Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

Côté c. Asse Lydia

2022 QCTAL 25548

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Québec

 

No dossier :

628912 18 20220429 G

No demande :

3536196

 

 

Date :

09 septembre 2022

Devant le juge administratif :

Stéphan Samson

 

Annie Côté

 

Olivier Christian

 

Locateurs - Partie demanderesse

c.

Christiane Asse Lydia

 

Koffi Jules Kouakou

 

Locataires - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Par leur demande, les locateurs réclament le recouvrement du loyer non payé au moment du départ des locataires, des dommages pour perte de loyer et indemnité de relocation, des dommages pour pertes et dégradations au logement, la condamnation solidaire des locataires, le tout avec les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, ainsi que les frais judiciaires.

[2]         Les parties sont liées aux termes d'un bail pour la période du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022 au loyer mensuel de 1 075 $.

[3]         Le bail prévoit que les locataires sont solidairement responsables envers les locateurs.

[4]         La preuve démontre que les locataires ont quitté le logement le 3 décembre 2021 à la suite d’une décision du Tribunal administratif du logement datée du 22 novembre 2021.

[5]         La preuve démontre que les locataires doivent la somme de 1 075 $, à titre de loyers impayés au moment de leur départ.

[6]         Le logement est reloué pour le 1er mars 2022. Les locateurs réclament 2 150 $ correspondant à la perte de 2 mois de loyer.

[7]         Le Tribunal est satisfait des explications et de la preuve fournies par les locateurs relativement aux démarches effectuées pour relouer rapidement le logement. La réclamation des locateurs est donc justifiée.


[8]         Les locateurs réclament aussi des frais d'énergie (219,92 $).

[9]         Le Tribunal est satisfait des explications et des preuves fournies par les locateurs et leur accorde la somme demandée.

[10]     De plus, les locateurs allèguent que le logement n'a pas été remis dans le même état que livré. Ils réclament une somme de 16 012,80 $ pour la réparation du logement et sa remise en état.

[11]     Un locataire se doit d'utiliser le logement avec prudence et diligence[1].

[12]     De plus, il doit le remettre dans le même état que celui où il l'a reçu à l'exception de l'usure normale, de la vétusté ou d'une force majeure[2].

[13]     La loi prévoit aussi qu'un locataire est présumé avoir reçu le logement en bon état, à défaut de constat des lieux ou de photographie. Il s'agit d'une présomption simple qui peut être repoussée par une preuve contraire[3].

[14]     À cela s'ajoutent les principes de l'article 1862 C.c.Q. qui énonce :

« 1862. Le locataire est tenu de réparer le préjudice subi par le locateur en raison des pertes survenues au bien loué, à moins qu'il ne prouve que ces pertes ne sont pas dues à sa faute ou à celle des personnes à qui il permet l'usage du bien ou l'accès à celui-ci.

Néanmoins, lorsque le bien loué est un immeuble, le locataire n'est tenu des dommages-intérêts résultant d'un incendie que s'il est prouvé que celui-ci est dû à sa faute ou à celle des personnes à qui il a permis l'accès à l'immeuble. »

[15]     Ce dernier article fait peser sur les épaules du locataire le fardeau de démontrer que les préjudices subis par le locateur ne proviennent pas de ses gestes.

[16]     Dans l'affaire Maria-Chapdelaine (Municipalité régionale de comté de) c. Bleuetière péninsule Albanel Inc.[4], la Cour supérieure rappelle l'obligation du locataire et le droit du locateur quant à la remise en état des lieux en ces termes :

« [132] Le locateur a droit à la remise des lieux dans l'état où ils se trouvaient lors de la prise de possession initiale. Il ne peut cependant réclamer une remise à neuf, car il doit assumer la détérioration et l'usure normale. Les lieux doivent donc être remis dans un état qui permet de les relouer sans avoir à procéder à plus que des travaux mineurs[13]. »

[Référence omise]

[17]     Cela dit, le départ d'un locataire peut causer un rafraîchissement nécessaire au logement, de façon à favoriser sa relocation. Lorsque cela résulte d'une occupation normale, le locataire n'assume, en principe, aucune responsabilité à cet égard. C'est le cas, notamment d'un nettoyage régulier, des travaux de plâtre et de peinture rendus nécessaires par l'apposition de rideaux, de stores, de tableaux aux murs ou d'autres objets décoratifs. De la même façon, lorsqu'il y a restauration du plancher qui n'est pas causée par un abus ou détérioration anormale, le locateur ne peut réclamer les coûts reliés à de tels travaux.

[18]     Dans le présent cas, le Tribunal doit donc évaluer la situation factuelle afin de déterminer si le logement rendu l'a été de façon conforme aux principes ci-devant mentionnés.

[19]     Cette réclamation pour la réparation du logement et sa remise en état est une suite directe de la décision de la juge administrative Chantal Trahan rendue le 22 novembre 2021 sur la demande des locataires en résiliation de bail[5].

[20]     Le Tribunal croit opportun de reprendre certain paragraphe de cette décision.

« [3]      Les locateurs expliquent que les locataires font preuve de négligence dans l’entretien de leur logement, de façon générale. Ils relatent que dès leur arrivée, un mauvais branchement de leur tuyau de lave-vaisselle a causé un sinistre, car de l’eau s’est écoulée pendant plusieurs jours, causant des dommages matériels importants dans tout le logement.


