Modafferi c. Labatte |
2012 QCRDL 18441 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau de Montréal |
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No : |
31 110429 121 F |
RN :
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11 1337
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Date : |
12 mars 2012 |
Greffière spéciale : |
Me Émilie Pelletier |
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Francesco Modafferi |
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Locateur - Partie demanderesse |
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c. |
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Marie-Myrlène Labatte |
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Locataire - Partie défenderesse |
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DÉCISION
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[1] Le locateur demande la fixation du loyer et la modification d’une autre condition du bail conformément aux dispositions de l’article 1947 du Code civil du Québec.
[2] Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011, à un loyer mensuel de 500,00 $.
[3] Le locateur demande à la Régie de statuer sur la modification suivante : la locataire devra assumer ses frais d’électricité.
[4] Le locateur a produit le formulaire de renseignements nécessaires à la fixation du loyer ainsi que les pièces justificatives et les factures au soutien de ces renseignements.
[5] Après calcul, l’ajustement du loyer permis en vertu du Règlement sur les critères de fixation de loyer[1] est de 6,60 $ par mois, s’établissant comme suit :
Taxes municipales et scolaires |
1,50 $ |
Assurances |
0,57 $ |
Gaz |
0,57 $ |
Électricité |
0,24 $ |
Mazout |
0,00 $ |
Frais d’entretien |
0,24 $ |
Frais de services |
0,00 $ |
Frais de gestion |
0,33 $ |
Réparations majeures, améliorations majeures, mise en place d’un nouveau service |
0,89 $ |
Ajustement du revenu net |
2,26 $ |
TOTAL |
6,60 $ |
MODIFICATION AU BAIL : LES FRAIS D’ÉLECTRICITÉ
ARGUMENTS DES PARTIES
[7] En ce qui concerne la surconsommation d’énergie, le gestionnaire de l’immeuble, Tony Farinaccio, témoigne que la locataire utilise deux unités de climatisation ainsi qu’un appareil de chauffage parabolique. Enfin, le locateur soutient que la consommation d’électricité de la locataire augmente d’année en année. À cet effet, les historiques de facturation d’Hydro-Québec pour le logement de la locataire sont produits au dossier, et ce, pour la période du 22 avril 2008 au 15 août 2011.
[8] En ce qui concerne la méthode de calcul à utiliser afin d’évaluer la valeur des frais d’électricité, le locateur soulève que le Tribunal ne devrait pas tenir compte du coût réel des frais d’électricité puisque la locataire consomme beaucoup plus que les autres locataires de l’immeuble. Il propose donc d’établir une moyenne à partir du coût de la consommation d’électricité des autres locataires de l’immeuble.
[9] Le locateur a calculé que le coût moyen des frais d’électricité est de 47,31 $ mensuellement. Le gestionnaire de l’immeuble, Tony Farinaccio, témoigne que ce calcul fût effectué à partir de données qui lui ont été transmises verbalement par Hydro-Québec. Pour chacun des logements de l’immeuble, Hydro-Québec lui a mentionné les frais de la consommation annuelle. De plus, les factures d’électricité des logements n° 4, 5, 7, 11 et 12 sont produites en preuve. Il ajoute que les logements de l’immeuble sont tous de la même grandeur, soit des quatre pièces et demie, sauf les logements 1 et 1A. Le premier est un trois pièces et demie et le deuxième un cinq pièces et demie.
[10] La locataire conteste la modification demandée car elle soutient que la valeur réelle des frais d’électricité est beaucoup plus grande que la diminution de 40,00 $ proposée par le locateur. Elle témoigne qu’elle habite le logement depuis 11 ans et que le locateur cherche à l’évincer de son logement en modifiant la responsabilité du paiement des frais d’électricité. Elle souligne qu’elle a une seule unité de climatisation dans son logement et non deux. Enfin, elle soutient que les autres logements de l’immeuble ne sont pas occupés pendant 12 mois puisqu’il y a un grand taux de roulement des locataires dans l’immeuble alors qu’elle occupe son logement avec son enfant 12 mois par année.
