MISE EN GARDE : Ordonnance limitant la publication - infractions d’ordre sexuel : Il est interdit de publier ou diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de la victime ou d’un témoin (article 486.4(1) C.cr.).
[1] Les requérants veulent être autorisés à appeler de cette partie du jugement rendu par la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, district de Témiscamingue, le 11 mars 2020 (l’honorable Marie-Claude Bélanger), qui condamne l’intimé à une peine d’emprisonnement de cinq mois pour leurre d’une personne âgée de moins de 16 ans ou qu’il croyait telle (al. 172.1(1)b)(2)a) C.cr.) (chef 4), à être purgée de façon concurrente au chef 1[1], ainsi que de la décision de la juge de déclarer inopérante la peine minimale obligatoire prévue à l’alinéa 172.1(2)a) C.cr. qui contrevient, selon elle, à l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés.
[2] Pour les motifs conjoints des juges Cotnam et Beaupré, LA COUR :
[3] ACCUEILLE la requête en autorisation d’appel;
[4] REJETTE l’appel;
[5] DÉCLARE que la peine minimale obligatoire prévue à l’article 172.1(2)a) C.cr. enfreint l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés dans le cas de l’intimé et qu’elle est inopérante à son égard.
[6] Pour sa part, le juge Levesque aurait accueilli la demande pour permission d’appeler, accueilli l’appel, annulé la peine de cinq mois d’emprisonnement prononcé le 11 mars 2020 relativement au chef 4, annulé la déclaration d’inopérabilité décrétée par la juge de première instance, imposé à Maxime Bertrand Marchand, relativement au chef 4, une peine de douze mois d’emprisonnement à être purgée concurremment à la peine de dix mois d’emprisonnement établie en regard du chef 1, suspendu définitivement l’exécution de la peine ainsi infligée à l’intimé et modifié le paragraphe 87 du jugement entrepris afin que l’ordonnance de probation qui y est décrite s’échelonne sur une période de trois ans à compter du 11 mars 2020.
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MOTIFS DU JUGE LEVESQUE |
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J’ai eu l’avantage de prendre connaissance des motifs conjoints de mes collègues, les juges Cotnam et Beaupré. Je ne puis, avec égards, partager leur point de vue et être en accord avec la solution qu’ils proposent.
Voici donc les motifs qui justifient d’en arriver à la conclusion que je propose.
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[7] Les requérants veulent être autorisés à appeler d’un jugement rendu par la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, district de Témiscamingue le 11 mars 2020 (l’honorable Marie-Claude Bélanger), qui condamne l’intimé à une peine d’emprisonnement de dix mois pour contacts sexuels (al. 151a) C.cr.) (chef 1) ainsi qu’à une peine d’emprisonnement de cinq mois pour leurre d’une personne âgée de moins de 16 ans ou qu’il croyait telle (al. 172.1(1)b)(2)a) C.cr.) (chef 4), à être purgée de façon concurrente au chef 1[2].
[8] La juge de première instance déclare aussi inopérante la peine minimale obligatoire prévue à l’alinéa 172.1(2)a) C.cr. puisqu’une telle peine contrevient, selon elle, à l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »)[3].
[9] La dénonciation est faite sous serment et signée le 22 janvier 2016 et contient quatre chefs d’accusation :
1. Entre le 1 août 2013 et le 19 juillet 2015, à Notre-Dame-du-Nord, district de Témiscamingue, a, à des fins d’ordre sexuel, touché une partie du corps de X (2000-[...]), enfant âgée de moins de seize (16) ans, commettant ainsi l’acte criminel prévu à l’article 151a) du Code criminel.
2. Entre le 1 août 2013 et le 19 juillet 2016, à Notre-Dame-du-Nord, district de Témiscamingue, a, à des fins d’ordre sexuel, invité, engagé ou incité X (2000-[...]), enfant âgée de moins de seize (16) ans, à le toucher, commettant ainsi l’acte criminel prévu à l’article 152a) du Code criminel.
3. Entre le 1 août 2013 et le 19 juillet 2015, à Notre-Dame-du-Nord, district de Témiscamingue, a agressé sexuellement X (2000-[...]), commettant ainsi l’acte criminel prévu à l’article 271a) du Code criminel.
4. Entre le 25 février 2015 et le 13 septembre 2015, à Notre-Dame-du-Nord, district de Témiscamingue, a communiqué par un moyen de télécommunication avec X (2000-[...]), une personne âgée de moins de seize ans ou qu’il croyait telle, en vue de faciliter la perpétration à son égard d’une infraction visée aux articles 151 ou 152, aux paragraphes 160(3) ou 173(2) ou aux articles 271, 272, 273 ou 280, commettant ainsi l’acte criminel prévu à l’article 172.1(1)b)(2)a) du Code criminel.
[10] Toutefois, le 29 août 2017, quelques mois après la tenue de l’enquête préliminaire où il est cité à procès, l’intimé plaide coupable aux chefs 1 (contacts sexuels entre le 1er août 2013 et le 19 juillet 2015) et 4 (leurre d’enfant entre le 25 février 2015 et le 13 septembre 2015). La confection d’un rapport présentenciel est alors ordonnée.
[11] Le 20 novembre 2017, lors de la remise du rapport, l’intimé indique qu’il entend soulever l’inconstitutionnalité des peines minimales obligatoires prévues aux alinéas 151a) et 172.1(2)a) C.cr.[4].
[12] Les observations sur la peine et la requête d’inconstitutionnalité sont reportées à quelques reprises pour finalement être entendues les 12 juillet, 4 novembre et 17 décembre 2019. La juge prononce la peine le 11 mars 2020.
[13] Le 14 avril 2020, les requérants demandent la permission de se pourvoir contre la peine imposée à l’intimé et la déclaration d’inopérabilité[5]. Le 8 mai 2020, un juge de cette Cour défère la requête à la formation[6].
[14] Les faits pertinents de l’affaire ne sont guère contestés par les parties. Les requérants nous réfèrent aux paragraphes 15 à 28 et 68 du jugement entrepris, alors que l’intimé nous invite à considérer les paragraphes 1 à 28 et 38 à 72 de ce jugement. Je crois opportun de relever les paragraphes suivants[7] :
[15] M. Bertrand Marchand et la plaignante se rencontrent au Rodéo du camion à Notre-Dame-du-Nord au début du mois d’août 2013, par l’entremise d’amis communs. Au cours des semaines qui suivent, le délinquant la contacte sur le site de Facebook et lui fait une demande d’amitié qu’elle accepte. Dès le début de leurs échanges, la plaignante l’avise qu’elle a 13 ans.
[16] C’est dans le cadre de ces échanges que le délinquant l’incitera à venir le visiter dans la résidence de ses parents à la fin du mois d’août 2013. Il est allé la chercher alors qu’elle était en visite chez sa mère à Ville A. Ils ont eu une première relation sexuelle consensuelle lors de cette rencontre.
[17] Peu de temps après cette première visite, ils se sont rencontrés une deuxième fois à la résidence des parents du délinquant où ils ont de nouveau eu une relation sexuelle consensuelle. La plaignante lui a aussi fait une fellation.
[18] À l’automne 2014, la plaignante, alors âgée de 14 ans, est placée au Centre de réadaptation A. En novembre, alors qu’il est prévu qu’elle prenne l’autobus pour retourner au centre après une visite de fin de semaine dans une famille d’accueil à Ville B, elle convient avec le délinquant de descendre de l’autobus à Notre-Dame-du-Nord afin qu’ils puissent passer du temps ensemble. M. Bertrand Marchand s’engage à la transporter en voiture jusqu’au centre. En route vers Ville A, le délinquant s’arrête dans un chemin et la plaignante et lui ont une relation sexuelle consensuelle sur le siège arrière de la voiture. Elle arrive en retard au Centre de réadaptation.
[19] En juillet 2015, la plaignante habite toujours au Centre de réadaptation la semaine. Au retour d’une fin de semaine dans sa famille d’accueil, elle convient de nouveau de quitter l’autobus lors de son trajet de retour vers le centre et d’accompagner M. Bertrand Marchand chez lui pour une période d’une heure afin d’avoir une relation sexuelle. Le plan est mis à exécution et ils ont une relation sexuelle avec pénétration. La plaignante lui fait aussi une fellation au cours de laquelle le délinquant éjacule dans sa bouche. Le délinquant reconduit la plaignante au Centre de réadaptation par la suite. Elle a alors 15 ans, lui en a 24.
[20] Leurs échanges sur le site de Facebook s’essoufflent au mois d’août 2015 et cessent complètement le 11 septembre suivant. La plaignante a donné sa déclaration à l’enquêteur de la Sûreté du Québec le 10 septembre 2015.
[…]
[38] M. Bertrand Marchand, de neuf ans l’aîné de la plaignante, a eu quatre relations sexuelles vaginales complètes avec celle-ci sur une période d’environ deux ans. Il a entretenu avec elle une relation virtuelle sur les réseaux sociaux, ponctuée de rencontres physiques sporadiques organisées lors de ces conversations électroniques qui visaient essentiellement la réalisation d’escapades sexuelles.
[…]
[43] […] Le délinquant a plutôt profité de la naïveté et de la vulnérabilité de cette adolescente afin d’obtenir des faveurs sexuelles occasionnelles lorsque la situation le lui permettait.
[44] L’équipe de cybersurveillance de la Sûreté du Québec a récupéré une partie des échanges entre M. Bertrand Marchand et la plaignante sur le site de Facebook datés du 7 décembre 2014 au 23 septembre 2015. Il s’agit d’échanges des neuf derniers mois de leur relation qui a duré environ deux ans. Selon les admissions sur les faits et la preuve retenue, trois des quatre épisodes sexuels avaient déjà eu lieu au moment où la copie de cette conversation débute. Ces échanges sont très pertinents pour analyser la nature de leur relation et le type d’échanges qui mènent au dernier épisode sexuel de juillet 2015.
[…]
[49] La lecture des échanges nous apprend aussi que M. Bertrand Marchand était au fait de l’illégalité des rapports qu’il entretenait avec l’adolescente et du risque qu’il encourait de devoir faire face à la justice pour la commission de ces gestes. Malgré cela, il continue à entretenir des échanges à connotation sexuelle avec elle, il lui demande des photos compromettantes sur Snapchat et il organise des rencontres avec elle. Il est souvent l’instigateur des demandes de rencontres. Le Tribunal a répertorié environ 18 conversations au cours desquelles il lui demande de venir le voir, lui propose d’aller la rencontrer ou de la rejoindre quelque part afin de la voir et de la ramener lui-même au centre à la fin d’une période de visite chez sa mère ou en famille d’accueil à Ville B.
[…]
[53] Le Tribunal retient de l’ensemble de la preuve que le délinquant a initié le premier contact par une demande d’ami Facebook entre la plaignante et lui suite à une rencontre fortuite par des amis communs. Il a rapidement appris qu’elle n’avait que treize ans, donc qu’elle était de neuf ans sa cadette, et a poursuivi leurs échanges malgré cela. Il était bien conscient de l’illégalité de leurs rapports sexuels, mais les a poursuivis.
[…]
[59] Bien qu’il n’y ait pas eu de preuve spécifique sur les conséquences du crime sur la plaignante, le Tribunal conclut qu’il a eu des impacts importants chez elle. Dès le début des communications répertoriées dans la pièce S-4, elle soulève que la seule raison pourquoi le délinquant continue d’avoir des contacts avec elle, est d’avoir des relations sexuelles. Elle se sent utilisée et exploitée dans certains passages des échanges et le lui fait savoir. C’est pourquoi elle finit par mettre fin à leur relation vers août ou septembre 2015. Ce type de relation basée sur la manipulation et la recherche d’assouvissement de besoins sexuels à l’égard d’une adolescente en développement laisse indubitablement des traces. La situation particulière de X, qui rencontre déjà des défis qui ont mené à l’intervention du directeur de la protection de la jeunesse, accentue les difficultés qui peuvent être reliées à ces évènements.
