Gamache c. Cap Reit GP inc., s.e.c./Cap Reit | 2024 QCTAL 9439 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Montréal | ||||||
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No dossier : | 686635 31 20230302 G | No demande : | 3828435 | |||
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Date : | 13 mars 2024 | |||||
Devant la juge administrative : | Francine Jodoin | |||||
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Joël Gamache
Vyncent Vallières |
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Locataires - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Société en Commandite Capreit |
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Locateur - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] Les locataires demandent une diminution de loyer de 10 % (du 10 août 2021 au 22 février 2023) et « une indemnité de 1 000 $ ».
[2] Le 10 août 2021, les locataires constatent que quelques lattes de leur plancher de parqueterie se soulèvent dans le passage et la pièce annexée à la salle de bain. Ils réalisent que la thermopompe dans la salle de bain fuit.
[3] Aussitôt une demande de service est faite auprès du locateur. Une intervention rapide est faite pour régler les écoulements d’eau. Toutefois, malgré quelques relances verbales et un message à travers la plateforme de communication[1], les locataires n’obtiennent pas du locateur les réparations au plancher.
[4] Le 10 février 2023, une mise en demeure est transmise. Les travaux sont exécutés le 22 février 2023.
[5] Monsieur Vallière soutient que l’état du plancher a généré la gêne quant à l’image projetée chez ses visiteurs. Il voit le trou laissé par le décollement des lattes de plusieurs endroits dans son logement et cela lui est désagréable. Leur robot balayeuse était constamment arrêté dans le trou formé par le soulèvement des lattes. Monsieur Vallières fait également valoir le stress de se déplacer au Tribunal et la préparation du dossier.
[6] Madame Nora Lim est la représentante du locateur. Elle souligne que l’écoulement est survenu en période Covid.
[7] Dans son dossier, elle a une relance faite le 1er décembre 2022 et une mise en demeure le 10 février 2023. Les réparations sont complétées le 22 février suivant.
[8] Monsieur Marcello Gonzalez est directeur responsable de l’entretien pour le locateur. Il souligne que durant la pandémie, il priorisait les interventions selon les urgences. De plus, il y a eu, dit-il, une pénurie de main-d’œuvre et de matériaux.
[9] Il ajoute que sur la demande de service du 1er décembre 2022, les locataires refusent la permission d’entrer au logement ce qui implique qu’il faut prendre rendez-vous avec eux.
[10] Monsieur Vallières souligne que les travaux n’ont pas requis de matériaux puisqu’on a scié les lattes qui avaient gonflé et on a remis du vernis, sans plus.
ANALYSE
Les locataires ont-ils droit aux conclusions recherchées?
[11] Suivant la loi, le locateur assume, entre autres, l'obligation de procurer aux locataires la jouissance paisible de leur logement (article 1854 C.c.Q.) et l’exécution de toutes les réparations nécessaires au logement (article 1864 C.c.Q.).
[12] Selon les auteurs[2] , ces obligations du locateur doivent être qualifiées de résultat, de sorte que les moyens de défense du locateur sont limités. Une fois le manquement établi, le locateur ne peut alors invoquer simplement sa diligence raisonnable ou se contenter de rapporter la preuve d'un comportement prudent et diligent[3] .
[13] L'inexécution d'une obligation prévue par la loi ou le bail confère le droit de demander, entre autres, la diminution du loyer et des dommages.
[14] Le recours en diminution de loyer doit être distingué de celui en dommages en ce qu'il ne participe pas des mêmes conditions d'application[4].
[15] L'un vise à rétablir l'équilibre des prestations en évaluant la valeur objective de la perte locative subie et l'autre à compenser le préjudice subi (moral, matériel) ou à punir l'auteur d'un fait dommageable (dommage punitif).
[16] L'attribution de dommages-intérêts compensatoires et l'évaluation des pertes subies obéissent aux règles générales du droit commun. Aussi, le Tribunal doit considérer le lien de causalité qui existe entre la faute reprochée et les dommages réclamés.
[17] Les dommages moraux visent à compenser les troubles, ennuis, inconvénients, la perte de jouissance de la vie, les douleurs et les souffrances psychologiques.
[18] Les dommages matériels concernent les frais, coûts ou pertes matérielles subis par le locataire en raison de la faute commise par le locateur.
