cette affaire, il me faut conclure que son analyse omet de considérer l’importance de l’abus de confiance exercé par l’intimé sur la victime.

[156]      Le juge aurait dû considérer que l’intimé avait exploité la vulnérabilité de la victime en proposant une première rencontre, que cette initiative était blâmable et qu’elle avait dégénérée. La suite des choses est devenue possible uniquement en raison de l’exploitation des sentiments de la victime par son agresseur. Il s’agit ici d’une erreur de principe commise par le juge.

v)                  Les facteurs de dissuasion et de dénonciation

[157]      Le législateur a expressément invité les juges appelés à infliger une peine pour une infraction perpétrée à l’égard des enfants à accorder une attention particulière (« primary consideration »)[95] aux objectifs de dénonciation et de dissuasion, et ce, dès les premières étapes de leur analyse[96].

[158]      Dans sa décision, le juge énumère les principes directeurs applicables en matière de peine sans toutefois indiquer la considération qu’il entend leur accorder pour la suite des choses. Il écrit :

[20] Toute peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité de l’accusé. Celle-ci doit également tenir compte des principes d’individualisation, d’harmonisation et de modération. Les articles 718 et suivants du Code criminel encadrent l’ensemble du processus d’imposition de la peine à l’égard d’un accusé. On y prévoit entre autres que les infractions d’ordre sexuel commises à l’égard d’une personne âgée de moins de 18 ans doivent mettre de l’avant les facteurs de dissuasion et d’exemplarité.[97]

[Soulignement ajouté]

[159]      Le but ici n’est pas de s’arrêter à des vétilles rédactionnelles qui auraient pu échapper au juge, mais bien plutôt de rappeler que les facteurs de dissuasion et de dénonciation applicables aux peines infligées pour des infractions perpétrées à l’égard des enfants ne sont pas des considérations d’ordre général, mais doivent plutôt faire partie des considérations prioritaires du juge (« primary consideration ») au moment de façonner la peine (article 718.01 C.cr.).

[160]      Dans le cas qui nous occupe, le juge a déterminé la peine en ces termes :

[24] J’estime que les faits reprochés à l’accusé se situent dans une échelle de trois à six mois d’incarcération. En tenant compte des autres facteurs atténuant et des autres particularités mentionnées précédemment reliées au présent dossier, j’estime qu’une peine situé dans le bas de l’échelle, soit de trois mois d’incarcération, serait justifiée dans les circonstances.[98]

[161]      L’économie générale de la sentence fait voir que le facteur dominant retenu par le juge fût la réhabilitation de l’intimé. Cependant, le juge n’explique pas pourquoi il s’écarte de la règle jurisprudentielle établie par notre Cour en 2018 dans l’arrêt Rayo[99] et reprise par la Cour suprême dans Friesen[100] selon laquelle au premier stade de l’analyse, le juge de la peine chargé d’appliquer l’article 718.01 C.cr. doit accorder la priorité à la dissuasion et à la dénonciation.

[162]      Le juge a donc commis une erreur de principe en dérogeant à cette règle et en n’expliquant pas pourquoi il a décidé d’accorder un poids plus important à la réhabilitation au détriment des objectifs de dénonciation et de dissuasion.

***

[163]      En définitive, je suis d’avis que les erreurs de principe précédemment recensées ont eu une incidence certaine sur la peine. J’estime également que la peine infligée n’est manifestement pas indiquée. L’intervention de la Cour est donc requise.

IV)              UNE PEINE JUSTE ET INDIQUÉE

[164]      Il me faut maintenant revoir la preuve aux fins de tirer mes propres conclusions sur ce que devrait être une peine juste et indiquée au regard des faits de l’affaire.

[165]      Au départ, je retiens que les deux agressions subies par la victime découlent en partie de la situation de confiance dont l’intimé a abusé et qu’elles ont été préméditées. Son degré de responsabilité moral est donc nettement supérieur à celui normalement associé à une peine minimale d’un an. Je reprends les éléments de preuve pertinents sur lesquels repose mon affirmation :

  1. l’intimé occupe une tâche qui le met en situation de confiance envers les enfants qui fréquentent l’école à laquelle il est assigné;
  2. il accepte de se lier émotivement avec une enfant de 13 ans dont il connaît l’âge et dont il sait qu’elle éprouve des sentiments envers lui;
  3. loin de décourager la victime de poursuivre dans cette voie, il profite de sa fonction pour la séduire et pour abuser de sa confiance;
  4. il lui cache son passé (père d’un enfant demeuré dans son pays d’origine) ainsi que sa situation relationnelle au Canada;
  5. il suscite la première rencontre lors de laquelle il lui dit de « belles phrases »;
  6. il s’assure que les rencontres se passent à l’insu des parents;
  7. après une première rencontre, au lieu de se ressaisir, il se rend une seconde fois chez la victime avec qui il aura une relation sexuelle complète;
  8. il va récidiver lors d’une quatrième rencontre;
  9. son comportement criminel prend fin uniquement lorsqu’il est dénoncé; et
  10. les conséquences psychologiques inhérentes à ce type d’agression démontrées par la preuve et celles qui s’en infèrent selon l’expérience judiciaire.

[166]      En contrepartie de ces facteurs particulièrement aggravants, le juge s’attarde principalement à la réhabilitation de l’intimé. Il note qu’à l’époque des événements, l’intimé se disait désorganisé et déprimé, consommait des stupéfiants et avait des idées suicidaires en lien avec une récente séparation. Pour en arriver à la conclusion qui fut la sienne, le juge se fonde en grande partie sur un rapport présentenciel qui conclut à un risque de récidive « faible ».

[167]      Tout d’abord, si l’instabilité émotionnelle de l’intimé au moment de la criminalité reprochée est uniquement situationnelle comme il le prétend et qu’elle permet d’apprécier le risque de récidive, elle ne peut pour autant atténuer sa responsabilité morale qui, en l’espèce, demeure entière au regard de la préméditation de ses gestes. Quoi qu’il en dise, l’intimé est toujours demeuré l’adulte dans la pièce.