[60] En résumé, il s’agit ici d’une situation d’exploitation sexuelle par un individu de neuf ans l’aînée de la plaignante qui souhaite profiter de la naïveté et de la vulnérabilité de cette jeune adolescente afin d’obtenir des faveurs sexuelles occasionnelles lorsque la situation le lui permet. La présente situation ne s’apparente pas aux faits des affaires Jomphe et Caron Barette citées par le délinquant où l’on retrouve la commission d’actes sexuels prohibés commis dans le cadre d’une relation amoureuse consensuelle approuvée et encouragée par les parents des jeunes filles.
[61] Compte tenu de l’âge du délinquant, sa situation personnelle, son absence d’antécédent judiciaire, son plaidoyer de culpabilité et compte tenu des circonstances particulières à cette affaire décrites ci-haut, le Tribunal conclut qu’une peine de dix mois d’emprisonnement pour le chef d’attouchements sexuels est la peine appropriée.
[…]
[63] Vraisemblablement, le chef de leurre a été porté en relation avec la découverte des échanges par Facebook entre les deux protagonistes, déposés en pièce S-4. On vise donc les nombreuses propositions faites par le délinquant de rencontrer la plaignante afin d’avoir des relations sexuelles retrouvées dans ce document.
[64] Il ne s’agit pas ici du cas classique où un prédateur sexuel se rend sur Internet afin de trouver une jeune proie et faciliter la commission d’infractions de nature sexuelle. Ce que l’on reproche spécifiquement au délinquant, vu les dates mentionnées au chef d’infraction, c’est d’avoir utilisé un moyen de télécommunication pour organiser et faciliter les escapades sexuelles avec elle, rencontres qui avaient déjà débutées depuis un an et demi.
[…]
[67] […] Le moyen utilisé par le délinquant pour communiquer avec X relève, de l’avis du Tribunal, d’un choix générationnel plutôt que d’un moyen choisi spécifiquement afin de parcourir anonymement les différents sites Internet à la recherche d’une jeune proie ou d’entrer en contact avec une jeune personne aux fins d’obtenir éventuellement des faveurs sexuelles.
[68] Dans la période visée par l’accusation, le délinquant a offert de rencontrer la plaignante à environ 18 reprises, comme mentionné précédemment ». Elle hésite, confirme certaines rencontres puis les annule. Elle est inquiète des conséquences qui pourraient survenir si ses escapades sont découvertes et elle lui partage ses inquiétudes. Il fait fi de son malaise puisqu’il revient à la charge fréquemment. Il lui reproche à quelques reprises de « choker ».
[…]
[70] Bien qu’il s’agissent de communications faites dans le but de faciliter la commission de crimes de nature sexuelle à l’égard d’une personne de moins de 16 ans, les gestes commis par le délinquant ne constituent pas une manipulation psychologique préparatoire ou « grooming » de l’adolescente dans le but de réduire ses inhibitions et de la convaincre de participer à des activités sexuelles. Elle y a déjà consenti trois fois. Il s’agit plutôt de tentatives répétées, par l’utilisation d’échanges électroniques, d’avoir à nouveau des relations sexuelles avec elle, faites dans le contexte particulier d’une jeune fille vulnérable et suivie par le directeur de la protection de la jeunesse.
[71] Le Tribunal estime qu’une peine de cinq mois d’emprisonnement est appropriée dans les circonstances.
[…]
[78] […] Le leurre pour lequel le délinquant a plaidé coupable ne vise pas ici la période de manipulation psychologique préparatoire à la commission des autres infractions. Il s’agit de communications qui mènent à la répétition des rencontres sexuelles.
[79] Bien que je souscrive entièrement à l’analyse que fait notre Cour d’appel dans Rayo, j’estime que la trame factuelle de la situation spécifique de la présente affaire ne mène pas aux mêmes conclusions. L’intérêt sociétal distinct que vise à protéger le leurre dans la presque totalité des situations ne se retrouve pas ici, vu les circonstances spécifiques que l’on y retrouve. Le leurre que l’on reproche à M. Bertrand Marchand ne vise pas un comportement prémédité de séduction de l’adolescente aux fins de gagner sa confiance et l’amener éventuellement à consentir à une activité sexuelle. Il s’agit plutôt de communications répétées visant à la convaincre d’accepter de le rencontrer afin d’avoir de nouveau des relations sexuelles avec elle. Ces circonstances me convainquent que l’infraction de leurre commise par M. Bertrand Marchand est intimement liée aux attouchements sexuels et que les peines pour ces deux infractions devraient être purgées de façon concurrente.
[Renvois omis]
[15] La juge note que l’intimé reconnaît sa culpabilité aux infractions de contacts sexuels et de leurre d’une personne âgée de moins de 16 ans. Elle résume les positions des parties quant à la peine appropriée. Le ministère public suggère une peine de deux ans moins un jour (une peine de 12 à 15 mois d’emprisonnement pour leurre et 12 mois consécutifs pour contacts sexuels). L’intimé estime qu’une peine globale de 90 jours d’emprisonnement à être purgée de façon discontinue est appropriée. Cela fait en sorte que la peine minimale pour l’infraction de leurre doit être vue comme une peine cruelle et inusitée, en violation de l’article 12 de la Charte[8].
[16] Puisque l’intimé conteste la peine minimale pour l’infraction de leurre, la juge procède, comme elle se doit, dans un premier temps, à l’analyse de la peine qu’il apparaît juste et approprié de lui infliger. Se fondant sur les articles 718 et suivants C.cr., elle souligne que la peine globale doit être proportionnelle à la gravité des infractions et au degré de responsabilité de l’intimé. Elle rappelle l’importance de dénoncer et de dissuader les crimes sexuels commis sur des enfants ou des adolescents[9].
[17] De la preuve telle que soumise, la juge retient particulièrement les éléments suivants : l’écart d’âge entre l’intimé et la victime (neuf ans), la commission de quatre relations sexuelles complètes[10] échelonnées sur une période de deux ans et l’entretien d’une relation virtuelle sur les réseaux sociaux visant essentiellement la réalisation d’escapades sexuelles. Elle considère que l’intimé a profité de la naïveté et de la vulnérabilité de la victime afin d’obtenir des faveurs sexuelles occasionnelles, et ce, bien qu’il sût que la victime se trouvait sous l’autorité du Directeur de la protection de la jeunesse. Elle se dit d’avis qu’il s’agit là d’une situation d’exploitation sexuelle. En tenant compte de l’âge de l’intimé, de sa situation personnelle, de son absence d’antécédents judiciaires, de son plaidoyer de culpabilité et des circonstances particulières de l’affaire, la juge détermine qu’une peine de dix mois d’emprisonnement pour le chef de contacts sexuels est appropriée[11].
[18] Pour ce qui est du chef de leurre, la juge retient d’abord que le plaidoyer de culpabilité ne vise pas la période où les gestes de nature sexuelle ont débuté (août 2013), mais seulement celle comprise entre le 25 février 2015 et le 13 septembre 2015. De l’avis de la juge, il ne s’agit pas d’un cas classique de leurre, mais plutôt de l’utilisation d’un moyen de télécommunication pour organiser et faciliter des escapades sexuelles avec la victime. Elle croit bon d’affirmer que l’utilisation de Facebook est un choix générationnel. La juge constate qu’une seule rencontre s’est concrétisée durant la période visée par l’acte d’accusation. Comme la victime a déjà « consenti » à trois reprises aux relations sexuelles, les gestes commis par l’intimé ne peuvent être vus comme une manipulation psychologique préparatoire (grooming). Elle se dit d’avis que la peine appropriée est une peine de cinq mois d’emprisonnement, tout en prenant soin de préciser qu’elle aurait été différente si l’intimé avait reconnu sa culpabilité avant la commission du premier contact sexuel[12].
[19] La juge détermine ensuite que les peines ainsi prononcées doivent être concurrentes et non consécutives. D’une part, elle écarte l’application de l’alinéa 718.3(4)b) C.cr. et de l’article 163.1 C.cr. puisque cette affaire ne satisfait pas aux critères. D’autre part, elle distingue la présente affaire de celle prévalant dans Rayo[13] puisque les actes de nature sexuelle ont débuté avant la courte période relative à l’infraction de leurre. Le leurre qui est reproché en l’espèce vise à convaincre la victime, par des communications répétées, d’accepter d’avoir de nouveau des relations sexuelles avec lui. Cela étant, l’infraction de leurre est intimement liée aux contacts sexuels[14].
[20] C’est ainsi qu’elle conclut qu’une peine globale de cinq mois d’emprisonnement est juste, raisonnable et proportionnelle à la gravité du geste du délinquant.
[21] La juge se demande ensuite si la peine minimale obligatoire est « exagérément disproportionnée ». S’étant dite d’avis que la peine appropriée était une peine d’emprisonnement de cinq mois, la juge estime qu’un public bien informé des circonstances de l’affaire serait outré que l’intimé se voit imposer une peine de 12 mois d’emprisonnement.
[22] La juge déclare en conséquence que la peine minimale obligatoire pour l’infraction de leurre enfreint l’article 12 de la Charte dans le cas de l’intimé et déclare cette disposition inopérante à son endroit[15]. Elle écrit :
[82] Puisque la peine appropriée pour l’infraction de leurre commise par le délinquant est de cinq mois d’emprisonnement, la peine minimale obligatoire d’un an d’emprisonnement apparaît en conséquence totalement disproportionnée à son endroit. Le Tribunal estime qu’un public bien informé de l’ensemble des circonstances de la présente affaire serait outré de voir M. Bertrand Marchand se voir imposer douze mois de détention pour cette infraction. La gravité subjective de cette infraction ne commande pas, dans les circonstances de cette affaire, une peine aussi sévère que celles que commande habituellement ce type d’infraction.[16]
[23] Les requérants font essentiellement valoir que la juge a commis des erreurs de principe en considérant à tort certains facteurs atténuants et en limitant la portée de l’infraction de leurre. Ces erreurs ont, à leurs yeux, un effet important sur la peine, de sorte qu’elle devient manifestement non indiquée. Ils estiment que la juge s’est également méprise en n’ordonnant pas que la peine sur le chef de leurre soit purgée de façon consécutive à celle de contacts sexuels. Ils font aussi valoir que la juge a erré dans l’appréciation et la mise en œuvre du test relatif à l’application de l’article 12 de la Charte et qu’elle a erré en droit en déclarant inopérante la peine minimale obligatoire de un an prévue à l’alinéa 172.1(2)a) C.cr.
[24] L’intimé suggère plutôt que la juge a exercé son pouvoir discrétionnaire d’une façon raisonnable et qu’il ne s’y trouve ni erreur déterminante ni erreur de droit.
[25] Les arrêts Lacasse[17] et Friesen[18] ont cristallisé la norme relative à l’intervention d’une cour d’appel en matière de détermination de la peine. La déférence s’impose et l’intervention ne sera justifiée que s’il est démontré que la peine infligée est manifestement non indiquée ou que le juge a commis une erreur de principe qui a eu un impact sur la peine qu’il a déterminée.
[26] Bien qu’il soit ici aussi question de la détermination de la peine appropriée dans le cadre d’une contestation constitutionnelle, cette analyse ne diffère pas de celle effectuée en l’absence d’une telle contestation[19]. Dans son examen de la sanction, la Cour doit ainsi éviter de substituer son opinion à celle de la juge de première instance pour la seule raison qu’elle aurait imposé une peine différente ou qu’elle n’aurait pas accordé le même poids aux facteurs pertinents[20].
[27] Je crois important de souligner, d’entrée de jeu, que la juge de première instance ne bénéficiait pas des enseignements de l’arrêt Friesen[21], lorsqu’elle a rendu sa décision sur la peine le 11 mars 2020. L’arrêt Friesen invite les juges et les cours d’appel à considérer, entre autres, « les initiatives législatives du Parlement » et « le tort immense » que causent les infractions d’ordre sexuel aux jeunes personnes qui en sont victimes[22]. La Cour suprême propose d’infliger des peines plus lourdes afin de donner effet aux signaux clairs et répétés du législateur[23]. Les requérants reprochent donc à la juge de première instance d’avoir commis des erreurs de principe qui ont eu un impact déterminant sur sa décision de déclarer inopérante la peine minimale d’un an prévue à l’article 172.1(2)a) C.cr. et d’établir à cinq mois d’emprisonnement la peine concluante qu’elle estimait juste et appropriée dans les circonstances qu’elle a relevées.
