Décision

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R. c. Douiri

2023 QCCQ 8020

COUR DU QUÉBEC

Chambre criminelle et pénale

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

 :

500-01-226324-215

 

 

DATE :

Le 7 novembre 2023

 

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

DENNIS GALIATSATOS, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

SA MAJESTÉ LE ROI

Poursuivant

c.

 

YACINE DOUIRI

Accusé

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

(rendu ex parte en vertu de l’art. 475(1)(b)(i) C.cr.)

______________________________________________________________________

 

Attention : Ordonnance limitant la publication – En vertu de l’art. 486.4(1)(a)(i) du Code criminel, il est interdit de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité des plaignantes.

 

INTRODUCTION

[1]                    Monsieur Douiri répond à deux chefs d’accusation lui reprochant des agressions sexuelles distinctes à l’égard de deux sœurs (art. 271(1)(a) C.cr.). Malgré le lien de parenté entre les deux plaignantes, les incidents allégués seraient complètement indépendants l’un de l’autre. Selon les allégations du ministère public, Douiri a d’abord agressé sexuellement PL1 en février 2021 après une nuit de fête, alors qu’elle était inconsciente. Ensuite, dans des circonstances semblables en octobre 2021, il aurait agressé sexuellement PL2 de la même manière, lors d’une autre soirée mouvementée où l’alcool coulait à flots et la cocaïne était omniprésente. Par pur hasard, c’est au moment où PL2 s’est confiée à sa sœur que les deux jeunes femmes ont réalisé qu’elles avaient prétendument été agressées par le même homme.

[2]                    Il est incontestable que les relations sexuelles alléguées ont eu lieu. Seules les questions relatives au consentement sont en litige.

[3]                    La Couronne a choisi de poursuivre l’accusé par acte criminel, réunissant les deux événements sur une même dénonciation. Évidemment, le simple fait d’accuser un individu de plusieurs chefs d’agression sexuelle sur un même acte d’accusation ne permet pas au juge des faits de considérer la preuve sur l’un des chefs dans la détermination de la culpabilité quant aux autres chefs. Si la preuve d’actes similaires n’est pas formellement déclarée recevable, chacune des accusations doit être prouvée exclusivement à l’aide de la preuve directement admissible sur chacune, autrement dit, comme si les procès étaient séparés[1]. C’est le cas en l’espèce. La poursuite a sciemment décidé de ne pas présenter une requête pour l’admission de faits similaires.

[4]                    Par ailleurs, s’il y a une preuve commune qui est pertinente aux deux événements de manière autonome, ladite preuve pourra être considérée par le Tribunal. Notamment, dans le présent dossier, la preuve des dévoilements (leur survenance, leur moment et leurs circonstances) en constitue un exemple. L’accusé allègue une certaine collusion entre les plaignantes.

[5]                    Je note que le matin du 18 septembre 2023, le Tribunal a accueilli une requête de la poursuite en vertu de l’art. 475(1)(b) C.cr. lui demandant de poursuivre le procès et de rendre un verdict en l’absence de l’accusé. Dans sa décision, le soussigné a conclu que Douiri avait fui vers la France, utilisant un passeport marocain qu’il avait caché des policiers et enfreignant ainsi plusieurs de ses conditions de mise en liberté provisoire. Dans des courriels envoyés aux témoins et directement à la procureure de la Couronne en août 2023, Douiri a explicitement annoncé qu’il ne se soumettrait pas au système judiciaire canadien. En fin de compte, le Tribunal a conclu qu’il s’esquivait dans le but d’entraver la progression du procès et d’éviter les conséquences potentiellement défavorables[2].

[6]                    Cette décision, qui est certes lourde de conséquences, n’est pas déterminante. Il importe de rappeler que même si l’accusé s’est esquivé au cours de son procès, ce fait n’emporte pas nécessairement une conclusion de culpabilité[3]. La présomption d’innocence trouve sa pleine application.

[7]                    Il demeure que les témoins de la poursuite n’ont pas été contreinterrogés[4]. La preuve est dans l’ensemble non contredite.

LA PREUVE PRÉSENTÉE AU PROCÈS

1- Le témoignage de PL1

[8]                    PL1 avait 26 ans au moment des événements.

[9]                    Le samedi 6 février 2021 était une journée normale. Au cours de l’aprèsmidi, son ami J... l’a invitée chez lui pour souper avec un groupe d’amis. Ce dernier habitait au centreville, dans la luxueuse tour Roccabella à côté du Centre Bell. Bien que J... et PL1 n’étaient que des amis, la plaignante avait un intérêt à développer une relation amoureuse avec lui. Même si les mesures de confinement liées à la COVID19 interdisaient les rassemblements, la plaignante a décidé d’y aller.

[10]               Elle s’y est donc rendue un peu avant 20h00. J... et un autre couple d’amis s’y trouvaient. La soirée se déroulait bien. Pendant le souper, entre 20h00 et 22h00, les quatre ont partagé une bouteille de vin blanc. PL1 a pris un verre.

[11]               Vers 22h00, d’autres amis, S... et O..., sont arrivés. Le groupe comptait donc six personnes. Tout le monde consommait de l’alcool.

[12]               Entre 22h00 et minuit, PL1 a consommé deux ou trois verres de vodka. De plus, au cours de la nuit, entre 22h30 et 1h00, PL1 a consommé de la cocaïne à trois reprises.

[13]               Vers 00h30, l’accusé Douiri est arrivé à l’appartement, accompagné de deux femmes et deux hommes, dont Y B, une connaissance de PL1. La plaignante ne connaissait pas Douiri. La soirée s’est poursuivie sans particularité. Lors d’une discussion avec l’accusé, la plaignante a mentionné le fait que son application pour sa résidence permanente lui avait coûté 3 000$, ce qui était très dispendieux. Douiri lui a alors répondu « tu es une belle fille, tu peux faire de l’argent facilement », ce que PL1 a interprété comme étant une référence au proxénétisme.

[14]               Le groupe de fêtards comptait alors 11 personnes. Bien qu’initialement, tout était tranquille, la fête devenait de plus en plus bruyante, ce qui inquiétait PL1. Elle craignait qu’un voisin les dénonce et qu’ils reçoivent des amendes pour avoir enfreint les règles relatives au confinement. Pour ce motif, vers 4h00, J... a mis fin à la fête et il a expulsé le groupe de son appartement. Les seuls qui restaient étaient S..., O..., J... et la plaignante. Chaque couple s’est déplacé vers une chambre à coucher différente.

[15]               Dans l’une des chambres, vers 5h30, PL1 et J... ont eu une relation sexuelle complète consensuelle[5]. La plaignante a passé la nuit sur place. Peu après, J... s’est levé, il a pris sa douche et il a indiqué qu’il allait déjeuner avec ses parents. Initialement, il a dit à PL1 qu’elle pouvait rester dans l’appartement aussi longtemps qu’elle désirait. Toutefois, vers 8h30, il lui a envoyé un message texte l’avisant que, contre toute attente, ses parents viendraient chez lui. Il fallait donc que PL1 range tout et qu’elle quitte l’appartement le plus rapidement possible. Puisque ses parents étaient des musulmans conservateurs, il n’était pas question qu’ils voient des bouteilles d’alcool ou une femme sur les lieux.

[16]               La plaignante s’est vite exécutée. Elle a fait le ménage avec l’aide de S... et O....

[17]               C’est vers 11h00 que la plaignante a quitté l’appartement. Elle avait la gueule de bois; elle était fatiguée et elle avait mal à la tête. Après avoir discuté avec O..., PL1 soupçonnait que J... avait inventé l’histoire concernant ses parents dans l’unique but de se débarrasser de la plaignante. PL1 se sentait utilisée. Elle était très triste puisque pour sa part, J... lui plaisait et elle aurait voulu développer une relation avec lui.

[18]               C’est à ce moment que O... lui a proposé d’aller chez l’accusé, Douiri, qui habitait dans la tour voisine du Roccabella, « pour continuer »[6]. PL1 affirme qu’elle avait beaucoup d’appréhension envers l’accusé, puisqu’elle avait eu un mauvais feeling quand elle l’avait rencontré la veille[7]. Pourtant, « elle ne sait pas pourquoi », mais elle a baissé les bras et elle y est allée[8].

[19]               La plaignante s’y est donc rendue avec O.... Douiri était chez lui, en compagnie d’un autre homme maghrébin que PL1 ne connaissait pas. Dès leur arrivée, l’accusé leur a proposé de prendre un verre. Il y avait une bouteille de vodka et une bouteille de whisky sur la table. PL1 s’est servi quatre onces de vodka pure, c’estàdire sans la mélanger ou la diluer.

[20]               Pendant leur discussion en groupe, Douiri a exprimé que lui aussi, à l’instar des femmes, croyait que J... s’était débarrassé de la plaignante sous un faux prétexte. PL1 se sentait toujours dans le même état que depuis son réveil : elle était fatiguée, triste et elle avait mal à la tête[9].

[21]               Le groupe s’est mis à jouer aux cartes dans le salon et PL1 a bu presque l’entièreté de son verre, soit la quadruple consommation de vodka. Pendant les discussions, il n’y avait aucun propos de nature romantique ou sexuelle. Il n’y a eu aucune avance entre Douiri et la plaignante.

[22]               Le dernier souvenir de PL1 est le jeu de cartes.

[23]               À partir de ce moment, PL1 ne se souvient plus de rien.

[24]               Son prochain souvenir est d’ellemême qui se réveillait dans le lit de Douiri, avec ce dernier couché à côté d’elle. La plaignante était couchée sur le dos. Elle portait son chandail (qui était légèrement monté au niveau de l’abdomen), mais son pantalon et sa culotte avaient été retirés. Les deux personnes étaient couvertes avec les draps du lit.

[25]               PL1 s’est réveillée en panique, puisqu’elle ne se souvenait même pas comment elle s’était retrouvée dans le lit. Elle s’est levée et elle a aussitôt été à la rencontre d’O..., qui était allongée sur le divan dans le salon, endormie. Alors que PL1 ramassait ses vêtements au sol, elle a constaté qu’elle avait du sperme au niveau de ses parties génitales.

[26]               PL1 s’est lavée dans la salle de bains et elle a quitté les lieux en Uber à peine cinq minutes après s’être réveillée.

[27]               La plaignante trouvait la situation déconcertante, notamment du fait qu’elle avait un trou de mémoire total. Dès lors, elle soupçonnait que quelqu’un avait mis un somnifère dans son verre. Les deux prochains jours, PL1 était incapable d’aller au travail. Elle avait des nausées, des étourdissements et des maux de tête. Elle était à peine capable de se lever pour aller à la toilette.

[28]               Dans les mois suivant l’événement, Douiri écrivait souvent à PL1 via l’application Facebook Messenger. Entre le 20 février et le 23 mai 2021, à cinq reprises, l’accusé a invité la plaignante chez lui ou à des soirées. À chaque fois, PL1 déclinait poliment l’invitation en indiquant qu’elle était fatiguée ou qu’elle avait d’autres plans[10]. Dans son témoignage, PL1 explique qu’elle lui répondait tout de même, car elle ne voulait pas déclencher sa colère. Elle ne voulait surtout pas que l’accusé informe J... qu’ils avaient eu une relation sexuelle.

[29]               PL1 n’a jamais dénoncé l’agression à quiconque. Elle en avait honte et elle s’en voulait d’avoir été chez Douiri.

[30]               En août 2021, sa sœur PL2 est venue au Canada du Maroc pour poursuivre des études universitaires.

[31]               En début octobre 2021, PL2 a envoyé à PL1 une capture d’écran montrant une photo de Yacine Douiri sur l’application WhatsApp, lui demandant si elle le connaissait. Les deux sœurs avaient certains amis communs sur les réseaux sociaux. PL1 lui a aussitôt répondu sans ambages qu’elle lui interdisait de fréquenter cette personne. PL2 lui a demandé pourquoi, mais PL1 s’est limitée à lui dire qu’il « n’était pas une bonne personne ».

[32]               Quelques jours plus tard, PL1 et PL2 sont sorties souper au restaurant. Pendant ledit souper, PL1 a constaté que PL2 avait l’air triste. Elle lui a donc demandé ce qui la préoccupait. PL2 lui a dévoilé que quelques jours auparavant, lors d’une soirée, elle avait eu une relation sexuelle non consentante dont elle n’avait aucun souvenir. Le perpétrateur était Yacine Douiri. C’est lors de cette révélation que PL1 lui a dénoncé, à son tour, que Douiri l’avait agressée de la même manière huit mois auparavant.

[33]               Les deux sœurs se sont donc rendues au poste de police pour porter plainte.

2- Le témoignage de PL2

[34]               À l’automne 2021, ça faisait à peine deux mois que PL2 était arrivée au Canada. Elle avait 18 ans. Elle s’était déjà fait des amis à Montréal, avec lesquels elle faisait la fête toutes les fins de semaine pour décompenser. Des quantités stupéfiantes d’alcool et de cocaïne faisaient partie de leur routine.

[35]               Le 4 octobre 2021, PL2 était invitée à une soirée chez son amie H... dans la tour Icone sur la rue de la Montagne, tout près du Centre Bell et directement devant la tour Roccabella. Elle s’est rendue à son appartement vers 1h00[11]. Une dizaine d’autres fêtards étaient déjà sur les lieux, dont K..., M... et l’accusé. PL2 connaissait six des invités, alors que les quatre autres lui étaient inconnus.

[36]               PL2 avait rencontré Douiri une fois auparavant, la semaine précédente, dans le cadre d’une fête dans un autre condo dans la tour Roccabella appartenant à son ami Y.... Ce dernier connaissait l’accusé. Alors que PL2 et Y... étaient dans l’ascenseur, Douiri s’était présenté et il les avait invités chez lui pour faire la fête. PL2 et ses amies avaient alors passé la nuit chez l’accusé. Douiri lui avait dit qu’il vendait des meubles, mais qu’il avait aussi « deux ou trois choses qu’il faisait on the side », sans préciser davantage. Il était renfermé au sujet de son travail.

[37]               Entre le 26 septembre et le 4 octobre 2021, l’accusé et PL2 se sont envoyé plusieurs messages sur Instagram[12].

[38]               Le 4 octobre 2021, PL2 a donc revu l’accusé. Plus tôt dans la soirée, Douiri l’avait invitée à une pendaison de crémaillère chez Y..., qui venait d’acheter un condo dans la tour Rock Hill. D’abord chez H..., PL2 a consommé un verre de vodka avec jus de canneberge, qui lui a été servi dans un verre de vin, dont le tiers ou la moitié était de l’alcool.

[39]               PL2 affirme qu’elle n’a consommé rien d’autre chez H...[13].

[40]               Peu importe ce qui arrivait de leur soirée, il y avait un plan bien arrêté entre H... et PL2 : elles retourneraient à la maison ensemble à tout prix.

[41]               En fin de compte, elles ont décidé d’aller à la crémaillère de Y... dans la tour Rock Hill. PL2 s’y est rendue à bord du véhicule de K.... L’accusé était dans le même véhicule.

[42]               Dans le penthouse de Y..., il y avait environ 35 fêtards. PL2 trouvait l’ambiance étrange. Elle jugeait que la proportion de femmes par rapport aux hommes était anormalement grande. L’ambiance était bizarre. PL2 s’est donc renfermée sur ellemême, restant surtout à l’extérieur sur le balcon et s’isolant avec son petit groupe d’amis. À cet endroit, entre 2h30 et 4h30, PL2 mentionne avoir consommé trois verres de vodka, les remplissant d’alcool au tiers ou à la moitié. De plus, elle a pris deux ou trois shooters d’alcool fort.