[168]      Ensuite, et à bien y regarder, la situation de l’intimé n’est pas aussi favorable que celle dépeinte par l’agent de probation. Tout d’abord, une évaluation sexologique du 11 décembre 2017 évaluait le risque de récidive de l’intimé à « moyen ». Ce rapport contient notamment cette recommandation :

Retenons tout d’abord que monsieur Londono reconnaît l’inadéquation de ses gestes. Il est prêt à faire face à la justice et il souhaite continuer à recevoir un traitement psychothérapeutique sexologique à sa sortie de détention. Monsieur souhaite continuer son cheminement sur sa problématique sexuelle au moment du délit ainsi que sur certains besoins criminogènes identifiés.

Considérant l’ensemble de ces éléments, mais également du niveau de risque de récidive sexuelle coté au niveau III – Risque dans la moyenne des délinquants sexuels selon les outils actuariels, nous croyons que monsieur pourrait tirer profit d’un suivi sexothérapeutique. D’autant plus qu’il démontre une grande ouverture à recevoir de l’aide.[101]

[Soulignements ajoutés]

[169]      Manifestement, l’intimé a réussi à convaincre la psychothérapeute Ledoux de « sa grande ouverture à recevoir de l’aide ». Cependant, la preuve fait voir qu’il a cessé toute thérapie au motif « que la professionnelle interprétait faussement certaines informations »[102]. Il s’agit ici d’une promesse brisée.

[170]      Il est aussi vrai que le rapport présentenciel parle d’un risque « faible ». Or, cette conclusion est également assortie d’une recommandation pour astreindre l’intimé à une thérapie psychologique ou psychosexuelle. Bien qu’encore une fois, il se soit dit ouvert devant l’agent de probation à participer à une thérapie de cette nature, lors de l’audition du pourvoi, les avocats des parties n’ont pas informé la Cour que l’intimé s’était résolument engagé dans cette voie.

[171]      En somme, une des considérations pour laquelle l’agent de probation en vient à la conclusion que le risque de récidive est « faible » ne s’est jamais matérialisée et la sentence entreprise ne discute pas de ces anomalies. Mais il y a plus.

[172]      L’intimé n’a pas été cru lors de son procès, notamment à propos de l’âge de la victime. Rien n’indique qu’il était plus crédible au stade de la preuve sur la peine. Or, la victime qui a été crue par le juge commente ainsi certains aspects du rapport sexologique :

R. En lisant les passages, j’ai trou… bien, j’ai fait plusieurs commentaires à madame Amélie Savard, auxquels j’avais trouvé qu’il y avait des affaires qui… qui ont pas rapport ou qui sont pas tout à fait vraies dans les narrations de monsieur Londono. Il y a des événements qui… il dit qui se sont passés qui sont tout à fait le contraire, comme quoi que c’est moi qui l’ai invité chez moi. Je l’avoue que j’ai accepté qu’il vienne chez moi, mais c’est lui qui s’est porté volontaire. Comme c’est moi qui l’ai embrassé au début, c’était aussi le contraire tout à fait. Le fait aussi qu’à l’école, après l’appel de ma mère, le fait que je l’aie intimidé en lui lançant des affaires, c’est vraiment pas ce qui est arrivé. Je veux dire, ça s’est jamais arrivé aussi, pour être claire.[103]

[Soulignements ajoutés]

[173]      Non seulement l’intimé n’a pas concrétisé ses engagements envers la psychologue, mais des parties importantes de sa version donnée à cette professionnelle sont contestées par la victime.

[174]      En résumé, parmi les facteurs pertinents que je dois considérer, tout en conservant à l’esprit l’objectif prioritaire énoncé à l’article 718.01 C.cr., je retiens les éléments suivants :

-          l’encadrement familial de l’intimé, y compris le soutien de son église;

-          sa formation professionnelle récente en mécanique et son nouvel emploi en ce domaine;

-          le fait qu’il soit soutien de famille;

-          son âge et ses regrets; et

-          le fait qu’il ne possède aucune condamnation antérieure à son passif et qu’il s’agit d’une criminalité isolée.

[175]      Les facteurs aggravants sont les suivants :

-          le jeune âge de la victime et sa vulnérabilité;

-          la préméditation;

-          l’abus de confiance;

-          les conséquences psychologiques et émotionnelles des agressions sur la victime qui se blâme pour ce qui est arrivé; et

-          une criminalité qui a cessé seulement en raison de sa dénonciation.

[176]      Les enseignements tirés de l’arrêt Friesen créent de nouvelles attentes en matière de peines pour des infractions d’ordre sexuel commises sur des enfants[104]. Ils constituent une invitation à considérer avec discernement la jurisprudence antérieure, de sorte à ne pas neutraliser les principes prioritaires dégagés par cet arrêt.

[177]      Avec égards pour l’opinion contraire, je suis d’avis que la peine entreprise ne satisfait pas aux préoccupations signalées dans l’arrêt Friesen. Encore tout récemment, la Cour d’appel de l’Ontario dans son arrêt M.M. a eu l’occasion de rappeler la nature exacte du message lancé par l’arrêt Friesen :

[15] The Supreme Court’s instructions from Friesen could not be clearer: sentences for sexual offences against children must increase. There are no qualifications here. Sentences have been too low for too long. Denonciation and deterrence are of primary importance; R. v. Inksetter, 2018ONCA 474, 141 O.R. (3d) 161, at para. 3. Those who commit sexual offences against children must understand that carceral sentences will ordinarily follow.[105]

[178]      Les rédacteurs de l’arrêt M.M. insistent aussi sur le risque associé au fait de minimiser les effets liés à l’abus de confiance :

[17] The sentencing judge failed to give effect to several aggravating factors, and in particular to the appellant’s breach of trust. As the Supreme Court explained in Friesen, a breach of trust is likely to increase the arm to the victim and the gravity of the offence: […][106]

[179]      Je fais également miens les propos récents de la juge Lavergne de la Cour du Québec chargée de prononcer une peine pour des agressions sexuelles commises sur un adolescent. Elle écrit :

[47]  Tel que le rappellent régulièrement les tribunaux supérieurs, la société saisit mieux aujourd’hui, la gravité du préjudice qui découle d’infractions d’abus sexuels sur des personnes de moins de dix-huit (18) ans.