[28] En plaidant coupable à l’infraction de leurre, l’intimé reconnaissait qu’il a communiqué intentionnellement, entre le 25 février 2015 et le 13 septembre 2015, avec une personne qu’il savait être mineure et qu’il a eu l’intention précise de faciliter la perpétration d’une infraction à caractère sexuel ou d’une autre infraction désignée à l’égard de cette personne[24].
[29] Je suis d’avis que la juge de première instance a minimisé indûment la gravité objective de l’infraction pour laquelle l’intimé s’est reconnu coupable et qu’elle en a diminué la gravité subjective en considérant que plusieurs contacts sexuels avaient préalablement eu lieu sans opposition de la victime. Il s’agit là d’une erreur de principe. La juge de première instance écrit, entre autres, ce qui suit :
[38] M. Bertrand Marchand, de neuf ans l’aîné de la plaignante, a eu quatre relations sexuelles vaginales complètes avec celle-ci sur une période d’environ deux ans. Il a entretenu avec elle une relation virtuelle sur les réseaux sociaux, ponctuée de rencontres physiques sporadiques organisées lors de ces conversations électroniques qui visaient essentiellement la réalisation d’escapades sexuelles.[25]
[30] Les conversations entre l’intimé et la victime, par un moyen de télécommunication entre le 27 février 2015 et le 13 septembre 2015, la pièce S-4, n’ont pas été versées au dossier. La juge y fait toutefois clairement référence aux paragraphes 44 à 54 de sa décision. On peut y lire :
[49] La lecture des échanges nous apprend aussi que M. Bertrand Marchand était au fait de l’illégalité des rapports qu’il entretenait avec l’adolescente et du risque qu’il encourait de devoir faire face à la justice pour la commission de ces gestes. Malgré cela, il continue à entretenir des échanges à connotation sexuelle avec elle, il lui demande des photos compromettantes sur Snapchat et il organise des rencontres avec elle. Il est souvent l’instigateur des demandes de rencontres. Le Tribunal a répertorié environ 18 conversations au cours desquelles il lui demande de venir le voir, lui propose d’aller la rencontrer ou de la rejoindre quelque part afin de la voir et de la ramener lui-même au centre à la fin d’une période de visite chez sa mère ou en famille d’accueil à Ville B.
[50] […] À plusieurs reprises, elle refuse des rencontres ou les annule par crainte que son éducateur soit informé de ses escapades et lui impose des conséquences négatives.
[…]
[52] Deux jours auparavant, alors qu’ils discutaient de l’organisation de ce rendez-vous, elle lui avait demandé d’acheter de l’alcool, lui mentionnant qu’elle en avait besoin de trois ou quatre « pis jfeel bin. Jfeel cochonne hahaha ». Une heure et demie avant l’heure prévue pour la rencontre, l’adolescente lui demande d’acheter de l’alcool. Il lui confirme qu’il ira faire l’achat de boissons alcoolisées et lui demande s’il aura droit à un bonus pour ça. Elle répond par la négative. Il lui confirme avoir acheté deux cannettes de « Mojo » et lui dit qu’elle devrait être réchauffée après les avoir consommées.
[…]
[54] La preuve révèle aussi que le délinquant était bien au fait de la situation de vulnérabilité de l’adolescente. Il a profité de cet état pour maintenir leur lien et provoquer des rencontres sexuelles dans le but d’assouvir ses besoins.[26]
[31] La juge note aussi que :
[59] Bien qu’il n’y ait pas eu de preuve spécifique sur les conséquences du crime sur la plaignante, le Tribunal conclut qu’il a eu des impacts importants chez elle. Dès le début des communications répertoriées dans la pièce S-4, elle soulève que la seule raison pourquoi le délinquant continue d’avoir des contacts avec elle, est d’avoir des relations sexuelles. Elle se sent utilisée et exploitée dans certains passages des échanges et le lui fait savoir. C’est pourquoi elle finit par mettre fin à leur relation vers août ou septembre 2015. Ce type de relation basée sur la manipulation et la recherche d’assouvissement de besoins sexuels à l’égard d’une adolescente en développement laisse indubitablement des traces. La situation particulière de X, qui rencontre déjà des défis qui ont mené à l’intervention du directeur de la protection de la jeunesse, accentue les difficultés qui peuvent être reliées à ces évènements.[27]
[32] Elle se dit toutefois d’avis que :
[64] Il ne s’agit pas ici du cas classique où un prédateur sexuel se rend sur Internet afin de trouver une jeune proie et faciliter la commission d’infractions de nature sexuelle. Ce que l’on reproche spécifiquement au délinquant, vu les dates mentionnées au chef d’infraction, c’est d’avoir utilisé un moyen de télécommunication pour organiser et faciliter les escapades sexuelles avec elle, rencontres qui avaient déjà débutées depuis un an et demi.
[65] […] N’eût été de l’accessibilité de l’adolescente à ce type de média, le délinquant n’aurait jamais réussi à maintenir les échanges qui ont permis la réalisation de leurs rendez-vous répétés.[28]
[33] Pour conclure que :
[67] […] Le moyen utilisé par le délinquant pour communiquer avec X relève, de l’avis du Tribunal, d’un choix générationnel plutôt que d’un moyen choisi spécifiquement afin de parcourir anonymement les différents sites Internet à la recherche d’une jeune proie ou d’entrer en contact avec une jeune personne aux fins d’obtenir éventuellement des faveurs sexuelles.[29]
[34] De plus :
[70] Bien qu’il s’agissent de communications faites dans le but de faciliter la commission de crimes de nature sexuelle à l’égard d’une personne de moins de 16 ans, les gestes commis par le délinquant ne constituent pas une manipulation psychologique préparatoire ou « grooming » de l’adolescente dans le but de réduire ses inhibitions et de la convaincre de participer à des activités sexuelles. Elle y a déjà consenti trois fois. Il s’agit plutôt de tentatives répétées, par l’utilisation d’échanges électroniques, d’avoir à nouveau des relations sexuelles avec elle, faites dans le contexte particulier d’une jeune fille vulnérable et suivie par le directeur de la protection de la jeunesse.[30]
[35] Les observations qu’ont pu faire les parties relativement à la peine indiquent que la victime a été placée en centre de réadaptation pour une période de huit mois, à compter d’avril 2015[31]. Le témoignage de l’intimé à l’occasion de l’audience du 17 décembre 2019 établit qu’il a même, malgré que cela lui fût interdit, communiqué avec la victime en 2017 en utilisant le véhicule Tinder : « Parce que je savais qu’elle était en amour avec moi puis elle ne m’a pas oublié, puis elle m’a envoyé une demande sur Facebook, puis après ça elle est venue me parler là, fait que… »[32].
[36] Ces constatations qui émergent de la preuve, et aussi de l’aveu même de l’intimé, permettent de conclure que celui-ci, en toute connaissance de cause, et plus particulièrement en raison de la forte dépendance et de la grande vulnérabilité de la victime, a choisi d’utiliser les moyens de télécommunication à sa disposition et à celle de la victime, afin de multiplier leurs rencontres pour s’assurer de son contrôle et de maintenir sa domination sur celle-ci dans le seul but, purement égoïste, de satisfaire ses pulsions sexuelles.
[37] Je ne peux concevoir que l’infraction de leurre d’enfant doive se limiter aux seules communications qui précèdent l’agression ou le contact sexuel. La manipulation dont a été victime cette jeune personne très vulnérable entre février 2015 et septembre 2015, par les contacts que multipliait le délinquant, établit, sans l’ombre d’un doute, que tout cela n’avait d’autre but que de faciliter la perpétration d’une autre infraction à caractère sexuel contre la victime[33]. Ces communications de l’intimé avec la victime par un moyen de télécommunication n’avaient pour seul but que de maintenir et de faire progresser le lien de confiance qui existait entre eux.
[38] La Cour suprême expose bien le principe applicable en pareille situation lorsqu’elle écrit :
[153] En troisième lieu, dans certains cas, la participation de la victime résulte d’une campagne de manipulation orchestrée par le délinquant ou de la rupture d’un lien de confiance existant. La participation de la victime ne saurait en aucun cas être considérée comme un facteur atténuant. Lorsqu’un abus de confiance ou une manipulation est à l’origine de la participation, cela doit être à juste titre perçu comme un facteur aggravant (R. c. P.M. (2002), 155 O.A.C. 242, par. 19; R. c. F. (G.C.) (2004), 71 O.R. (3d) 771 (C.A.), par. 7 et 21; Woodward, par. 43). L’adolescence peut s’avérer une période déroutante et difficile pour les jeunes au fur et à mesure qu’ils grandissent et mûrissent, naviguent entre les amis et les groupes de pairs et découvrent leur sexualité. Comme l’a écrit la juge d’appel Feldman dans P.M., exploiter les jeunes adolescents pendant cette période en les amenant à croire qu’ils entretiennent une relation amoureuse avec un adulte [TRADUCTION] « dénote un degré d’amoralité qui est très préoccupant » (par. 19).[34]
[39] Dans l’arrêt Rayo, le juge Kasirer, alors à la Cour d’appel, rappelle qu’une peine d’emprisonnement de 12 mois est généralement imposée pour l’infraction de leurre[35]. N’eût été les erreurs de principe constatées, la première juge n’aurait certes pas conclu que la peine juste, proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant, était une peine de cinq mois d’emprisonnement à être purgée concurremment à la peine de dix mois d’emprisonnement relative au chef d’attouchements.
[40] Les parties n’ont pas jugé bon de produire dans le dossier d’appel le rapport présentenciel déposé en Cour du Québec le 20 novembre 2017. Il est toutefois possible de comprendre, du jugement entrepris (paragraphes 21 à 28), de même que des observations des parties lors de l’audience sur la peine, que ce rapport n’était guère favorable à l’intimé. Voici ce qu’en expose la procureure de la poursuite à l’audience du 17 décembre 2019 :
[…] Ce que l’agente dit c’est qu’il a profité d’un environnement positif au niveau familial dans lequel il était exempt de problématique psychosociale.
À la page 5 du rapport, l’agente indique que le développement sexuel de l’accusé paraît conventionnel, que la relation qu’il a eue avec S. c’est une relation dans un contexte impersonnel dans lequel il n’y avait pas d’engagement affectif.
Elle indique, l’agente qui a préparé le rapport, c’est qu’elle a pu déceler d’autres indices d’activités sexuelles impersonnelles. Elle rapporte un nombre important de partenaires sexuels et l’utilisation d’Internet par l’accusé dans le but de faciliter les rencontres de partenaires sexuels potentiels. Alors, ça, c’est à la page 5.
Ces faits-là… en fait, le fait que l’accusé ne voulait pas nécessairement s’engager puis qu’il avait des… donc c’était plutôt dans un contexte impersonnel, ça ressort également des messages qui ont été envoyés par ‘accusé à la jeune fille.
À la page 6, l’agente indique que le propre… en fait, son propre désir, à l’accusé, l’a amené à oblitérer les résistances intrinsèques, soit celles liées à l’âge de la victime et à l’illégalité de son geste. Donc, elle indique également que les gestes ont été facilités par le consentement de la victime.
Il y a un fait important aussi au rapport c’est que l’agente indique que monsieur accorde une importance à la gratification de ses besoins sexuels et que les choix de ses partenaires est vraiment induit par ce désir de gratification là, et ça, c’est à la page 6.[36]
[41] Bien que certains facteurs propres à l’intimé[37] puissent suggérer que la réhabilitation soit un objectif important de sa peine, il n’en demeure pas moins que, dans le contexte particulier de cette affaire, les objectifs de dissuasion et de dénonciation se devaient d’être priorisés. Le jeune âge de la victime et sa situation de grande vulnérabilité, bien connus de l’intimé, justifiaient l’imposition d’une peine de douze mois d’emprisonnement. Le jugement entrepris n’expose guère les principes relatifs à l’impact des gestes posés sur la santé, la sécurité et la dignité de la jeune victime[38].
Le caractère concurrent ou consécutif de la peine
[42] Il est bien établi que le juge qui procède à la détermination de la peine bénéficie d’une large discrétion en ce qui concerne le caractère concurrent ou consécutif de la peine qu’il doit établir. La norme d’intervention en appel est exigeante : une cour d’appel doit faire montre de la même retenue que celle qu’elle utilise lors de l’examen de la peine[39].
