Décision

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Thibert c. Gestion Mivar inc.

2011 QCRDL 4306

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau de Montréal

 

No :          

31 081003 080 G

 

 

Date :

02 février 2011

Régisseure :

Francine Jodoin, juge administratif

 

Sindy Thibert

 

Danielle Charbonneau

 

Locataires - Partie demanderesse

c.

Gestion Mivar Inc.

 

Locateur - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Les locataires demandent une diminution de loyer pour la période des mois de juillet 2008 à septembre 2008 et des dommages de 7 232,69 $ plus les frais.

LES FAITS :

[2]      Suite à la visite du logement, un bail est conclu pour la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009, à un loyer mensuel de 700 $. Il s’agit d’un logement, de 4 ½ pièces, situé dans l’arrondissement de Montréal-Nord.

[3]      Madame Thibert relate que dès leur arrivée au logement, elle constate certaines déficiences comme la présence de moisissures. Plusieurs appels sont logés au locateur qui répond à ceux-ci par des insultes.

[4]      Après avoir pris des renseignements, elle envoie une mise en demeure en date du 26 août 2008 pour les problèmes suivants :

            - Moisissure dans la salle de bain;

            - Écaillement de la peinture dans la baignoire;

            - Coquerelles

            - Écoulement d’eau du réfrigérateur et évier de cuisine;

            - Serrure de la porte avant ne fonctionne pas correctement;

            - Absence de serrure sur la boîte aux lettres;

            - Moustiquaire absent ou endommagé;

            - Poignées de porte des armoires de cuisine absentes;

            - Absence du tuyau d’évacuation de la sécheuse.

[5]      Le locateur répond le 29 août 2008 qu’il envoie un exterminateur et ouvrier pour les travaux dans la salle de bain. Il s’engage aussi, à exécuter diverses autres réparations et communique sa position eu égard à certains aspects des travaux réclamés par les locataires.


[6]      Madame Thibert reconnaît qu’un exterminateur s’est présenté au logement et un ouvrier pour faire la peinture de la salle de bain. Ce dernier n’a pas fait le travail parce qu’il n’y avait pas de ventilateur, dit-elle et qu’il était saoul. Rien d’autre n’a été fait.

[7]      Ayant déjà eu des problèmes respiratoires dus à une allergie au lapin, elle consulte son médecin au début du mois de septembre 2008 parce qu’elle tousse beaucoup et a de la difficulté à respirer. Ce dernier recommande son départ du logement.

[8]      Finalement, les locataires quittent à la fin du mois de septembre 2008 et réclament, entre autres, les coûts reliés aux expertises, frais de déménagement et pertes de salaire.

[9]      La locataire n’a aucune preuve eu égard à la perte salariale ou frais de déménagement réclamé. Elle dépose une série de photographies pour attester de la nature des problèmes dénoncés dans la mise en demeure et des factures pour le rapport d’inspection et médical.

[10]   Les locataires réclament, également, 6 000 $ pour atteinte à la vie privée. En fait, un voisin qui effectue des menus travaux pour le locateur est entré chez elles, avec une clé remise par le locateur, en leur absence pour reprendre un déshumidificateur qu’il leur avait prêté.

[11]   Madame Thibert relate que suite à cet incident, elle ne se sentait plus en sécurité.

[12]   Les locataires ont transmis un avis d’abandon le 1er octobre 2008 fondé sur une détérioration de leur santé causée par une infestation de coquerelles et la présence de moisissure au logement.

[13]   Le 15 septembre 2008, elles ont fait inspecter le logement. Toutefois, lors de l’audience, le signataire du rapport d’inspection n’est pas présent et la partie adverse s’oppose au dépôt du document.

[14]   Après explications et souhaitant éviter un ajournement de l’audience, la locataire renonce à la production du rapport.

[15]   Monsieur Vartivarian dit qu’il y a eu deux visites avant la location du logement et celui-ci était vacant. En juillet et août 2008, les locataires se plaignaient du fait qu’elles payaient 120 $ de plus que les voisins. Elles ne considéraient pas qu’il leur ait permis la présence de trois chiens et qu’elles disposent de quatre électroménagers.

[16]   Lors de visites à leur appartement, il constatait que le ventilateur de la salle de bain était débranché et leur a adressé un reproche.

[17]   Tout d’un coup, il reçoit la mise en demeure du 26 août 2008. Il répond aussitôt et envoie un exterminateur le 28 août 2008. Lorsqu’il a envoyé un voisin pour la peinture, les locataires se sont opposés au branchement du ventilateur dans la salle de bain.