[48]   Le fait que X était un participant volontaire ne diminue pas la culpabilité morale de l’accusée, bien au contraire. À tort ou à raison, le législateur a fixé l’âge du consentement à 16 ans et en cas de situation d’autorité, ce consentement n’est plus valide pas plus qu’il n’est pertinent. Les relations sexuelles entre une personne de moins de 18 ans et une personne en situation de confiance, d'autorité ou dans une relation de dépendance ou d'exploitation, sont criminelles. Le déséquilibre des pouvoirs rend le consentement invalide et l’abus de confiance accroît le degré de responsabilité de son auteur. Une personne en situation d’autorité devrait protéger et prendre soin de l’enfant et non abuser de cette confiance placée en lui.

[49]  La société est consciente depuis longtemps que les adolescents (en l'occurrence ceux âgés de 16 à 17 ans) sont à une étape de leur développement où ils peuvent être facilement manipulés et exploités par des personnes en qui ils ont confiance et qui sont en position d'autorité par rapport à eux. C'est pourquoi le législateur a retiré le choix de consentir à des activités sexuelles à ces adolescents. Le consentement de la victime n'est pas pertinent pour établir l'infraction et il n'est pas plus pertinent en tant que facteur atténuant dans la détermination de la peine.

[50] Suggérer le contraire est non seulement contraire à la jurisprudence, mais ne tient pas compte de la nature insidieuse d'une relation de confiance ou d’abus d’autorité. En plus du déséquilibre de pouvoir inhérent à la relation, une jeune personne peut être davantage vulnérable en raison de sa curiosité et de son identité sexuelle en développement, ainsi que de son manque de maturité et d'expérience.[107]

[Références omises]

[180]      Et elle ajoute :

[81] La participation de la victime ne doit pas non plus détourner l’attention du Tribunal sur le préjudice que subit la victime, préjudice inhérent à ce type d’abus, même si la preuve ne révèle pas de conséquence immédiate spécifique.[108]

[181]      En soupesant les facteurs aggravants et atténuants précédemment mentionnés tout en choisissant de faire primer la dénonciation et la dissuasion, j’estime que l’intimé aurait dû se voir infliger une peine brute de 15 mois d’emprisonnement[109]. Le dossier d’appel fait voir qu’il a déjà purgé une peine de trois mois qu’il me faut retrancher, ce qui laisse un reliquat à purger de 12 mois d’emprisonnement.

V)                LA PEINE MINIMALE PRÉVUE À L’ALINÉA 152a) C.cr.

[182]      Compte tenu de ma conclusion d’infliger à l’intimé une peine brute de 15 mois d’emprisonnement, la question du caractère inopérant à son égard de l’alinéa 152a) C.cr. ne se pose plus.

VI)              L’INTIMÉ N’A PAS À ÊTRE RÉINCARCÉRÉ

[183]      L’intervention que je propose repose avant tout sur des considérations de principe basées sur la dénonciation et la dissuasion. Elle a pour conséquence de faire passer la peine de trois mois déjà purgée par l’intimé à une peine nette additionnelle de 12 mois.

[184]      Ma collègue la juge Bélanger estime que l’intimé ne devrait pas être réincarcéré, ce avec quoi je suis d’accord. Je parviens à cette conclusion en dépit de la disparité entre la peine infligée en première instance et celle que je propose.

[185]      Parmi les facteurs pertinents pour décider si l’intérêt de la justice commande la réincarcération de l’intimé, je retiens notamment la gravité des infractions en cause et le temps couru entre la terminaison de la peine et l’arrêt de la Cour.

[186]      En principe, l’incarcération de l’intimé s’est terminée quelque part à l’été 2021. Il se serait donc écoulé environ un an depuis la terminaison présumée de la période d’emprisonnement de trois mois. Durant ce temps, l’intimé a été constamment sur le marché du travail et il a respecté rigoureusement l’ordonnance de probation à laquelle il demeure encore astreint. Il a subvenu aux besoins de sa famille sans compter qu’il continue à soutenir financièrement son autre enfant et la mère de ce dernier, tous deux des résidents de la Colombie.

[187]      Il y a aussi le délai de réflexion que s’est accordé la Cour pour trancher ce pourvoi et l'impact certain qu'aurait la réincarcération de l’intimé sur sa famille et son travail[110].

[188]      Ces facteurs militent pour un arrêt des procédures en appel.

 Conclusion

[189]      Tout comme ma collègue la juge Bélanger, je suis d’accord pour accueillir la requête de la poursuivante pour permission d’appeler ainsi que son appel et de revoir la peine de trois mois infligée en première instance.

[190]      Mon désaccord avec ma collègue tient notamment à la durée de la peine. J’estime que l’intimé aurait dû se voir infliger une peine de 15 mois d’emprisonnement à être purgée de façon concurrente pour les deux accusations en cause. Pour les raisons déjà données, je propose toutefois de sursoir à la réincarcération de l’intimé, mais de maintenir l’ordonnance de probation rendue en première instance. La conclusion du juge déclarant à l’égard de l’intimé l’article 152 C.cr. inopérant doit aussi être annulée. Finalement, il y a lieu de déclarer l’appel du Procureur général du Québec sans objet vu mes conclusions sur la peine applicable.

 

 

 

GUY GAGNON, J.C.A.


Fourchette des peines imposées en matière de contacts sexuels (art. 151 C.cr.) et d’incitation à des contacts sexuels (art. 152 C.cr.) rendues après l'arrêt R. c. Friesen

 

 

 

(17 juin 2022)

 

 

Référence

Infraction(s)

Contexte

Facteurs atténuants retenus par le juge

Facteurs aggravants retenus par le juge

Peine

R. c. M.B.,

2021 QCCQ 6713

(Laramée, j.c.q.)

 

*en appel

Contacts sexuels

(art. 151 C.cr.)

 

Incitation à des contacts sexuels

(art. 152 C.cr.)

L’accusé est le conjoint de la tante biologique de la victime. Il est âgé de 27 ans au moment du prononcé de la peine.

 

Les gestes reprochés se sont déroulés sur de nombreuses années lorsque l’accusé gardait la victime.