[43]               PL2 est restée au condo de Y... pendant environ deux heures. Pendant ce temps, elle a eu quelques discussions avec Douiri, mais pas de façon continue. En tout, elle lui aurait parlé pendant 20 à 30 minutes, étant souvent interrompue. Elle précise qu’elle n’a jamais été avec lui pendant de longues périodes. C’est à ce moment que PL2 a obtenu le numéro de téléphone de l’accusé, le sauvegardant sous le nom « Yacine le timide » dans sa liste de contacts.

[44]               Pendant ces échanges, PL2 a senti un intérêt de la part de l’accusé. Douiri lui faisait des compliments. Il lui a dit qu’elle était jolie et qu’elle avait un beau style. Ses remarques étaient tout à fait respectueuses. Pour sa part, PL2 affirme que l’accusé ne l’intéressait pas[14]. Selon elle, la différence d’âge était trop importante entre eux; elle avait 18 ans et il avait plus de 30 ans. La plaignante ne voulait pas le laisser se faire des idées.

[45]               PL2 mentionne d’abord qu’elle a consommé une ligne de cocaïne chez Y..., quoiqu’elle ne se souvienne pas avec qui. Plus tard dans son témoignage, après une suspension, elle se reprend et elle précise que c’est l’accusé qui a fourni la cocaïne. Ils en ont consommé ensemble dans la salle de bains. De plus, elle se ravise en disant qu’elle a consommé trois lignes de cocaïne chez Y... et non une. Pour l’une des lignes, elle était avec l’accusé; pour les deux autres, elle ne peut préciser avec qui elle les a prises. Au cours de la nuit, elle a eu des discussions sans particularité avec Douiri au sujet de son travail et de sa situation personnelle.

[46]               Vers 4h30, le groupe a décidé de se rendre à une autre fête, dans un appartement d’un dénommé « P... » situé à l’ÎledesSœurs. Sur le chemin, ils sont retournés chez H... pour quelques instants, quoique l’accusé s’est rendu directement chez P.... PL2 commençait à se sentir « assez éméchée ». À partir de ce moment, elle explique que ses souvenirs sont flous. Toujours chez H..., PL2 a consommé une ligne de cocaïne avec cette dernière, notamment pour se réveiller et pour contrer les effets de l’alcool. Elle était dans un état d’euphorie, hyperactive et volubile.

[47]               C’est vers 5h00 que PL2 et H... se sont rendues chez P.... Leur but était de continuer la fête, y compris la consommation de drogue et d’alcool. Une vingtaine de personnes s’y trouvaient. PL2 s’est servi un verre de vodka. À cet endroit, hormis ce verre, elle n’a pas consommé davantage, ni de l’alcool ni de la cocaïne.

[48]               Chez P..., Douiri continuait ses avances auprès de PL2, quoiqu’il était un peu plus insistant qu’auparavant. Il avait un regard particulier, son ton était plus séducteur et il regardait la poitrine de la plaignante. Il la taquinait en l’appelant une « joueuse ». PL2 le taquinait aussi en lui disant qu’il était trop petit et trop vieux pour elle. Ils plaisantaient. La plaignante lui a également indiqué qu'elle ne voulait pas jongler entre l’université et la vie de couple. La discussion portait sur des sujets plus intimes autour des relations amoureuses.

[49]               PL2 se sentait « fortement alcoolisée » et « droguée ». Elle commençait à sentir l’effet avancé de la drogue et de l’alcool. Elle parlait beaucoup. Elle était euphorique. Elle regardait tout autour. Elle avait de légers étourdissements. Sa vision n’était pas claire. Elle se sentait « un petit peu hors de moi »[15].

[50]               Finalement, Y... les a réinvités chez lui pour continuer la fête, même si le soleil se levait. PL2 s’y est rendue vers 7h30. À son arrivée, elle s’est servi un autre verre de vodka. Elle a également consommé une autre ligne de cocaïne avec Douiri dans la toilette, espérant que la drogue la réveille et la désenivre. Malheureusement, la cocaïne ne l’a pas aidée. Elle se sentait encore plus intoxiquée et « hors d’elle ».

[51]               Vers 11h00, la fête s’est terminée. PL2 n’osait pas rentrer chez elle dans son état, puisqu’elle ne voulait pas que sa sœur[16] sache qu’elle avait consommé de la drogue. Elle a donc décidé qu’elle irait dormir chez H..., conformément à leur plan initial.

[52]               PL2, H..., Douiri et M... ont partagé le même Uber, qui s’est rendu à la tour Roccabella, qui était directement devant la tour Icone, soit le domicile de H.... Rendue à cet endroit, PL2 se sentait très mal. Elle avait poussé son corps à la limite. Ses souvenirs sont flous. Devant la tour Roccabella, PL2 n’était même pas capable de marcher. Sa vision était embrouillée, elle était faible et étourdie; elle était « totalement hors d’elle ». En conséquence, l’option de traverser le boulevard RenéLévesque à pied (pour aller chez H...) était carrément impossible[17]. C’est alors que Douiri a proposé que les deux femmes montent chez lui, où PL2 pourrait se reposer.

[53]               PL2, H..., M... et l’accusé sont donc tous montés. PL2 s’est aussitôt rendue à la toilette, où elle a tenté – sans succès – de vomir. PL2 a voulu s’allonger, puisqu’elle était incapable de rester debout. Croyant avoir un « bad trip » de consommation, elle s’est donc couchée sur le lit dans la chambre à coucher et elle a enlevé ses bottes, tout en demandant à H... de la réveiller dans quelques minutes pour qu’elles retournent chez elle.

[54]               En fin de compte, son amie ne l’a pas réveillée. Comme prochain souvenir, PL2 se souvient d’avoir ouvert les yeux et vu Yacine Douiri sur elle, torse nu, en train de la pénétrer. Elle ne portait aucun vêtement au bas du corps. Son chandail était entièrement levé, de sorte que sa poitrine était visible. Réalisant ce qui lui arrivait, PL2 a tenté de repousser l’accusé en le poussant aux bras et au torse, tout en s’exclamant : « qu’estce qui se passe? ». L’accusé a crispé les bras et il lui a répondu « ne bouge pas! Je sais que tu veux ça » en ajoutant qu’il s’apprêtait à éjaculer. Après l’éjaculation, Douiri est sorti de la chambre. PL2 s’est rendue à la toilette, où elle s’est lavée. Elle s’est vite rhabillée et elle a quitté l’appartement alors que l’accusé fumait sur le balcon. L’accusé l’a rencontrée à la porte et il lui a demandé où elle allait. PL2 a répondu « je ne comprends pas ce qui vient d’arriver », ce à quoi l’accusé a répondu, d’un ton surpris, « ah non! » tout en reculant et en tenant les mains ouvertes.

[55]               Elle est partie vers 14h00. Personne d’autre ne se trouvait dans l’appartement. Lorsqu’elle sortait, elle se trouvait « complètement dans les vapes ». Elle était désorientée et sa vision était floue.

[56]               L’accusé lui a envoyé des messages textes au cours de l’aprèsmidi, mais PL2 ne lui a jamais répondu. Il lui a également écrit à plusieurs reprises entre le 4 octobre et le 7 octobre 2021. La plaignante les a laissés sans réponse[18].

[57]               Le lendemain, elle a rencontré sa sœur PL1 au restaurant. C’est lors du repas qu’elle lui a dévoilé l’agression. Lorsqu’elle lui a dit que Yacine Douiri était l’agresseur, PL1 est restée silencieuse pendant quelques secondes. Elle lui a conseillé d’aller voir la police. Lorsque PL2 s’est dit hésitante, PL1 a insisté et elle lui a alors révélé que Yacine Douiri lui avait fait la même chose.

[58]               Les deux femmes se sont donc rendues au poste de police, où chacune a porté plainte. PL2 a été accompagnée à l’hôpital pour participer au processus de trousse médicolégale.

[59]               Lorsque la Couronne demande à PL2 si elle a parlé des événements à quelqu’un d’autre, PL2 mentionne seulement qu’elle a texté son amie S en France, depuis l’appartement de l’accusé, lui indiquant qu’elle pensait avoir été violée. Elle l’a peutêtre appelée plus tard, mais elle ne peut le confirmer. Dans son témoignage, elle ne mentionne pas de dévoilements auprès de M... ou H....

[60]               Enfin, le Tribunal a demandé au témoin si elle avait déjà parlé de Douiri à sa sœur PL1 avant les événements du 4 octobre 2021. Elle répond qu’elle ne le sait pas. C’est possible, puisque quand elle rencontrait des gens plus âgés qu’elle, il lui arrivait de demander à sa grande sœur si elle les connaissait.

3- Les images vidéo du 5 octobre 2021 dans l’immeuble Roccabella[19]

[61]               La poursuite dépose en preuve des images vidéo captées dans l’ascenseur de la tour Roccabella montrant l’arrivée de la plaignante avant l’agression alléguée, ainsi que son départ subséquent.

[62]               La première séquence dure 29 secondes, quoique les personnes apparaissent à l’écran seulement à la 10e seconde. Au rezdechaussée de l’immeuble, PL2, H..., l’accusé et M... entrent dans l’ascenseur.

[63]               PL2 est la première qui entre, tenant à la main sa sacoche. Elle se dirige normalement vers l’un des murs de l’ascenseur et elle s’accote. Sa démarche est sans particularité. L’accusé est debout à côté d’elle. Au cours de ce bref enregistrement, on n’y constate aucune perte d’équilibre.

[64]               La deuxième séquence dure une minute et 34 secondes. Elle montre le départ de PL2 vers 14h30. Ce n’est qu’à la 27e seconde que la plaignante apparaît à l’écran. Elle entre dans l’ascenseur depuis le 34e étage. Elle tient à la main sa sacoche et son téléphone cellulaire et elle porte un chandail noir à manches longues[20]. Aussitôt entrée, elle pèse le bouton pour le rezdechaussée et elle se regarde dans les miroirs latéraux de l’ascenseur pendant la descente. Au 23e étage, un autre homme non identifié (non relié au présent dossier) entre dans l’ascenseur. PL2 sort ensuite son téléphone cellulaire et elle regarde diverses photos qui s’y trouvent[21]. Elle ne démontre aucune perte d’équilibre ou difficulté motrice.

[65]               Enfin, la troisième séquence, qui montre le lobby de la tour Roccabella, dure 29 secondes. PL2 sort de l’ascenseur et elle se dirige vers la sortie de l’immeuble. Sa démarche est normale. Elle ne parle à personne.

4- Le témoignage de H... H, amie de PL2

[66]               H... a rencontré PL2 environ un mois avant les événements en litige, lors d’une soirée. Elle avait également rencontré l’accusé six mois auparavant. Au cours de l’automne, elle le voyait toutes les semaines lors de soirées. Le 4 octobre 2021, la soirée a débuté chez H..., où une dizaine de personnes faisaient la fête.

[67]               Chez elle, H... a consommé trois ou quatre verres de vin, en plus d’un verre de vodka. Elle a également consommé deux lignes de cocaïne. Tout le monde sur les lieux consommait de la drogue, y compris PL2, qui a pris sensiblement les mêmes consommations que H....

[68]               À une heure qu’elle ne peut préciser, elle, M... et PL2 ont traversé la rue pour se rendre à un premier appartement dans la tour Roccabella. Or, ils n’appréciaient pas l’ambiance, alors vers 2h00 ou 3h00, ils se sont déplacés vers l’appartement de Douiri, qui était dans le même immeuble. Ils y sont restés environ une heure, pendant laquelle tout le monde a consommé de l’alcool et de la cocaïne. H... a consommé environ deux ou trois verres de vodka, en plus de trois à quatre lignes de cocaïne. Le témoin précise que PL2 prenait les mêmes consommations qu’elle. À chaque fois, elles se cachaient dans la toilette, puisque PL2 ne voulait pas que les gens sachent qu’elle consommait.

[69]               À cet endroit, pendant une prise de cocaïne dans la toilette, PL2 a dévoilé à H... que l’accusé lui plaisait physiquement. Il l’intéressait. Elle cherchait d’ailleurs à mieux le connaître au cours de la soirée. Pourtant, PL2 avait aussi un intérêt pour M.... Malgré tout, elle voulait mieux connaître Douiri.

[70]               L’ambiance n’étant toujours pas idéale, vers 4h00, le groupe s’est déplacé vers un condo à l’ÎledesSœurs, chez un dénommé « P... ». Entre 4h00 et 8h00, H... et PL2 ont continué à consommer ensemble : chacune a pris deux verres de vodka et cinq lignes de cocaïne. Dans cet appartement, H... a constaté que PL2 et Douiri étaient très proches. Ils discutaient et rigolaient ensemble sur le balcon.

[71]               Quant à l’état de PL2, H... le décrit comme étant « normal ». Elle parlait normalement. Elle paraissait bien. Ses propos étaient cohérents et sans particularité.

[72]               À 8h00, le groupe a décidé de se rendre encore à une autre fête chez Y.... Ils se sont rendus à la tour de condos à CôtedesNeiges vers 9h00, où ils sont restés jusqu’à 11h30. H... et PL2 ont chacune consommé deux ou trois verres d’alcool en plus de cocaïne. À cet endroit, PL2 était encore plus proche de Douiri, ce qui dérangeait M.... Ce dernier, qui avait un intérêt romantique pour la plaignante, était jaloux des rapprochements entre elle et l’accusé. PL2 et Douiri jasaient beaucoup et ils riaient ensemble, s’écartant du reste du groupe. À un certain moment, H... a surpris PL2 et Douiri dans la toilette, en train de consommer de la cocaïne ensemble.

[73]               L’état de PL2 demeurait normal. « Elle était bien », selon le témoin. Tout le monde parlait et rigolait. C’était un événement agréable.

[74]               Vers 11h30, H..., M..., PL2 et l’accusé se sont rendus chez Douiri au Roccabella. Dans l’appartement, H... et M... se sont rendus sur le balcon, alors que PL2 et Douiri se sont déplacés dans la chambre à coucher pour discuter. À un certain moment, H... s’est rendue à la toilette. De cet endroit, à travers la porte coulissante entreouverte, elle a vu PL2 assise sur le lit et Douiri debout près d’elle. Les deux discutaient. Le témoin n’a constaté rien d’anormal.

[75]               Quant à M..., dans un excès de jalousie, il s’énervait du fait que PL2 et Douiri soient dans la chambre ensemble. Il en était tellement fâché qu’il a quitté l’appartement. H... est demeurée sur les lieux, s’étant engagée auprès de PL2 que les deux femmes termineraient la soirée ensemble. Vers 12h30, l’accusé est sorti de la chambre à coucher. PL2 dormait dans le lit. H... a tenté de la réveiller en caressant son épaule, mais sans succès. La plaignante dormait profondément à plat ventre, sous les draps. Elle portait un chandail.

[76]               L’accusé a offert à H... de rester aussi longtemps qu’elle désirait, notamment pour attendre que son amie PL2 se réveille. Il l’a invitée à dormir sur son divan dans le salon. Pour sa part, H... a refusé l’offre, préférant retourner chez elle, même sans la plaignante, compte tenu de l’heure qui avançait.

[77]               H... précise qu’au cours de la soirée, ellemême a également consommé de la cocaïne avec Douiri.

[78]               Vers 17h00 ou 17h30, PL2 lui a envoyé un message texte, lui reprochant de l’avoir laissée seule làbas. Peu après, M... a appelé H..., lui faisant le même reproche. Selon M..., « quelque chose s’était passé » et « Yacine aurait touché PL2 »[22].

[79]               Une semaine plus tard, H... a soulevé le sujet auprès de PL2. Puisque H... continuait à fraterniser avec Douiri, elle voulait s’assurer que rien de pernicieux n’était arrivé. PL2 l’a rassurée, insistant qu’il ne s’était rien passé. Elle avait tout simplement été en phase de descente de cocaïne, ce qui expliquait son état d’énervement. H... explique, selon sa propre expérience, que lorsqu’on éprouve un « down » de cocaïne, on se sent stressé et on devient paranoïaque. PL2 lui a dit que c’est justement ce qui lui était arrivé.