[18]   Il dit que la serrure de la boîte aux lettres fonctionnait, que les armoires de cuisine n’ont jamais eu de poignées de porte, que l’évier de cuisine avait été réparé que les moustiquaires étaient en bon état à la livraison du logement.

[19]   Il ajoute qu’on lui a refusé l’accès au logement à deux reprises. En début septembre 2008, lorsque les locataires ont prétendu que leur santé était affectée, il leur a donné l’autorisation de quitter le logement.

[20]   Il dit avoir demandé au voisin de reprendre le déshumidificateur qui avait été prêté aux locataires. Il ignorait qu’il était entré en leur absence.

[21]   Madame Thibert nie que le ventilateur de la salle de bain n’ait pas été utilisé.

ANALYSE ET DISCUSSION :

[22]   En cours de bail, le locateur assume, entre autres, l’obligation de procurer au locataire la jouissance paisible du logement (article 1854 C.c.Q.), de maintenir le logement en bon état d’habitabilité (article 1910 C.c.Q.) et d’effectuer toutes les réparations autres que locatives (article 1864 C.c.Q.).

[23]   En corollaire aux obligations imposées au locateur, le locataire a, en cours de bail, l'obligation d'user du bien avec prudence et diligence (1855 C.c.Q.). Il doit, également, indemniser le locateur en raison des pertes survenues au bien loué (article 1862 C.c.Q.) et l'aviser en cas de défectuosité ou détérioration substantielle du bien loué pour éviter qu'elles ne s'aggravent davantage. Il a, aussi, l'obligation de faire toutes les menues réparations d'entretien et maintenir leur logement en bon état de propreté (articles 1864 et 1911C.c.Q.). Évidemment, le locataire doit permettre l’accès à son logement pour l’exécution de réparations.


[24]   Lorsqu’il y a manquement à ces obligations, l’article 1863 C.c.Q. prévoit ce qui suit :

«1863.       L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de deman­der, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent.  Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agis­sant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résilia­tion du bail.

                 L'inexécution confère, en outre, au loca­taire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablis­sement du loyer pour l'avenir.»

[25]   Le recours en diminution de loyer vise à rétablir l’équilibre entre les prestations respectives des parties[1] tandis que les dommages sont censés compenser le préjudice subi. Il s’agit, en somme, de replacer la partie, qui y a droit, le plus près possible de la situation qui prévalait avant l’évènement qui a causé le dommage.

[26]   En l’occurrence, les locataires ont quitté en envoyant un avis d’abandon. Ceci est autorisé par la loi lorsque l’état du logement constitue une menace sérieuse pour la santé ou la sécurité des occupants ou du public (article 1913 C.c.Q.).

[27]   Cependant, l’analyse des témoignages, de la preuve documentaire et photographique, le tribunal ne peut conclure que c’était le cas.

[28]   En effet, le simple fait qu'il y ait présence de moisissures dans un logement est nettement insuffisant pour permettre au tribunal de conclure que celui-ci constituait une menace véritable pour la santé et la sécurité des occupants.

[29]   Dans l'affaire Gestion immobilière Dion[2], le juge Jean-Guy Blanchette écrit :

« (...) pour évaluer si l'impropreté d'un logement à habitation constitue une menace sérieuse pour la santé, la Cour doit procéder à ladite évaluation d'une façon objective et se demander si une personne ordinaire peut vivre objectivement dans les conditions exposées lors de l'audition. Ce ne sont pas les appréhensions subjectives ni l'état psychologique du locataire ou des occupants qui doivent prévaloir mais bien la situation ou l'état des lieux compris et analysé objectivement lors de la prise de décision du déguerpissement (...) »

 

(Nos soulignements).

[30]   L'effet des moisissures sur la santé des occupants est fonction du mode et de l'importance de l'exposition, de la nature de l'agent en cause et de la susceptibilité des individus exposés. Aussi, le caractère impropre du logement ne peut s’évaluer que par comparaison relative tant dans l'aspect qualitatif que quantitatif, avec l'environnement extérieur.

[31]   En l’occurrence, le tribunal n’a aucune preuve que la nature des agents en cause et la superficie des endroits atteints dans la salle de bain puissent avoir été une cause de dangerosité pour les locataires. Quant à la note du médecin, il s’agit, évidemment, d’un document rédigé sur les dires de la locataire et aucune démarche scientifique ne précède la recommandation émise.