[43] Dans l’arrêt Rayo, le juge Kasirer explique bien que l’infraction de leurre vise un intérêt sociétal distinct et plus précis - protéger les enfants du cyberespace où ils y sont particulièrement vulnérables et sans surveillance - de ceux protégés par les infractions connexes. Cela étant, l’imposition de peines consécutives est généralement justifiée[40].
[44] De l’avis de la juge, le leurre mis de l’avant par l’intimé ne vise pas une période de manipulation psychologique préparatoire, mais plutôt des communications répétées visant à convaincre la victime d’avoir d’autres relations sexuelles avec lui[41].
[45] Avec égards, ce raisonnement m’apparaît erroné. Certes, l’acte d’accusation ne tient compte que de la période s’étendant de février à septembre 2015, qui coïncide avec les échanges nombreux réalisés sur Facebook. Néanmoins, la juge se devait, vu le contexte particulier de cette affaire, de considérer les évènements qui se sont déroulés avant la période couverte par l’acte d’accusation afin d’établir la nature exacte du leurre ainsi que sa planification[42]. La manipulation psychologique est continue, incitant même la victime à avoir effectivement une relation sexuelle avec l’intimé en juillet 2015. La juge note même qu’il s’agit là d’une « situation d’exploitation sexuelle »[43], ce qui renforce l’idée que les peines auraient dû être consécutives.
[46] Je suis toutefois d’avis qu’une peine d’emprisonnement de douze mois servie consécutivement à la peine de dix mois prononcée à l’égard de l’infraction de contacts sexuels serait excessive compte tenu des circonstances particulières de l’affaire, des caractéristiques propres de l’intimé de même que de sa responsabilité morale.
[47] Je propose donc, eu égard au principe de la totalité de la peine[44], que cette peine juste et appropriée dans les circonstances est une peine de douze mois d’emprisonnement, qui doit être servie de façon concurrente à la peine imposée relativement au chef de contact sexuel, en considérant aussi, et particulièrement, que ces deux infractions sont, dans les faits, étroitement reliées entre elles.
[48] Nous avons été informés, à l’audience, que l’intimé a purgé l’intégralité de sa peine de dix mois en regard du chef d’attouchements sexuels. Les procureurs ont aussi confirmé que celui-ci avait pu bénéficier d’une libération conditionnelle le 30 juillet 2020.
[49] Il faut donc reconnaître que l’intimé a, du coup, vu le caractère concurrent de la peine relative au leurre, purgé les cinq mois d’emprisonnement auxquels il était astreint par le jugement prononcé en première instance, de même que les 10/12 de la peine que je crois appropriée. L’intimé devrait donc servir deux mois additionnels de détention.
[50] Je suis toutefois d’avis qu’il serait injuste et abusif que l’intimé se soumette à une telle obligation[45]. En effet, les requérants ont choisi, étonnamment, de ne pas porter en appel, la peine de dix mois d’emprisonnement qui a déjà été purgée. Ils reconnaissaient donc que c’était là une peine juste et appropriée.
[51] Notre Cour a pu, dans un passé récent, considérer semblable situation[46].
[52] Il s’agit ultimement de se demander si les fins de la justice seront adéquatement servies par la réincarcération du délinquant. Dans l’arrêt Davidson, la Cour a cru approprié de suspendre l’exécution de l’excédent de la peine et d’augmenter la durée de l’ordonnance de probation.
[53] Je rappelle que la peine relative au chef de contact sexuel et celle de leurre ont été prononcées le 11 mars 2020. L’ordonnance de probation imposée s’étendait sur une période de deux ans.
[54] Je crois donc approprié de suspendre l’exécution de la peine de 12 mois relativement à cette infraction de leurre d’enfant et de modifier le paragraphe 87 du jugement entrepris à la seule fin que l’ordonnance de probation qui y est spécifiée soit d’une durée de trois ans au lieu de deux ans et cela à partir du prononcé, soit le 11 mars 2020.
[55] Étant arrivé à la conclusion que la peine appropriée et proportionnelle à la culpabilité morale de l’intimé est, compte tenu des circonstances de l’affaire et des caractéristiques du délinquant, une période de douze mois d’emprisonnement à être purgée concurremment à toutes autres peines, il faut en conclure que cette peine d’emprisonnement ne peut être qualifiée « d’exagérément disproportionnée » et de « peines excessives au point de ne pas être compatibles avec la dignité humaine, en plus d’être odieuse ou intolérable pour la société »[47].
[56] La première étape du test suggéré par la Cour suprême dans l’arrêt Nur, étant ainsi franchie, il conviendrait de passer à la deuxième étape pour nous demander « si les applications raisonnablement prévisibles de la disposition infligeront à d’autres personnes des peines totalement disproportionnées? »[48].
[57] Notre Cour, dans l’arrêt Caron Barrette, décrit comme suit l’exercice à réaliser :
[73] Dans le cas contraire, il convient d’étudier les applications raisonnablement prévisibles. Dans l’arrêt Nur, la juge en chef McLachlin revient sur cette notion et précise que les situations hypothétiques raisonnables doivent être fondées sur des « situations dont on peut raisonnablement prévoir qu’elles se présenteront », et non sur des situations difficilement imaginables ou n’ayant qu’un faible rapport avec l’espèce, ni sur des situations fantaisistes ou conjecturales. Il faut donc se demander s’il est raisonnablement prévisible que la peine minimale puisse être exagérément disproportionnée à l’égard de certaines personnes.
[74] Dans le cadre de cet exercice, il est pertinent de référer à la jurisprudence, laquelle indique l’étendue des gestes susceptibles de tomber concrètement sous le coup de la peine minimale. Les caractéristiques du délinquant hypothétique sont également pertinentes au débat. Toutefois, la Cour suprême nous met en garde de ne pas accorder à ce délinquant des caractéristiques personnelles qui inspireraient la plus grande sympathie possible.
[75] Si, à l’issue de l’examen des situations raisonnablement prévisibles, le juge conclut qu’elles infligeront à d’autres personnes des peines totalement disproportionnées, alors c’est que la peine minimale contrevient à l’article 12 de la Charte.[49]
[58] La juge en chef McLachlin rappelle le principe de la retenue judiciaire, en regard de la constitutionnalité d’une peine minimale, lorsqu’elle écrit dans l’arrêt R. c. Lloyd[50] :
[18] Il ne s’ensuit certes pas que le juge de la cour provinciale est tenu de se pencher sur la constitutionnalité d’une disposition qui prévoit une peine minimale obligatoire lorsque celle-ci n’est pas susceptible d’influer sur la peine infligée dans le cas considéré. Le principe de l’économie des ressources judiciaires commande que les tribunaux s’abstiennent de consacrer temps et ressources à des questions qu’ils n’ont pas besoin de trancher. […]
[59] En première instance, l’intimé soumettait certaines situations hypothétiques, utiles à ses prétentions, soit celles découlant des arrêts R. c. Morrison[51] et R. v. Hood[52]. Il y ajoute devant nous l’arrêt Caron Barrette, dont nous venons de parler.
[60] Les requérants nous invitent à faire preuve de retenue judiciaire à l’égard de ces situations hypothétiques telles qu’avancées par l’intimé.
[61] Je partage cet avis. Les applications hypothétiques raisonnables alléguées en raison de ces arrêts ne sont que de très peu d’aide aux fins du débat constitutionnel qui nous est présenté.
[62] La Cour suprême n’a pas tranché la question de la peine dans l’arrêt Morrison et elle a ordonné la tenue d’un nouveau procès. Dans le cas de Mme Hood, la Cour d’appel de Nouvelle-Écosse a renversé la décision de première instance. En ce qui concerne l’arrêt de notre Cour, Caron Barrette, il s’attachait à une situation particulière relative à l’article 151 C.cr.
[63] Dans un tel contexte, je crois préférable de ne pas me prononcer sur la question, comme le suggère la Cour dans l’arrêt Ibrahim[53].
[64] Tout cela étant ainsi exposé, je propose :
- d’accueillir la demande pour permission d’appeler;
- d’accueillir l’appel;
- d’annuler la peine de cinq mois d’emprisonnement prononcé le 11 mars 2020 relativement au chef 4;
- d’annuler la déclaration d’inopérabilité décrétée par la juge de première instance;
- d’imposer à Maxime Bertrand Marchand, relativement au chef 4, une peine de douze mois d’emprisonnement à être purgée concurremment à la peine de dix mois d’emprisonnement établie en regard du chef 1;
- de suspendre définitivement l’exécution de la peine ainsi infligée à l’intimé;
- de modifier le paragraphe 87 du jugement entrepris afin que l’ordonnance de probation qui y est décrite s’échelonne sur une période de trois ans à compter du 11 mars 2020.
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JACQUES J. LEVESQUE, J.C.A. |
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MOTIFS DE LA JUGE COTNAM ET DU JUGE BEAUPRÉ |
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[65] Le 28 août 2017, l’intimé plaide coupable à une accusation d’attouchements sexuels commis sur une mineure âgée de moins de 16 ans[54] entre le 1er août 2013 et le 19 juillet 2015. Au cours de cette période, lui et la plaignante ont eu quatre relations sexuelles complètes. Il plaide également coupable à une accusation de leurre[55], en lien avec des échanges avec la plaignante sur les réseaux sociaux entre le 25 février 2015 et le 13 septembre 2015.
[66] Le 11 mars 2020, la Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale, district de Témiscamingue (l’honorable Marie-Claude Bélanger), le condamne à une peine de dix mois d’emprisonnement sur le chef d’attouchements sexuels et à cinq mois d’emprisonnement concurrents sur celui de leurre. La juge conclut par ailleurs que la peine minimale obligatoire d’un an d’emprisonnement prévue à l’alinéa 172.1(2)a) C.cr. pour l’infraction de leurre est disproportionnée, vu les circonstances de sa commission en l’espèce et celles propres à l’intimé, et qu’elle contrevient donc à l’article 12 de la Charte. Elle la déclare en conséquence inopérante à l’égard de l’intimé[56].
[67] La requête du ministère public et du procureur général du Québec afin d’être autorisés à appeler uniquement de la peine d’emprisonnement de cinq mois pour l’infraction de leurre et de la déclaration du caractère inopérant de la peine minimale a été déférée à la formation. Les requérants invoquent essentiellement que la juge a erré en fait et en droit, ainsi que sur des questions de principe :
a) dans la détermination du quantum de la peine pour l’infraction de leurre, une peine de cinq mois étant manifestement non indiquée dans les circonstances;
b) en n’ordonnant pas que la peine pour l’infraction de leurre soit purgée consécutivement à celle de dix mois pour attouchements sexuels;
c) en concluant au caractère exagérément disproportionné dans les circonstances de la peine minimale obligatoire d’un an d’emprisonnement prévue à l’alinéa 172.1(2)a) C.cr. pour l’infraction de leurre, et en déclarant cette disposition inopérante à l’égard de l’intimé en vertu de l’article 12 de la Charte.
[68] Nous sommes d’avis d’accueillir la requête en autorisation d’appeler, d’une part, et de rejeter l’appel, d’autre part.
[69] Lors de l’audience, les avocats ont par ailleurs confirmé que l’intimé a commencé à purger sa peine le jour de son prononcé et qu’il est en libération conditionnelle depuis le 30 juillet 2020.
* * * * *
[70] Notre collègue reprend en détail dans ses motifs le contexte tel que décrit par la juge de première instance, ainsi que les conclusions qu’elle en tire. Il n’est pas nécessaire d’y revenir, sous réserve des éléments qui seront abordés plus loin dans la section analyse. Compte tenu de l’objet de l’appel, il est cependant utile de s’attarder davantage ci-après aux motifs de la juge concernant plus spécifiquement l’infraction de leurre.
- Le jugement entrepris
[71] Puisque l’intimé conteste la peine minimale obligatoire d’un an pour cette infraction, la juge procède, comme elle se doit, dans un premier temps, à déterminer ce que serait une peine juste et appropriée, en tenant compte des objectifs et principes de détermination de la peine[57]. Se fondant sur les articles 718 et suivants C.cr., elle rappelle que la peine globale doit être proportionnelle à la gravité des infractions et au degré de responsabilité de l’intimé, non sans souligner l’importance de dénoncer et de dissuader les crimes sexuels commis sur des enfants ou des adolescents[58].
