Décision

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Ivanov c. Bailly et ass.

2023 QCTAL 5891

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Québec

 

No dossier :

673030 18 20230113 G

No demande :

3764807

 

 

Date :

27 février 2023

Devant la juge administrative :

Chantale Trahan

 

Arkady Ivanov

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Louise Bailly et Ass.

 

Locatrice - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Par une demande introduite le 3 février 2023, le locataire demande la nullité de l’entente de résiliation de bail intervenue avec la locatrice le 9 décembre 2022, car il aurait signé cette entente sous la contrainte.

CONTEXTE

[2]         Les parties sont liées par un bail reconduit jusqu’au 30 juin 2023, au loyer mensuel de 540 $.

PREUVE DU LOCATAIRE

[3]         Le locataire explique que suivant la réception d’une demande de résiliation de bail pour problèmes de comportement, il a convenu avec la locatrice qu’il quitterait le logement au 1er mars 2023. Il avait pris conseil auprès de son père qui agissait comme caution au bail et qui lui avait recommandé de signer l’entente de fin de bail avec la promesse de s’engager à nouveau pour lui sur un nouveau bail, à titre de caution.

[4]         Le locataire explique que c’est lorsque son père a changé d’avis à la fin du mois de janvier 2023 sur son engagement à le cautionner qu’il a introduit son recours. Comme son père ne veut plus se porter garant, il explique qu’il doit se tourner vers la location de chambres et que celles-ci sont surtout disponibles à compter du 1er juillet 2023. Il ne peut donc quitter son logement à l’échéance du 1er mars 2023 et veut annuler l’entente de fin de bail. Il affirme avoir été contraint de signer cette entente avec la locatrice et par la pression de son père.

PREUVE DE LA LOCATRICE LOUISE BAILLY

[5]         Madame Bailly explique qu’il s’agit d’une deuxième démarche de résiliation de bail concernant le locataire. Une telle démarche avait été entreprise il y a deux ans mais elle avait convenu de lui laisser du temps et l’opportunité d’améliorer son comportement.


[6]         Elle explique que le locataire était bien d’accord à signer une entente de résiliation de bail car cela lui éviter un dossier négatif au Tribunal. Elle nie que le locataire ait subit quelque pression que ce soit et qu’il ait signé sous la contrainte.

QUESTION EN LITIGE

      Le consentement du locataire a-t-il été vicié par la crainte, justifiant la nullité de son accord à l’entente de fin de bail signée le 9 décembre 2022 ?

ANALYSE ET DÉCISION

[7]         Le Tribunal tient à souligner qu’il appartient à celui qui veut faire valoir un droit de prouver les faits qui soutiennent sa prétention, et ce, de façon prépondérante. Ainsi, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante, la preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante. La force probante du témoignage est laissée à l'appréciation du Tribunal.

[8]         Le degré de preuve requis ne réfère pas à son caractère quantitatif mais plutôt qualitatif. La preuve testimoniale est évaluée en fonction de la capacité de convaincre des témoins et non pas en fonction de leur nombre.

[9]         Le plaideur doit démontrer que le fait litigieux est non seulement possible mais probable et il n'est pas toujours aisé de faire cette distinction. Par ailleurs, la preuve offerte ne doit pas nécessairement conduire à une certitude absolue, scientifique ou mathématique. Il suffit que la preuve rende probable le fait litigieux.

[10]     Si une partie ne s'acquitte pas de son fardeau de convaincre le Tribunal ou que ce dernier soit placé devant une preuve contradictoire, c'est cette partie qui succombera et verra sa demande rejetée[1].

[11]     Les auteurs Nadeau et Ducharme ont analysé les conséquences de l'absence de preuve ou de son insuffisance :

« Celui sur qui repose l'obligation de convaincre le juge supporte le risque de l'absence de preuve, c'est-à-dire qu'il perdra son procès si la preuve qu'il a offerte n'est pas suffisamment convaincante, ou encore si la preuve offerte de part et d'autre est contradictoire et que le juge se trouve dans l'impossibilité de déterminer où se trouve la vérité. »[2]

[12]     La locataire prétend que son consentement a été vicié par la crainte lorsqu’il a signé l’entente de fin de bail le 9 décembre 2022. Ainsi, les articles pertinents du Code civil du Québec édictent ce qui suit :

« 1399. Le consentement doit être libre et éclairé.

Il peut être vicié par l'erreur, la crainte ou la lésion. »

« 1402. La crainte d'un préjudice sérieux pouvant porter atteinte à la personne ou aux biens de l'une des parties vicie le consentement donné par elle, lorsque cette crainte est provoquée par la violence ou la menace de l'autre partie ou à sa connaissance.

Le préjudice appréhendé peut aussi se rapporter à une autre personne ou à ses biens et il s'apprécie suivant les circonstances. »

« 1407. Celui dont le consentement est vicié a le droit de demander la nullité du contrat; en cas d'erreur provoquée par le dol, de crainte ou de lésion, il peut demander, outre la nullité, des dommages-intérêts ou encore, s'il préfère que le contrat soit maintenu, demander une réduction de son obligation équivalente aux dommages-intérêts qu'il eût été justifié de réclamer. »

[13]     Or, dans le cas en l’espèce, la locataire n’a pas rencontré son fardeau de preuve de démontrer que son consentement a été vicié par la crainte. Aucun élément ne démontre que lors de la signature de l’entente, le locataire l’a signée contre son gré. Au contraire, la preuve démontre que c’est lorsque l’engagement de son père à cautionner un nouveau bail a changé qu’il a remis en question l’entente.

[14]     Par conséquent, la demande du locataire est rejetée.


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[15]     REJETTE la demande du locataire, qui en assume les frais;

[16]     DÉCLARE VALIDE l’entente signée le 9 décembre 2022 par le locataire et la partie locatrice;

 

 

 

 

 

 

 

 

Chantale Trahan

 

Présence(s) :

le locataire

la locatrice

Date de l’audience : 

13 février 2023

 

 

 


 


[1]  Articles 2803, 2804 et 2845 du Code civil du Québec, C.c.Q. - 1991.

[2]  DUCHARME Léo et NADEAU André, Traité de droit civil du Québec, Tome 9, Montréal, Les Éditions Wilson et Lafleur Ltée, p.98.

AVIS :
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