[32]   De plus, la preuve révèle que suite à la mise en demeure des actions ont été prises pour remédier à certains problèmes. Les locataires auraient dû aviser le locateur que suite à ces actions la situation n'était pas rétablie. Le silence des locataires fait présumer que leur départ était volontaire.

[33]   Aussi, la réclamation en dommages liée au déménagement ou frais d’expertise ne sera pas accordée de même que les autres dommages matériels qui n’ont pas été prouvés ou sont indirects.

[34]   Ceci dit, la preuve démontre des manquements quant à l’état du logement. Les obligations du locateur dans un tel cas sont qualifiées de résultat de sorte que ses moyens de défense sont limités.  Il ne peut se contenter de rapporter la preuve d’un comportement diligent. Il doit établir que l'inexécution de l'obligation est due à une force majeure, à l'acte d'un tiers équivalant à force majeure, ou au créancier lui-même.

[35]   La défense du locateur fondée sur le fait qu'il y a eu refus d'accès par les locataires n'a pas été prouvée. En effet, la preuve ne révèle aucunement qu'il y ait eu des refus systématiques et répétés de permettre l'accès au logement. Il faut plus que de vagues et aléatoires tentatives d'accéder au logement pour rencontrer son obligation. Le locateur doit être empressé d'accomplir les réparations requises et lorsque la situation de refus d'accès est sérieuse, exercer ses recours judiciaires en conséquence.

 

[36]   Les locataires ont droit à une diminution de loyer pour la période qui suit la mise en demeure du 26 août 2008, car elles ont quitté les lieux à la fin du mois de septembre 2008.

[37]   La preuve quant aux dénonciations verbales a été valablement contredite par le locateur et le tribunal ne peut conclure en faveur des locataires pour faire rétroagir leur réclamation au 1er juillet 2008.

[38]   Le Tribunal fait sienne l’analyse rapportée dans l'affaire Julie Baril c. Habitations Van Horne[3] quant aux conditions régissant l'octroi d'une diminution de loyer :

« Le tribunal tient compte du prix du loyer, de la dimension ou de la contenance du logement, des services ainsi que de la perte de jouissance des lieux. Ce dernier critère est ainsi expliqué par l'auteur Denys Lamy : « La perte de jouissance paisible des lieux n'est évidemment ni une dégradation, ni une diminution de services ou d'espace, mais elle n'est pas non plus une diminution ou une perte de commodité ».

 

Enfin, la diminution ou la perte doit être réelle, sérieuse, significative et substantielle.

 

Ce n'est donc pas n'importe quelles pertes ou dégradations ou diminutions qui emportent le droit à une réduction du loyer. Seuls les problèmes réduisant la jouissance des lieux doivent être considérés. Ce qui ne sera donc pas le cas des défectuosités mineures. Il importe peu que le locataire ait ou non utilisé ou fait usage du service défectueux. En effet, c'est la valeur du service perdu, mais toujours payé par le locataire qui est pris en compte.

 

Le concept de sérieux appelle le constat d'une certaine gravité ou importance. Il faut donc en exclure les réparations mineures ou les simples préjudices esthétiques. »

[39]   Il est, cependant, établi qu’après la dénonciation du trouble par la mise en demeure, les locataires ont été incommodées en septembre 2008 par l'état du logement dont elles n'ont pas eu la jouissance paisible, et le tribunal réduit le loyer d’un montant équivalant à 35 % du loyer payé, soit 245 $.

[40]   Le tribunal ne peut faire droit à la réclamation faite en vertu de la Charte des droits et libertés pour atteinte à la vie privée ou violation de domicile. Le locateur n’a fait que demander à son concierge d’aller chercher le déshumidificateur chez les locataires, mais rien n’indique qu’il ait poussé le « concierge » à le faire en l’absence des locataires. Le fait que ce dernier ait disposé de la clé des logements pour les urgences ne permet pas de relier le locateur à cet acte de sa part. La preuve est aussi insuffisante à établir que cet évènement a été fait dans un quelconque but illicite.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[41]   CONDAMNE le locateur à payer aux locataires la somme de 245 $ avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter du 3 octobre 2008 plus les frais judiciaires de 70 $.

 

 

 

 

 

Francine Jodoin

 

Présence(s) :

la locataire Sindy Thibert pour elle-même et

mandataire pour sa colocataire

le mandataire du locateur

Date de l’audience :  

6 janvier 2011


 

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