[72] Puis, elle écrit :
Leurre
[62] Il est utile ici de rappeler que le délinquant a reconnu avoir commis un leurre à l’égard de l’adolescente entre le 25 février 2015 et le 13 septembre 2015. Le chef d’infraction ne vise donc pas la période où les gestes de nature sexuelle ont débutés (août 2013) ni la période au cours de laquelle les deux épisodes sexuels suivants se sont déroulés (entre août 2013 et novembre 2014).
[…]
[64] Il ne s’agit pas ici du cas classique où un prédateur sexuel se rend sur Internet afin de trouver une jeune proie et faciliter la commission d’infractions de nature sexuelle. Ce que l’on reproche spécifiquement au délinquant, vu les dates mentionnées au chef d’infraction, c’est d’avoir utilisé un moyen de télécommunication pour organiser et faciliter les escapades sexuelles avec elle, rencontres qui avaient déjà débutées depuis un an et demi.
[65] La majeure partie des contacts entre le délinquant et la plaignante se sont réalisés par l’intermédiaire des réseaux sociaux. N’eût été l’accessibilité de l’adolescente à ce type de média, le délinquant n’aurait jamais réussi à maintenir les échanges qui ont permis la réalisation de leurs rendez-vous répétés.
[66] Cette jeune fille était sous la responsabilité du directeur de la protection de la jeunesse : on contrôlait ses sorties et on organisait ses déplacements dans le but de la protéger. Or le comportement de M. Bertrand Marchand à l’égard de l’adolescente a contribué à l’encourager à faire fi des règles imposées par les intervenants ou les gens l’ayant sous leur responsabilité et l’ont mise en danger. L’utilisation des réseaux sociaux en cachette a permis de réaliser les rencontres qui auraient été beaucoup plus difficiles à réaliser par des contacts en personne ou par téléphone.
[67] Ceci étant dit, le Tribunal reconnait aussi que les jeunes d’aujourd’hui, tant les adolescents que les jeunes adultes, utilisent fréquemment les réseaux sociaux comme moyen de communication usuel. Le moyen utilisé par le délinquant pour communiquer avec X relève, de l’avis du Tribunal, d’un choix générationnel plutôt que d’un moyen choisi spécifiquement afin de parcourir anonymement les différents sites Internet à la recherche d’une jeune proie ou d’entrer en contact avec une jeune personne aux fins d’obtenir éventuellement des faveurs sexuelles.
[…]
[69] Une seule rencontre se réalise durant la période visée, celle du 19 juillet 2015.
[70] Bien qu’il s’agisse de communications faites dans le but de faciliter la commission de crimes de nature sexuelle à l’égard d’une personne de moins de 16 ans, les gestes commis par le délinquant ne constituent pas une manipulation psychologique préparatoire ou « grooming » de l’adolescente dans le but de réduire ses inhibitions et de la convaincre de participer à des activités sexuelles. Elle y a déjà consenti trois fois. Il s’agit plutôt de tentatives répétées, par l’utilisation d’échanges électroniques, d’avoir à nouveau des relations sexuelles avec elle, faites dans le contexte particulier d’une jeune fille vulnérable et suivie par le directeur de la protection de la jeunesse.
[…]
[72] Il est pertinent d’ajouter que la peine aurait été différente si le délinquant avait reconnu avoir commis le leurre avant la commission du premier évènement de contacts sexuels.
[Soulignements ajoutés]
[73] La juge détermine ensuite que les peines d’emprisonnement pour attouchements sexuels et leurre doivent être purgées de façon concurrente, et non consécutive. D’une part, elle écarte l’application de l’alinéa 718.3(4)b) C.cr., puisque les critères prévus par cette disposition ne sont pas satisfaits, et de l’article 163.1 C.cr., parce qu’il concerne uniquement les infractions liées à la pornographie juvénile[59]. D’autre part, elle distingue l’affaire de celle prévalant dans Rayo[60] et s’en explique aux paragraphes 77 à 79 de ses motifs.
[74] La juge se demande ensuite si la peine minimale obligatoire d’un an de prison en matière de leurre est exagérément disproportionnée par rapport à la peine de cinq mois qu’elle a préalablement estimée juste et appropriée dans les circonstances. Elle répond affirmativement à cette question, estimant qu’un public bien informé serait outré que l’intimé se voie imposer dans les circonstances particulières de cette affaire une peine aussi sévère que celle minimale d’un an que commande en principe l’alinéa 172.1(2)a) C.cr. Elle déclare en conséquence que cette peine minimale obligatoire enfreint l’article 12 de la Charte et la déclare inopérante à l’endroit de l’intimé[61].
- Analyse
a) La norme d’intervention
[75] Comme l’a fréquemment rappelé la Cour, en raison de sa nature profondément contextuelle, l’exercice de détermination de la peine est une tâche ardue pour laquelle les juges d’instance bénéficient d’un large pouvoir discrétionnaire[62]. Parce que ces derniers ont l’avantage de voir et d’entendre les témoins, ainsi que d’apprécier la preuve, ils sont les mieux placés pour imposer la peine juste et appropriée dans un cas donné.
[76] La norme d’intervention en matière de peine commande donc la déférence de la part d’une cour d’appel et est exigeante. Dans l’arrêt Friesen[63], la Cour suprême confirme la norme de contrôle énoncée dans l’arrêt Lacasse[64] et réitère ses enseignements en la matière :
[26] Comme l’a confirmé notre Cour dans Lacasse, la cour d’appel ne peut intervenir pour modifier une peine que si (1) elle n’est manifestement pas indiquée ou (2) le juge de la peine a commis une erreur de principe qui a eu une incidence sur la détermination de la peine. Parmi les erreurs de principe, mentionnons l’erreur de droit, l’omission de tenir compte d’un facteur pertinent ou encore la considération erronée d’un facteur aggravant ou atténuant. La manière dont le juge de première instance a soupesé ou mis en balance des facteurs peut constituer une erreur de principe seulement s’il a « exercé son pouvoir discrétionnaire de façon déraisonnable, en insistant trop sur un facteur ou en omettant d’accorder suffisamment d’importance à un autre ». Ce ne sont pas toutes les erreurs de principe qui sont importantes : la cour d’appel ne peut intervenir que lorsqu’il ressort des motifs du juge de première instance que l’erreur a eu une incidence sur la détermination de la peine. Si une erreur de principe n’a eu aucun effet sur la peine, cela met un terme à l’analyse de cette erreur et l’intervention de la cour d’appel ne se justifie que si la peine n’est manifestement pas indiquée.
[Renvois et références omis]
[77] Dans son examen du bien-fondé de la peine, la Cour doit donc éviter de substituer son opinion à celle du juge de première instance pour la seule raison qu’elle aurait imposé une peine différente, ou qu’elle n’aurait pas accordé le même poids aux facteurs pertinents[65].
[78] La norme d’intervention et ces principes demeurent pertinents et les limites qu’ils posent à l’examen par une cour d’appel ne diffèrent pas lorsque la peine fait l’objet d’une contestation constitutionnelle[66].
[79] Par ailleurs, la conclusion de la juge que la peine minimale obligatoire d’un an en matière de leurre viole l’article 12 de la Charte et qu’elle doit être déclarée inopérante à l’égard de l’intimé est assujettie à la norme de la décision correcte[67].
[80] Ces principes étant posés, qu’en est-il de leur application aux questions que soulève l’appel.
b) La peine de cinq mois d’emprisonnement imposée par la juge pour l’infraction de leurre est-elle manifestement non indiquée dans les circonstances?
[81] Il importe de préciser d’emblée que nous ne remettons évidemment pas en question la gravité intrinsèque de l’infraction de leurre, dans une réalité où les moyens technologiques permettent un accès facile, voire sournois, à des enfants et à des adolescents, dans un environnement virtuel où ils échappent souvent à la surveillance et dans lequel ils peuvent donc être plus vulnérables[68].
[82] Dans l’arrêt Legare[69], la Cour suprême définit l’infraction de leurre en ces termes :
[26] Constitue un crime, aux termes du par. 172.1 (2), le fait de communiquer au moyen d’un ordinateur avec des enfants ou adolescents, qui n’ont pas atteint l’âge fixé, en vue de faciliter la perpétration des infractions mentionnées dans les alinéas du paragraphe (1). Dans ce contexte, « faciliter », s’entend notamment du fait d’aider à provoquer et de rendre plus facile ou plus probable la perpétration de l’infraction - par exemple en amenant des jeunes, par la ruse ou la manipulation psychologique, à se livrer à l’acte interdit ou à y participer, en diminuant leurs inhibitions, ou en tenant des propos érotiques qui exploitent la curiosité, l’immaturité ou la sexualité précoce d’une jeune personne.
[83] Par ailleurs, dans l’arrêt Morrison[70] rendu dix ans plus tard, et un an après l’arrêt de notre Cour dans Rayo[71], la Cour suprême a eu l’occasion de revenir sur cette infraction. Dans ses motifs pour une majorité de sept juges, le juge Moldaver réfère à ce « nouveau phénomène où des prédateurs qui rôdent dans le cyberespace, sous le couvert de l’anonymat, utilisent les moyens de communications en ligne pour rencontrer et manipuler des enfants afin de les exploiter sexuellement »[72]. C’est, ajoute le juge Moldaver dans un passage dont il convient de ne pas diluer l’à-propos, « pour contrer ce phénomène [que] le législateur a édicté des dispositions dans le Code criminel, (…), visant à interdire le leurre au moyen de télécommunications… »[73].
[84] La juge Abella, dissidente en partie, mentionne quant à elle que le leurre « désigne le processus délibéré et méthodique par lequel un prédateur… emploie une messagerie privée pour établir un degré de familiarité avec l’enfant avant de graduellement sexualiser la relation par l’utilisation de pornographie, de conversations sexuelles en ligne, de conversations téléphoniques et, dans certains cas, par l’organisation d’un rendez-vous en personne »[74].
[85] Comme le souligne par ailleurs la juge Karakatsanis dans ses motifs concordants, non contredite en cela par la majorité, l’infraction de leurre, telle que libellée à l’article 172.1(1) C.cr., vise de multiples situations et peut être commise de plusieurs façons, dans des circonstances très variées et par des personnes qui peuvent avoir divers degrés de culpabilité morale[75].
[86] En l’espèce, bien qu’elle ne bénéficiât pas de l'éclairage de l’arrêt Friesen[76] au moment de rendre son jugement, la juge est pleinement consciente de la gravité de l’infraction de leurre et de l’importance des objectifs de dissuasion et de dénonciation qu’elle commande au stade de la peine. Elle était cependant confrontée à une réalité particulière découlant d’abord des circonstances propres à l’affaire dont elle était saisie, qui différaient de celles du cas classique de leurre, tel que décrit par les juges Moldaver et Abella dans l’arrêt Morrison, mais aussi du libellé de la période visée par l’infraction de leurre dont l’intimé était accusé. Cette période débute en effet le 25 février 2015, soit bien après la première rencontre en personne entre lui et la plaignante au début du mois d’août 2013, et bien après le commencement de leurs échanges sur les réseaux sociaux et les trois premiers contacts sexuels à la fin de l’été 2013 et en novembre 2014.
[87] Rappelons que l’intimé, qui est alors âgé de 22 ans, rencontre la plaignante en personne au tout début du mois d’août 2013 lors d’un rodéo, par l’intermédiaire d’amis communs. La preuve permet aussi de conclure qu’au cours des semaines qui suivent, il la contacte par le biais de Facebook, sans cacher ou modifier son identité, ni cacher ou autrement altérer sa photo d’accueil[77]. La victime, qui a incidemment déclaré aux policiers qu’elle avait deux comptes Facebook à l’époque[78], accepte sa demande d’amitié et les parties auront par la suite des échanges presque tous les jours au moyen de ce mode de communication[79]. L’intimé est conscient que la victime est alors âgée de 13 ans.