 

La nature des gestes varie. Cela va des attouchements sexuels à la pénétration vaginale de la victime. Il y a eu des épisodes de masturbation et de fellation.

- Aucun antécédent judiciaire

- Respect des conditions de mise en liberté

- Gestes dégradants, intrusifs et répétitifs

- La victime n’avait que 6 ans lors des premiers abus sexuels

- Abus d’autorité et de confiance

- Séquelles psychologiques et physiques importantes

6 ans d’emprisonnement

R. c. D.N.,

2022 QCCQ 1098

(St-Arnaud, j.c.q.)

Contacts sexuels

(art. 151a) C.cr.)

 

Incitation à des contacts sexuels

(art. 152a) C.cr.)

 

Exploitation sexuelle

(art. 153 C.cr.)

L’accusé est le conjoint de la mère des deux victimes. Il est âgé de 48 ans. Les victimes sont deux sœurs, alors âgées respectivement de 14-15 ans et de 16-17 ans au moment des faits.

 

Pendant plusieurs mois et à plusieurs reprises, l’accusé demande à la plus jeune victime de lui faire une fellation. Il a également procédé à des attouchements sur cette dernière. Durant cette période, ils ont aussi deux relations sexuelles complètes.

 

L’accusé a également procédé à plusieurs attouchements sur la victime plus âgée.

- Actif pour la société

- Antécédents judiciaires lointains

- Deux victimes

- Durée et fréquence des gestes criminels posés

- Degré d’atteinte physique des gestes

- Mauvais traitement à l’égard de membres de sa famille

- Mauvais traitement à l’égard d’un enfant

- Abus de confiance et d’autorité

- Préjudices subis par les victimes

- Risque de récidive

 

6 ans d’emprisonnement

R. c. Lessard,

2022 QCCQ 125

(Champoux, j.c.q.)

Contacts sexuels

(art. 151a) C.cr.)

 

Incitation à des contacts sexuels

(art. 152a) C.cr.)

L’accusé est âgé de 63 ans. Il est l’ami des parents de la victime. Cette dernière souffre d’une déficience intellectuelle légère, d’un trouble du spectre de l’autisme et d'épisodes de mutisme. Elle était âgée de 10 à 13 ans au moment des événements.

 

Durant une période de trois ans, il y a eu de nombreux attouchements sexuels ainsi que plusieurs fellations et relations sexuelles complètes.

 

- Aucun antécédent judiciaire

- Actif pour la société

 

- Âge de la victime

- Vulnérabilité de la victime

- Durée et caractère très intrusif des gestes

- Abus de confiance

- Déresponsabilisation et blâme sur la victime

- Exploitation de la victime

6 ans d’emprisonnement

R. c. J.B.,

2022 QCCQ 2804

(Champoux, j.c.q.)

2 chefs de contacts sexuels (art. 151a) C.cr.)

L’accusé est âgé de 28 ans au moment des faits. Il est l’oncle des deux victimes, âgées de 2 et 3 ans.

 

Les principaux gestes reprochés à l’accusé sont des pénétrations digitales du vagin des deux victimes lorsqu’il les gardaient.

- Aucun antécédent judiciaire

- Plaidoyer de culpabilité

- Gestes posés sur une courte période

- Très jeune âge des victimes

- Deux victimes

- Caractère envahissant des gestes

- Rapports présentenciels négatifs

- Risque de récidive inquiétant

- Aucun regret

- Pas un actif pour la société

54 mois d’emprisonnement

R. c. M.G.,

2021 QCCQ 9959

(Vanesse, j.c.q.)

3 chefs de contacts sexuels (art. 151 C.cr.)

 

Agression sexuelle (art. 271 C.cr.)

Pendant plusieurs années, l’accusé a procédé à des attouchements sur trois de ses petites-filles âgées de 4 à 13 ans.

 

Il a également agressé la conjointe de l’un de ses fils lors d’une soirée. Il a forcé sa main entre les cuisses de cette dernière pour atteindre sa vulve et procéder à un mouvement de va-et-vient.

-  Plaidoyer de culpabilité

- Aucun antécédent judiciaire

- Collaboration avec les autorités policières

- Démarche thérapeutique entamée suite à l’arrestation

- Remords exprimés et volonté de réparer les torts causés

- Mauvais traitement à l’égard d’enfants

- Planification des gestes et manipulation des victimes

- Fréquence des gestes

- Abus de confiance et d’autorité

- Jeune âge des victimes

- Séquelles des victimes

- Déni partiel de responsabilité

 

Peine globale de 44 mois d’emprisonnement (dont des peines de 20 et 24 mois pour les chefs de contacts sexuels).

 

*La juge souligne les enseignements de l’arrêt Friesen. Des peines plus lourdes doivent être imposées pour ce genre de crimes.

R. c. D.Q.,

2021 QCCQ 11079

(Champoux, j.c.q.)

Contacts sexuels (art. 151 C.cr.)

L’accusé est le cousin de la victime. Il a 28-29 ans au moment des faits, tandis que la victime est âgée de 8-9 ans. Il s’occupait parfois de cette dernière et de son frère.  Il a procédé à des attouchements sur la victime à 15 reprises environ lorsqu’il habitait chez le père de celleci.

- Aucun antécédent judiciaire

-Plaidoyer de culpabilité

-Début d’une thérapie imposée par ses conditions de mise en liberté

- L’âge (8-9 ans) de la victime

- Répercussions importantes sur la victime et sa famille

- Abus de confiance

- Commis au domicile du père de la victime

- Gestes nombreux et étalés dans le temps

-Minimisation de sa responsabilité

-Risque significatif de récidive

-Besoins en termes de traitement

 3 ans d’emprisonnement

 

*Le juge précise qu’une peine de 2 ans, telle que suggérée par la défense, conviendrait à l’époque pré-Friesen.

R. c. G.L.,

2021 QCCQ 9956 (Daoust, j.c.q.)

Contacts sexuels (art. 151 C.cr.)

 

Agression sexuelle (art. 271 C.cr.)

L’accusé, âgé de 73 ans, a commis de nombreux gestes à caractère sexuel sur une première victime qui était la nièce de la fille de son ancienne conjointe. La victime avait alors entre 9 et 11 ans.

