Décision

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Dufour c. Cap Reit GP inc., s.e.c./Cap Reit

2024 QCTAL 584

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

706264 31 20230428 T

No demande :

4119719

 

 

Date :

10 janvier 2024

Devant le juge administratif :

Luk Dufort

 

Frédéric Dufour

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Capreit GP Inc. Société en Commandite   Capreit Limited Partnership

 

Locatrice - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Le demandeur requiert la rétractation de la décision rendue le 3 novembre 2023 du juge administratif Serge Adam ayant rejeté sa demande de rétractation.

[2]         La locatrice a entrepris un recours en non-paiement de loyer le 28 avril 2023.

[3]         Une première décision[1] a été rendue le 29 août 2023 par la juge administrative Luce De Palma accueillant la demande la locatrice, résilie le bail du locataire et le condamne à payer la somme de 4 370 $. Le locataire était présent lors de cette audition.

[4]         Le locataire a demandé la rétractation de cette décision. Le juge administratif dans une décision rendue le 3 novembre 2023 refuse sa demande de rétractation[2]. Encore une fois, le locataire était présent lors de l’audition.

[5]         Le locataire témoigne qu’il a entrepris le présent recours dans le but d’avoir la chance de discuter avec la locatrice afin d’éviter la résiliation de son bail. Il se dit prêt à acquitter l’ensemble de sa dette, mais n’arrive pas à communiquer avec un représentant de la locatrice.

[6]         Il admet bien candidement que sa demande en rétractation est pour les mêmes motifs que celle qui a donné lieu à la décision du 3 novembre 2023. Il ne comprend pas que son bail soit résilié pour un montant si peu important, d’autant plus qu’il est maintenant en mesure de le payer.

[7]         La locatrice demande que le Tribunal ordonne la limitation procédurale, car le locataire se sert du recours en rétractation pour tenter d’éviter son expulsion.

Analyse et décision

[8]         La présente demande se fonde l'article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement, lequel énonce ce qui suit:

« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.

Une partie peut également demander la rétractation d’une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcé au-delà de la demande.

La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.

La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision.

Une partie qui fait défaut d’aviser de son changement d’adresse conformément à l’article 60.1 ne peut demander la rétractation d’une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »

[9]         Le Tribunal conclut que le locataire ne fait valoir aucun motif justifiant la rétractation des décisions rendues dans son dossier.

[10]     En fait, le locataire semble se servir du recours en rétractation pour communiquer avec la locatrice et de prendre entente avec elle. Il ne fait valoir aucun motif de rétractation prévu à l’article 89 de la loi. De plus, sa demande en rétractation s’apparente à celle qui a déjà donné lieu au jugement du 3 novembre, les motifs étant les mêmes.

[11]     Les motifs de rétractation ne doivent pas être confondus avec l'appel de la décision. À cet effet, le Tribunal fait siens les propos de la juge administrative Francine Jodoin dans la cause O'Callagan c. Fattal[3] :

« Tel qu'expliqué lors de l'audience, la demande en rétractation ne doit pas constituer un appel déguisé de la décision rendue. Le tribunal n'a pas à juger de la justesse de celle-ci ni s'interroger sur les erreurs de faits ou de droit commises puisqu'il ne s'agit pas d'un appel de la décision rendue. Il s'agit plutôt de s'interroger sur l'application de l'article 89 précité et chercher à déterminer si la partie qui en fait la demande a pu démontrer un des motifs prévus à cette disposition.

(...)

Il apparaît clair au tribunal que le locataire remet maintenant en cause la preuve soumise à l'audience en raison des conclusions de la décision. Il a donc plutôt été pris par surprise par la décision et il appert qu'ayant connu d'avance ses conclusions, il se serait préparé différemment. Il demande d'ailleurs la possibilité d'avoir une nouvelle audience pour lui permettre d'apporter des preuves additionnelles. »

[12]     À la lumière de ces principes, le Tribunal est d'avis que le demandeur n'a pas établi, par preuve prépondérante, un motif sérieux de rétractation.

Limitation procédurale en vertu de l’article 63.2 LTAL.