[88] Au cours des deux années suivantes, ils poursuivent leurs échanges sur les réseaux sociaux, le plus souvent sur Facebook, mais aussi par Messenger ou Snapchat. Ils ont deux premières relations sexuelles complètes à la fin de l’été 2013. À l’automne 2014, la plaignante, alors âgée de 14 ans, est placée dans un centre de réadaptation. Malgré ce fait, ils restent en contact par les médias sociaux, apparemment avec la même régularité, et ont une autre relation complète en novembre 2014, à nouveau avant la période visée par le chef d’accusation de leurre.
[89] L’intimé a une dernière relation sexuelle avec la plaignante le 19 juillet 2015. Leurs échanges sur les réseaux sociaux s’essoufflent ensuite graduellement à partir du mois d’août 2015 et cessent le 11 septembre suivant, après que la victime eut donné sa déclaration aux policiers et porté plainte la veille.
[90] Comme le révèle aussi la preuve, les policiers découvrent ensuite des échanges Facebook entre les parties couvrant la période du 7 décembre 2014, soit plus de deux mois avant le début de la période visée par l’infraction de leurre, jusqu’au 13 septembre 2015. La copie de ces échanges, produite comme pièce S-4 en première instance, compte 65 pages mais les requérants n’ont pas jugé bon de la reproduire dans le dossier d’appel. Il est donc impossible pour la Cour d’en apprécier globalement le contenu et le ton autrement qu’en se référant au résumé qu’en fait la juge[80].
[91] Après avoir énoncé les principes applicables à la contestation d’une peine minimale obligatoire, la juge s’attarde d’abord à déterminer la peine juste et appropriée, tant pour l’infraction d’attouchements sexuels que pour celle de leurre, sans tenir compte, dans ce dernier cas, de la peine minimale obligatoire d’un an édictée par le législateur. Bien qu’elle procède à une analyse distincte de la peine appropriée pour chaque infraction, ses motifs doivent être examinés dans leur ensemble.
[92] La juge retient d’abord que l’intimé, qui était de neuf ans l’aîné de la plaignante, a eu quatre relations sexuelles complètes avec cette dernière au cours d’une période de deux ans et qu’ils ont entretenu leur relation par le biais des réseaux sociaux. Elle note qu’il s’agit d’un moyen de communication usuel pour cette génération. Il faut d’après nous comprendre qu’il s’agit là d’un constat, et non, comme le soutiennent les requérants, d’un commentaire visant à banaliser l’usage des réseaux sociaux et à ainsi atténuer la gravité objective de l’infraction de leurre.
[93] La juge considère également le rapport présentenciel. Elle tient compte du fait que l’intimé bénéficie d’un milieu familial stable, positif et exempt de problèmes particuliers, qu’il s’est affranchi d’une assuétude aux stupéfiants durant l’adolescence, que malgré un parcours professionnel instable il occupe un emploi. Elle note qu’il a entretenu des relations amoureuses depuis les évènements, mais que l’incertitude liée aux procédures et à la peine l’ont freiné dans son désir de s’engager dans une relation à plus long terme. Le rapport ne fait par ailleurs état d’aucune fantaisie sexuelle déviante, mais souligne que l’intimé accorde de l’importance à la gratification de ses besoins sexuels ce qui « l’a mené à oblitérer les résistances extrinsèques, soit celles liées à l’âge de la jeune fille et à l’illégalité de son comportement ». La rédactrice du rapport mentionne aussi que l’intimé a « offert une bonne collaboration dans le processus visant la collecte des informations ». Elle conclut que le risque de récidive est présent, mais non quantifié, un suivi psychosocial visant le développement de certaines compétences pouvant l’amoindrir, ainsi qu’un engagement et une stabilité affective sur le plan amoureux. L’auteure ajoute que l’intimé n’a aucuns antécédents judiciaires et que son admission qu’il est le seul à blâmer dans toute cette affaire constitue une amorce de conscientisation.
[94] Le jugement révèle aussi que la juge est pleinement consciente que le législateur est intervenu à trois reprises afin d’augmenter les peines minimales et maximales tant à l’égard de l’acte criminel d’attouchements sexuels qu’à celui de leurre[81].
[95] La juge note que ces modifications législatives témoignent de l’importance de l’objectif de dénonciation et de dissuasion que doivent refléter les peines prononcées en matière de crimes sexuels contre des enfants[82]. Elle avait donc indéniablement ce facteur à l’esprit lors de la détermination de celle à imposer pour le leurre.
[96] Cela dit, elle écarte l’argument de l’intimé voulant qu’il ait succombé aux avances de la plaignante et prend soin de distinguer les faits du dossier de ceux dans l’affaire Caron Barrette[83] . La juge retient cependant, et c’est là aussi une question d’appréciation de la preuve qui commande la déférence, que l’intimé n’était pas en situation d’abus de confiance ou d’autorité, ce qu’a d’ailleurs admis le ministère public lors des observations sur la peine.
[97] La juge, alors qu’elle détermine la peine appropriée pour l’infraction d’attouchements sexuels, énonce que :
[58] Le consentement de l’adolescente dans la présente affaire ne peut constituer un facteur atténuant la responsabilité morale du délinquant en vue de l’imposition de la peine appropriée.
[98] Malgré l’absence de preuve des conséquences du crime sur la plaignante, la juge conclut de certains extraits des échanges Facebook dont elle a copie que cette dernière paraît se sentir utilisée et exploitée et que c’est la raison pour laquelle elle décide de mettre un terme à la relation. Elle souligne également que l’intervention du directeur de la protection de la jeunesse n’est pas liée aux faits du présent dossier.
[99] Au terme de cette analyse, la juge conclut qu’une peine d’emprisonnement de dix mois est appropriée sur le chef visant les quatre évènements d’attouchements sexuels.
[100] Elle procède ensuite à déterminer la peine appropriée pour l’acte criminel de leurre qui, rappelons-le, vise uniquement la période de quelques mois précédant la fin de la relation entre les parties, au cours de laquelle est survenue la dernière des relations sexuelles.
[101] En notant qu’il ne s’agit pas ici d’un cas classique où un prédateur empruntant une identité factice, ou autrement la ruse, trouve ou attire une proie d’âge mineur sur Internet pour lui faciliter ensuite la commission d’infractions de nature sexuelle, la juge ne commet aucune erreur. Comme elle le mentionne, référant à l’usage que l’intimé a fait en l’espèce des médias sociaux : « [i]l s’agit de communications qui mènent à la répétition des rencontres sexuelles »[84], lesquelles, ajoutons-le, avaient débuté au moins un an et demi auparavant, durant une période, au surplus, non visée par l’accusation de leurre.
[102] La juge, dans l’exercice de sa discrétion, apprécie donc l’ensemble de la preuve et conclut à une peine d’emprisonnement de cinq mois pour l’infraction de leurre. Afin d’apprécier la justesse de cette peine dans sa globalité, il importe ici de souligner que la juge a assorti les peines d’emprisonnement d’une ordonnance de probation et d’ordonnances additionnelles nombreuses et contraignantes qu’elle énonce de la façon suivante dans ses conclusions :
[87] ORDONNE au délinquant de se conformer à une ordonnance de probation pour une période de deux ans, avec suivi probatoire pour la même durée, dont les conditions sont les suivantes :
• Ne pas troubler l’ordre public et avoir une bonne conduite ;
• Répondre aux convocations du tribunal ;
• Prévenir l’agent de probation de ses changements d’adresse ou de nom et aviser rapidement de ses changements d’emploi ou d’occupation ;
• S’abstenir de communiquer, directement ou indirectement, avec X ;
• Ne pas être en présence physique de X ;
• Ne pas faire référence directement ou indirectement à X sur quelque média social que ce soit ;
• Ne pas se trouver dans un rayon de 30 mètres du domicile de X de son lieu de travail ou lieu d’études ;
• Se présenter à un agent de probation dans les deux jours ouvrables suivant l’entrée en vigueur de l’ordonnance de probation et par la suite, selon les modalités de temps et de forme fixées par l’agent de probation ;
• Suivre toutes les recommandations de l’agent de probation, notamment quant à un suivi psychosocial visant le développement de compétences en lien avec l’exercice de son jugement et l’identification de solutions adaptées à ses difficultés ;
[88] INTERDIT au délinquant de chercher, d’accepter ou de garder un emploi, rémunéré ou non, ou un travail bénévole qui le placerait en relation de confiance ou d’autorité vis-à-vis de personnes âgées de moins de 16 ans en vertu de l’alinéa 161(1)b) du Code criminel, et ce, pour une période de 5 ans ;
[89] INTERDIT au délinquant d’avoir des contacts, notamment de communiquer par quelque moyen que ce soit, avec une personne âgée de moins de 16 ans, sauf en présence d’un adulte responsable de cette personne âgée de moins de 16 ans et au fait de la présente condamnation en vertu de l’alinéa 161(1)c) du Code criminel, et ce, pour une période de 5 ans ;
[90] INTERDIT au délinquant de communiquer, directement ou indirectement avec, X pendant la période de détention, en vertu du paragraphe 743.21(1) du Code criminel;
[91] ORDONNE au délinquant de se conformer à la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels à perpétuité, en vertu des paragraphes 490.012(1) et 490.013(2.1) du Code criminel ;
[92] ORDONNE le prélèvement du nombre d’échantillons de substances corporelles du délinquant jugé nécessaire pour fins d’analyse génétique, en vertu du paragraphe 487.051(1) du Code criminel dans un délai de 60 jours.
[103] Comme le soulignait la Cour dans l’arrêt Caron Barrette[85], les ordonnances obligatoires et additionnelles auxquelles le délinquant peut être condamné permettent, avec la peine d’emprisonnement proprement dite, d’atteindre l’objectif de dénonciation et de dissuasion visé par le législateur à l’article 718.01 C.cr. À plus forte raison en l’espèce, alors que les interdits et ordonnances additionnels imposés par la juge aux paragraphes 88, 89, 91 et 92 de ses conclusions sont précisément liés aux pouvoirs ou devoirs que lui impose le législateur en cas de déclaration de culpabilité d’une infraction de leurre[86].
[104] Ainsi, bien que l’article 718.01 C.cr. enjoigne le tribunal, lorsqu’il impose une peine pour une infraction qui constitue un mauvais traitement à l’égard d’une personne âgée de moins de 18 ans, d’accorder une attention particulière aux objectifs de dénonciation et de dissuasion, il ne retire pas de ce fait le pouvoir discrétionnaire du juge d’individualiser la peine eu égard à toutes les circonstances de l’infraction, ainsi qu’aux caractéristiques propres à l’accusé. La tâche essentielle du juge consiste à pondérer et à mettre en équilibre ces objectifs[87], les objectifs d’exemplarité et de dissuasion devant, par exemple, être tempérés par les principes et objectifs d’individualisation et de proportionnalité de la peine[88].
[105] En somme, considérant la norme d’intervention applicable en matière d’appel de la sentence, nous concluons qu’il n’y a pas lieu d’intervenir afin de revoir à la hausse la peine d’emprisonnement de cinq mois que la juge a imposée à l’intimé pour l’infraction de leurre. Elle a eu raison de considérer que l’objectif de dissuasion générale associé par le législateur à la peine minimale obligatoire ne saurait justifier d’infliger à l’intimé une peine exagérément disproportionnée au vu des circonstances particulières de l’infraction et de son degré de responsabilité morale[89]. Certes, la peine qu’elle a imposée peut, surtout à la lumière des enseignements dans Friesen, paraître clémente. Nous ne pouvons toutefois conclure, compte tenu de l’accusation telle que portée, plus précisément de la période visée, des circonstances particulières du dossier et de la preuve partielle dont nous disposons en appel quant à la teneur des échanges entre les parties sur les médias sociaux pour la période de décembre 2014 à septembre 2015, que cette peine est exagérément clémente, manifestement non indiquée ou que la juge a autrement commis une erreur de principe justifiant notre intervention.
[106] Notre collègue aurait été d’avis d’intervenir afin de rehausser la peine pour le leurre de 5 à 12 mois, essentiellement pour deux motifs. Premièrement, la juge aurait commis une erreur de principe en diminuant la gravité subjective de l’infraction au motif que plusieurs contacts sexuels avaient eu lieu sans opposition de la victime. Deuxièmement, la juge aurait aussi commis une autre erreur révisable en limitant la portée du leurre commis par l’intimé, alors que tous les éléments essentiels de l’infraction sont présents.