5- Le témoignage de M... B

[80]               M... a rencontré PL2 en début septembre 2021, soit quelques semaines avant les événements en litige. La plaignante lui plaisait et M... le lui a explicitement exprimé. Selon lui, les deux se plaisaient mutuellement. M... connaissait également l’accusé Douiri et ce, depuis l’été 2021.

[81]               Quant aux événements du 4 octobre 2021, M... indique que c’est lui qui avait, à l’origine, invité PL2 à passer la soirée avec lui.

[82]               Il est incapable de préciser à quel endroit a débuté la soirée. Ceci dit, quant à la chronologie des déplacements, il indique qu’ils étaient d’abord au Roccabella, pour ensuite se rendre à l’ÎledesSœurs et plus tard, chez Y... dans un condo de la tour Rock Hill. À la fin de la soirée, le groupe s’est retrouvé encore au Roccabella. Tout au long de la soirée, il était en compagnie de PL2 et H.... Tout le monde consommait de l’alcool et de la cocaïne.

[83]               En expliquant la dynamique présente au cours des diverses fêtes, M... reconnaît qu’il était de mauvaise humeur, notamment parce que PL2 avait passé l’entièreté de la soirée avec l’accusé. Particulièrement, pendant toute leur présence au condo à l’ÎledesSœurs, PL2 et Douiri ne sont jamais sortis de la toilette. Il en est de même pour leur présence au condo de Y... dans la tour Rock Hill : la plaignante et l’accusé étaient dans la toilette ensemble, seuls, de leur arrivée jusqu’à leur départ.

[84]               En fin de compte, M..., PL2, H... et l’accusé sont retournés chez ce denier vers 7h00. Lorsqu’ils sont entrés dans l’appartement, PL2 s’est immédiatement rendue dans la chambre à coucher. L’accusé l’a suivie.

[85]               Selon M..., à ce moment, PL2 semblait dans un état normal. Elle discutait normalement, elle marchait sans problème et elle avait « l’air bien ».

[86]               M... attendait PL2, car ils prévoyaient partir ensemble, en principe. Cependant, après une heure d’attente, il a perdu patience et il est parti.

[87]               Le lendemain, PL2 a écrit à M..., lui annonçant qu’elle avait été agressée sexuellement par Douiri[23].

6- La preuve d’ADN confirmant la relation sexuelle complète avec PL2

[88]               Le 6 octobre 2021, divers prélèvements de substances ont été faits sur la personne de PL2 à l’hôpital dans le cadre du processus de la trousse médicolégale en matière d’infractions d’ordre sexuel.

[89]               Dans les écouvillons vaginaux, le frottis vaginal et les substances obtenues par lavage vaginal, la biologiste judiciaire Karine MarcouxLegault a détecté la présence de sperme. Des combinaisons de profils génétiques de PL2 et d’un homme, valides pour comparaison, ont également été obtenues.

[90]               Le 3 mars 2022, muni d’une autorisation judiciaire, l’enquêteur Patrick Godin a prélevé un échantillon d’ADN sur la personne de Douiri pour les fins de comparaison.

[91]               Ayant procédé à l’analyse, l’experte conclut que l’ADN prélevé du vagin de PL2 est bel et bien celui de l’accusé, Yacine Douiri. Son degré de certitude est très élevé : ces résultats d’ADN indiquent qu’il est de centaines de milliards de fois plus probable que les substances provenaient de l’accusé, plutôt que de quelqu’un d’autre[24].

7- La preuve d’expert sur les effets de l’alcool et de la cocaïne

[92]               Audrey BeauchampDoré a livré un témoignage d’expert dans les domaines de la chimie et la toxicologie judiciaire. L’experte, dont le témoignage est non contredit, a une vaste expérience dans les analyses médicolégales, ayant déjà produit plus de 2500 rapports depuis 2017 et ayant été reconnue comme témoin expert à la cour à 34 reprises[25]. La majorité de ces témoignages étaient en matière de conduite avec les capacités affaiblies. Dans le présent dossier, elle témoignait pour la première fois en matière d’agression sexuelle. Ceci dit, bien que le contexte soit différent, les notions demeurent les mêmes.

[93]               L’experte a été appelée à analyser des échantillons de sang et d’urine prélevés de PL2 à l’hôpital. Les tests ne visaient pas à déterminer un taux d’alcoolémie quelconque. Selon la pratique du LSJML, lorsque les événements litigieux ont eu lieu plus de 24 heures avant la prise d’échantillons, il est inutile de faire une analyse d’alcool. Étant donné les vitesses d’absorption et d’élimination de l’éthanol, tout résultat serait non pertinent et non relié aux événements.

[94]               Parmi les très nombreuses drogues qui peuvent être dépistées au laboratoire[26], seul le métabolite de cocaïne a été détecté dans l’urine de PL2. Aucune substance n’était présente dans son sang. Évidemment, ce résultat correspondait au moment du prélèvement à l’hôpital. Il n’est évidemment pas représentatif de la toxicologie au moment de l’événement. Une déduction logique s’impose. Madame BeauchampDoré précise que les analyses n’ont révélé aucune trace de GHB, quoique cette substance est éliminée très rapidement. Après 10 à 12 heures, elle n’apparaît même plus dans l’urine.

[95]           Le métabolite de la cocaïne est inactif. Autrement dit, il n’a aucun effet sur le système nerveux central de la personne, contrairement à la cocaïne comme telle. Le métabolite apparaît dans le sang dans les minutes qui suivent la consommation, mais il peut y demeurer plusieurs heures, voire plusieurs jours dans certains cas. En l’espèce, l’experte peut donc inférer que PL2 avait consommé de la cocaïne dans les jours précédant le prélèvement à l’hôpital. Toutefois, le témoin ne peut quantifier la consommation ou déterminer son moment précis.

[96]           PL2 avait donc consommé de la cocaïne, mais la substance avait déjà été métabolisée et éliminée par son système à son arrivée à l’hôpital. La cocaïne sera généralement présente dans le sang jusqu’à 6 à 8 heures après la consommation. Elle restera dans l’urine jusqu’à 12 à 24 heures après la consommation. Plusieurs variables affecteront la durée exacte, y compris la dose absorbée et les caractéristiques personnelles du consommateur. Plus une personne consomme, plus la durée de détection sera longue.

[97]           Quant aux effets engendrés par la consommation de cocaïne, ils apparaissent très rapidement. Ils sont intenses et de courte durée. Si la drogue est consommée par voie nasale, les effets peuvent durer jusqu’à une ou deux heures. Comme tous les stimulants du système nerveux central, la cocaïne accélère les fonctions de la personne. Elle peut provoquer l’agitation, la volubilité, des poussées d’énergie et des mouvements répétés. Parfois, les effets moteurs se traduisent par des tics.

[98]           La cocaïne provoque également une euphorie et une excitation, des états qui varient avec le temps. Selon la littérature, il y a peu de cas documentés où la cocaïne causerait des pertes de mémoire ou encore des pertes de conscience.

[99]           À l’inverse, l’alcool, un dépresseur du système nerveux central, provoque un état de fatigue et de somnolence. L’alcool peut également provoquer de l’amnésie ou de l’inconscience, dépendamment de la quantité ingérée et du rythme de la consommation. Ceci dit, chaque personne réagira différemment. Il n’existe pas de taux d’alcoolémie fixe auquel tous les êtres humains vivront une amnésie. Par ailleurs, de manière générale, les pertes de mémoire seront engendrées par des taux élevés d’alcoolémie. De plus, les pertes de mémoire peuvent être causées par d’autres variables aussi.

[100]       Une grande consommation d’alcool peut amener une perte de conscience. Cependant, l’experte précise que la perte de mémoire n’est pas la même chose que le « blackout », soit l’état d’inconscience jumelé avec des mouvements involontaires. Cette dernière condition, qui excède le champ de compétence du témoin, relève plutôt de la psychiatrie.

[101]       Selon la littérature, lorsqu’on combine cocaïne et alcool, l’effet euphorisant de la cocaïne sera plus intense et plus long. L’experte ajoute que tant l’alcool que la cocaïne peuvent altérer le jugement et les sens du consommateur. Lorsqu’on consomme les deux substances en même temps, le jugement sera d’autant plus altéré et ce, même si certains symptômes moteurs se contrebalanceront (par exemple, la somnolence de l’alcool sera neutralisée par l’agitation excessive de la cocaïne).

[102]       Quant à l’effet de l’alcool sur les capacités de PL2, tant cognitives que motrices, le témoignage de l’experte portait sur des notions générales. De toute évidence, elle ne connaissait pas les quantités exactes d’alcool ingérées par la plaignante au cours de la nuit du 4 au 5 octobre 2021. Au même chapitre, la Couronne, maître de sa preuve, ne lui a pas demandé de procéder à un calcul théorique sur la base d’un scénario de consommation quelconque. De façon générale, aux alentours de 100120mg/100ml, les personnes éprouveront une altération du jugement.

[103]           Ainsi, la preuve est muette quant à la question – même approximative – de l’alcoolémie dans le système de PL2 aux moments névralgiques des événements. J’ajoute que même si une telle alcoolémie était déterminée, le Tribunal n’a aucune preuve de la tolérance précise de cette plaignante[27].

[104]           Par ailleurs, cela ne signifie pas que la preuve est sans aucune valeur probante[28].

[105]           Il demeure que PL1 et PL2 ont consommé des quantités très importantes d’alcool et de cocaïne aux moments pertinents lors de leurs événements respectifs.

8- Les trois déclarations extrajudiciaires de l’accusé

[106]           La poursuite a choisi de mettre en preuve trois déclarations extrajudiciaires de l’accusé.

[107]           D’abord, en mai 2022, lorsque H... a reçu son premier subpoena pour témoigner à la cour, elle a confronté Douiri en lui disant que ce qu’il avait fait n’était pas correct. Lors de cette discussion, l’accusé a fermement nié les infractions.

[108]           Le 24 août 2023, quelques jours avant l’audition du procès au fond, Douiri a envoyé le message suivant à PL1 par l’entremise de Facebook Messenger :

Donc du coup, je vais aller en prison. J’espère que tu es contente d’avoir dit que je t’ai violée alors que c’est toi qui m’as sauté dessus. C’est bien de niquer des vies gratuitement. Je n’ai jamais drogué personne de ma vie. Tu m’as attendu devant ma porte. J’étais chez J... et je vous ai rejoint chez moi après. De toute façon, je sais que le message va être transmis à l’inspecteur, mais sache que tu es une menteuse. Je voulais te dire que tu as niqué ma vie. Bravo.

Et pour ta sœur, elle était en bas de chez moi. Je faisais une fête. Elle m’a demandé si elle pouvait monter. Après avoir porté plainte, elle m’a dit qu’elle était désolée et qu’elle voulait enlever sa plainte, mais c’est toi qui lui mettais la pression. Franchement, tu n’as pas de face de dire que je t’ai violée, alors que c’est toi qui m’as sauté dessus. Mais bon, ce n’est pas grave. Je vais faire de la prison pour quelque chose que je n’ai pas fait.

Et surtout, je voulais te dire, tu es vraiment une merde. Mais ne t’inquiète pas, [Dieu] voit tout. Je vais manger la prison, mais toi, alors, je pense que ça va être pire que la prison, du fait que tu as menti.

Tu vas avoir un mort dans ta conscience. Je vais me suicider grâce à toi. Sachele.

Je vais me suicider et tu auras ma mort dans ta conscience. Tout le monde va le savoir. Sachele. Je vais laisser une lettre avec des preuves accablantes avant de partir pour que tout le monde sache que tu es mauvaise et que tu as donné la mort à un innocent[29].

[certaines erreurs d’écriture corrigées]

[ponctuation ajoutée]

[109]           Le même jour, l’accusé a envoyé un message semblable à PL2 :

Sache que je n’irai pas en prison, car je vais me suicider avant, car toi et ta sœur, vous avez niqué ma vie. Vous allez avoir un mort dans votre conscience et je vais laisser une lettre pour tout expliquer. Ma mort sera tellement grave que tout le monde sera au courant que vous m’avez poussé au suicide.

[certaines erreurs d’écriture corrigées]

[ponctuation ajoutée]

LE DROIT

1- Les éléments essentiels de l’infraction d’agression sexuelle (art. 271 C.cr.)

a)     L’actus reus

[110]           Quant à l’actus reus de l’agression sexuelle, la poursuite doit établir hors de tout doute raisonnable trois composantes essentielles :

(1)  Les actes sexuels ont bel et bien eu lieu. En l’espèce, il s’agit de deux relations sexuelles complètes et non protégées;

(2)  Les actes ont été faits dans des circonstances de nature sexuelle, de manière à porter atteinte à l’intégrité sexuelle de la victime; et

(3)  L’absence de consentement de la part des plaignantes.

[111]           Les deux premiers éléments ne sont pas en litige en l’espèce. Tel qu’indiqué cidessous, la preuve établit sans l’ombre d’un doute que les relations sexuelles ont eu lieu avec chacune des plaignantes. Pour ce qui est de PL2, la preuve d’ADN confirme la présence du sperme de l’accusé dans sa cavité vaginale. Quant à PL1, dans sa déclaration extrajudiciaire de l’accusé du 24 août 2023, l’accusé semble reconnaître qu’une relation sexuelle a eu lieu, quoiqu’il avance une version différente de la plaignante au sujet du consentement.

[112]           Le débat porte plutôt sur le troisième élément, soit la question du réel consentement de PL1 et PL2. Ce consentement doit être examiné du point de vue de la plaignante. Comme l’a énoncé la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Ewanchuk, l’absence de consentement est purement subjective et déterminée par rapport à l’état d’esprit subjectif dans lequel se trouvait en son for intérieur la plaignante à l’égard des actes lorsqu’ils ont eu lieu[30]. Également, à la base, elle doit être capable de formuler un tel accord ou consentement au moment pertinent; la capacité est une condition préalable au consentement subjectif[31]. L’accord de la plaignante doit découler d’une volonté libre et éclairée. À cette étape de l’analyse, la perception et l’intention de l’accusé ne sont pas pertinentes; le juge ne s’intéresse qu’au point de vue de la plaignante[32].

[113]           Ainsi, si la plaignante est crue[33] quant à son absence de consentement, l’actus reus sera établi.

[114]           Le consentement tacite ou implicite n’existe pas en droit criminel canadien[34]. Le raisonnement qui soustend la criminalisation des voies de fait explique cet état des choses. La société est déterminée à protéger l’intégrité personnelle, tant physique que psychologique, de tout individu. Le pouvoir de décider qui peut toucher son corps et de quelle façon est un aspect fondamental de la dignité et de l’autonomie de l’être humain[35].

[115]           Dans l’arrêt R. c. J.A., la Cour suprême a réitéré que la femme doit consentir spécifiquement à chacun des actes sexuels. Le législateur n’entendait pas inclure un consentement général donné à l’avance. Le Code criminel exige plutôt que la plaignante consente aux attouchements lorsqu’ils ont lieu[36]. Cette notion de consentement signifie que la plaignante, par ses paroles ou son comportement, a manifesté son accord à l’activité sexuelle avec l’accusé. Elle doit absolument communiquer ce consentement.

[116]           Ainsi, si la plaignante est inconsciente au moment de l’acte sexuel, il va de soi qu’un consentement réel sera impossible, au sens de l’actus reus de l’infraction[37]. L’inconscience a d’ailleurs été expressément codifiée à l’art. 273.1(2)(a.1) C.cr. comme étant un état qui exclut tout consentement.

[117]           Bien que ces principes soient bien établis, deux nuances s’imposent.