 

Il a aussi agressé sexuellement une deuxième victime, soit la fille de son ancienne conjointe qui était âgée de 12 à 14 ans.

- Plaidoyer de culpabilité

- Aucun antécédent judiciaire

-Risque de récidive très faible

-Regrets exprimés

-Fiche occasionnelle bien remplie

-Soutien de ses proches

-Dommages collatéraux pour l’accusé

-Abus de confiance dans les deux cas

-Jeune âge des victimes

-Mauvais traitement envers les enfants

-Préméditation

-Récurrence des gestes sur les deux victimes

-Minimisation et déresponsabilisation

-Absence de considération pour les victimes

-Distorsion cognitive toujours présente

-Négation des conséquences pour les victimes

-Culpabilité morale importante

 

Deux ans moins un jour d’emprisonnement (sur chacun des chefs et à être purgées de façon concurrente)

 

Probations de trois avec un suivi probatoire deux ans

R. c. Lessard,

2021 QCCQ 9960

(Marcil, j.c.q.)

 

*Le quantum de la peine globale est maintenu en appel, mais la ventilation de celle-ci est modifiée compte tenu de la peine minimale.

(R. c. Lessard, 2021 QCCA 1845)

Contacts sexuels (art. 151 C.cr.)

 

Exhibitionnisme

(art. 173(2) C.cr.)

 

Accès à de la pornographie juvénile (art. 163.1(4.1) C.cr.)

L’accusé est un professeur suppléant dans une école secondaire. La victime, âgée de 15 ans, est son élève. Ils ont des échanges de nature sexuelle par courriels et des contacts génitaux.

- Plaidoyer de culpabilité

- État d’esprit de l’accusé à cette époque

- Aucun antécédent judiciaire

- Risque de récidive

- Abus de confiance et d’autorité

- Importante différence d’âge (l’accusé avait 56 ans)

 

21 mois d’emprisonnement (dont 18 mois pour le chef de contacts sexuels)

 

Probation de 2 ans

R. c. Deschênes,

2021 QCCQ 399

(Magnan, j.c.q.)

Contacts sexuels

(art. 151 C.cr.)

L’accusé et la victime se rencontrent lors d’une soirée. Ils consomment de l’alcool. Il est alors âgé de 36 ans tandis que la victime a 15 ans. Bien que la victime repousse ses avances à quelques reprises, l’accusé la convainc de faire des rapprochements. La victime est affectée par l’alcool. L’accusé la touche aux seins et aux fesses. Il la pénètre également avec son pénis dans son vagin avant d’être interrompu par un bruit. Constatant qu’elle ne veut plus continuer, il cesse de la toucher.

 

Par la suite, l’accusé et la victime ont des rapports sexuels chaque semaine pendant environ six semaines. La relation ne se termine qu’avec la dénonciation faite par un proche de la victime.

 

- Aucun antécédent judiciaire

- Collaboration à l’enquête

- Plaidoyer de culpabilité

- Mauvais traitement à l’égard d’une personne âgée de moins de 18 ans

-Différence d’âge entre l’accusé et la victime

- Nature des gestes et leurs répétitions

- Mépris pour la victime

- Manipulation

- Âge de la victime

18 mois d’emprisonnement

 

Probation de 3 ans

D.P.C.P. c. F.F.,

2022 QCCQ 936

(Bonin, j.c.q.)

Contacts sexuels

(art. 151a) C.cr.)

La victime est la fille de l’accusé. Elle est âgée de 4 ans au moment des faits. Lorsqu’il se trouve seul avec cette dernière, l’accusé lui fait un cunnilingus. Il s’agit du seul geste qui lui est reproché.

- Plaidoyer de culpabilité

- Actif pour la société

- Remords sincères

- Admission du crime dès son interpellation

- Mauvais traitement sur un enfant

- Abus de confiance et d’autorité

- Jeune âge de la victime

- Minimisation des gestes

- Conséquences pour l’enfant

- Éclatement familial

 

14 mois d’emprisonnement

 

Probation de 2 ans

R. c. Simard-Cloutier,

2021 QCCS 4276

(Perrault, j.c.s.)

 

*en appel sur la culpabilité

Incitation à des contacts sexuels (art. 152 C.cr.)

 

Agression sexuelle (art. 271 C.cr.)

Au moment des événements, l’accusé a 22 ans. Il est le conjoint de la sœur aînée de la victime, alors âgée de 13 ans.

 

À une occasion, l’accusé flatte le bas du dos et du ventre de la victime sous son chandail. Il lui prend aussi la main et la met sur son pénis. L’accusé a répété ces gestes à deux ou trois reprises.

 

Puis, à une seconde occasion, l’accusé a posé sa main sur l’intérieur de la cuisse de la victime pendant quelques minutes.

- Jeune âge de l’accusé

- Absence de planification ou de préméditation

- Aucune nouvelle infraction commise depuis

- Soutien de sa famille

- Nature et gravité intrinsèque des infractions

- Deux agressions dans un court laps de temps

- Jeune âge de la victime

- Mauvais traitement à l’égard d’un enfant

- Abus de confiance

- Séquelles psychologiques toujours présentes chez la victime

13 mois d’emprisonnement

 

Probation de 3 ans avec suivi probatoire de 18 mois

 

*La juge souligne qu’il y a lieu, depuis l’arrêt Friesen, d’imposer des peines plus lourdes qu’avant en matière d’infractions sexuelles envers les mineurs.

R. c. L.G.,

2021 QCCQ 11078

(Meredith, j.c.q.)

Contacts sexuels

(art. 151 C.cr.)

L’accusé est le cousin de la victime, âgée de 14 ans au moment des gestes reprochés. Ce dernier avait 47 ans à cette époque.

 

Il y a eu deux événements d’attouchements sexuels aux seins et aux parties intimes, par-dessus et sous les vêtements.