[107] Avec égards, nous ne sommes pas du même avis.
[108] D’abord, la question du « consentement » de la plaignante réfère davantage aux attouchements sexuels qu’au leurre, seule infraction qui nous concerne en appel. Ensuite, il ressort du jugement que la juge est pleinement consciente du fait que le « consentement de facto » de la plaignante aux relations sexuelles n’est pas un facteur atténuant. Ainsi, lorsqu’elle réfère au consentement dans la section du jugement portant sur le leurre, il faut en comprendre que c’est pour traduire le fait que les circonstances du leurre reproché à l’intimé ne peuvent s’assimiler à du « grooming » au sens de la jurisprudence. La juge indique en effet :
« […] les gestes commis par le délinquant ne constituent pas une manipulation psychologique préparatoire ou « grooming » de l’adolescente dans le but de réduire ses inhibitions et de la convaincre de participer à des activités sexuelles. Elle y a déjà consenti trois fois. Il s’agit plutôt de tentatives répétées, par l’utilisation d’échanges électroniques, d’avoir à nouveau des relations sexuelles avec elle, faites dans le contexte particulier d’une jeune fille vulnérable et suivie par le directeur de la protection de la jeunesse. »
[Soulignement ajouté]
[109] Elle n’assimile donc pas l’absence d’opposition de la victime à une circonstance atténuante quant à l’infraction de leurre, mais y réfère comme un fait chronologique permettant de situer le leurre reproché dans son contexte particulier et d’évaluer ainsi de façon adéquate et individualisée la culpabilité morale de l’intimé.
[110] Quant au fait que la juge aurait commis une erreur révisable en limitant la portée de l’infraction de leurre, les motifs de cette dernière, dans leur ensemble, notamment ceux contenus aux paragraphes 64 et 72, reflètent au contraire la prise en compte que bien que tous les éléments essentiels de cette infraction puissent être présents dans un cas donné, les circonstances de sa commission peuvent grandement varier, affectant d’autant le degré de responsabilité morale du contrevenant. Ainsi, sans y référer expressément dans son jugement, la juge prend ni plus ni moins en compte les commentaires des juges Moldaver et Karakatsanis à ce sujet dans l’arrêt Morrison[90].
c) La question des peines concurrentes
[111] Il n’y a pas davantage lieu d’intervenir eu égard à la conclusion de la juge d’ordonner que les peines pour l’infraction d’attouchements sexuels, d’une part, et de leurre, d’autre part, soient purgées de façon concurrente.
[112] Il est bien établi que le juge qui procède à la détermination de la peine bénéficie d’une large discrétion pour imposer des peines concurrentes ou consécutives[91], sauf les cas particuliers où le législateur supprime ce pouvoir discrétionnaire[92]. La norme d’intervention est donc exigeante : « la décision d’infliger des peines concurrentes ou consécutives devrait être traitée avec la même retenue que celle dont les cours d’appel doivent faire preuve envers les juges qui ont infligé des peines en ce qui concerne la durée de ces peines »[93].
[113] Bien que dans l’arrêt Rayo le juge Kasirer, alors de notre Cour, indique qu’en matière de leurre ayant mené à des infractions de nature sexuelle l’imposition de peines consécutives est généralement justifiée[94], la juge n’a commis aucune erreur justifiant notre intervention en concluant que, dans les circonstances particulières de l’espèce, le leurre commis par l’intimé ne consiste pas en cette période de manipulation psychologique préparatoire caractéristique de cette infraction, mais plutôt de communications qui s’inscrivent dans un continuum environ 18 mois après le début de la relation entre les parties et les trois premières relations sexuelles[95].
d) La peine minimale obligatoire d’un an : l’article 12 de la Charte
[114] Bien que les motifs de la juge au soutien de sa conclusion que la peine minimale obligatoire édictée par l’alinéa 172.1(2)a) C.cr. doit être déclarée inopérante à l’égard de l’intimé parce qu’elle porte atteinte à l’article 12 de la Charte ne soient pas aussi élaborés que certains l’auraient souhaité, nous sommes d’avis que cette conclusion est exempte d’erreur de droit ou de principe et qu’elle ne justifie donc pas une intervention.
[115] Dans l’arrêt Morrison[96], sept des neuf juges, dont le jugement fut rendu par le juge Moldaver, ont estimé « peu judicieux » de statuer sur la constitutionnalité de la peine minimale obligatoire d’un an prévue à l’alinéa 172.1(2)a), et ce, compte tenu, d’une part, du principe erroné en droit à partir duquel les cours de juridictions inférieures avaient établi la culpabilité de M. Morrison et, d’autre part, de la décision de la Cour d’annuler le verdict pour ce motif et d’ordonner un nouveau procès[97]. Néanmoins, le juge Moldaver estime opportun d’observer que « plusieurs aspects de l’art. 172.1 semblent, à tout le moins, jeter un doute sur la constitutionnalité de la peine minimale obligatoire prévue à l’al. (2)a) »[98]. En effet, ajoute-t-il, jurisprudence à l’appui, « [l]e paragraphe 172.1(2) “s’applique à une vaste gamme de comportements potentiels”, ce qui le rend potentiellement vulnérable sur le plan constitutionnel, compte tenu de l’éventail d’applications raisonnablement prévisibles de la peine minimale obligatoire [...] »[99].
[116] La juge Karakatsanis conclut plutôt dans ses motifs concordants qu’il est préférable de trancher la question constitutionnelle, notamment afin d’éviter que d’autres individus soient déclarés coupables de l’infraction de leurre punissable par voie de mise en accusation et qu’ils puissent se voir condamnés « à une peine minimale obligatoire invalide sur le plan constitutionnel »[100].
[117] Ainsi, elle observe d’abord que l’infraction de leurre vise une multitude de situations et que la peine minimale obligatoire qu’elle comporte s’en trouve d’autant plus vulnérable sur le plan constitutionnel[101].
[118] Incidemment, les juges majoritaires dans l’arrêt rendu par la Cour dans R. c. Lefrançois[102] faisaient une observation sur le même thème concernant les peines minimales obligatoires en général :
[109] Les peines minimales sont critiquées et critiquables. Elles sont à plusieurs égards vulnérables au plan constitutionnel.
[110] En effet, dans les cas qui tomberaient sous le seuil minimal, la peine minimale oblige le juge à s’écarter du principe fondamental de proportionnalité lors du processus de détermination de la peine. La peine minimale fait primer l’objectif de dissuasion au détriment des autres objectifs en matière de détermination des peines.
[111] La peine minimale « modifie le processus général de la détermination de la peine, lequel prend appui sur l’examen de tous les éléments pertinents pour arriver à un résultat proportionné ». Par cette mesure, le législateur cherche à « retirer aux juges le pouvoir discrétionnaire d’infliger une peine inférieure à la peine minimale prescrite ».
[Renvois omis]
[119] La juge Karakatsanis conclut ensuite que la peine minimale obligatoire d’un an prévue à l’alinéa 172.1(2)a) C.cr. viole l’article 12 de la Charte et qu’elle ne peut être justifiée au regard de l’article premier[103].
[120] Cela dit, dans l’arrêt Lloyd[104], la Cour suprême précise qu’une peine « exagérément disproportionnée » est celle qui est « excessive au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine », ou encore « odieuse ou intolérable » socialement[105]. La Cour observe par ailleurs que plus la grande variété des comportements et circonstances fera invariablement encourir aux auteurs de l’infraction concernée la peine minimale obligatoire, plus cette peine risque d’être infligée à des délinquants pour lesquels elle sera exagérément disproportionnée[106].
[121] Comme on l’a vu, la juge a effectivement conclu qu’imposer la peine minimale obligatoire d’un an d’emprisonnement à l’intimé pour l’infraction de leurre telle que circonscrite par le chef d’accusation et compte tenu des circonstances de sa commission serait « totalement disproportionné à son endroit »[107] et qu’il y avait donc lieu de la déclarer inopérante dans cette mesure. Pour la juge, un public bien informé serait outré de l’imposition de cette peine de détention à l’intimé compte tenu de l’ensemble des circonstances[108]. On comprend que, pour elle, ce même public comprendrait à l’inverse que l’intimé ne doit pas se voir imposer une peine aussi sévère que celle que commande en principe l’alinéa 172.1(2)a) C.cr.
[122] Étant donné cette conclusion, que nous estimons correcte et qui scelle le sort de la peine minimale obligatoire au regard de l’article 12 de la Charte, la juge n’avait pas à pousser son analyse plus loin et à étudier les applications raisonnablement prévisibles de la peine minimale obligatoire[109]. Comme le souligne en effet aussi la juge Karakatsanis dans l’arrêt Morrison, si le juge conclut que la peine minimale obligatoire est exagérément disproportionnée en tenant compte de la situation particulière du délinquant concerné, la peine minimale obligatoire viole l’article 12, sans nécessité de pousser l’analyse plus loin afin de vérifier si la peine minimale serait exagérément disproportionnée dans d’autres cas raisonnablement prévisibles[110].
e) La justification : l’article 1 de la Charte
[123] La juge ne se prononce pas sur cette question. Les parties en ayant traité dans leurs argumentations écrites et lors des observations à l’audience, bien que sans insister, il convient de procéder à son analyse.
[124] Dans l’arrêt Nur[111], la juge en chef McLachlin souligne pour la majorité qu’il sera difficile pour le ministère public de démontrer qu’une peine minimale obligatoire jugée disproportionnée sur le fondement de l’article 12 est néanmoins proportionnelle pour ce qui est de ses effets préjudiciables et de ses effets bénéfiques aux fins du test de justification de l’article 1 de la Charte[112].
[125] C’est vraisemblablement ce qui explique le peu d’ardeur qu’ont consacré les requérants à traiter de cette question.
[126] Ainsi, dans leur argumentation écrite conjointe, le procureur général du Québec se limite à proposer laconiquement que, dans l’éventualité où la Cour conclurait à une violation de l’article 12, la peine minimale obligatoire d’un an d’emprisonnement édictée à l’alinéa 172.1(2)a) C.cr serait justifiée en vertu de l’article premier, « et ce, pour les mêmes motifs exprimés pour conclure à la non violation de l’article 12 »[113]. Lors de l’audience, le procureur général du Québec n’élabore pas davantage.
[127] Les requérants n’ont donc pas établi l’inexistence de moyens de sanctionner adéquatement l’infraction de leurre de façon moins attentatoire que par l’imposition d’une peine minimale obligatoire d’un an de prison dans le cas de tous les délinquants, indépendamment des circonstances individuelles propres à chacun et des faits différents qui peuvent caractériser chaque situation. Rien de convaincant n’apparaît même dans le dossier permettant d’évaluer si une telle peine minimale est le moyen le moins attentatoire pour satisfaire l’objectif législatif louable de dissuader et de dénoncer les crimes de nature sexuelle commis sur des personnes mineures.
[128] Les requérants n’ont pas davantage démontré que les effets préjudiciables de la restriction importante à la liberté des délinquants par l’imposition d’une peine minimale d’un an d’emprisonnement dans tous les cas sont proportionnels à leur effet bénéfique. On ne peut écarter, par exemple, que le maintien par le législateur du pouvoir discrétionnaire judiciaire d’ajuster la peine d’emprisonnement pour tenir compte de certains cas particuliers permettrait de rencontrer ses objectifs de façon plus adéquate et conforme aux garanties constitutionnelles.
[129] En somme, une preuve suffisante en première instance ou des arguments convaincants en appel soutenant la justification de la disposition attentatoire n’ont pas été présentés à la Cour.
[130] Pour tous ces motifs, nous proposons donc d’accueillir la requête en autorisation d’appel, de rejeter l’appel et de déclarer que la peine minimale obligatoire prévue à l’article 172.1(2)a) C.cr. enfreint l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés dans le cas de l’intimé et qu’elle est inopérante à son égard.