[4]      De plus, ne faisant pas fonctionner la hotte de cuisine, tout en cuisinant beaucoup, cela a fait en sorte de créer un taux d’humidité anormalement élevé dans tout le logement. Les locateurs constatent que des travaux majeurs sont à faire dans le logement et leurs assureurs sont intervenus. En autres, les armoires de cuisine sont à refaire, de même que les planchers et la salle de bain. De plus, le plafond du logement situé en dessous de celui des locataires est à refaire, puisqu’il y a eu une infiltration d’eau qui l’a endommagé.

[5]      La locatrice Annie Côté a pu constater l’ampleur des dommages au logement des locataires Koffi et Asse le 15 octobre dernier, lorsqu’elle s’est rendue sur les lieux en compagnie de l’exterminateur, en raison d’une infestation de blattes. Mme Côté témoigne que les locataires n’ont pas mis en fonction l’échangeur d’air (Venmar), ils n’ont pas non plus fait fonctionner la hotte de cuisine ni le ventilateur de la salle de bain pendant tous ces mois d’occupation.

[6]      Quant à l’infestation de blattes, les locateurs ont appris leur existence dans l’immeuble par leurs locataires résidant à l’étage supérieur, lorsque ceux-ci s’en sont plaints. Des rapports de la firme « EXTQ Exterminateurs du Québec » ont été déposés en preuve, qui font état que la salubrité dans le logement des locataires Koffi et Asse est qualifiée de « moyenne », qu’il s’agit d’une infestation majeure et que les insectes se retrouvent dans toutes les pièces du logement. Quant aux locataires qui ont dénoncé la problématique des blattes, le niveau d’infestation est qualifié de « mineur » par l’exterminateur.

(…)

[28]   Par contre, la preuve est prépondérante et démontre que les locataires ont manqué à leur obligation d’user du bien avec prudence et diligence. L’usage que les locataires ont fait de leur logement a causé des dommages substantiels, qui nécessite des travaux de réfection majeure et qui devront être entrepris le plus rapidement possible. À cela s’ajoute le problème d’infestation de blattes qui doit être résolu entièrement avant que les travaux ne débutent. Les rapports de l’exterminateur parlent de salubrité « moyenne » en ce qui concerne le logement des locataires Koffi et de la nécessité de respecter rigoureusement les consignes de salubrité afin d’assurer un traitement efficace.

(…)

[31]   La résiliation du bail est justifiée, les locateurs ayant démontré tant au niveau du mauvais entretien du logement que du comportement des locataires que cela leur cause un préjudice sérieux, ainsi qu’aux autres locataires.

[32]   Finalement, en vertu de l'article 82.1 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[4], en raison de la preuve administrée à l’audience, l'exécution provisoire de la présente décision est injustifiée. »

[21]     De la preuve entendue à l’audience, le Tribunal est convaincu que les locataires n’ont pas utilisé le logement de façon prudente et diligente et qu’ils sont responsables des dommages causés au logement.

[22]     En défense, les locataires prétendent qu’ils ont utilisé le logement de façon prudente et diligente en faisant fonctionner la hotte de la cuisinière.

[23]     Le témoignage des locataires n’a pas convaincu le Tribunal qu’ils ne sont pas responsables des dommages réclamés par les locateurs. De leur court témoignage, le Tribunal ne retient aucun élément leur étant favorable.

[24]     Toutefois, le Tribunal doit analyser les dommages réclamés afin de déterminer si ces derniers sont une suite directe et immédiate du comportement des locataires. Le Tribunal doit également analyser les montants réclamés afin de vérifier si certains ne seraient pas exagérés ou disproportionnés par rapport au préjudice subi.

[25]     Considérant la preuve, la réclamation des locateurs sera accordée, en partie.

[26]     Les locateurs auront droit à la totalité des montants suivants :

a)      Travaux apparaissant à la facture P-7 et au devis P-9 au montant de 10 837,81 $;

b)      Facture P-8 pour le remplacement du miroir et des luminaires au montant de 435,99 $;

c)      Solde de la facture P-3 au montant de 374,88 $.


[27]     Toutefois, la réclamation pour le coût des photos au montant de 25,02 $ sera rejetée puisqu’il ne s’agit pas de dommages directs et immédiats résultant de la faute des locataires.

[28]     De plus, le Tribunal est d’opinion que le montant réclamé pour les travaux de peinture du logement apparaissant à la facture P-6 est exagéré. Utilisant son pouvoir discrétionnaire, le Tribunal accordera au locateur 50% de la facture P-6, soit 2 069,55 $.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[29]     CONDAMNE solidairement les locataires à payer aux locateurs la somme de 17 163,15 $, avec les intérêts et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 16 19 du Code civil du Québec, à compter du 29 avril 2022, plus les frais de justice de 80 $ et de notification de 9,75 $.

 

 

 

 

 

 

 

 

Stéphan Samson

 

Présence(s) :

les locateurs

les locataires

Me Dave Simoneau, avocat des locataires

Date de l’audience : 

29 juillet 2022

 

 

 


 


[1] Article 1855 C.c.Q.

[2] Article 1890 C.c.Q.

[3] Article 2847 C.c.Q.

[4] Maria-Chapdelaine (Municipalité régionale de comté de) c. Bleuetière péninsule Albanel inc., 2009 QCCS 1055 (CanLII).

[5] Côté c. Lydia, 2021 QCTAL 29834.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.