- Actif pour la société

- Père d’une fille de 7 ans

- Ouvert à un suivi psychologique

- Regrets mitigés

- Respect des conditions de sa mise en liberté

- Abus de confiance

- Mauvais traitement à un enfant

- Jeune âge de la victime

- Vulnérabilité de la victime

- Opportunisme de l’accusé

- Risque de récidive

- Conséquences importantes sur la victime

- Faible capacité d’introspection

 

12 mois d’emprisonnement

 

Probation de 3 ans

R. c. Calatayud,

2022 QCCQ 678

(Duchesneau, j.c.q.)

 

Contacts sexuels (art. 151a) C.cr.)

 

L’accusé rencontre la victime alors qu’il est moniteur dans un camp de jour et que la victime y suit un cours pour devenir monitrice. À ce moment, il est âgé de 25 ans et la victime de 13 ans.

 

Avec le temps, ils développent une relation d’amitié. Ils ont des rapprochements par la suite. Lorsque la victime est âgée de 15 ans, ils ont une première relation sexuelle complète.

 

Dans les mois qui suivent, ils ont des relations sexuelles régulièrement.

- Plaidoyer de culpabilité

- Aucun antécédent judiciaire

- Regrets et remords exprimés

- Amorce d’un processus de réhabilitation

- Risque de récidive minimal

- Gestes graves et intrusifs

- Atteinte à l’intégrité physique, sexuelle et psychologique de la victime

- Conséquences importantes subies par la victime

- Âge de la victime

- Écart d’âge entre l’accusé et la victime

12 mois d’emprisonnement

 

Probation de 2 ans

R. c. Bertrand Marchand,

2020 QCCQ 1135

(Bélanger, j.c.q.)

 

*confirmée en appel (2021 QCCA 1285)

 

*en appel à la Cour suprême du Canada

 

Contacts sexuels (art. 151 C.cr.)

 

Leurre

(art. 172.1 C.cr.)

L’accusé, âgé entre 22 et 24 à l’époque pertinente, a admis avoir eu des relations sexuelles avec la victime, alors âgée de 13 à 15 ans.

 

Ils se sont rencontrés par l’entremise d’amis communs lors d’un rodéo. L’accusé lui a fait une demande d’amitié sur Facebook et l’a incité à venir le visiter.

- Jeune âge de l’accusé

- Aucun antécédent judiciaire

- Plaidoyer de culpabilité

- Pas en situation de confiance ou d’autorité

- Pas de manipulation psychologique

 

- Situation d’exploitation sexuelle

- Vulnérabilité de la victime (Centre de réadaptation de la DPJ)

- Au fait de l’illégalité des rapports

- Instigateur des rencontres

- Impacts chez la victime

10 mois d’emprisonnement pour le chef de contacts sexuels

 

5 mois d’emprisonnement pour le chef de leurre à être purgés de façon concurrente (la peine minimale est déclarée inopérante)

 

Probation de 2 ans

 

 

 

K.F. c. R.,

2021 QCCA 67

 

Contacts sexuels

(art. 151 C.cr.)

L’accusé est le colocataire du père de la victime. Il est âgé de 26 ans et la victime a 8 ans. L’accusé a une déficience intellectuelle légère.

 

À une seule occasion, l’accusé a touché la vulve ou le vagin de la victime en dessous de ses pantalons.

 

 

- Déficience intellectuelle légère

- Vulnérabilité de l’accusé

- Aucun antécédent judiciaire en semblable matière

- Incident unique

- Encadrement

- Nature des gestes

- Âge de la victime

- Vulnérabilité

- Abus d’autorité et de confiance

- Séquelles importantes

- Risque de récidive modéré

Huit mois d’emprisonnement

 

Probation de deux ans

R. c. Gagnon,

2021 QCCQ 5441

(Délisle, j.c.q.)

 

Agression sexuelle (art. 271b) C.cr.)

 

Contacts sexuels

(art. 151b) C.cr.)

*Arrêt prononcé

La victime est l’ami du petitfils de l’accusé. À ce moment, l’accusé a 80 ans et la victime a 13 ans.

 

À une seule reprise, l’accusé a touché le pénis de la victime par-dessus ses pantalons.

 

- Aucun antécédent judiciaire

- Risque de récidive faible

- Soutien de sa famille

- Respect de ses conditions strictes

- Abus de confiance et d’autorité

- Demande à la victime de garder le silence

- Mauvais traitement à l’égard d’un enfant

- Préjudice réel

-Âge de la victime

6 mois d’emprisonnement

 

*Depuis Friesen, il faut imposer des peines plus lourdes selon le juge.

R. c. T.A.,

2021 QCCQ 13985

(Lépine, j.c.q.)

Contacts sexuels (art. 151 C.cr.)

 

Incitation à des contacts sexuels (art. 152 C.cr.)

*Arrêt prononcé

 

Agression sexuelle

(art. 271 C.cr.)

*Arrêt prononcé

 

Au moment des événements, l’accusé était âgé de 24 ans tandis que la victime avait 15 ans et 7 mois. Il y avait une certaine relation amoureuse, bien que l’accusé soit l’oncle de la victime. Il y a eu trois relations sexuelles complètes.

- Plaidoyer de culpabilité

- Ouvert à un suivi thérapeutique

- Regrets

- Préjudice subi par la victime au bas de l’échelle

- Risque de récidive faible

- Actif pour la société

- Rejet de la responsabilité en partie sur la victime

- Mauvais traitement contre une personne âgée de moins de 18 ans

- Âge de la victime

- Abus de confiance et d’autorité

- Gestes intrusifs répétés

 

90 jours d’emprisonnement à purger de façon discontinue

 

Probation de 2 ans

R. c. F.J.,

2021 QCCQ 8341

(Costom, j.c.q.)

 

 

Attentat à la pudeur

L’accusé était âgé de 18 ans. Il résidait avec la victime et sa mère. La victime avait entre 11 et 12 ans au moment des faits.

 

Les gestes reprochés constituaient à des attouchements sexuels et des épisodes de masturbation.

- Aucun antécédent judiciaire

- Plaidoyer de culpabilité et collaboration à l’enquête

- Remords et empathie

- Responsabilisation de l’accusé

- Jeune âge de l’accusé

- Absence de risque de récidive

- Fréquence et durée des gestes

- Âge de la victime

- Au domicile de la victime

- Conséquences dévastatrices chez la victime

- Effets collatéraux chez la victime

90 jours d’emprisonnement à purger de façon discontinue

 

Probation de 2 ans

 

*À l’époque, la peine maximale pour ce crime était de 5 ans. Cela est pris en considération par la juge.