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GENEVIÈVE COTNAM, J.C.A. |
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MICHEL BEAUPRÉ, J.C.A. |
[1] R. c. Bertrand Marchand, 2020 QCCQ 1135 [jugement entrepris]. Cette peine est assortie des ordonnances suivantes : probation de deux ans avec suivi probatoire pour la même durée (incluant notamment une interdiction de communiquer avec la victime ou de se trouver en sa présence), interdiction de communiquer avec elle pendant la détention (art. 743.21 C.cr.), ordonnance de fournir un prélèvement d’échantillons d’ADN (paragr. 487.051(1) C.cr.), ordonnance de se conformer à la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels à perpétuité (paragr. 490.012(1) et 490.013(2.1) C.cr.) et ordonnances selon les alinéas 161(1)b) et c) C.cr. pour une durée de 5 ans.
[2] Jugement entrepris.
[3] Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11.
[4] Comme la peine minimale obligatoire prévue à l’al. 151a) C.cr. est déclarée inconstitutionnelle le 3 avril 2018 par cette Cour, l’intimé n’a eu à soulever que l’inconstitutionnalité de celle prévue à l’al. 172.1(2)a) C.cr. (Caron Barrette c. R., 2018 QCCA 516).
[5] Requête pour permission d’appeler de la peine et de la déclaration d’inopérabilité, 14 avril 2020.
[6] R. c. Bertrand Marchand, 2020 QCCA 630 (Ruel, j.c.a.).
[7] Jugement entrepris, paragr. 15-20, 38, 43-44, 49, 53, 59-61, 63-64, 67-68, 70-71, 78-79.
[8] Jugement entrepris, paragr. 1-6.
[9] Jugement entrepris, paragr. 33, 37 et 40.
[10] À l’occasion du témoignage qu’il a rendu le 4 novembre 2019, l’intimé reconnaît qu’il s’agissait d’« une relation plus sexuelle… il n’y avait rien d’amoureux là » (Interrogatoire en chef, 4 novembre 2019, p. 45, lignes 15 et 16) et qu’« il y a eu environ six (6) - sept (7). Sept (7) - huit (8) peut-être » relations sexuelles (Interrogatoire en chef, 4 novembre 2019, p. 47, lignes 22-23).
[11] Jugement entrepris, paragr. 38, 43, 45, 49, 53-54 et 60-61.
[12] Jugement entrepris, paragr. 62-72 [soulignements ajoutés].
[13] R. c. Rayo, 2018 QCCA 824.
[14] Jugement entrepris, paragr. 73-79.
[15] Jugement entrepris, paragr. 81-86.
[16] Jugement entrepris, paragr. 82.
[17] R. c. Lacasse, 2015 CSC 64, paragr. 41, 44 et 49.
[18] R. c. Friesen, 2020 CSC 9, paragr. 25 et 26.
[19] R. c. Trottier, 2020 QCCA 703, paragr. 32, se référant à R. c. Lefrançois, 2018 QCCA 1793, paragr. 7.
[20] Caron Barrette c. R., 2018 QCCA 516, paragr. 39.
[21] R. c. Friesen, supra, note 18.
[22] Id., paragr. 107.
[23] Id., paragr. 100.
[24] Id., paragr. 93.
[25] Jugement entrepris, paragr. 38.
[26] Id., paragr. 49-50, 52, 54.
[27] Id., paragr. 59.
[28] Id., paragr. 64-65.
[29] Id., paragr. 67.
[30] Id., paragr. 70.
[31] Observations du 17 décembre 2019, p. 43.
[32] Observations du 17 décembre 2019, p. 98, lignes 19 à 22.
[33] R. c. Legare, 2009 CSC 56, [2009] 3 R.C.S. 551, paragr. 3, 28, 36 et 39-40. Voir aussi : R. c. Morrison, 2019 CSC 15, [2019] 2 R.C.S. 3, paragr. 95; R. c. Levigne, 2010 CSC 25, [2010] 2 R.C.S. 3, paragr. 23.
[34] R. c. Friesen, supra, note 18, paragr. 153.
[35] R. c. Rayo, supra, note 13, paragr. 126. Voir aussi : R. c. Morrison, 2019 CSC 15, [2019] 2 R.C.S. 3, paragr. 177, où la juge Karakatsanis reconnaît que « dans bien des cas, la peine appropriée sera une peine d’emprisonnement dont la durée s’inscrira dans le cadre prévu à l’al. 172.1(2)a) ».
[36] Observations du 17 décembre 2019, p. 36, ligne23 à p. 38, ligne 6.
[37] Ces facteurs sont les suivants : l’absence d’antécédents judiciaires, son âge au moment des événements, l’occupation d’un emploi depuis deux ans, son honnêteté et sa collaboration au rapport prédécisionnel ainsi que son milieu familial stable.
[38] R. c. Friesen, supra, note 18, paragr. 86, 88, 90 et 90.
[39] R. c. Rayo, supra, note 13, paragr. 50, se référant à R. v. Delchev, 2014 ONCA 448, paragr. 34.
[40] Id., paragr. 137-139 et 141.
[41] Jugement entrepris, paragr. 78-79.
[42] Par analogie, voir : Tremblay c. R., 2014 QCCA 690, paragr. 349.
[43] Jugement entrepris, paragr. 60.
[44] R. c. Rayo, supra, note 13, paragr. 52; Daquin c. R., 2017 QCCA 1538, paragr. 20; R. c. Guerrero Silva, 2015 QCCA 1334, paragr. 55; Desjardins c. R., 2015 QCCA 1774, paragr. 30 et 34; J.V. c. R., 2014 QCCA 1828, paragr. 28-29. Cela me semble d’ailleurs conforme à l’arrêt de notre Cour, Vera Camacho c. R., 2021 QCCA 683.
[45] R. c. Veysey, 2006 NBCA 55.
[46] R. c. Bergeron, 2016 QCCA 339; R. c. Colangelo, 2017 QCCA 195; R. c. Foster, 2020 QCCA 1172; K. F. c. R., 2021 QCCA 67; R. c. Davidson, 2021 QCCA 545.
[47] R. c. Boudreault, 2018 CSC 58, [2018] 3 R.C.S. 599, paragr. 45; ces principes sont réitérés par la Cour suprême dans Québec (Procureure générale) c. 9147-0732 Québec inc., 2020 CSC 32.
[48] R. c. Nur, 2015 CSC 15; [2015] 1 R.C.S. 773, paragr. 77.
[49] Caron Barrette c. R., supra, note 20, paragr. 73-75.
[50] R. c. Lloyd, 2016 CSC 13, [2016] 1 R.C.S. 130, paragr. 18.
[51] R. c. Morrison, supra, note 35.
[52] R. v. Hood, 2018 NSCA 18.
[53] Ibrahim c. R., 2018 QCCA 1205. Voir aussi: Y.P. c. R., 2019 QCCA 1506.
[54] Al. 151a) C.cr.
[55] Al. 172.1(1)b) C.cr.
[56] R. c. Bertrand-Marchand, 2020 QCCQ 1135 [jugement entrepris].
[57] R. c. Lloyd, 2016 CSC 13, paragr. 23; R. c. Nur, 2015 CSC 15, paragr. 46.
[58] Jugement entrepris, paragr. 33, 37 et 40.
[59] Id., paragr. 73-75.
[60] R. c. Rayo, 2018 QCCA 824.
[61] Jugement entrepris, paragr. 81-83.
[62] Voir notamment Cabezas c. R., 2018 QCCA 1616, paragr. 114 et J.B. c. R., 2014 QCCA 92, paragr. 15.
[63] R. c. Friesen, 2020 CSC 9.
[64] R. c. Lacasse, 2015 CSC 64.
[65] Caron Barrette c. R., 2018 QCCA 516, paragr. 39.
[66] R. c. Trottier, 2020 QCCA 703, paragr. 32, citant les motifs de la majorité dans R. c. Lefrançois, 2018 QCCA 1793, paragr. 7.
[67] R. c. Shepherd, 2009 CSC 35, paragr. 20; Boudreault c. R., 2016 QCCA 1907, paragr. 32 (infirmée pour d’autres motifs, 2018 CSC 58) ; R. v. Madeley, 2018 ONSC 391, paragr. 15; Foisy c. R., 2017 QCCA 1721, paragr. 23.
[68] R. c. Rayo, supra, note 60, paragr. 139.
[69] R. c. Legare, 2009 CSC 56.
[70] R. c. Morrison, 2019 CSC 15.
[71] R. c. Rayo, supra, note 60.
[72] Id., paragr. 2 (soulignements ajoutés).
[73] Id., paragr. 3 (soulignement ajouté).
[74] Id., paragr. 197 (soulignements ajoutés).
[75] Id., paragr. 179.
[76] R. c. Friesen, supra, note 63.
[77] Déclaration de X aux policiers le 10 septembre 2015.
[78] Ibid.
[79] Id., p. 24.
[80] Jugement entrepris, paragr. 46-51.
[81] Jugement entrepris, paragr. 35 et note de bas de page correspondante.
[82] Jugement entrepris, paragr. 39-41.
[83] Caron Barrette c. R., supra, note 65.
[84] Jugement entrepris, paragr. 78.
[85] Caron Barrette c. R., supra, note 65, paragr. 85.
[86] Les interdits contenus dans les conclusions des paragraphes 88 et 89, en vertu des alinéas 161(1)b) et c) C.cr., découlent au moins en partie du fait que l'infraction de leurre est l'une de celles visées au paragraphe 161(1.1); l'ordonnance de se conformer à la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels découle du fait que le leurre est visé à l’alinéa 490.011(1)a)(x) C.cr., l'ordonnance à perpétuité résultant quant à elle du devoir que la juge avait de la rendre, vu la culpabilité de l'appelant aux infractions d'attouchements sexuels et de leurre (art. 490.013(2.1) et 490.011(1)a) (ii) et (x) C.cr.); enfin, l'ordonnance de prélèvement d'échantillons de substances corporelles pour fins d'analyse génétique découle au moins en partie du pouvoir que la juge avait de la rendre parce que le leurre est l'une des infractions primaires définies à l'alinéa 487.04a) (i.91) C.cr.
[87] Harbour c. R., 2017 QCCA 404, paragr. 81 et s.; R. c. Rayo, supra, note 60, paragr. 108-109.
[88] Lacelle Belec c. R., 2019 QCCA 711, paragr. 30, 33-35, 89-90.
[89] Caron Barrette c. R., supra, note 65, paragr. 84, référant à R. c. Nur, supra, note 57, paragr. 45 in fine.
[90] R. c. Morrison, supra, note 70, paragr. 146, 179 et 187.
[91] R. c. Rayo, supra, note 60, paragr. 50, référant à R. v. Delchev, 2014 ONCA 448, paragr. 34.
[92] Ex : les cas d'infractions contre un ou plus d’un enfants prévus par le paragraphe 718.3(7) C.cr.
[93] R. c. McDonnell, [1997] 1 R.C.S. 948, paragr. 46; R. c. Bisson, 2019 QCCA 2012, paragr. 8; R. c. Desjardins, 2017 QCCA 196, paragr. 16; R. c. Aoun, 2008 QCCA 440, paragr. 36.
[94] Id., paragr. 137-139 et 141.
[95] Jugement entrepris, paragr. 78-79.
[96] R. c. Morrison, supra, note 70.
[97] Id., paragr. 145.
[98] Id., paragr. 146.
[99] Ibid.
[100] Id., paragr. 162.
[101] Id., paragr. 179.
[102] R. c. Lefrançois, 2018 QCCA 1793 (demande d'autorisation d'appel à la Cour suprême rejetée, 13 juin 2019, n° 38470).
[103] R. c. Morrison, supra, note 70, paragr. 163.
[104] R. c. Lloyd, supra, note 57.
[105] Id., paragr. 34.
[106] Ibid.
[107] Jugement entrepris, paragr. 82.
[108] Ibid.
[109] R. c. Goltz, [1991] 3 R.C.S. 485, 505; R. c. Nur, supra, note 57, paragr. 46; R. c. Morrison, supra, note 70, paragr. 144; Caron Barrette, supra, note 65, paragr. 72.
[110] R. c. Morrison, supra, note 70, paragr. 167-168.
[111] R. c. Nur, supra, note 57.
[112] Id., paragr. 111.
[113] Argumentation des parties requérantes, paragr. 92.
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