[118]           D’abord, même si le critère est entièrement subjectif, cela ne signifie pas pour autant que les affirmations de la plaignante doivent être à l’abri d’un examen soigné par le Tribunal. Le juge n’est pas automatiquement tenu de la croire. Comme le précisait le juge Major dans R. c. Ewanchuk, bien que le témoignage de la plaignante soit la seule preuve directe de son état d’esprit, le juge du procès doit néanmoins apprécier sa crédibilité à la lumière de l’ensemble de la preuve. Il est loisible à la défense de prétendre que les paroles et les actes de la plaignante, avant et pendant l’incident, soulèvent un doute raisonnable quant à l’affirmation de cette dernière selon laquelle, dans son esprit, elle ne voulait pas que l’acte sexuel ait lieu[38].

[119]           D’autre part, il faut se garder de confondre deux concepts liés mais différents : le consentement au moment de l’acte et la manière de prouver le consentement. Il est clair que le consentement doit être donné pour chaque acte sexuel. Ce consentement doit donc être contemporain. Toutefois, cela ne signifie pas que le Tribunal doive seulement analyser la preuve au moment de l’acte en question. La distinction a été bien expliquée dans l’arrêt R. v. McKnight :

The Crown in this case disputes such an example as being inconsistent with the law of consent, which requires that consent be obtained for every sexual act in a particular encounter. However, this objection (in addition to being inconsistent with its prior concession) conflates the law of consent with the law of evidence. As Dufraimont notes at 328, “the fact that consent must be contemporaneous does not mean that evidence relevant to the factual question of consent must also be contemporaneous”. Moreover, while consent as part of the actus reus of sexual assault is determined by the complainant’s subjective state of mind, “evidence relevant to consent can include circumstantial evidence, including evidence of the complainant’s words and actions, before and during the incident[39].

[gras ajouté]

[références omises]

[120]           En appréciant la crédibilité de la plaignante quant à la question du consentement, le Tribunal peut tenir compte de son comportement et de ses paroles dans les moments précédant l’agression alléguée[40].

b)     La mens rea

[121]           Tout comme pour l’actus reus de l’infraction, le consentement fait partie intégrante de la mens rea, mais cette foisci, il est considéré du point de vue de l’accusé[41].

[122]           Quant à la mens rea, si l’accusé savait que la plaignante ne consentait pas à l’acte sexuel, ou encore s’il était insouciant ou s’il faisait preuve d’aveuglement volontaire à l’égard de la question de consentement, l’intention criminelle sera établie.

[123]           Pour que les actes de l’accusé soient empreints d’innocence morale, la preuve doit démontrer que ce dernier croyait que la plaignante avait communiqué son consentement à l’activité sexuelle en question[42].

[124]           L’accusé doit prendre des mesures objectivement raisonnables pour s’assurer du consentement et le caractère raisonnable de ces mesures doit être apprécié eu égard aux circonstances dont il avait alors connaissance[43].

2- Le fardeau de la preuve et la présomption d’innocence

[125]           Il va sans dire que monsieur Douiri, comme tout autre accusé, est présumé innocent, à moins que et jusqu’à ce que le ministère public s’acquitte de son fardeau de prouver les infractions hors de tout doute raisonnable. Le fardeau de la preuve repose sur la poursuite du début à la fin du procès. Il ne se déplace jamais sur les épaules de l’accusé, qui n’a pas à prouver quoi que ce soit et qui n’a aucune obligation de présenter une preuve.

[126]           On ne saurait imposer à un accusé le fardeau de démontrer que la plaignante ne dit pas la vérité. Exiger des accusés la démonstration du mensonge de la plaignante atrophie la présomption d’innocence[44].

[127]           Il faut davantage que la preuve que l’accusé est probablement coupable. Si le Tribunal conclut seulement que l’accusé est probablement coupable, il doit l’acquitter. À l’inverse, la norme n’exige pas une certitude absolue[45] et le doute ne doit pas être imaginaire, frivole ou irrationnel[46]. Il serait virtuellement impossible de satisfaire un tel critère[47]. Cela dit, la norme hors de tout doute raisonnable se situe beaucoup plus près de la certitude absolue que de la prépondérance des probabilités[48].

[128]           Dans l’arrêt R. c. Lifchus, l’honorable juge Cory a précisé qu’un doute raisonnable ne doit pas reposer sur la sympathie ou sur un préjugé. Il doit plutôt reposer sur la raison et le bon sens. Il doit logiquement découler de la preuve ou de l’absence de preuve[49]. De plus, il ne peut s’appuyer sur des hypothèses, de la spéculation ou des conjectures[50].

[129]           Tel que mentionné cidessus, la crédibilité et la fiabilité de la plaignante sont au cœur du débat en l’espèce.

[130]           Lors des représentations, l’avocate du ministère public a souligné le fait que la preuve de la poursuite était non contredite. Cela est vrai, mais cette situation ne règle pas le litige et elle n’écarte aucunement le devoir du Tribunal d’évaluer attentivement la preuve. Comme l’a rappelé explicitement le juge Moldaver dans l’arrêt R. c. Prokofiew, le fait que la preuve ne soit pas contredite ne signifie pas que le juge des faits doive l’accepter[51]. De plus, le fait que l’accusé n’ait pas témoigné ne peut pas servir à bonifier une preuve déficiente du ministère public[52]. L’analyse du Tribunal doit nécessairement se poursuivre en évaluant si, en vertu de la preuve qu’il accepte, il est convaincu hors de tout doute raisonnable par la preuve de la culpabilité de l’accusé[53]. Après tout, le doute raisonnable peut provenir de la preuve à charge[54].

[131]           En temps normal, tel qu’expliqué dans l’arrêt R. c. Noble, tout au plus, en choisissant de ne pas témoigner, l’accusé prend un risque stratégique en n’offrant pas sa version des faits[55]. En l’absence d’une telle preuve, le juge n’a pas à conjecturer sur des moyens de défense ou des explications possibles que l’accusé aurait pu faire valoir s’il avait témoigné[56]. Ces principes sont tous inextricablement liés au principe fondamental de la présomption d’innocence en droit criminel.

[132]           Par ailleurs, la règle s’applique avec une nuance en l’espèce. Contrairement au scénario typique envisagé par la Cour suprême dans R. c. Noble, dans le présent dossier, le Tribunal a conclu que Douiri s’esquive dans le but spécifique d’entraver le déroulement du procès et d’éviter ses conséquences défavorables potentielles. Dans un tel cas, à l’art. 475(2) C.cr., le législateur prévoit que le Tribunal peut bel et bien « tirer une conclusion défavorable au prévenu » du fait qu’il se soit esquivé. Le Code criminel ne précise pas à quel égard une telle inférence défavorable serait tirée.

[133]           Le libellé de la disposition n’est pas limitatif. Il appert de la jurisprudence que la notion d’inférence négative jouit d’une interprétation large. Dans le récent arrêt R. v. Akhtar, la Cour d’appel de l’Ontario a précisé que l’art. 475 C.cr. permet de tirer des inférences défavorables à deux niveaux :

(1)  La fuite peut affecter la crédibilité de l’accusé, dans les cas où il aura fourni une version au Tribunal[57]; et

(2)  La fuite peut constituer une preuve de conscience coupable, ayant une valeur probante quant à la mens rea des infractions reprochées[58].

[134]           Enfin, même si l’accusé n’a pas témoigné, la règle établie par la Cour suprême dans l’arrêt R. c. W.(D.) doit trouver application en l’espèce :

(1)          Premièrement, si le Tribunal croit la déposition de l’accusé, manifestement il doit prononcer l’acquittement;

(2)          Deuxièmement, si le Tribunal ne croit pas le témoignage de l’accusé, mais s’il a un doute raisonnable, il doit prononcer l’acquittement;

(3)          Troisièmement, même si le Tribunal n’a pas de doute à la suite de la déposition de l’accusé, il doit se demander si, en vertu de la preuve qu’il accepte, il est convaincu hors de tout doute raisonnable par la preuve de la culpabilité de l’accusé[59].

[135]           Certes, il n’y a pas eu de « déposition de l’accusé » proprement dite dans le présent dossier. Cependant, le ministère public a choisi de mettre en preuve les déclarations extrajudiciaires de Douiri au procès. En particulier, dans le message envoyé par Douiri à PL1 le 24 août 2023, il nie avoir violé PL1 et il précise que c’est plutôt elle qui lui a « sauté dessus ». Elle l’avait d’ailleurs attendu à sa porte avant qu’il arrive. Qui plus est, l’accusé affirme que PL1 a influencé le témoignage de PL2, alors que cette dernière voulait retirer les accusations[60]. Le Tribunal infère de ces propos, lus dans leur ensemble, que selon l’accusé, PL1 consentait à la relation sexuelle. Elle l’avait d’ailleurs initiée.

[136]           La Couronne est maître de sa preuve. Seule la poursuite peut décider si une déclaration extrajudiciaire de l’accusé sera mise en preuve au procès. Si elle en a fait la preuve en l’espèce, c’est parce qu’elle a sûrement jugé que la déclaration était préjudiciable à la défense.

[137]           Ceci dit, une déclaration extrajudiciaire de l’accusé peut à la fois contenir des portions incriminantes et disculpatoires. Dans ces cas, c’est l’entièreté de la déclaration « mixte » qui sera considérée par le Tribunal, y compris les éléments favorables à l’accusé. En produisant une telle déclaration en toute connaissance de cause, la poursuite assume ce risque[61]. Certes, la Couronne pourra ensuite demander au Tribunal de rejeter – comme étant non crédibles – les portions disculpatoires, notamment en présentant une preuve contraire[62], mais cela n’est surtout pas un automatisme.

[138]           Quant aux portions disculpatoires de la déclaration de l’accusé, tout comme s’il avait témoigné, il suffit qu’elles soulèvent un doute raisonnable dans l’esprit du Tribunal pour mener à un acquittement[63].

[139]           L’analyse de la crédibilité sera toujours délicate. Dans l’appréciation de toute preuve testimoniale, le juge doit considérer la crédibilité et la fiabilité du témoin. Les deux notions sont distinctes[64]. La crédibilité réfère à la personne et ses caractéristiques, notamment sa sincérité, sa bonne foi et sa volonté de dire la vérité. La fiabilité réfère plutôt à la valeur du récit relaté par le témoin[65], qui dépend entre autres de sa capacité d’observation, sa capacité de communiquer, la fidélité de sa mémoire et l’exactitude de sa déposition[66]. Même si une personne est crédible (c’estàdire sincère et intègre), c’est bien de la fiabilité du témoignage dont on doit le plus se soucier au final et ce, surtout quand il est admis que le témoin était intoxiqué au moment des événements.

[140]           Au même chapitre, il est bien ancré dans la jurisprudence des tribunaux d’appel du pays que le juge a le loisir d’accepter un témoignage en son entier, de n’accepter qu’une partie du témoignage ou de le rejeter complètement[67].

[141]           Enfin, même une preuve imparfaite, souffrant d’invraisemblances ou de contradictions, pourra établir la culpabilité hors de tout doute raisonnable. Il appartient au Tribunal d’apprécier l’impact de chaque incohérence et invraisemblance apparente, ainsi que les raisons qu’aurait un témoin de mentir sur certains aspects de son récit[68]. La même remarque s’applique aux contradictions dans le récit d’un témoin. Comme le rappelait la Cour d’appel dans l’arrêt R. c. Ménard, « fautil le rappeler, l’analyse de contradictions n'est pas un exercice mathématique et le nombre de contradictions, quoique sujet à caution, n'est pas en soi un motif de rejet d’un témoignage »[69].

ANALYSE

1- L’incidence de l’intoxication sur les questions de droit et les questions de fait dans le présent dossier

[142]           Il est incontestable que les deux plaignantes étaient fortement intoxiquées au cours des événements en litige, quoique le degré et le timing de leur intoxication sont des questions que le Tribunal doit résoudre.

[143]           Un tel dossier présente des difficultés évidentes. Comme l’a si bien souligné la Cour d’appel de la ColombieBritannique dans l’arrêt R. v. Kruk, d’une part, les victimes fortement intoxiquées sont particulièrement vulnérables. En revanche, plus la plaignante était fortement intoxiquée au moment des événements, plus sa capacité de rendre un récit fiable sera affaiblie[70].

a)     L’intoxication avancée et la fiabilité du témoin

[144]           Tragiquement, les cas impliquant des agressions sexuelles de victimes intoxiquées se comptent par centaines. Elles surviennent dans des bars, des boîtes de nuit, des campus, de même que lors de soirées bien arrosées dans des résidences privées. De toute évidence, en raison de leur état de vulnérabilité accrue, ces victimes méritent une protection engagée de la part du système judiciaire et ce, même lorsque leur intoxication est à la base volontaire. Souvent, ce sera justement à cause de leur état d’ébriété que les prédateurs opportunistes cibleront ces femmes. Les Tribunaux doivent être sensibles à cette réalité.

[145]           Par ailleurs, il est évident que la valeur probante du récit de tout témoin sera grandement affectée s’il est fortement intoxiqué au moment des événements pertinents. En temps normal, la fiabilité dun témoin, sa capacité d’observation pendant l’événement, sa capacité de se remémorer les faits et la fidélité ultime de sa mémoire seront toutes affaiblies par l’intoxication. Il s’agit de l’un des principes élémentaires en matière d’appréciation de la preuve. Ce constat n’est pas moins vrai en matière d’accusations d’ordre sexuel. Les prévenus accusés d’agression sexuelle ont le droit aux mêmes principes d’appréciation de la preuve et à l’application entière de la présomption d’innocence. L’évaluation des témoignages doit être tout aussi rigoureuse qu’elle le serait pour un dossier de voies de fait dans un bar ou de vol qualifié.

[146]           Qu’on ne se méprenne pas : à l’instar de la juge Griffin dans l’arrêt R. v. Patrick, je crois utile de souligner qu’en focalisant sur l’état d’intoxication d’une plaignante, nous n’entendons aucunement suggérer que les victimes sont à blâmer. Toutefois, l’intoxication demeure une considération incontournable dans l’évaluation de la fiabilité[71].

[147]           Par ailleurs, le simple fait d’être intoxiqué, même à un degré avancé, n’anéantira pas toujours irrémédiablement la fiabilité du récit d’un témoin[72]. Chaque cas est un cas d’espèce et le Tribunal doit procéder avec grande prudence.

b)     L’intoxication et l’incapacité de consentir aux relations sexuelles

[148]           Quant à l’application des principes juridiques propres à l’art. 271 C.cr., la question de l’intoxication des plaignantes est pertinente à plusieurs niveaux dans le présent dossier.

[149]           D’abord, si l’accusé drogue la plaignante à son insu, la rendant ainsi incapable de repousser des gestes sexuels non désirés, le Tribunal conclura facilement à la culpabilité. En l’espèce, sans preuve concrète, la poursuite insinue que Douiri aurait possiblement dissimulé du GHB dans la consommation des plaignantes, à tout le moins celle de PL1.

[150]           Par ailleurs, même s’il s’agit d’une intoxication volontaire, tel que résumé cidessus, si une plaignante est inconsciente ou endormie[73] au moment de l’acte sexuel, un tel état agit d’une fin de nonrecevoir au consentement. Un consentement subjectif est impossible. Lactus reus de l’infraction sera établi. De surcroît, si le Tribunal conclut que la plaignante était inconsciente, un tel état aura aussi une incidence évidente sur la mens rea de l’infraction. Rappelons que l’accusé doit prendre des mesures objectivement raisonnables pour s’assurer du consentement et le caractère raisonnable de ces mesures doit être apprécié eu égard aux circonstances dont il avait alors connaissance[74]. Si Douiri s’est permis d’avoir des relations sexuelles avec une femme inconsciente, il est manifeste qu’il n’a pas pris des mesures raisonnables pour s’assurer du consentement de quiconque. Dans un tel scénario, l’accusé aurait utilisé un être humain comme rien d’autre qu’un objet inerte de gratification sexuelle. Un tel comportement serait évidemment criminel et un verdict de culpabilité s’ensuivrait.