R. c. Côté,

2020 QCCQ 2841

Contacts sexuels

(art. 151 C.cr.)

 

Incitation à des contacts sexuels (art. 152 C.cr.)

 

Voies de fait

 

L’accusé est l’oncle de la victime. Au moment des événements, elle avait 11 ans.

 

Il y a eu 5 à 7 événements d’attouchements principalement aux seins par-dessus les vêtements.

 

À une occasion, l’accusé a amené la victime à le masturber et il lui a touché la vulve.

- Aucun antécédent judiciaire

- Actif pour la société

- Risque de récidive faible

- Une seule série d’événements il y a plus de 20 ans

- Jeune âge de la victime

- Vulnérabilité de la victime

- Abus de confiance

- Graves conséquences psychologiques et physiques chez la victime

20 mois d’emprisonnement avec sursis

*Les infractions se sont passées à une époque où l’emprisonnement avec sursis était permis.

 

Probation de 12 mois

 


[1]  R. c. Londono, 2020 QCCQ 6719 [jugement entrepris].

[2]  R. c. Londono, 2020 QCCA 1485, jugement déférant la requête commune à une formation de la Cour.

[3]  Jugement entrepris, paragr. 20-24.

[4]  Caron Barrette c. R., 2018 QCCA 516.

[5]  Voir lettre du 16 janvier 2020 adressée au juge Godri dans le dossier 505-01-144804-172.

[6]  R. c. Friesen, 2020 CSC 9, paragr. 25.

[7]  Id., paragr. 27; R. c. Lacasse, 2015 CSC 64, paragr. 11, 41, 44 et 47.

[8]  R. c. Lacasse, 2015 CSC 64, paragr. 48, repris dans R. c. Friesen, 2020 CSC 9, paragr. 25.

[9]  R. c. G.F., 2021 CSC 20, paragr. 68-71, 74-75 et 79.

[10]  Jugement entrepris, paragr. 7-17.

[11]  R. c. Friesen, 2020 CSC 9.

[12]  Id., paragr. 150.

[13]  Id., paragr. 153.

[14]  Id., paragr. 154.

[15]  R. c. G.F., 2021 CSC 20, paragr. 79.

[16]  R. c. Friesen, 2020 CSC 9, paragr. 125.

[17]  Id., paragr. 125-130.

[18]  Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Chamberland, 2014 QCCQ 3026.

[19]  Jugement entrepris, paragr. 24.

[20]  Voir R. c. Lemay, 2020 ABCA 365 pour la distinction entre situation d’autorité et situation de confiance.

[21]  Kenuajuak c. R., 2019 QCCA 1932 (un jour d’emprisonnement mais qui tient compte des 8 mois d’emprisonnement avec sursis et des 4 mois d’emprisonnement déjà purgés); St-Cyr c. R., 2018 QCCA 768 (90 jours d’emprisonnement à purger de façon discontinue); Caron Barrette c. R., 2018 QCCA 516 (peine globale de 90 jours d’emprisonnement à purger de façon discontinue, donc 45 jours consécutifs pour chacun des chefs).

[22]  Id., paragr. 7; St-Cyr c. R., 2018 QCCA 768, paragr. 41, 54 et 66; Caron Barrette c. R., 2018 QCCA 516, paragr. 46, 56 et 81.

[23]  Caron Barrette c. R., 2018 QCCA 516.

[24]  St-Cyr c. R., 2018 QCCA 768. Voir aussi R. c. Morier, 2014 QCCQ 1959; R. c. Desmarais, 2013 QCCQ 1837; R. c. Daoust, 2012 QCCQ 6932, confirmée par R. c. Daoust, 2012 QCCA 2287, à l’exception de l’ordonnance prononcée aux termes du paragr. 490.012(1) C.cr.; R. c. Bérubé, 2010 QCCQ 882; R. c. S.G., 2008 QCCQ 1599.

[25]  Pour des faits qui se sont déroulés à une époque où l’emprisonnement avec sursis était permis.

[26]  Voir l’annexe jointe aux présents motifs.

[27]  R. c. Perron, 2015 QCCA 601, paragr. 18.

[28]  Hugues Parent et Julie Desrosiers, Traité de droit criminel, t. 3 « La peine », 3e éd., Montréal, Thémis, 2020, p. 853.

[29]  Morasse c. R., 2015 QCCA 74, reprenant R. c. L. (J.-J.), [1998] R.J.Q. 971 (C.A.), demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême  rejetée, 1er octobre 1998, no 26653.

[30]  R. c. Friesen, 2020 CSC 9, paragr. 85-86.

[31]  R. c. H. V., 2022 QCCA 16, paragr. 47, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême, no 40093.

[32]  R. c. Friesen, 2020 CSC 9, paragr. 137-147.

[33]  Id., paragr. 85.

[34]  Jugement entrepris, paragr. 12-13.

[35]  R. c. Friesen, 2020 CSC 9, paragr. 104, citant R. c. Rayo, 2018 QCCA 824, paragr. 103 et 107-108 et R. c. Bergeron, 2013 QCCA 7, paragr. 37.

[36]  R. c. Lacasse, 2015 CSC 64, paragr. 4.

[37]  R. c. Bissonnette, 2022 CSC 23, paragr. 48-50.

[38]  Dossier de probation, 16 septembre 2020.

[39]  Art. 487.051(1), 490.012(1) et 490.013(2.1) C.cr.

[40]  R. c. Bertrand Marchand, 2021 QCCA 1285, paragr. 103, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême accueillie, 26 mai 2022, no 39935. Voir aussi : Caron Barrette c. R., 2018 QCCA 516, paragr. 85-86.

[41]  Art. 718.1 C.cr.

[42]  Jugement entrepris, paragr. 8-11 et 16.

[43]  Rapport présentenciel, 15 novembre 2019.

[44]  Julie Desrosiers et Geneviève Beausoleil-Allard, L’agression sexuelle en droit canadien, 2e éd., Montréal, Yvon Blais, 2017, p. 317.