[19] À cet égard, seuls les dommages qui constituent une suite directe et immédiate de la faute peuvent faire l'objet d'une compensation. Ainsi, la locataire ne peut avoir droit aux dommages indirects[5].
[20] Cela étant dit, comme expliqué à l’audience, toute contravention aux obligations découlant du bail n'est pas automatiquement synonyme de diminution de loyer ou de dommages.
[21] En effet, la jurisprudence reconnaît qu'aucune diminution n'est possible en l'absence de perte réelle et significative de la valeur locative du logement ou lorsque la problématique est d'ordre esthétique plutôt que fonctionnel[6].
[22] Dans la décision Structures métropolitaines SMI inc. c. Lemieux[7], la Cour du Québec précise ceci en ce qui concerne l'octroi de dommages additionnels :
« [...]
c. Considérant les obligations d'entretien et de sécurité de la locatrice, le locataire, qui doit subir les travaux reliés à l'accomplissement de ces obligations conserve, tout de même, suivant les circonstances, le droit d'obtenir une diminution de loyer proportionnelle aux inconvénients sérieux causés par les travaux reliés à l'accomplissement. Ce droit à l'indemnité ne dépend pas de la démonstration d'une faute.
Nous ajoutons ceci : le recours du locataire en dommages-intérêts peut s'ajouter au recours en réduction du loyer seulement dans des cas où le locateur commet une faute en la manière que les travaux sont réalisés où en raison d'un geste fautif commis à l'occasion de ces travaux dans la mesure où des telles fautes causent un préjudice au locataire qui n'est pas déjà compensé par une réduction du loyer. »
[Notre soulignement]
[23] De surcroit, la transmission d'une mise en demeure formelle est généralement requise pour donner ouverture au recours[8], la notification d'une procédure judiciaire pouvant en tenir lieu.
Le locateur a-t-il contrevenu à ses obligations contractuelles?
[24] En l’occurrence, la preuve révèle qu’à la suite d’un écoulement d’eau en provenance de la thermopompe située dans la salle de bain des locataires, le plancher a été endommagé. Sur une petite superficie, les lattes de bois du revêtement de parqueterie ont levé.
[25] Il s’agit, de toute évidence, de réparations nécessaires au logement qui va au-delà d’un préjudice purement esthétique qui normalement n’affecte pas la fonctionnalité du logement. En l’occurrence, même si la superficie affectée du plancher est relativement petite, cela a été suffisant pour créer un risque nuisible dans l’usage du logement (accrochage des pieds, balayeuse) et constituer une entrave à la jouissance paisible du logement.
[26] Cela dit, les locataires se sont accommodés de la situation pendant plusieurs mois avant de finalement transmettre une mise en demeure. Aussi, le Tribunal accordera une diminution de loyer pour le mois de février 2023 seulement, soit 50 $.
[27] Quant aux dommages pour l’absence de travaux, les locataires n’ont pas prouvé avoir subi de dommages réels en sus de la diminution accordée.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[28] CONDAMNE le locateur à payer aux locataires la somme de 50 $;
[29] REJETTE la demande quant au surplus.
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Francine Jodoin | ||
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Présence(s) : | le locataire Vyncent Vallières agissant pour lui-même et à titre de mandataire pour le locataire Joël Gamache la mandataire du locateur | ||
Date de l’audience : | 26 février 2024 | ||
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[1] 10 novembre 2021.
[2] Baudouin J.-L. et Jobin, P.-G, Motifs d'exonération dans les obligations, 6e Édition par Jobin, P.G., Baudouin J.-L. et Deslauriers, P., La faute contractuelle dans La responsabilité civile, Volume I - Principes généraux, 7e Édition, 2007, EYB2007RES21, approx. 12 pages.
[3] Baudouin J.-L. et Jobin, P.-G., Motifs d'exonération dans les obligations, 6e Édition par Pierre-Gabriel Jobin, avec la collaboration de N. Vézina, 2005, EYB2005OBL32, approx. 22 pages.
[4] Deslauriers J.,
[5] Articles 1611 et 1613 du Code civil du Québec.
[6] Lamy, D., La diminution de loyer, Montréal, Wilson & Lafleur, 2004, p. 29-30. Ferdinand c. Demopoulos,
[8] Gongoroiu c. Modabbernia,
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