[151]           En l’espèce, tant PL1 que PL2 allèguent qu’elles étaient inconscientes au moment de la relation sexuelle. Quant à PL2, elle se serait réveillée pendant l’acte et elle aurait tenté – sans succès – d’arrêter Douiri. Le Tribunal devra déterminer s’il accepte ces témoignages comme étant sincères et fiables.

[152]           Or, qu’arrivetil si le Tribunal ne retient pas ce volet du témoignage des plaignantes? Subsidiairement, qu’arrivetil si le Tribunal entretient un doute raisonnable quant à la question de savoir si les plaignantes étaient effectivement endormies ou inconscientes?

[153]           Audelà de l’inconscience totale, d’autres états moins incapacitants empêcheront tout de même la plaignante de pouvoir donner un consentement valide en droit. Dans certains cas, même s’il y a eu des indices suggérant un consentement apparent, les circonstances feront en sorte qu’il sera réputé nul et sans effet.

[154]           Foncièrement, pour que la plaignante soit capable de donner un consentement subjectif à l’activité sexuelle, elle doit être en mesure de comprendre quatre choses :

(1)  L’acte physique;

(2)  Le fait que l’acte est de nature sexuelle;

(3)  L’identité précise de son partenaire; et

(4)  Le fait qu’elle peut refuser de participer à l’activité sexuelle[75].

[155]           Selon la jurisprudence, l’incapacité peut découler d’un état qui n’engendre pas l’inconscience, par exemple l’intoxication. Cette question a donné lieu à un riche corpus jurisprudentiel. Les principes et balises suivants s’y dégagent.

[156]           Malgré une méprise courante, une jurisprudence abondante et constante énonce que le simple fait d’être intoxiquée par la drogue ou l’alcool (ou les deux) ne rend pas forcément une personne inapte à consentir à des relations sexuelles[76]. Une personne en état d’ébriété peut tout de même être en mesure de comprendre les quatre éléments mentionnés cidessus, y compris le fait qu’elle peut refuser de participer. Conséquemment, le fait d’avoir une relation sexuelle avec une femme intoxiquée ne constitue pas nécessairement une infraction criminelle.

[157]           La capacité cognitive requise pour donner ou refuser son consentement n’est pas particulièrement élevée. Le seuil a été décrit comme « minime »[77]. Le discernement requis se rattache aux quatre éléments énumérés par la Cour suprême, sans plus. Pour emprunter l’expression anglaise, le « drunk consent » demeure un consentement valide[78]. Il n’est pas nécessaire que la personne puisse soupeser les risques et les conséquences des gestes sexuels[79]. Inversement, le seuil pour conclure à l’incapacité en raison de l’intoxication est élevé[80]. Dans l’affaire R. c. Pierce, à la lecture des autorités, la juge Durand a estimé qu’une intoxication doit être « extrêmement élevée » pour inférer à l’incapacité de consentir[81].

[158]           Notamment, la prise de décisions « imprudentes », la perte d’inhibition causée par les substances intoxicantes et les trous de mémoire causés par l’alcool n’excluent pas la présence d’un consentement valide[82]. De toute évidence, le fait de regretter plus tard une mauvaise décision n’invalide pas le consentement non plus[83]. Comme l’a réitéré la Cour d’appel de la Saskatchewan dans le récent arrêt R. v. Demong, « courts have repeatedly recognized that intoxication can lead people to do things and make choices they would not have made if they were sober »[84].

[159]           Malgré ce qui précède, une conclusion d’inaptitude à consentir n’est pas limitée aux plaignantes qui sont « quasi inconscientes »[85] ou qui frôlent l’automatisme. Le critère n’est pas aussi exigeant.

[160]           La question de la perte de mémoire mérite une attention particulière.

[161]           À cet égard, il faut se garder de confondre les notions de « blackout », l’inconscience, les trous de mémoire et l’amnésie totale engendrés par l’alcool. Bien que les termes soient parfois employés de façon interchangeable, ils réfèrent à des concepts bien distincts, ayant une portée juridique différente[86]. C’est ce qu’a confirmé le témoin expert BeauchampDoré dans son témoignage en l’espèce.

[162]           Comme le rappelait notre Cour d’appel dans l’arrêt R. c. Di Iorio, l’amnésie en rapport avec les événements n’est pas un facteur déterminant pour établir la capacité de discernement[87]. Dans les dossiers d’agression sexuelle, la seule absence de souvenir n’entraîne pas une conclusion d’incapacité de consentir chez la plaignante[88]. Dans l’arrêt R. v. T.L., une affaire d’agression sexuelle sur une plaignante intoxiquée, la Cour d’appel du Nunavut précisait que selon le bon sens, « lack of memory proves nothing about what actually happened »[89].

[163]           Le Tribunal adhère à l’analyse suivante du juge Ducharme dans l’affaire R. v. J.R., un dossier impliquant une plaignante fortement intoxiquée par l’alcool et la cocaïne, qui ne se souvenait pas des événements :

Ms. Sweeny submits that K.P.’s memory loss is direct evidence that she did not subjectively consent to any sexual contact. While far from clear, this submission appears to be based on the assumption that, if K.P. had subjectively consented, she would have retained a memory of it. Therefore, as K.P. has no memory of doing so, I should conclude that she did not, in fact, consent. For the same reason, Ms. Sweeny contends that K.P.’s loss of memory is evidence that she lacked the capacity to consent at the time of the sex.

I reject these submissions as they are both contrary to logic and unsupported by the evidence in this case. In the circumstances of this case, this is nothing less than an attempt to turn an absence of evidence into direct evidence of a crucial fact. Absent expert evidence, a loss of memory or a “blackout” is direct evidence of nothing except the fact that the witness cannot testify as to what happened during a particular period. Indeed, Ms. Martin the toxicologist called by the Crown described a blackout as, “a complete loss of memory for a portion of time during a drinking episode.” In a sexual assault case, this is particularly unfortunate since, as was noted in R. v. Esau (1997), 116 C.C.C. (3d) 289 at 296 (S.C.C.), “[t]he parties’ testimony is usually the most important evidence in sexual assault cases.” Esau is particularly relevant to the case at bar because it is a sexual assault case involving a complainant with no memory of the relevant time. In Esau at 297, Justice Major said of the complainant’s memory loss, “[a]ny number of things may have happened during the period in which she had no memory.” Thus, the only significance of memory loss, without more, is that the complainant cannot give direct evidence as to whether or not she consented to the sexual contact or whether or not she had the capacity to do so.

I also cannot find any support for the Crown’s proposition in the jurisprudence. Indeed, the law is precisely to the contrary. If the Crown’s submission was correct this would mean that, in any case where the trier of fact accepted that the complainant had been touched sexually, although she had no memory of this, the actus reus would be proven and the only remaining issue would be whether or not there was any basis for the defence of honest but mistaken belief in consent. The cases discussed below in footnotes 13 to 15, infra, demonstrate clearly that this is not the case. In none of these cases is a blackout or memory loss, without more, taken as proof of lack of consent or lack of capacity[90].

[gras ajouté]

[164]           La Cour d’appel de la Saskatchewan a adopté le même raisonnement dans l’arrêt R. v. Demong, précisant que bien des choses auraient pu arriver pendant la période dont la plaignante ne se souvient pas. Il s’agit d’un vide dans la preuve et non pas une preuve affirmative d’absence de consentement[91]. Dans cette affaire, la plaignante avait consommé de la vodka, du rhum et un comprimé de Clonazépam (un dépresseur affectant le jugement, l’humeur et la mémoire). Ces substances l’avaient laissée dans un état faible, fatiguée, les membres lourds, étourdie et semiconsciente. Elle décrivait son degré d’intoxication comme atteignant le niveau « 9/10 ». Hormis quelques images floues, elle n’avait pas de souvenir de la relation sexuelle. Pour sa part, l’accusé n’a pas témoigné. La Cour d’appel est intervenue et a infirmé la condamnation.

[165]           Dans l’arrêt R. v. Owston, la Cour d’appel a infirmé la condamnation, entre autres, pour des motifs semblables[92].

[166]           Par ailleurs, cela ne signifie pas que l’amnésie est sans valeur dans l’analyse de la capacité de consentir. Comme l’a reconnu le juge Ducharme dans R. v. J.R., il s’agira d’un élément de preuve circonstancielle à considérer à la lumière de l’ensemble du dossier. Son poids dépendra souvent d’une preuve d’expert qui, sans être obligatoire, sera presque toujours essentielle[93].

[167]           Dans l’arrêt R. c. Kishayinew, la Cour suprême a énoncé que lorsque la plaignante a d’importants trous de mémoire causés par l’intoxication, il doit y avoir une preuve circonstancielle quant à la question de l’absence subjective de consentement au moment de l’acte sexuel[94]. Dans cette affaire, la plaignante ne se souvenait pas de la relation sexuelle comme telle. Toutefois, il y avait une abondance d’éléments circonstanciels[95] :

  • La plaignante pleurait et était désorientée. Elle voulait retourner chez elle. Or, l’accusé lui a dit de le suivre, l’amenant chez lui, six rues plus loin[96];
  • Elle ne voulait pas suivre l’accusé. Une fois rendue chez lui, elle ne voulait pas y rester. Elle a tenté de s’échapper, mais l’accusé l’a empêchée[97];
  • Elle n’avait pas consenti à ses tentatives de l’embrasser ou de la toucher. Malgré ses refus, l’accusé s’imposait physiquement sur elle[98];
  • Elle avait tenté de quitter la maison à plusieurs reprises, sans succès. La porte du soussol était barrée[99];
  • Avant son trou de mémoire, elle se souvenait que l’accusé tentait de lui arracher les vêtements alors qu’elle résistait[100]; et
  • Après son trou de mémoire, elle voulait s’échapper.

[168]           Des éléments circonstanciels semblables sont totalement absents dans le présent dossier, autant concernant PL1 que PL2.

[169]           Dans l’arrêt R. v. Czechowski, la Cour d’appel de la ColombieBritannique a également reconnu que l’absence de consentement peut être déterminée par une preuve circonstancielle lorsque la plaignante intoxiquée a peu ou pas de souvenirs de l’incident[101]. La victime avait bu 10 consommations d’alcool fort et de la cocaïne. Malgré ses importants trous de mémoire entourant l’acte sexuel, l’amnésie n’était pas totale. De plus, il y avait une preuve indépendante et objective appuyant la théorie de la poursuite :

  • Avant les trous de mémoire, la victime se souvenait que l’accusé a mis sa main sous sa jupe et lui a violemment déchiré la culotte;
  • Avant les trous de mémoire, l’accusé lui a confisqué sa sacoche et son téléphone cellulaire, l’avertissant qu’elle pourrait les récupérer seulement après avoir eu des relations sexuelles avec lui;
  • L’accusé l’a étranglée et séquestrée lorsqu’elle a tenté de quitter le domicile;
  • Le juge a admis des messages vocaux contemporains laissés par la victime peu après le viol, dans lesquels on l’entendait pleurer et s’étouffer;
  • L’évaluation faite à l’hôpital pendant l’obtention de la trousse médicolégale a révélé de nombreuses ecchymoses, des plaies défensives et des déchirures importantes aux parties génitales.

[170]           Le présent dossier ne présente pas d’éléments semblables.

[171]           En résumé, si la plaignante est tout simplement incapable de se souvenir des événements cruciaux (en raison de son intoxication), il n’appartient pas au Tribunal de combler les trous en présumant une absence de consentement ou encore une incapacité à consentir valablement au moment de l’acte litigieux. Agir de la sorte compromettrait la présomption d’innocence. Le fardeau incombe à la Couronne d’établir hors de tout doute raisonnable l’absence de consentement. Ultimement, le Tribunal doit déterminer quelle était l’intention réelle de la plaignante (relativement au consentement) au moment de l’acte sexuel, et non pas une conclusion subséquente par la plaignante qui déduit ou qui présume quelle aurait été son intention, ou encore quelle aurait dû être son intention dans les circonstances[102]. Un verdict de culpabilité ne peut reposer sur les raisonnements inverses ou reconstruits. Au même chapitre, un verdict de culpabilité ne peut reposer seulement sur le fait que la plaignante ait pris une mauvaise décision lorsquintoxiquée[103], qu’elle regrette par la suite.

2- Estce que le Tribunal croit la portion disculpatoire de la version de Douiri?

[172]           Estce que le Tribunal croit l’accusé?

[173]           Sa version peut être extrapolée des trois déclarations extrajudiciaires faites par Douiri qui ont été mises en preuve par la Couronne. Puisqu’il n’a pas témoigné au procès, sa version est quelque peu difficile à déchiffrer.

[174]           Il est clair qu’en mai 2022, il a nié les infractions lors d’une discussion avec H.... Sans plus de détails, cette déclaration se limite à une dénégation générale.

[175]           Quant aux messages envoyés aux plaignantes en août 2023 par l’entremise de Facebook Messenger, malgré leur caractère laconique, on en déduit évidemment que Douiri nie toujours les allégations. Il nie avoir drogué les plaignantes à leur insu. Qui plus est, il allègue implicitement que non seulement PL1 était consentante, mais c’est elle qui a entrepris l’acte. Elle l’aurait attendu à la porte de son appartement avant même que l’accusé arrive. De plus, elle lui aurait « sauté dessus », c’estàdire qu’elle aurait activement initié l’activité sexuelle.

[176]           Il allègue également que PL2 maintient sa plainte uniquement en raison de pressions subies de la part de PL1.

[177]           Le Tribunal ne retient pas ces dénégations au sens de l’étape no. 1 du test de W.(D.). Audelà de leur caractère non circonstancié, l’inférence défavorable prévue à l’art. 475(2) C.cr. prend tout son sens en l’espèce.

[178]           D’abord, en s’esquivant sciemment dans le but de contrecarrer le processus judiciaire, l’accusé s’est mis à l’abri de tout contreinterrogatoire. Ses déclarations ne présentent aucune garantie intrinsèque ou extrinsèque de fiabilité ou de crédibilité. Elles sont grandement intéressées. Elles ne sont manifestement pas assermentées. Les circonstances des déclarations ne sont pas rassurantes non plus. Bien au contraire, Douiri y énonce explicitement qu’il sait que ses messages seront transmis à l’enquêteur. On peut inférer qu’il pensait (ou à tout le moins, qu’il espérait) que les messages soient montrés au juge aussi.

[179]           Ses déclarations constituent donc un exemple classique de « selfserving evidence ». Ses affirmations disculpatoires sont préconstituées, bien mesurées et protégées de tout examen. Dans le confort de son foyer, depuis un autre continent, il a envoyé sa « version ». Il serait incongru d’accepter comme probantes de telles déclarations.

[180]           Il est donc clair que le Tribunal ne conclut pas d’emblée qu’il croit l’accusé. L’analyse doit se poursuivre. Malgré ce qui précède, estce que ses dénégations, considérées à la lumière de l’ensemble de la preuve, laissent le Tribunal avec un doute raisonnable? C’est le nœud du litige.

[181]           Dans les paragraphes suivants, les étapes 2 et 3 de l’analyse W.(D.) seront traitées ensemble.

3- Estce que la Couronne a établi la culpabilité hors de tout doute raisonnable?

a)     Certains éléments communs aux témoignages des deux plaignantes

[182]           Le témoignage de chaque plaignante se rapporte généralement à l’agression sexuelle alléguée la concernant. Tel que l’impose la jurisprudence, les deux chefs d’accusation seront traités séparément.

[183]           Toutefois, certaines portions de leurs témoignages sont pertinentes à l’appréciation globale de la preuve. C’est notamment le cas pour ce qui est du dévoilement commun en octobre 2021.