DÉCISION
[11] L’article 1942 du Code civil du Québec, prévoit la possibilité pour le locateur de modifier les conditions du bail. À cet effet, il doit donner un avis écrit au locataire dans les délais prescrits. L’article stipule que :
Le locateur peut, lors de la reconduction du bail, modifier les conditions de celui-ci, notamment la durée ou le loyer; il ne peut cependant le faire que s'il donne un avis de modification au locataire, au moins trois mois, mais pas plus de six mois, avant l'arrivée du terme. Si la durée du bail est de moins de douze mois, l'avis doit être donné, au moins un mois, mais pas plus de deux mois, avant le terme.
Lorsque le bail est à durée indéterminée, le locateur ne peut le modifier, à moins de donner au locataire un avis d'au moins un mois, mais d'au plus deux mois.
Ces délais sont respectivement réduits à dix jours et vingt jours s'il s'agit du bail d'une chambre.
[12] Dans le cas où le locataire refuse la modification demandée par le locateur, ce dernier peut alors introduire un recours à la Régie du logement afin que le tribunal autorise la modification. L’article 1947 du Code civil du Québec prévoit les modalités suivantes :
Le locateur peut, lorsque le locataire refuse la modification proposée, s'adresser au tribunal dans le mois de la réception de l'avis de refus, pour faire fixer le loyer ou, suivant le cas, faire statuer sur toute autre modification du bail; s'il omet de le faire, le bail est reconduit de plein droit aux conditions antérieures.
[13] Le législateur ayant ouvert la possibilité de modifier l’entente initiale conclue au bail, cette dernière n’est donc pas immuable. À cet effet, le Tribunal partage l’opinion de Me Couture dans Forget c. McNicoll[2] :
Le droit d'utiliser exclusivement un accessoire depuis plusieurs années n'est jamais une garantie absolue de maintien du statu quo pour l'avenir, sinon à quoi serviraient les articles 1947 et 1952 C.c.Q. qui permettent de modifier un bail. Une modification accordée est justement toujours une brèche dans les droits acquis du locataire, que ce soit un transfert de coûts de chauffage, le retrait d'un espace de stationnement, d'un garage ou d'une remise.
[14] Le témoignage de la locataire démontre que la modification demandée ne lui occasionne pas d’inconvénient et que son droit au maintien dans les lieux[3] n’est pas mis en cause. De plus, aucun élément de preuve ne démontre que le locateur cherche à évincer la locataire.
[15] Pour les motifs mentionnés précédemment, le Tribunal accorde la modification demandée, soit que la locataire assume les frais d’électricité pour son logement.
[16] Tel que mentionné précédemment, l’article 1952 du Code civil du Québec prévoit que «le tribunal qui autorise la modification d’une condition du bail fixe le loyer exigible pour le logement, compte tenu de la valeur relative de la modification par rapport au loyer du logement.»
[17] Le Tribunal accorde donc à la locataire une réduction afin de compenser le coût de l’électricité qui était inclus dans son loyer pour la consommation courante et l’eau chaude.
[18] La preuve démontre que le coût annuel de la consommation d’électricité pendant l’année de référence 2010 pour le logement de la locataire est de 1 058,98 $. Ce qui représente un montant mensuel de 88,24 $, pour la consommation d’électricité d’un logement de quatre pièces et demie, excluant les frais de chauffage.
[20] Le Tribunal est d’avis que les informations relatives à la consommation annuelle des autres logements ne peuvent pas être retenues puisqu’il s’agit de ouï-dire. En effet, le témoin a rapporté des informations transmises par un tiers qui ne témoignait pas à l’audience. De plus, ces informations ne permettent pas d’identifier la période et la consommation d’énergie pour lesquelles la facturation d’Hydro-Québec a été faite.
