Duguay c. Lefebvre |
2020 QCTAL 5501 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
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Bureau dE Sherbrooke |
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No dossier : |
484724 26 20191002 G |
No demande : |
2860016 |
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Date : |
23 octobre 2020 |
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Devant le juge administratif : |
Marc Landry |
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Owen Duguay |
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Locateur - Partie demanderesse |
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c. |
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Caroline Lefebvre |
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Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] Le locateur demande des dommages-intérêts de 2 509,87 $ à la suite des pertes et dégradations constatées au logement au départ de la locataire (murs, plafonds, portes, planchers, saleté; réparations, peinture, ménage). La demande est signifiée par huissier le 3 octobre 2019.
[2] Il s’agit d’un bail reconduit du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019 au loyer mensuel de 715 $ pour un logement de 4 ½ pièces.
[3] La locataire quitte le logement au cours du mois de juin 2019.
[4] Le séjour de la locataire dure trois années. L’immeuble vient d’être construit lorsqu’elle prend possession du logement en juillet 2016. Elle est la première locataire à habiter le logement.
LE DROIT
[5] L'article
[6] L'article
[7] L'article
[8] En résumé, le locataire doit user des lieux loués en personne prudente et diligente. Il doit remettre les lieux dans l’état reçu, sous réserve toutefois des changements résultant de l’usure normale, de la vétusté ou de la force majeure.
[9] Le locateur bénéficie de deux présomptions (qui peuvent cependant être renversées par une preuve contraire), soit celle de la responsabilité du locataire (reliée au fardeau de preuve que lui impose la loi) pour les pertes et dégradations qui surviennent au logement durant son séjour[1] et celle de la réception du logement en bon état au début du bail.
[10] Au moment de la fin du
bail ou de la remise des lieux au locateur, il n’existe pas pour ce dernier un
droit à la rénovation et à l’amélioration du logement dont le locataire doit
faire les frais. Le locateur a seulement un droit à des dommages-intérêts pour
les changements, pertes et dégradations causés au logement et constatés au
départ du locataire. Le droit à la remise en état d'origine est limité et
balisé par la loi, puisque le locataire ne répond pas de la vétusté, de l'usure
normale, ni de la force majeure, précise l'article
[11] Les améliorations ou les ajouts apportés lors des travaux ne sont donc pas indemnisables.
[12] Il faut aussi tenir compte de l’âge des biens, accessoires et dépendances du logement en cause et considérer la part intrinsèque d’usure normale de ceux-ci dans le temps, d’où la prise en compte d’une dépréciation propre à chaque cas d’espèce.
[13] Le locataire n’est pas l’assureur « valeur à neuf » du logement et des biens du locateur.
[14] Le locateur doit voir
à minimiser les dommages réclamés, puisque la personne tenue de réparer un
préjudice ne répond pas de l’aggravation de ce préjudice que la victime pouvait
éviter (article
[15] Selon la jurisprudence et la doctrine, il est considéré comme normal pour un locateur d’avoir à rafraichir un logement afin de favoriser la relocation après plusieurs années d’occupation[2].
[16] En terminant, pour réussir dans un recours en dommages-intérêts, un demandeur doit démontrer l’inexécution de l’obligation de son cocontractant (la faute), le préjudice subi (les dommages) et le lien de causalité direct et immédiat entre les deux.
ANALYSE ET DÉCISION
[17] Fort de ces principes, le Tribunal retient le séjour de trois années de la locataire, à savoir une durée de séjour qui constitue en soi une part intrinsèque d’usure normale d’un logement.
[18] Un locateur doit normalement s’attendre à devoir rafraichir le logement, soit devoir le repeindre et faire un nettoyage en profondeur afin de favoriser une relocation rapide après quelques années d’occupation.
[19] Toutefois, les pertes et dégradations importantes constatées aux murs, aux plafonds, aux portes et aux planchers ne constituent pas de l’usure normale. Et le logement n’est pas laissé en bon état de propreté par la locataire à son départ. Une abondante preuve photographique vient corroborer les dires du locateur. Le logement est neuf au moment de la délivrance en 2016. Les pertes et dégradations nécessitent des réparations et le remplacement de certains accessoires du logement. Le locateur a droit à une indemnité.
[20] La locataire admet seulement les dommages causés à une porte et au mur derrière la porte d’une chambre. Elle nie en bloc l’évidence de tout le reste. Elle ajoute que c’est elle et son père qui ont fait la peinture du logement lors de la prise de possession en 2016.
[21] Le Tribunal estime que le témoignage de la locataire a une valeur probante moindre que celui du locateur, puisque celui-ci est corroboré par une forte preuve photographique et qu’il est beaucoup plus précis et détaillé.
[22] La locataire ne démontre pas que les dommages causés au logement ne sont pas sa faute ni celle des personnes à qui elle a donné accès au logement. Elle ne renverse pas la présomption de réception du logement en bon état.
[23] À l’aune de la preuve entendue et des pièces justificatives produites, une somme de 1 900 $ est accordée au locateur. Cette somme tient compte de la dépréciation retenue par le Tribunal en fonction de la durée du séjour de la locataire.
[24] Les frais assumés par
une partie afin de monter un dossier de litige en vue d’une audience
(photocopies, photographies, etc.) ne constituent pas des dommages directs et
immédiats. Seuls les dommages qualifiés de direct et immédiat sont
indemnisables (article
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[25] CONDAMNE la
locataire à payer au locateur la somme de 1 900 $, plus les intérêts
au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article
[26] REJETTE la demande quant au surplus.
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Marc Landry |
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Présence(s) : |
le locateur la locataire |
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Date de l’audience : |
13 octobre 2020 |
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[1] Sauf en cas d’incendie, où la règle s’inverse, car il n’y a plus de présomption de responsabilité du locataire (de son fait personnel ou du fait des personnes à qui il donne accès au logement) et il appartient alors au locateur de démontrer la faute du locataire.
[2]
Faribault, Léon, Traité de droit civil du Québec, tome 9, Montréal,
Wilson et Lafleur, 1961, p. 187; Office municipal d'habitation de Sherbrooke
c. Bachand,
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