Décision

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Arhaous c. Madomwa Djoko

2023 QCTAL 5820

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

Nos dossiers :

 

 

 

 

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584067 31 20210812 J

586219 31 20210824 J

Nos demandes :

 

 

 

 

3404958

3513611

3536912

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Date :

22 février 2023

Devant le juge administratif :

Serge Adam

 

Abdelali Arhaous

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Apolline Sylviane Madomwa Djoko

 

Jean Watchueng

 

Locateurs - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Le Tribunal est saisi de demandes du locataire en récusation du juge administratif Marc Lavigne et de statuer sur les frais.

Le litige

[2]         Le litige entre les parties et pour lequel le juge Marc Lavigne a refusé de se récuser résulte d'une demande des locataires de résilier le bail faisant suite à un agrandissement substantiel du logement concerné et des demandes du locataire en déclaration d’impropreté du logement avec recouvrement de dommages tant moraux que matériels.

Les motifs

[3]         Au soutien de sa demande, le locataire allègue que dans un autre dossier impliquant le locataire et une autre partie autre que celles actuellement impliquées, le juge Lavigne a rejeté sa demande en révision en invoquant des erreurs de droit et de faits, notamment sur la question si Marie-Ève Marcil était soit une juge administrative ou une greffière spéciale.

[4]         Il prétend ainsi à une inimitié capitale du juge pour cette raison en plus de permettre la présence lors d’une audience de deux agents de sécurité qu’il juge déraisonnable dans les circonstances, seulement sur ces aspects, le locataire juge que la gravité de ses gestes pourrait en soi permettre au soussigné de récuser le juge Lavigne.


[5]         En résumé, le locataire estime que le juge Lavigne est partial, bref il allègue que le climat de confiance est rompu et qu’il a reçu un semblant de justice devant ce Tribunal, surtout en provenance du juge Lavigne.

Discussion

[6]         Les motifs de récusation sont énumérés aux articles 64 et 65 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement:

« 64.  Un régisseur peut être récusé:

  s'il est conjoint ou parent ou allié jusqu'au degré de cousin germain inclusivement de l'une des parties;

 s'il est lui-même partie à une demande portant sur une question pareille à celle dont il s'agit dans la cause;

 s'il a donné conseil sur le différend, ou s'il en a précédemment connu comme arbitre ou comme conciliateur;

 s'il a agi comme mandataire pour l'une des parties, ou s'il a exprimé son avis extrajudiciairement;

 s'il a déjà fourni des services professionnels à l'une des parties;

 s'il est directement intéressé dans un litige mu devant un tribunal où l'une des parties sera appelée à siéger comme juge;

 s'il y a inimitié capitale entre lui et l'une des parties ou s'il a formulé des menaces à l'égard d'une partie depuis l'instance ou dans les six mois précédant la récusation proposée;

 s'il est tuteur, curateur ou conseiller, successible ou donataire de l'une des parties;

 s'il est membre d'un groupement ou personne morale, ou s'il est syndic ou protecteur d'un ordre ou communauté, partie au litige;

10° s'il a un intérêt à favoriser l'une des parties;

11° s'il est parent ou allié de l'avocat, du représentant ou de l'avocat-conseil ou de l'associé de l'un ou de l'autre soit en ligne directe, soit en ligne collatérale jusqu'au deuxième degré ou conjoint de l'un d'eux. »

« 65. Le régisseur est inhabile si lui ou son conjoint sont intéressés dans la demande.

Le tribunal souligne que la demande de récusation a pour fondement le droit de tout justiciable à « une audience publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé, qu'il s'agisse de la détermination de ses droits et obligations ou du bien-fondé de toute accusation portée contre elle ». Ce droit fondamental est enchâssé à l'article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne. Les articles 64 à 66 de la Loi sur la Régie du logement énoncent par ailleurs les motifs de récusations pouvant être soulevés, quoique ces motifs ne sont pas exhaustifs.[1]

La récusation d'un régisseur est une affaire extrêmement sérieuse et ne saurait être accordée que si la preuve révèle que le comportement ou les propos du régisseur sont de nature à susciter, auprès de la partie qui demande la récusation, une crainte raisonnable de partialité de la part du décideur dont on demande la récusation. Elle ne saurait donc permettre un « magasinage de juge ». Une allégation d'apparence de partialité constitue non seulement une remise en cause de l'intégrité personnelle du décideur visé, mais aussi celle de l'administration de la justice tout entière, d'où la nécessité d'une analyse rigoureuse.[2] »

[7]         Le juge Delisle de la Cour d'appel a précisé de la manière suivante les éléments de la crainte de partialité. Cette crainte devra :

« Pour être cause de récusation, la crainte de partialité doit donc :

