Melikh c. Jodoin | 2025 QCTAL 13715 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
Bureau dE Montréal |
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No dossier : | 850904 31 20250210 G | No demande : | 4621979 |
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Date : | 24 avril 2025 |
Devant le juge administratif : | Richard Barbe |
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Nurdin Melikh | |
Locateur - Partie demanderesse |
c. |
Frédérique Jodoin | |
Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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- Le locateur demande la résiliation du bail et l’expulsion de la locataire et des autres occupants du logement suite au non-respect d’une ordonnance enjoignant à la locataire de payer le loyer le 1er de chaque mois émise le 31 mai 2024 par la juge administrative Francine Jodoin dans le dossier numéro 777342. Il demande également l’exécution provisoire de la décision malgré l’appel et les frais.
- Les parties sont liées par un bail reconduit jusqu’au 30 juin 2025 au loyer mensuel de 810 $.
LES FAITS PERTINENTS
- Une décision a été rendue en faveur du locateur le 31 mai 2024 dans le dossier numéro 777342.
- Cette décision de la juge administrative Francine Jodoin mentionne notamment ce qui suit :
« [20] La locataire étant consciente de ses obligations et ayant pris l'engagement de se conformer dorénavant à son obligation, le Tribunal estime, qu'il y a lieu de substituer à la résiliation immédiate du bail, une ordonnance conformément à l'article 1973 du Code civil du Québec.
« 1973. Lorsque l'une ou l'autre des parties demande la résiliation du bail, le tribunal peut l'accorder immédiatement ou ordonner au débiteur d'exécuter ses obligations dans le délai qu'il détermine, à moins qu'il ne s'agisse d'un retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer.
Si le débiteur ne se conforme pas à la décision du tribunal, celui-ci, à la demande du créancier, résilie le bail. »
[Notre soulignement]
[21] L'auteur Me Pierre-Gabriel Jobin mentionne ce qui suit :
« En matière de louage résidentiel, d'une part, une disposition expresse confère au tribunal le pouvoir discrétionnaire de refuser la résiliation demandée et d'ordonner plutôt l'exécution en nature de l'obligation violée; si, toutefois, le locataire, ensuite, persiste dans son défaut et que le locateur formule une seconde demande de résiliation, elle sera alors accordée automatiquement. Il s'agit d'une sorte d'ultimatum lancé au locataire. »
[Notre soulignement].
[22] La locataire doit, donc, réaliser qu'elle n'a d'autre choix que de se conformer à l'ordonnance ainsi rendue. »
(Le Tribunal souligne. Références omises)
- Cette décision contenait donc une ordonnance rendue en vertu de l’article 1973 C.c.Q. qui enjoignait à la locataire de payer le loyer le 1er de chaque mois à compter du 1er juillet 2024.
- Cette ordonnance s’applique jusqu’au 30 juin 2025, selon la décision rendue.
- La juge administrative Francine Jodoin a clairement indiqué dans sa décision qu’elle était la conséquence si cette ordonnance n’était pas respectée : le locateur pourra déposer une nouvelle demande au Tribunal et obtenir la résiliation du bail en démontrant simplement que la locataire ne l'a pas respectée.
- Dans le cadre de la présente affaire, le locateur exhibe en preuve devant le Tribunal des documents démontrant que le loyer du mois de décembre 2024 a été payé le 5 décembre 2024 et que le loyer de février 2025 a été payé le 6 février 2025.
- La locataire admet que ces retards de paiement ont eu lieu.
- Par conséquent, la preuve démontre que l’ordonnance de payer le loyer le 1er de chaque mois n’a pas été respectée.
ANALYSE ET DÉCISION
- L’article 1973 du Code civil du Québec se lit comme suit :
« 1973. Lorsque l’une ou l’autre des parties demande la résiliation du bail, le tribunal peut l’accorder immédiatement ou ordonner au débiteur d’exécuter ses obligations dans le délai qu’il détermine, à moins qu’il ne s’agisse d’un retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer.
Si le débiteur ne se conforme pas à la décision du tribunal, celui-ci, à la demande du créancier, résilie le bail. »
(Le Tribunal souligne)
- La juge administrative Francine Jodoin mentionne ce qui suit dans l’affaire Samson c. Poitras[1] :
« [11] Dans l’affaire Lavigueur c. Grenon, la Cour du Québec souligne l’importance de l’ordonnance ainsi émise :
« [30] Le Tribunal constate que l'ordonnance prévue à l'article 1973 C.c.Q. s'apparente à l'injonction. Lorsqu’une ordonnance est préalablement émise par un régisseur, ce dernier doit tenir une audition avant de prononcer la résiliation. Comme on le sait, le défaut de respecter une ordonnance de la Cour ou une injonction est sanctionné par un outrage au Tribunal. Par contre, dans le cadre d'une ordonnance de l'article 1973 C.c.Q., la sanction est la résiliation. »
[Notre soulignement]
[12] Lorsqu'une ordonnance est émise conformément à l'article 1973 du Code civil du Québec précité, la seule preuve du défaut du locataire de respecter une telle ordonnance entraîne la résiliation du bail et le Tribunal n'a plus discrétion pour décider, par exemple, qu’il y a lieu de réitérer l’ordonnance ou refuser la résiliation.
[…]
[18] Il faut noter que l'objectif recherché par l'article 1973 C.c.Q. est d'accorder une ultime chance au locataire de rencontrer ses obligations lorsque la preuve soumise justifie la résiliation du bail et que le préjudice sérieux a été démontré. Ceci explique la raison pour laquelle la sanction au défaut de respecter une telle ordonnance est aussi irrémédiable lorsque la contravention est démontrée. »
[Références omises]
- Dans la présente affaire, la preuve démontre que la locataire n’a pas respecté l’ordonnance émise en vertu de l'article 1973 du Code civil du Québec. Le bail sera donc résilié pour ce motif.
- La preuve soumise ne justifie pas l’exécution provisoire de la décision.
- Les frais sont accordés au locateur selon le tarif en vigueur.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
- ACCUEILLE en partie la demande du locateur;
- RÉSILIE le bail et ORDONNE l’expulsion de la locataire et de tous les occupants du logement;
- CONDAMNE la locataire à payer au locateur les frais de 115,50 $.
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| Richard Barbe |
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Présence(s) : | le locateur Me Pierre-Luc Villeneuve, avocat du locateur le locataire |
Date de l’audience : | 11 avril 2025 |
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