[21] Par ailleurs, les comptes d’Hydro-Québec des logements n° 4, 7 et 12, mentionnant l’historique de consommation du logement pour plus de 365 jours, sont retenus. Compte tenu de la période d’occupation des logements, le Tribunal rejette l’objection de la locataire relativement au fait que ces données ne sont pas représentatives.
[22] À cet effet, le Tribunal constate que le nom du locataire à qui Hydro-Québec a facturé les comptes est clairement identifié et qu’il ne s’agit pas du locateur. De plus, l’historique de la consommation antérieure de chacun de ces comptes couvre une période de plus de 365 jours entre mai 2010 et juin 2010.
[23] Toutefois, les comptes d’Hydro-Québec pour les logements n° 5 et 11 ne peuvent pas être retenus puisque la période de l’historique représente 75 jours ou moins. Cette période est trop courte aux fins de comparaison.
[24] L’historique de la consommation d’électricité du logement n° 12 révèle que la consommation annuelle s’élève à 5 230 kWh pour une période de 369 jours. Les frais d’électricité pour cette période sont de 492,52 $, ce qui équivaut à 487,18 $ annuellement.
[25] L’historique de la consommation du logement n° 7 révèle que la consommation annuelle s’élève à 10 000 kWh pour une période de 367 jours. Les frais d’électricité pour cette période sont de 799,87 $, ce qui équivaut à 795,51 $ annuellement.
[26] L’historique de la consommation du logement n° 4 révèle que la consommation annuelle s’élève à 6 750 kWh pour une période de 377 jours. Les frais d’électricité pour cette période sont de 589,02 $, ce qui équivaut à 570,27 $ annuellement.
[27] Selon les frais d’électricité facturés pour la consommation annuelle d’électricité des locataires des logements n° 4, 7 et 12 de l’immeuble, les frais annuels d’électricité de la locataire sont 71 % plus élevés que la moyenne de ces trois logements. De plus, les frais d’électricité du logement de la locataire sont 33 % plus élevés que ceux du logement n° 7, soit les plus élevés des trois logements comparés.
[28] Ces écarts sont très élevés, et ce, a forteriori puisque les frais de chauffage ne sont pas inclus dans les frais d’électricité. Ainsi, les questions relatives à l’isolation de l’immeuble et l’endroit où le logement est situé par rapport aux autres dans l’immeuble n’entrent aucunement en ligne de compte.
[29] Le Tribunal juge que la preuve est prépondérante à l’effet que la locataire consomme de façon excessive l’électricité. Conséquemment, le Tribunal réduit le loyer de la locataire selon la moyenne des frais d’électricité des logements n° 4, 7 et 12, soit 51,47 $ (617,65 $ / 365 jours).
[30] Pour les motifs mentionnés précédemment, le Tribunal accorde une réduction de 51,47 $ par mois afin de compenser le coût de l’électricité qui était inclus dans le loyer de la locataire pour la consommation courante et l’eau chaude.
[31] CONSIDÉRANT l'ensemble de la preuve;
[32] CONSIDÉRANT qu’un ajustement mensuel de 6,60 $ est justifié;
[33] CONSIDÉRANT que la Régie autorise la modification demandée et l’évalue à 51,47 $ par mois;
[34] CONSIDÉRANT qu’il y a lieu de réduire le loyer d’autant;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[35] Accorde la modification à l’effet que la locataire assume les frais d’électricité de son logement, et ce, à compter du 1er juillet 2011.
[36] FIXE le loyer, après arrondissement au dollar le plus près, à 455,00 $ par mois, du 1er juillet 2011 au 30 juin 2012.
[37] Les autres conditions du bail demeurent inchangées à l’exception de celle relative à la modification demandée.
[38] Le locateur assume les frais de la demande.
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Me Émilie Pelletier, greffière spéciale |
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Présence(s) : |
le locateur la locataire |
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Date de l’audience : |
3 novembre 2011 |
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