[13]     La locatrice requiert du Tribunal qu’il interdise de présenter une demande de rétractation dans le présent dossier et qu’il soit condamné à des dommages pour abus conformément à l’article 63.2 de la Loi qui prévoit :

« 63.2. Le Tribunal peut, sur demande ou d’office après avoir permis aux parties intéressées de se faire entendre, rejeté un recours qu’il juge abusif ou dilatoire ou l’assujettir à certaines conditions.

Lorsque le Tribunal constate qu’une partie utilise de façon abusive un recours dans le but d’empêcher l’exécution d’une de ses décisions, il peut en outre interdire à cette partie d’introduire une demande devant lui à moins d’obtenir l’autorisation du président ou de toute autre personne qu’il désigne et de respecter les conditions que celui-ci ou toute autre personne qu’il désigne détermine.

Le Tribunal peut, en se prononçant sur le caractère abusif ou dilatoire d’un recours, condamner une partie à payer, outre les frais visés à l’article 79.1, des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par une autre partie, notamment pour compenser les honoraires et les autres frais que celle-ci a engagés, ou, si les circonstances le justifient, attribuer des dommages-intérêts punitifs. Si le montant des dommages-intérêts n’est pas admis ou ne peut être établi aisément au moment de la déclaration d’abus, le Tribunal peut en décider sommairement dans le délai et aux conditions qu’il détermine.»

[14]     Dans l’affaire Hasni c. Brault[4], la juge administrative Francine Jodoin analyse l’article 63.2 de la Loi :

« [36]   Cette disposition ne vise pas à empêcher une partie de contester valablement une décision qu'elle estime contraire aux règles de droit toutefois, elle vise le respect du processus judiciaire.

[37]   Dans la décision Pyrioux inc. c. 9251-7796 Québec inc.[8] , la Cour d'appel invite à la retenue et à la prudence dans ce domaine. D'autres décisions ont aussi rappelé que l'émission d'une telle interdiction ne peut se faire à la légère[9] et encore moins par complaisance, en raison des conséquences sérieuses qui peuvent en découler[10].

...

[45]   En effet, l'article 63.2 de la Loi sur la Régie du logement permet uniquement d'imposer une limitation procédurale pour empêcher le dépôt d'une nouvelle demande dans une instance déjà introduite qui vise à retarder abusivement l'exécution de la décision rendue.

[46]   Dans ce contexte, une décision est déjà rendue et par des procédures répétées (rétractation, rectification), une partie résiste à s'y soumettre et tente d'en retarder l'exécution.

[47]   Cette modification législative visait, en outre, à endiguer, les demandes de rétractation répétitives qui s'avèrent frivoles et dilatoires. »

[15]     La locatrice argumente que le locataire utilise la rétractation pour retarder son expulsion. Elle indique que le locataire n’a aucun motif de rétractation.

[16]     En l’instance, le Tribunal considère qu’il y a lieu de prononcer une limitation procédurale. La preuve déposée au dossier démontre que le locataire utilise la procédure de rétractation afin de retarder son expulsion du logement.

[17]     De son propre aveu, il n’accepte pas que son bail soit résilié pour une balance de loyer et utilise la demande en rétractation afin de pouvoir plaider sa situation auprès de la locatrice.

[18]     Le Tribunal est d’avis que la demande en rétractation du locataire n’a que pour but de retarder l’exécution d’une décision du Tribunal.

[19]     En conséquence, le Tribunal est donc d’avis qu’il y a lieu dans la présente affaire d’émettre une limitation procédurale afin de limiter sa capacité à retarder l'exécution de la décision rendue par le Tribunal le 29 août 2023.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[20]     REJETTE la demande en rétractation;

[21]     MAINTIENT la décision rendue le 29 août 2023;

[22]     INTERDIT au locataire d'introduire toute autre demande de rétractation dans le présent dossier, sauf sur autorisation du président du Tribunal administratif du logement ou toute autre personne que ce dernier pourra désigner.

 

 

 

 

 

 

 

 

Luk Dufort

 

Présence(s) :

le locataire

le mandataire de la locatrice

Date de l’audience : 

8 décembre 2023

 

 

 


 


[1] Cap Reit GP inc., s.e.c./Cap Reit c. Dufour, 2023 QCTAL 26074.

[2] Dufour c. Cap Reit GP inc., s.e.c./Cap Reit, 2023 QCTAL 34290.

[3] Adam O'Callagan c. Salim Fattal [2003] J.L. 265.

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