Être raisonnable, en ce sens qu'il doit s'agir d'une crainte, à la fois, logique, c'est-à-dire qui s'infère de motifs sérieux, et objectifs, c'est-à-dire que partagerait la personne décrite à b) cidessous, placée dans les mêmes circonstances; il ne peut être question d'une crainte légère, frivole ou isolée;


Provenir d'une personne :

Sensée, non tatillonne, qui n'est ni scrupuleuse, ni angoissée, ni naturellement inquiète, non plus que facilement potée au blâme;

Bien informée, parce qu'ayant étudié la question, à la fois, à fond et d'une façon réaliste, c'estàdire dégagée de toute émotivité; la demande de récusation ne peut être impulsive ou encore, un moyen de choisir la personne devant présider les débats; et

Reposer sur des motifs sérieux; dans l'analyse de ce critère, il faut être plus exigeant selon qu'il y aura ou non enregistrement des débats et existence d'un droit d'appel. »[3]

Il appartient à la personne qui allègue la crainte de partialité d'établir une « réelle probabilité de partialité ».

[8]         Celle-ci devra établir, pour reprendre les propos de l'Honorable juge Major dans l'arrêt R. c. S. (R.D.), une « réelle probabilité de partialité, car un simple soupçon est insuffisant ».

[9]         Ce critère consiste plus précisément à déterminer la conclusion à laquelle en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Ce critère, comme le précisait la Cour suprême dans l'arrêt Committee for Justice and Liberty et al. c. Office national de l'énergie et al., comporte de fait un double élément objectif : « la personne examinant l'allégation de partialité doit être raisonnable et la crainte de partialité doit elle-même être raisonnable eu égard aux circonstances de l'affaire ». Il ne peut s'agir non plus d'une personne tatillonne, scrupuleuse, angoissée, naturellement inquiète non plus que facilement portée au blâme.

[10]     L'analyse de ces jugements nous indique que l'appréciation des motifs soulevés par la requête doit s'effectuer selon des critères objectifs.

[11]     Ainsi, le tribunal ne peut fonder sa décision en récusation sur la perception des parties dans l'apparence de justice, d'impartialité et de neutralité, mais plutôt sur la preuve soumise à la lumière des critères qui ont été définis par la jurisprudence.

[12]     Le locataire de son côté craint que le juge administratif ne soit impartial.

[13]     D’une part, car il a déjà rendu une décision défavorable à son égard, laquelle est au surplus mal fondé en droit et en faits, plaide-t-il. D’autre part, le locataire allègue que le juge administratif a commis un geste hautement répréhensible en permettant la présence d’agents de sécurité lors d’une de ses audiences avec celui-ci.

[14]     L'article 2803 C.c.Q. prévoit que :

« 2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée ».

[15]     Le locataire se devait de démontrer tel que prévu à l'article 64. 10° de la Loi sur le Tribunal administratif du logement, soit que le juge avait un intérêt à favoriser l'une des parties, qu’il y a inimitié capitale 64.07° ou tout simplement qu'il est partial.

[16]     Or, le Tribunal estime que les reproches formulés à l’encontre du juge Lavigne résultent de son insatisfaction à l’égard de la gestion de l’instance et de la décision rendue par celui-ci dans un jugement l’impliquant, mais avec une autre partie que celles résultant des demandes ci-haut précisées.

[17]     Or, une décision que le locataire ne considère pas adéquate ne constitue pas un motif de récusation au sens de la loi.[4]

[18]     La demande du locataire est loufoque (présence d’agents de sécurité) et ne repose sur aucun des motifs énoncés aux articles 64 et 65 précités.

[19]     Les erreurs de droit invoqués ou de faits, bien que mal fondés, ne constituent pas des motifs prévus par la loi, d’autant plus que les questions soulevées dans ce dossier référé par le locataire n’ont aucune connexité.

[20]     Cette demande de récusation relève davantage d'une inquiétude de ne pas avoir gain de cause dans le dossier concerné plutôt que d’une crainte raisonnable de partialité.

[21]     Or, le Tribunal ne peut se faire complice d'une telle stratégie.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[22]     REJETTE les demandes de récusation.

 

 

 

 

 

 

 

 

Serge Adam

 

Présence(s) :

le locataire

le mandataire des locateurs

Me Robert Tobgi, avocat des locateurs

Date de l’audience : 

1er février 2023

 

 

 


 


[1] Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., C-12 (La charte).

[2] Fram c. Office municipal d'habitation de Pointe Claire, J.E. 98-1402RL.

[3] Droit de la famille 2559 (1993) R.J.Q. 625, 633, 634 (C.A.).

[4] 31-080317-136 31 20080317, RDl, Daniel Laflamme, juge administratif, 29 septembre 2014, Barnard c. SMI.

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