Robert c. Guilbeault-Mayers | 2025 QCTAL 8065 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||
Bureau de Montréal | ||||
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No dossier: | 783144 31 20240405 F | No demande: | 4276376 | |
RN :
| 4459967
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Date : | 11 mars 2025 | |||
Devant la greffière spéciale : | Me Marie-Dorothée Lesage | |||
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Jean-Claude Robert | ||||
Locateur - Partie demanderesse | ||||
c. | ||||
Xavier Guilbeault-Mayers | ||||
Locataire - Partie défenderesse | ||||
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D É C I S I O N
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« Toutes locations court terme de type Air B & B sont interdites., à compter ai 2024‑07‑01 ». [sic]
Demande de fixation de loyer
Loyer estimé
« 1. Dans le présent règlement, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par:
« logement comparable »: un logement équivalent, dans le même immeuble ou dans un immeuble équivalent, doté de services, accessoires et dépendances comparables et situé dans un environnement comparable;
« loyer »: le prix mensuel de la jouissance d’un logement avec ses services, accessoires et dépendances, même s’ils font l’objet d’un contrat distinct du bail;
[…]
« loyer estimé »: le loyer évalué par rapport à celui de logements comparables, s’il s’agit d’un logement:
1° inoccupé;
2° occupé par le locateur ou sa famille;
3° occupé par un employé dont le travail concerne l’immeuble;
4° utilisé pour l’exploitation de l’immeuble;
[…]
« revenus»: les loyers et, le cas échéant, les loyers estimés d’un immeuble pour le dernier mois de la période considérée, multipliés par 12, ainsi que tout autre revenu provenant de l’exploitation de l’immeuble durant la période de référence; »
[Notre soulignement]
Taxes municipales et scolaires | 1,42 $ |
Assurances | 0,00 $ |
Gaz | 0,00 $ |
Électricité | 3,46 $ |
Mazout | 0,00 $ |
Frais d’entretien | 0,62 $ |
Frais de services | 0,00 $ |
Frais de gestion | 1,76 $ |
Réparations majeures, améliorations majeures, mise en place d’un nouveau service |
0,00 $ |
Ajustement du revenu net | 12,17 $ |
TOTAL |
19,43 $ |
MODIFICATION AU BAIL
« 1942. Le locateur peut, lors de la reconduction du bail, modifier les conditions de celui-ci, notamment la durée ou le loyer; il ne peut cependant le faire que s'il donne un avis de modification au locataire, au moins trois mois, mais pas plus de six mois, avant l'arrivée du terme. Si la durée du bail est de moins de douze mois, l'avis doit être donné, au moins un mois, mais pas plus de deux mois, avant le terme. […] »
« 1947. Le locateur peut, lorsque le locataire refuse la modification proposée, s'adresser au Tribunal dans le mois de la réception de l'avis de refus, pour faire fixer le loyer ou, suivant le cas, faire statuer sur toute autre modification du bail; s'il omet de le faire, le bail est reconduit de plein droit aux conditions antérieures. »
« 1936. Tout locataire a un droit personnel au maintien dans les lieux; il ne peut être évincé du logement loué que dans les cas prévus par la loi. »
« 1941. Le locataire qui a droit au maintien dans les lieux a droit à la reconduction de plein droit du bail à durée fixe lorsque celui-ci prend fin.
Le bail est, à son terme, reconduit aux mêmes conditions et pour la même durée ou, si la durée du bail initial excède douze mois, pour une durée de douze mois. Les parties peuvent, cependant, convenir d'un terme de reconduction différent. »
« 1952. Le Tribunal qui autorise la modification d'une condition du bail fixe le loyer exigible pour le logement, compte tenu de la valeur relative de la modification par rapport au loyer du logement. »
« [22] Quels sont les critères permettant au locateur de modifier les conditions du bail lors de sa reconduction?
[23] Tout d’abord, il y a lieu de souligner une règle de droit bien établie à l’effet qu’il appartient au demandeur de toute demande en justice de démontrer le bien-fondé de sa demande en établissant les éléments factuels de faits et de droit au soutien de sa demande.
[24] En l’instance, il appartient aux locateurs de prouver le bien-fondé de leur demande en établissant les motifs au soutien de la modification par l’ajout au bail de cette clause interdisant la sous-location à court terme et qu’une telle modification au bail ne porte pas atteinte au droit personnel de la locataire au maintien dans les lieux.
[25] Le Tribunal estime que les motifs soulevés par les locateurs semblent plutôt hypothétiques c’est-à-dire s’appuyant sur leur prérogative de propriétaires-locateurs, ils désirent interdire tout simplement la sous-location à court terme de type « Airbnb » craignant une activité commerciale de location.
[26] Les locateurs demandent alors que ces motifs hypothétiques et hautement subjectifs l’emportent sur l’inconvénient créé à la locataire par la modification d’une condition du bail.
[27] Dans ces circonstances et pour les motifs précédemment mentionnés, le Tribunal estime que les faits et les arguments des locateurs ne permettent pas de leur accorder la modification demandée au bail puisque leur demande est plutôt guidée par des considérations personnelles et hypothétiques ou l’exercice abusif de leur droit de propriété, ce qui porte atteinte au droit personnel de la locataire au maintien dans les lieux loués. »
« [35] En somme, l’objet de la demande n’est pas réellement une modification aux conditions du bail au sens des articles 1942 et 1952 du Code civil du Québec puisqu’elle n’est pas fondée sur des considérations objectives liées à une évolution, un changement ou une transformation des règles de gestion de la propriété mais une sanction des manquements du locataire.
[36] Cela implique nécessairement que le greffier spécial tienne une enquête sur les reproches formulés et décide ensuite d’accorder la modification sur simple preuve du manquement et dans la mesure où les autres critères sont rencontrés.
[37] Le tribunal croit qu’une demande de modification aux conditions du bail n’est pas le recours approprié lorsqu’il s’agit exclusivement de punir un locataire de ses manquements.
[38] Il faut, en effet, considérer qu’une modification aux conditions du bail qui a pour objet de supprimer un usage, un accessoire ou un service, par exemple, s’apparente à une demande de résiliation partielle du bail, ce qui ne serait pas possible en application de l’article 1863 du Code civil du Québec :
[…]
[42] En raison des règles qui régissent la fixation du loyer et la modification aux conditions du bail, une telle discrétion ne peut être exercée par le greffier-spécial.
[43] Le locateur n’aurait alors qu’à faire valoir le manquement pour retirer un usage au locataire dans le cadre d’une modification aux conditions du bail.
[44] Si l'on devait permettre au locateur, de modifier une condition du bail uniquement parce qu'il est insatisfait de l'exécution par le locataire, cela aurait pour conséquence d'alléger le fardeau de preuve qui lui est normalement imposé. Il n'est, donc, pas approprié de procéder à une telle détermination dans le cadre d'une demande de fixation de loyer ou modification aux conditions du bail. »
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
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Me Marie-Dorothée Lesage, greffière spéciale | ||
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Présence(s) : | le locateur le locataire | ||
Date de l’audience : | 13 décembre 2024 | ||
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[1] Règlement sur les critères de fixation de loyer, chapitre T-15.01, r. 2.
[2] Chartrand c. Chartrand, 2019 QCRDL 33369 (CanLII).
[3] RLRQ, c. T-15.01, r. 2.
[4] Articles 2803, 2804 et 2805 du Code civil du Québec.
[5] 2019 QCRDL 25606 (CanLII)
[6] Stanco c. Leblanc, 2012 CanLII 129997 (QC TAL).