[184]           Que l’on soit clair : le Tribunal ne reproche aucunement à PL1 le fait d’avoir attendu huit mois avant de dénoncer sa prétendue agression. Le sort fait à une plainte portée longtemps après le fait ne doit pas dépendre du seul fait qu’elle est « tardive », car plusieurs facteurs peuvent expliquer la réticence de la victime à dénoncer la personne qui abuse d’elle : la crainte, la confusion, la dépendance, la vulnérabilité, la honte ou la gêne, le sentiment de culpabilité, la relation de confiance avec l’agresseur ou la crainte de stigmates[104]. L’écoulement du temps ne peut donc justifier, à lui seul, de ne pas retenir le témoignage de la plaignante ou de miner sa crédibilité. Un tel raisonnement serait fondé sur des hypothèses stéréotypées, maintenant rejetées, quant à la façon dont les personnes réagissent aux actes d’agression. Rappelons que la doctrine de la plainte récente a été, à juste titre, reléguée aux oubliettes jurisprudentielles[105].

[185]           Ainsi, il est clair qu’en l’espèce, le seul fait que les actes de Douiri aient été dénoncés par PL1 huit mois après les incidents n’entache pas la crédibilité de cette plaignante.

[186]           Ceci dit, les circonstances ayant mené à la dénonciation et son « timing » spécifique demeurent toujours pertinents dans l’analyse. D’ailleurs, dans l’arrêt R. c. J.G.O., la Cour d’appel du NouveauBrunswick a reconnu que, contrairement au retard de la révélation, dans certains cas exceptionnels, le moment choisi pour la divulgation peut avoir une certaine pertinence[106]. Au même effet, dans l’arrêt R. v. R.K., la Cour d’appel de l’Ontario a reconnu que le « timing » et les circonstances d’une dénonciation sont pertinents, même si sa tardiveté ne l’est pas[107].

[187]           Cet aspect présente un intérêt évident dans le présent dossier. Bien que la preuve ait établi que PL1 et PL2 avaient certains cercles sociaux qui se chevauchaient, il serait inexact de prétendre qu’elles fréquentaient les mêmes personnes. Au contraire, PL1 précise que chacune avait ses propres amis. La différence d’âge entre PL1 et PL2, soit huit ans, était importante. PL2 venait tout juste d’arriver au Canada, quelques semaines avant son agression alléguée, alors que PL1 s’y trouvait déjà bien avant.

[188]           Aucune des sorties antérieures décrites par PL2, ni la description de ses rencontres de ses amies montréalaises ou sa rencontre de l’accusé, ne comportent une mention de PL1. PL2 a rencontré l’accusé de manière indépendante de sa sœur en septembre 2021.

[189]           Les agressions alléguées en février 2021 et en octobre 2021 sont complètement indépendantes l’une de l’autre.

[190]           Dans la mesure où l’accusé allègue une collusion entre les sœurs, il y a lieu de porter une attention particulière sur les circonstances des dénonciations simultanées.

[191]           Rappelons que selon leurs versions respectives, c’est lors d’un souper le 6 octobre 2021 que PL2 a annoncé à PL1 ce qui lui était arrivé. En réponse au dévoilement, PL1 lui a à son tour annoncé qu’elle avait subi une agression semblable. C’est dans les phrases suivantes qu’elles ont réalisé que le même homme était le suspect.

[192]           Compte tenu des enjeux au dossier, le contenu de cette discussion est loin d’être périphérique. Au contraire, il mérite un examen accru.

[193]           Dans son témoignage, PL1 explique que quelques jours avant le souper, PL2 lui avait envoyé une photo de Yacine Douiri tirée du site WhatsApp et elle lui avait demandé si elle le connaissait. PL1 a répondu oui, puis elle lui a fermement interdit de le fréquenter, avertissant sa petite sœur que Douiri n’était « pas une bonne personne ».

[194]           PL1 décrit ensuite le déroulement de la dénonciation au restaurant ainsi :

  1. Elle ressentait que PL2 est distraite et triste;
  2. Après une certaine hésitation, PL2 lui a dévoilé qu’elle a été victime d’une relation sexuelle non consentante alors qu’elle était intoxiquée, dont elle ne se souvenait de rien;
  3. PL1 lui a répondu que la même chose lui était arrivée quelques mois auparavant;
  4. PL2 a révélé à PL1 que le suspect était Douiri, soit l’homme dont elle lui avait envoyé la capture d’écran de WhatsApp;
  5. PL1 lui a répondu que c’était la raison pour laquelle elle lui avait interdit de fréquenter Douiri : l’accusé avait déjà agressé PL1 aussi[108].

[195]           Pour sa part, PL2 décrit la discussion au restaurant ainsi :

  1. PL2 a dévoilé l’agression à sa sœur;
  2. PL2 a aussitôt identifié le suspect comme étant Yacine Douiri;
  3. Voyant que PL2 était hésitante d’aller porter plainte à la police, PL1 s’est alors exclamé que Douiri lui avait déjà fait la même chose.

[196]           En soi, les différences dans l’ordre des séquences de la discussion ne sont pas fatales.

[197]           Cependant, ce qui étonne, c’est que PL2 ne fait aucune mention dans son témoignage d’une discussion antérieure entre les deux sœurs au sujet de Yacine Douiri. Pourtant, selon le récit de PL1, il s’agissait d’un élément central à la dénonciation. PL1 avait explicitement interdit à sa petite sœur de fréquenter l’accusé, l’avertissant qu’il était une mauvaise personne, et comme de fait, ce même homme l’aurait agressée sexuellement. PL1 aurait justement référé à cette admonestation pendant le dévoilement.

[198]           Il est particulièrement suspect que PL2 n’en fasse aucune mention dans son témoignage. Cet élément n’est pas collatéral. Il est mémorable et important. Or, le témoignage de PL2 est totalement muet sur le sujet. D’ailleurs, visiblement surpris de l’omission, à la fin du témoignage, le Tribunal a demandé à PL2 si elle et sa sœur avaient déjà eu une discussion au sujet de Douiri avant le souper au restaurant. Déjà, la question frôlait la limite de ce qu’un magistrat pouvait poser dans les circonstances, compte tenu de l’absence d’un contreinterrogatoire.

[199]           Après une grande hésitation, PL2 a répondu :

R) … Je ne sais plus. C’est possible. Parce que généralement, quand c’est plus âgé que moi, je demande à ma sœur, euh, vu qu’elle est plus âgée que moi. Mais je ne suis pas certaine. À 100%.

Le Tribunal) Mais, vous demandez à votre sœur quoi?

R) Euh, étant nouvelle dans la ville, je demande à ma sœur qui sont ces personnes, si ce… si… si elle les connaît, si elle sait… si elle les connaît, en fait[109].

[200]           Ces réponses, on ne peut plus vagues, laissent plusieurs questions sans réponse. Si l’échange préalable de la photo et l’avertissement de la part de PL1 avaient réellement eu lieu, le Tribunal ne peut concevoir que PL2 ne s’en souviendrait pas.

[201]           Le contraste entre le témoignage de PL2 et PL1 sur ce sujet crée un doute auprès du Tribunal quant à la crédibilité des plaignantes sur la question de leurs discussions préalables concernant l’accusé, soit avant l’agression alléguée du mois d’octobre. Cela laisse planer un doute sur les circonstances des dénonciations, ainsi que les motivations les soustendant.

b)     L’agression en octobre 2021 à l’égard de PL2

[202]           Comme le souligne à bon droit la Couronne, le témoignage de la plaignante n’a pas à être parfait.

[203]           Le contexte d’intoxication fait en sorte qu’on doit nécessairement s’attendre à ce que des portions du récit des témoins ne soient pas d’une fiabilité optimale. Ceci dit, malgré une certaine souplesse qui s’impose, il n’est pas question « d’indulgence ». La flexibilité eu égard au contexte n’excusera pas tout. L’état d’intoxication de tous les témoins de la Couronne ne fait pas en sorte que l’on doive apprécier moins soigneusement la preuve. Leurs témoignages sont soumis à la même norme de preuve criminelle.

[204]           En ce sens, lors des plaidoiries, la Couronne a invariablement tenté de justifier toutes les divergences, contradictions et ambiguïtés dans les témoignages à charge en référant à l’intoxication des témoins. Or, un tel exercice comporte des limites. Les contradictions et les trous de mémoire étaient nombreux. Avec égards, on ne peut en faire abstraction en raison de l’intoxication, tout en niant que la fiabilité des témoignages en est compromise. On ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre.

[205]           Même si elle n’a pas été soumise à un contreinterrogatoire, plusieurs éléments du témoignage de PL2 préoccupent le Tribunal. Certains sont plus importants que d’autres.

[206]           D’abord, la consommation volontaire d’alcool et de cocaïne de PL2 était considérable. Dans son propre témoignage, elle décrit avoir consommé neuf grands verres[110] d’alcool fort, en plus de cinq lignes de cocaïne. Justement, en raison de la consommation constante, le Tribunal a des doutes quant à la fiabilité du décompte final. Les amies de PL2 la contredisent d’ailleurs sur ce sujet.

[207]           Par exemple, contrairement aux dires de la plaignante, son amie H... mentionne que PL2 aurait pris trois ou quatre verres chez elle et non pas un seul. De plus, PL2 aurait consommé deux lignes de cocaïne à cet endroit, alors que la plaignante nie avoir consommé de la drogue. Au même effet, la plaignante prétend qu’à l’ÎledesSœurs, elle n’a consommé qu’un verre d’alcool, mais aucune drogue. Or, son amie H... témoigne que la plaignante aurait pris deux verres de vodka et cinq lignes de cocaïne.

[208]           En fin de compte, selon le décompte de H... (un témoin de la Couronne), PL2 aurait consommé un total de 12 verres d’alcool et 13 lignes de cocaïne.

[209]           Foncièrement, le chiffre exact importe peu. Que PL2 minimise intentionnellement la quantité de sa consommation ou qu’elle se trompe de bonne foi, le résultat est le même : sa fiabilité en est atteinte. Le Tribunal conclut qu’elle a consommé beaucoup plus d’alcool et de drogue qu’elle le reconnaît à la cour.

[210]           Un autre aspect de la preuve qui préoccupe le Tribunal est la chronologie des déplacements. En temps normal, ce détail ne serait pas capital, compte tenu de la consommation constante au cours de la nuit et du nombre important de déplacements. Cependant, un détail qui a capté l’attention du Tribunal est le fait que, parmi les trois témoins de la Couronne, la plaignante est la seule qui ne mentionne pas avoir été à l’appartement de Douiri plus tôt dans la soirée. Dans le témoignage de PL2, l’appartement de l’accusé au Roccabella était seulement la destination finale.

[211]           Or, H... et M... ont chacun témoigné à l’effet que les fêtards se sont rendus chez Douiri une première fois, avec PL2, avant d’aller à l’ÎledesSœurs. Ils y sont restés environ une heure.

[212]           Cette contradiction devient d’autant plus significative lorsqu’on rappelle que selon H..., c’est à cet endroit-là que PL2 lui a dévoilé, en secret, que Douiri lui plaisait physiquement et qu’il l’intéressait. Ce détail – pourtant majeur – n’a aucunement été mentionné par PL2 dans son témoignage.

[213]           Cette omission a un impact certain sur la crédibilité de la plaignante. En aucun moment n’atelle mentionné dans son témoignage avoir eu un intérêt pour l’accusé, encore moins l’avoir verbalisé. Au contraire, dans son témoignage, la plaignante semble prétendre qu’elle n’a jamais eu un intérêt pour Douiri, notamment en raison de la différence d’âge et le fait qu’elle ne voulait pas avoir un copain pendant le début de ses études. Elle ne voulait pas le laisser se faire des idées.

[214]           Dans son témoignage, PL2 prend soin de mentionner que bien qu’elle ait jasé informellement avec Douiri, les discussions n’étaient pas intimes, poussées ou constantes. Selon elle, chez Y..., elle lui aurait parlé pendant un total de 20 à 30 minutes, souvent interrompu. Elle n’a jamais été seule avec lui pendant de longs moments.

[215]           Or, le témoignage de M... contraste sa version de manière frappante. Selon lui, PL2 a passé la majorité de la soirée avec Douiri, ce qui le dérangeait puisqu’il était jaloux. La plaignante et l’accusé étaient toujours ensemble et ils consommaient de la cocaïne ensemble dans les toilettes à chaque endroit. D’ailleurs, au condo de P... à l’ÎledesSœurs, PL2 et Douiri ont passé l’entièreté de la visite dans les toilettes ensemble. H..., sans affirmer que la plaignante et Douiri étaient toujours ensemble, confirme tout de même qu’ils se rapprochaient de plus en plus au cours de la soirée, qu’ils jasaient et rigolaient ensemble et qu’ils s’écartaient du reste du groupe, ce qui a provoqué la jalousie de M....

[216]           Le contraste entre le témoignage de PL2 et ceux de M... et H... n’est pas fortuit. Selon le Tribunal, il est clair que PL2 a tenté de se dissocier de l’accusé dans son témoignage, notamment en minimisant l’intérêt romantique qu’elle avait pour lui. Il est clair que les contradictions parmi les témoins de la Couronne sur ce sujet soulèvent des problèmes de crédibilité.

[217]           Évidemment, le simple fait que PL2 ait pu être intéressée à Douiri, même sexuellement, n’entraîne pas la conclusion qu’elle consentait aux relations sexuelles dans l’appartement. Il va de soi que ce constat ne la rend pas plus susceptible d’avoir consenti aux gestes en litige. En outre, les intentions d’une femme peuvent évoluer au cours d’une soirée. Au même effet, elle peut retirer son consentement en tout temps. Le Tribunal se met en garde contre tout raisonnement prohibé basé sur les mythes et stéréotypes.

[218]           Par contre, la question ici est ailleurs. Ce qui préoccupe le Tribunal, c’est que la plaignante a livré un témoignage qui tendait à minimiser toute suggestion qu’elle avait un intérêt pour l’accusé. Or, la preuve de la Couronne en démontre manifestement le contraire. Il est certain que cette omission calculée de sa part porte atteinte à la crédibilité entière de son récit, particulièrement sur la question de ses interactions avec l’accusé et ses intentions, qui sont au cœur du litige.

[219]           Pour ce qui est de son état dans les moments précédant l’agression alléguée, il est pertinent autant à l’actus reus qu’à la mens rea de l’infraction.

[220]           Quant à l’actus reus et le consentement subjectif de la plaignante, PL2 indique qu’avant d’aller à l’ÎledesSœurs, elle commençait à se sentir « assez éméchée » et ses souvenirs devenaient plus flous. Une fois au condo, elle se sentait « fortement alcoolisée et droguée ». Elle parlait beaucoup, elle était euphorique, elle avait de légers étourdissements et elle se sentait « un peu hors d’elle ». Rendue au prochain endroit dans la tour Rock Hill, elle se sentait encore plus « hors d’elle » et intoxiquée.

[221]           Enfin, selon PL2, à sa sortie du taxi vers 11h00, elle était complètement incapable de marcher. Selon elle, elle ne pouvait même pas traverser la rue pour se rendre chez H.... C’était d’ailleurs la raison pour laquelle elle a plutôt accepté de monter chez l’accusé, qui, rappelonsle, habitait en face de chez H.... PL2 réitère qu’elle était incapable de rester debout.

[222]           Bien qu’elle était indubitablement intoxiquée, le Tribunal ne retient pas cette portion du témoignage de PL2.

[223]           Selon H..., un témoin de la Couronne, PL2 était bien. À leur arrivée au Roccabella, son état était normal. Elle marchait normalement; elle parlait normalement. Ils sont montés chez l’accusé pour continuer la fête et non pas en raison d’une incapacité de la plaignante de traverser la rue. Même à la dernière observation, lorsque H... a vu PL2 parler à l’accusé dans la chambre à coucher à travers la porte de la toilette, la plaignante semblait dans un état normal.