[45]  Voir Caron Barrette c. R., 2018 QCCA 516.

[46]  R. c. Nur, 2015 CSC 15.

[47]  Id., paragr. 77.

[48]  R. c. Lloyd, 2016 CSC 13, paragr. 23.

[49]  Id., paragr. 24

[50]  R. c. Nur, 2015 CSC 15, paragr. 45.

[51]  Voir R. v. Saberi, 2021 ONCJ 345; R. v. C.D.R., 2020 ONSC 645; R. v. Saffari, 2019 ONCJ 861; R. v. B.S., 2018 BCSC 2044.

[52]  Procureur général du Québec c. C.M., 2021 QCCA 543, paragr. 108-110.

[53]  Rapport présentenciel, 15 novembre 2019.

[54]  Jugement entrepris, paragr. 11 et 27.

[55]  R. c. Rayo, 2018 QCCA 824, paragr. 103-107.

[56]  R. c. Bergeron, 2013 QCCA 7, paragr. 87-88. Voir au même effet R. c. Régner, 2018 QCCA 306.

[57]  R. c. Friesen, 2020 CSC 9.

[58]  Montour c. R., 2020 QCCA 1648, paragr. 64.

[59]  R. c. Bergeron, 2013 QCCA 7, paragr. 35-36, citant R. c. L. (J.-J.), [1998] R.J.Q. 971, p. 979,
1998 CanLII 12722 (C.A.), demande d'autorisation d'appel à la Cour suprême rejetée, 1er octobre 1998, no 26653.

[60]  R. c. R.D., 2008 QCCA 1641.

[61]  R. v. R.A., 2021 ONCA 126.

[62]  Je m’en remets à la description des gestes à caractère sexuel décrits dans le mémoire de la poursuivante. Cela dit, je suis bien conscient de la recommandation de la Cour suprême dans Friesen, au paragraphe 147, « de cesser d’employer des termes comme « fondling » ou « caresser » lorsqu’ils [les juges] parlent de violence sexuelle à l’égard des enfants ».

[63]  Pièce P-1, déclaration vidéo.

[64]  R. c. Londono, C.Q. Longueuil, no 505-01-144804-172, 14 août 2019, Godri, j.c.q., paragr. 11.

[65]  Id., paragr. 18.

[66]  R. c. Friesen, 2020 CSC 9, paragr. 35. Voir aussi R. c. Rhode, 2019 SKCA 17.

[67]  R. c. Londono, 2020 QCCQ 6719, paragr. 13 [Jugement entrepris].

[68]  R. v. H.E., 2015 ONCA 531, paragr. 30; R. v. Teclesenbet, 2009 ABCA 389.

[69]  Témoignage de X., 17 décembre 2019.

[70]  Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Chamberland, 2014 QCCQ 3026. Il s’agit d’une peine de 18 mois infligée à un accusé âgé de 39 ans pour avoir eu des contacts sexuels échelonnés sur une période de six mois avec une victime de 15 ans.

[71]  Jugement entrepris, paragr. 25.

[72]  Pièce P-1, Déclaration vidéo de la victime, transcription, p. 134.

[73] R. c. Friesen, 2020 CSC 9, paragr. 134-135.

[74]  Jugement entrepris, paragr. 2.

[75]  R. c. Friesen, 2020 CSC 9.

[76]  Id., paragr. 13.

[77]  R. c. Audet, [1996] 2 R.C.S. 171, paragr. 23.

[78]  R. v. J.D., 2015 ONSC 5857, paragr. 25.

[79]  Jugement entrepris, paragr. 17.

[80]  Id., paragr. 24.

[81]  Ibid.

[82]  Voir R. c. Lemay, 2020 ABCA 365 pour la distinction entre situation d’autorité et situation de confiance.

[83]  Témoignage de X., 23 avril 2019.

[84]  Témoignage de Y, 23 avril 2019.

[85]  Ibid.

[86]  R v. EJB, 2017 ABCA 176.

[87]  R. v. J.R. (1997), 157 Nfld. & P.E.I.R. 246, 12 C.R. (5th) 397 (C.A. T.-N.-L.).

[88]  Jugement entrepris, paragr. 25.

[89]  Id., paragr. 2.

[90]  Témoignage de X., 23 avril 2019.

[91]  Ibid.

[92]  Ibid.

[93]  Ibid.

[94]  Ibid.

[95]  Art. 718.01 C.cr. Voir notamment le projet de loi C-15, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, c. 19 (3e suppl.).

[96]  R. c. Rayo, 2018 QCCA 824,paragr. 103-107. Voir aussi R. c. MacLean, 2021 NLCA 24.

[97]  Jugement entrepris, paragr. 20.

[98]  Id., paragr. 24.

[99]  R. c. Rayo, 2018 QCCA 824.

[100]  R. c. Friesen, 2020 CSC 9.

[101]  Évaluation sexologique de Sebastian Londono, 11 décembre 2017.

[102]  Rapport présentenciel, 15 novembre 2019, p. 8.

[103]  Témoignage de X, 17 décembre 2019.

[104]  R. c. C.C.H., 2020 BCCA 162.

[105]   R. c. M.M., 2022 ONCA 441, paragr. 15.

[106]  Id., paragr. 17.

[107]  R. c. Rioux, 2022 QCCQ 2656, paragr. 47-50.

[108]  Id., paragr. 81.

[109]  Bernatchez c. R., 2013 QCCA 701; R. v. G.C.F. (2004), 71 O.R. (3d) 771, [2004] O.J. No. 3177 (C.A. Ont.); R. c. Turcotte, 2017 QCCQ 318. Voir aussi : Hugues Parent et Julie Desrosiers, Traité de droit criminel, t. 3 « La peine », 3e éd., Montréal, Thémis, 2020, p. 863; Julie Desrosiers et Geneviève BeausoleilAllard, L'agression sexuelle en droit canadien, 2e éd., Montréal, Yvon Blais, 2017, p. 293294.

[110] Procureur général du Québec c. C.M., 2021 QCCA 543; R. c. Veysey, 2006 NBCA 55.

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