[224]           Selon M..., un autre témoin de la Couronne, PL2 était dans un état normal à leur arrivée au Roccabella. Elle marchait normalement; elle parlait normalement; elle avait « l’air bien ».

[225]           Au surcroît, les images vidéo de l’ascenseur, bien qu’elles soient succinctes, ne montrent pas une personne qui a de la difficulté à marcher ou à se tenir debout, à un point tel qu’elle serait incapable de traverser le boulevard RenéLévesque pour aller dormir chez H.... Au contraire, on n’y voit aucune perte d’équilibre.

[226]           Si PL2 est remontée à l’appartement de l’accusé, c’est qu’elle voulait le faire à des fins précises. Encore une fois, cela n’implique pas automatiquement qu’elle a consenti aux gestes sexuels. Cependant, le Tribunal rejette la prétention de PL2 comme étant non crédible, ce qui a un impact certain sur la valeur probante générale de son témoignage.

[227]           Il y a également une contradiction non négligeable dans la description de comment la plaignante s’est rendue au lit de l’accusé. PL2 mentionne qu’après avoir tenté de vomir dans la toilette, elle s’est allongée dans le lit, elle a enlevé ses bottes et elle a demandé à H... de la réveiller dans quelques minutes. Ce récit contredit les deux autres témoins de la Couronne. H... ne fait aucune mention de cet échange, encore moins d’une demande de la réveiller. Au contraire, elle affirme qu’à leur arrivée, PL2 et l’accusé se sont immédiatement rendus à la chambre à coucher ensemble. Au même effet, M... confirme que la plaignante et l’accusé se sont rendus à la chambre à coucher ensemble, seuls, dès leur arrivée à l’appartement.

[228]           Ces conclusions sont également pertinentes à la mens rea. La Couronne doit établir que l’accusé savait que la plaignante ne consentait pas à l’acte sexuel, ou encore qu’il était insouciant ou qu’il faisait preuve d’aveuglement volontaire. Évidemment, si la plaignante est inconsciente, endormie ou visiblement extrêmement intoxiquée, l’accusé ne pourra prétendre avoir erré de manière sincère quant à la communication du consentement.

[229]           En l’espèce, l’ensemble de la preuve contemporaine à la relation sexuelle ne démontre pas que PL2 manifestait de tels symptômes.

[230]           Le dernier élément factuel qui préoccupe le Tribunal est relatif aux dénonciations après l’agression alléguée. Dans son témoignage, PL2 mentionne seulement avoir avisé son amie Salma en France en lui envoyant un message texte et en l’appelant par la suite. Lorsque la procureure lui demande si elle l’a dénoncé à quiconque d’autre, elle répond par la négative.

[231]           Pourtant, le reste de la preuve révèle qu’elle l’aurait dénoncé à M.... Lorsque H... a soulevé le sujet auprès de la plaignante, PL2 lui a expliqué qu’il ne s’était rien passé. Son état d’énervement était tout simplement causé par un down de cocaïne.

[232]           Ces éléments factuels étant soupesés, quelles sont les conclusions factuelles du Tribunal et quelles conséquences juridiques entraînentelles?

[233]           Rappelons que la survenance de la relation sexuelle complète n’est plus en litige. Le Tribunal conclut aisément que la pénétration a eu lieu.

[234]           Il demeure que le Tribunal doit déterminer si la preuve démontre l’absence de consentement de PL2 hors de tout doute raisonnable.

[235]           D’abord, le Tribunal rejette toute suggestion voulant que Douiri ait intoxiqué PL2 à son insu, avec une drogue comme le GHB. Cette substance n’a pas été décelée dans le sang ou l’urine de la plaignante, quoique cela ne soit pas déterminant, compte tenu de la très courte période de détection. De son propre aveu, PL2 a consommé d’énormes quantités d’alcool au cours de la nuit et de la matinée. Ces quantités étaient abondamment suffisantes, en soi, pour provoquer des pertes de mémoire chez la plaignante. Selon la preuve de tous les témoins de la poursuite, chaque fêtard se servait son propre alcool. Les bouteilles étaient communes, accessibles à tous et ce, à chaque endroit de rassemblement : au condo de l’accusé, au condo à l’ÎledesSœurs, chez H... et au condo au Rock Hill. Pourtant, la preuve ne démontre pas que d’autres consommateurs aient vécu une perte soudaine de conscience. La même remarque s’applique à la drogue consommée par PL2. Bien qu’elle ait consommé beaucoup de cocaïne que Douiri fournissait (quoique cet élément est contradictoire à même la preuve de la Couronne), H... a aussi consommé la cocaïne fournie par l’accusé sans éprouver une perte de conscience.

[236]           La possible intoxication subreptice au GHB n’est qu’une hypothèse qui ne trouve aucune assise dans la preuve.

[237]           La preuve dans son ensemble ne permet pas de conclure que PL2 était inconsciente ou endormie au moment de la relation sexuelle. La preuve est tout aussi compatible avec un état de réveil et de conscience, mais dont la plaignante ne se souvient pas en raison de son état d’ébriété.

[238]           Au même effet, la preuve dans son ensemble ne permet pas de conclure hors de tout doute raisonnable que PL2 ne consentait pas à la relation sexuelle au moment où elle a eu lieu.

[239]           Dans la mesure où PL2 témoigne se souvenir s’être réveillée pendant l’acte et avoir tenté d’arrêter l’accusé, sans succès, en lui poussant les bras, le Tribunal entretient des doutes quant à l’exactitude du récit. Je ne conclus pas que la plaignante ment. Je ne déclare pas avec certitude que rien de malveillant n’a eu lieu. Cependant, le fardeau de la preuve est fort plus exigeant. Le juge doit être convaincu hors de tout doute raisonnable des allégations. Les problèmes de fiabilité de PL2 font en sorte que le Tribunal n’est pas en mesure de retenir la prétention de la plaignante selon le degré de conviction requis.

[240]           Il est notoire que les drogues et l’alcool peuvent affecter les fonctions intellectuelles du consommateur, y compris l’évaluation du danger, ce qui risque de le faire prendre de mauvaises décisions tout en le rendant plus téméraire et moins conscient des risques. La preuve d’expert le confirme en l’espèce.

[241]           Comme mentionné cidessus, il est incontestable que PL2 était intoxiquée. La preuve est non contredite à cet égard. PL2 le reconnaît. Or, ce n’est pas le chiffre exact de consommations qui est déterminant. Le Tribunal doit plutôt évaluer si, malgré son intoxication assurée, PL2 avait la capacité de consentir. Étaitelle capable de comprendre l’acte et sa nature sexuelle? Étaitelle capable de comprendre qu’elle pouvait refuser ou accepter d’y participer?

[242]           Le Tribunal doit évidemment considérer le témoignage de PL2, mais il doit l’apprécier à la lumière de l’ensemble de la preuve. La preuve indépendante en l’espèce ne démontre aucun problème moteur profond de la part de PL2. Elle n’a fait preuve d’aucune difficulté à marcher, à parler, à se tenir debout ou à gravir des escaliers. Les témoins de la Couronne, qui étaient avec la plaignante tout au long de la nuit, n’ont constaté aucun état de confusion avancée, aucune période de somnolence, aucun comportement irrationnel et aucune difficulté à formuler des communications cohérentes. Qui plus est, ce sont les gens qui la connaissent le mieux. Ce sont ses amis. Ils la connaissent et ils l’ont déjà fréquentée lors d’autres soirées arrosées. Ils sont donc très bien positionnés pour décrire son état et le comparer à son état habituel, tant sobre qu’ivre.

[243]           À cet égard, le présent dossier se distingue aisément de l’arrêt R. v. Czechowski[111], dans lequel il y avait des preuves indépendantes d’un affaiblissement important des facultés au moment pertinent, sur lesquelles le juge pouvait appuyer une inférence d’incapacité due à l’intoxication.

[244]           La preuve en l’espèce milite donc contre l’inférence que la Couronne invite le Tribunal à tirer au sujet de la capacité. Je ne peux conclure hors de tout doute raisonnable que l’état d’intoxication de PL2 était tel qu’elle était incapable de consentir. Je ne peux exclure la possibilité raisonnable que la plaignante souffre tout simplement de trous de mémoire provoqués par son intoxication.

[245]           Ces trous de mémoire, à eux seuls, ne suffisent pas pour établir les éléments essentiels de l’infraction prévue à l’art. 271 C.cr. hors de tout doute raisonnable.

[246]           Indépendamment de la capacité, reste la question du consentement réel de la plaignante.

[247]           En raison du trou de mémoire généralisé entourant la relation sexuelle, il n’y a aucune preuve directe d’absence de consentement. PL2 ne peut faire une telle affirmation, puisqu’elle n’a aucun souvenir de l’événement. Le verdict doit donc reposer sur une preuve circonstancielle[112]. Selon la règle établie dans l’arrêt R. c. Villaroman, la culpabilité doit être la seule inférence raisonnable qui peut être tirée de la preuve[113].

[248]           Parmi les inférences possibles, le Tribunal doit considérer la possibilité qu’elle ait, notamment en raison de sa désinhibition et son mauvais jugement dus aux substances intoxicantes, consenti aux relations sexuelles, tout en le regrettant plus tard[114].

[249]           Étant donné la preuve résumée dans les pages précédentes, le Tribunal est incapable d’écarter cette possibilité. Elle avait pris de la cocaïne, une substance la rendant euphorique et susceptible de prendre de mauvaises décisions, impulsives et désinhibées. Cette consommation était combinée à l’alcool qui, selon le témoin expert, amplifiait l’altération du jugement. Plus tard, elle a indiqué à son amie H... que pendant son moment de panique, elle vivait tout simplement un down de cocaïne, la rendant stressée et paranoïaque. Ces éléments de preuve appuient tous l’inférence d’un jugement altéré mais valide.

[250]           D’ailleurs, sur ce sujet, lors des plaidoiries la procureure de la Couronne a fait la remarque suivante :

Le mélange d’alcool et de cocaïne en fin de parcours, plusieurs heures après le début de la soirée, a pu faire en sorte que [PL2] a… Que [PL2] interprète ellemême moins bien les gestes qu’elle aurait pu faire pendant la soirée.

Estce que? On peut se poser la question. Estce qu’elle a pu initier les gestes à caractère sexuel envers Yacine? C’est possible. Par contre, ce n’est pas ce que la preuve révèle[115].

[251]           Cette admission n’est pas banale. Certes, comme le mentionne la Couronne, « ce n’est pas ce que la preuve révèle », mais justement, c’est parce que la preuve ne révèle rien du tout. La preuve est muette au moment fatidique. La poursuite reconnaît la possibilité que ce soit PL2 qui a initié les gestes sexuels. Pourtant, elle me demande de rejeter cette possibilité et de privilégier l’inférence plus favorable à la Couronne. Avec égards, une telle approche semble contraire au fardeau de la preuve en matière criminelle.

[252]           Dans un autre ordre d’idées, il y a lieu de rappeler que même lorsque l’accusé ne témoigne pas, la question de la mens rea doit être scrutée par le Tribunal, y compris la possibilité d’une croyance sincère mais erronée au consentement communiqué[116]. Évidemment, ce moyen de défense est assujetti à l’obligation de prendre des mesures raisonnables, dans les circonstances, pour s’assurer du consentement (art. 273.2(b) C.cr.)[117]. Compte tenu du fardeau de la preuve, pourvu que la défense ait un air de vraisemblance, il appartiendra à la Couronne de la réfuter en établissant, hors de tout doute raisonnable, l’absence de mesures objectivement raisonnables de la part de l’accusé pour s’assurer du consentement de la plaignante[118].

[253]           La défense de la croyance sincère mais erronée peut coexister avec une conclusion d’incapacité de consentir chez la plaignante[119]. Les deux concepts ne sont pas logiquement incompatibles.

[254]           Comme l’a souligné la Cour d’appel du Québec dans le récent arrêt R. c. Cousineau, lorsque la question du consentement est en jeu, le juge doit examiner ce moyen de défense, même s’il n’est pas explicitement soulevé par l’accusé[120]. De surcroît, ce moyen de défense doit être évalué, même quand le Tribunal écarte complètement la version de l’accusé. Il suffit qu’il existe dans la preuve des éléments qui pourraient potentiellement être considérés afin de déterminer si la preuve soulève un doute sur l’absence de croyance sincère mais erronée de l’accusé que la plaignante avait manifesté son accord à l’activité sexuelle[121].

[255]           Le Tribunal est particulièrement sensible à ces mises en garde dans le présent dossier, compte tenu du fait que l’accusé était absent au procès.

[256]           Il suffit de rappeler que selon deux des trois témoins de la poursuite, PL2 était dans un état normal lorsqu’elle a décidé, immédiatement dès l’arrivée au condo, d’intégrer la chambre à coucher de l’accusé avec ce dernier. Ceci dit, le vide dans la preuve ne permet pas de déterminer ce qui a eu lieu par la suite. Dans de telles circonstances, l’accusé doit bénéficier du doute raisonnable sur la question de la mens rea aussi.

c)     L’agression en février 2021 à l’égard de PL1

[257]           Le Tribunal ne peut retenir que PL1 a été droguée à son insu avec un somnifère, que ce soit du GHB ou une autre substance. C’est elle qui s’est servi l’alcool qui était sur le comptoir chez l’accusé, à la portée de tous. Pourtant, aucun des autres fêtards ne relate avoir subi une perte de conscience soudaine. Aucune preuve scientifique n’est venue appuyer cette inférence non plus. Certes, PL1 explique qu’elle avait de sévères nausées, maux de tête et étourdissements lors des deux jours suivants. Elle ajoute qu’elle avait de la difficulté à se lever pour aller à la toilette.

[258]           Cependant, le témoin expert de la Couronne n’a aucunement relié de tels symptômes à la consommation du GHB. Au contraire, madame BeauchampDoré a précisé que l’organisme humain éliminait très rapidement le GHB. Sur la base de cette preuve, le Tribunal peine à conclure que le GHB aurait causé ces effets physiologiques deux jours après les événements en litige. On ne peut exclure la possibilité que ces mêmes symptômes aient été les conséquences d’une beuverie excessive.

[259]           Le trou de mémoire vécu par PL1 ne permet pas, en soi, de conclure qu’elle était inconsciente ou endormie au moment de l’acte sexuel. Au même effet, le trou de mémoire n’entraîne pas, en soi, une conclusion qu’elle n’a pas consenti à la relation sexuelle.

[260]           PL1 reconnaît avoir consommé alcool et cocaïne dans la nuit du 6 au 7 février 2021 chez J.... Elle mentionne avoir consommé quatre verres d’alcool fort ainsi que trois lignes de cocaïne entre 20h00 et 5h30. Pourtant, elle mentionne que le lendemain matin, vers 11h00, elle était fatiguée et elle avait mal à la tête, ce qu’elle attribuait à sa consommation.

[261]           Pourtant, quatre consommations d’alcool en l’espace de neuf heures et demie paraissent être une quantité assez modeste. Dès lors, le Tribunal entretient des doutes quant à l’exactitude du scénario de consommation relaté par la plaignante. Le Tribunal infère que sa consommation était plus importante qu’elle ne l’admet.

[262]           Le Tribunal entretient la même réserve au sujet des incidents du lendemain chez Douiri.

[263]           Rappelons que dans son témoignage, PL1 affirme avoir consommé une quadruple portion de vodka (sans dilution ou mélange), d’un coup, en plein midi, après avoir beaucoup consommé la veille. En soi, cela représente une quantité importante d’alcool. Rappelons que selon les prétentions de la plaignante, le matin en question, elle était fatiguée et elle avait mal à la tête.

[264]           De plus, elle reconnaît dans son témoignage que lorsque son amie O... lui a proposé d’aller chez l’accusé, c’était « pour continuer ». Or, interprétée dans le contexte des événements, cette expression référait évidemment à « continuer la fête », au sens de consommer de l’alcool et possiblement de la drogue.

[265]           Cette conclusion s’infère aussi du reste de la preuve. Selon PL1, dès sa rencontre de Douiri la veille, vers minuit, ce dernier avait tenu des propos repoussants. Notamment, en termes voilés, il aurait conseillé à la plaignante de s’adonner à la prostitution. PL1 ajoute que le lendemain, lorsqu’O... lui a proposé d’aller chez l’accusé, elle hésitait beaucoup puisqu’elle avait un mauvais « feeling » suite à la mauvaise première impression de Douiri. À cela s’ajoute le fait qu’elle était fatiguée et qu’elle avait mal à la tête. Elle était triste et elle se sentait rejetée et « utilisée » par J.

[266]           Dans les circonstances, la plaignante serait certainement partie chez elle à 11h00.

[267]           Or, si elle ne l’a pas fait, c’est justement parce qu’elle cherchait à continuer à faire la fête, ce qui comprenait la consommation d’alcool et/ou de substances. Dans les circonstances, le Tribunal entretient des doutes sérieux quant à l’exactitude de son récit quant au nombre de consommations prises chez Douiri le 7 février 2021 avant leur relation sexuelle.

[268]           L’importance de la consommation découle de l’incidence de la question sur (1) les trous de mémoire de la plaignante, (2) sa capacité de consentir et (3) sa crédibilité générale, si le Tribunal juge qu’elle a minimisé sa consommation lors de son témoignage.

[269]           Dans sa déposition, PL1 a mentionné qu’elle avait honte de l’événement qui était survenu chez l’accusé et elle s’en voulait d’avoir été à son appartement. Le Tribunal n’en doute pas.

[270]           La question ici est de déterminer si, en dépit de son trou de mémoire total, le Tribunal peut conclure hors de tout doute raisonnable qu’elle n’était pas capable de consentir, ou encore qu’elle n’a pas consenti dans les faits (même si la capacité était suffisante).

[271]           Si la preuve soutient tout autant l’inférence voulant qu’en raison de l’alcool et de la baisse des inhibitions, PL1 ait fait de mauvais choix qu’elle a amèrement regrettés par la suite, un acquittement doit s’ensuivre.

[272]           Son amie O... n’a pas témoigné. Il n’y a donc aucune preuve indépendante de l’état de PL1 avant la relation sexuelle. L’incidence du trou de mémoire devient donc plus importante. En l’espèce, le Tribunal ne voit aucune autre preuve circonstancielle extrinsèque quant à la question de l’absence subjective de consentement au moment de l’acte sexuel[122].

[273]           Entre ces deux inférences logiques contradictoires, le Tribunal doit donner le bénéfice du doute à Douiri. La présomption d’innocence l’exige.

CONCLUSION

[274]           Le Tribunal considère la fuite de Douiri et son absence volontaire de son procès comme une preuve de conscience coupable. S’il n’est pas revenu à Montréal pour subir son procès, tel que prévu, on peut inférer qu’il a quelque chose à cacher. À tout le moins, il est indéniable qu’il craignait que son contreinterrogatoire révèle des éléments qui lui seraient défavorables. En ce sens, sa fuite constitue une preuve affirmative – quoique circonstancielle – de mens rea.

[275]           Or, malgré cet élément de preuve additionnel, les doutes mentionnés cidessus persistent dans l’esprit du Tribunal.

[276]           La preuve de la Couronne sur chacun des chefs d’accusation, ce qui inclut les dénégations de l’accusé dans ses déclarations extrajudiciaires, laisse le Tribunal avec un doute raisonnable.

 

POUR CES MOTIFS, le Tribunal :

ACQUITTE l’accusé des deux infractions reprochées.

 

 

__________________________________

D. Galiatsatos, J.C.Q.

Me Sandra Tremblay

Procureure de la Couronne

 

 

 

 

Dates d’audience :

18, 19, 20, 21 septembre 2023

 


[1]  R. v. Thomas (2019), 378 C.C.C. (3d) 434 (C.A.C.B.) aux paras. 6, 28-38; R. v. Nolan, 2019 ONCA 969 aux paras. 35-39; R. v. Simoes (2020), 395 C.C.C. (3d) 182 (C.A.N.B.) au para. 15; R. c. Cartier, 2015 QCCA 329 au para. 66, permission d’appel refusée, [2015] S.C.C.A. No. 473; R. v. Dawson, 2016 ONCA 880; R. v. T.C. (2019), 383 C.C.C. (3d) 341 (C.A.Ont.) aux paras. 47-48; R. v. Farler (2006), 212 C.C.C. (3d) 134 (C.A.N.É.); R. v. Brown (2007), 216 C.C.C. (3d) 299 (C.A.Ont.); R. v. S.(P.L.) (1990), 57 C.C.C. (3d) 531 (C.A.T.N.), inf. pour d’autres motifs, [1991] 1 R.C.S. 909; R. c. Sigman, 2018 QCCA 1325 au para. 7; R. v. A.C., 2018 ONCA 333 au para. 64; R. v. Manitopyes, 2016 SKCA 61 aux paras. 15-16; R. c. Côté (2003) 176 C.C.C. (3d) 89 (C.A.C.B.) au para. 5; R. v. Tomasetti (2000), 38 C.R. (5th) 393 (C.A.Man.) au para. 30.

[2]  R. c. Douiri, 2023 QCCQ 6489.

[3]  R. c. G.J., 2006 QCCQ 13158 aux paras. 7-8.

[4]  Avec la permission du Tribunal, l’avocate de l’accusé s’est retirée du dossier quelques jours avant l’audition au fond.

[5]  Le témoin a spontanément relaté cette relation sexuelle dans le cadre de son récit. Ni le témoin, ni la Couronne n’a hésité lorsque cette portion du récit a été abordée. J’en déduis que la question avait été discutée entre elles dans le cadre de la préparation du procès. Il s’agissait d’une importante portion du narratif de la soirée, contrairement à un sujet qui a surgi lors du témoignage de manière inattendue. Malgré tout, je note qu’aucune requête n’avait été présentée pour admettre une preuve concernant le comportement sexuel antérieur de PL1 (arts. 276, 278.93, 278.94 C.cr.). Il y a lieu de rappeler que même la preuve présentée par le ministère public concernant le comportement sexuel antérieur est assujettie au régime Seaboyer, qui est sensiblement le même que celui prévu à l’art. 276 C.cr. (R. c. Barton, [2019] 2 R.C.S. 579 aux paras. 68, 80; R. c. Goldfinch, [2019] 3 R.C.S. 3 au para. 142; R. v. Delmas (2020), 64 C.R. (7th) 71 (C.A.Alta.) aux paras. 37, 41, 45, 53, conf. par 2020 CSC 39). Dans tous les cas, il revient en définitive au juge du procès de faire respecter le régime obligatoire; à cet égard, le juge doit jouer un rôle actif et soulever la question d’office, au besoin. Malheureusement, compte tenu de la vitesse à laquelle la question a été abordée en l’espèce, le Tribunal n’a pas pu intervenir. Il est regrettable que les garanties procédurales prévues à l’art. 278.94(1)(3) C.cr. au bénéfice de PL1 n’ont pas été respectées.  À tout événement, ayant entendu la preuve, le Tribunal confirme après coup qu’elle n’était pas présentée pour étayer les deux mythes interdits par l’art. 276(1) C.cr. Cette preuve était manifestement admissible.

[6]  Courtlog du 2023-09-19 à 10h22.

[7]  Courtlog du 2023-09-19 à 10h24.

[8]  Courtlog du 2023-09-19 à 10h24.

[9]  Courtlog du 2023-09-19 à 10h33.

[10]  Pièce P-3.

[11]  Donc, le 5 octobre 2021.

[12]  Pièce P-8.

[13]  Courtlog du 2023-09-19 à 12h03.

[14]  Courtlog du 2023-09-19 à 12h23-12h24.

[15]  Courtlog du 2023-09-19 à 14h21-14h22.

[16]  Il s’agit d’une sœur autre que PL1.

[17]  Courtlog du 2023-09-19 à 14h32.

[18]  Pièce P-9.

[19]  Pièce P-10.

[20]  Elle ne portait pas ce chandail à son arrivée. Elle portait plutôt un veston noir.

[21]  Selon l’angle de la caméra et le reflet dans le miroir, il est clair qu’elle regarde les photos et qu’elle « glisse » (« swipe ») pour les changer. Toutefois, il est impossible de voir ce qui se trouve sur lesdites photos. Il est également impossible de confirmer s’il s’agit de photos sur un site de réseau social ou si ce sont les photos sauvegardées sur son téléphone.

[22]  Cette preuve constitue du ouï-dire. Elle ne fait pas preuve de son contenu, bien entendu. Toutefois, elle demeure pertinente au narratif des événements et à la crédibilité de la plaignante. Rappelons que dans son témoignage, PL2 n’a pas mentionné avoir dévoilé quoi que ce soit à M.... Au contraire, elle a affirmé ne pas en avoir parlé.

[23]  La teneur du dévoilement, qui constitue du ouï-dire, a été exclue par le Tribunal.

[24]  Rapport d’expertise en biologie/ADN, daté du 24 mai 2022 (pièce P-16).

[25]  Curriculum vitae (pièce P-13).

[26]  La liste des substances est annexée au rapport d’expertise en toxicologie, daté du 16 mars 2022 (pièce P-14).

[27]  R. c. Boucher, [2005] 3 R.C.S. 499 aux paras. 33, 34, 55.

[28]  R. c. Brais, 2016 QCCA 355 aux paras. 22 et s.

[29]  Pièce P-4.

[30]  R. c. Ewanchuk, [1999] 1 R.C.S. 330 au para. 26; R. c. Barton, [2019] 2 R.C.S. 579 au para. 89; R. c. G.F., 2021 CSC 20 aux paras. 29, 32-33.

[31]  R. c. G.F., 2021 CSC 20 aux paras. 2, 24, 42 et s.

[32]  R. c. Ewanchuk, supra, au para. 27; R. c. Barton, supra, au para. 89.

[33]  R. c. Ewanchuk, supra, au para. 31; R. c. Barton, supra, au para. 89.

[34]  R. c. Ewanchuk, supra, aux paras. 1, 22, 31.

[35]  Ibid. au para. 28.

[36]  R. c. J.A., [2011] 2 R.C.S. 440 au para. 34.

[37]  Ibid.; R. c. G.F., 2021 CSC 20 au para. 56; R. v. Englot, 2022 SKCA 129 au para. 4; R. v. Kaczmarek (2021), 407 C.C.C. (3d) 34 (C.A.Ont.); R. v. Al-Rawi (2018), 359 C.C.C. (3d) 237 (C.A.N.É.) au para. 33; R. v. Randall (2012), 292 C.C.C. (3d) 80 (C.A.N.B.) aux paras. 12-14; R. v. Kwon (2020), 386 C.C.C. (3d) 553 (C.A.Sask.) aux paras. 22, 34.

[38]  R. c. Ewanchuk, supra, au para. 29; R. v. Steele (2021), 154 O.R. (3d) 721 (C.A.Ont.) aux paras. 53-54.

[39]  R. v. McKnight (2022), 416 C.C.C. (3d) 248 (C.A.Alta.) au para. 261, permission d’appel refusée, [2022] S.C.C.A. No. 341. Voir au même effet : R. v. Steele (2021), 154 O.R. (3d) 721 (C.A.Ont.) au para. 54; R. v. Norris (2020), 398 C.C.C. (3d) 1 (C.A.Ont.) aux paras. 65-66.

[40]  Ibid.

[41]  R. c. Ewanchuk, supra, au para. 45.

[42]  R. c. Ewanchuk, supra, au para. 45.

[43]  R. c. Barton, [2019] 2 R.C.S. 579.

[44]  R. c. Tabar (1993), 20 W.C.B. (2d) 108 (C.A.Qué.) au para. 20.

[45]  R. v. Ahmadzai, 2012 BCCA 215 au para. 43; A.R. c. R., 2016 QCCA 1793 au para. 23.

[46]  R. v. Bou-Daher, 2015 NSCA 97 au para. 42; R. v. Campbell, 2015 ABCA 70 au para. 53.

[47]  R. c. Légaré, 2017 QCCA 261 au para. 27; R. c. Sorella, 2017 QCCA 1908 au para. 29; R. v. McLennan, 2016 ONCA 732, autorisation d’appel refusée, [2016] S.C.C.A. No. 530.

[48]  R. c. Starr, [2000] 2 R.C.S. 144 au para. 242.

[49]  R. c. Lifchus, [1997] 3 R.C.S. 320 au para. 36.

[50]  R. v. Thompson, 2015 NSCA 51 aux paras. 90-92; R. c. Armeni, 2011 QCCA 1574 au para. 107; R. v. Tahirsylaj, 2015 BCCA 7 au para. 39; R. v. Chin, 2014 ABCA 11 au para. 42; R. v. White, 1994 NSCA 77; R. v. Houle, 2016 ABCA 14 au para. 21; R. v. Williams, 2013 ABCA 110 au para. 19.

[51]  R. c. Prokofiew, [2012] 2 R.C.S. 639 au para. 11.

[52]  R. c. Noble, [1997] 1 R.C.S. 874 au para. 105.

[53]  J.L. c. R., 2017 QCCA 398 au para. 76; R. v. Gray, 2012 ABCA 51 au para. 40; Keyzer c. R., 2015 QCCA 704 au para. 26; R. v. Y.J. (1995), 29 W.C.B. (2d) 28 (C.A.C.B.) au para. 6.

[54]  M.B. c. R., 2014 QCCA 1643 aux paras. 48-49.

[55]  R. c. Noble, [1997] 1 R.C.S. 874 aux paras. 29, 77-97.

[56]  Ibid. au para. 98.

[57]  R. v. Akhtar (2022), 413 C.C.C. (3d) 205 (C.A.Ont.) aux paras. 10-11, 43, 52-53. Voir aussi : R. c. G.J., 2006 QCCQ 13158 au para. 7.

[58]  Ibid. aux paras. 10-11, 43, 63. Voir aussi : R. v. R.H., 2022 ONSC 2743 au para. 37.

[59]  R. c. W.(D.), [1991] 1 R.C.S. 742.

[60]  Pièce P-4.

[61]  R. c. Furlong, 2006 QCCA 672 au para. 7; R. v. Humphrey (2003), 172 C.C.C. (3d) 332 (C.A.Ont.) aux paras. 8, 9, 18; R. v. MacAulay (1997), 120 C.C.C. (3d) 353 (C.A.C.B.) au para. 19; R. v. Perkins (2016), 339 C.C.C. (3d) 438 (C.A.Ont.) au para. 35; R. v. Flores (2011), 269 C.C.C. (3d) 194 (C.A.Ont.) au para. 116; L’hon. D. Watt, Watt’s Manual of Criminal Evidence 2022, Thomson Reuters, Toronto (Ont.) à la p. 755 (evidentiary use of confessions).

[62]  R. v. Wilson (1999), 136 C.C.C. (3d) 252 (C.A.Man.) au para. 33.

[63]  R. c. Rojas, [2008] 3 R.C.S. 111 au para. 47; R. v. Bucik (2011), 274 C.C.C. (3d) 421 (C.A.Ont.) aux paras. 30-35; R. v. Harrison (2001), 156 C.C.C. (3d) 117 (C.A.C.B.) au para. 44, permission d’appel refusée (2001), 157 C.C.C. (3d) vi (C.S.C.).

[64]  R. v. Joudrie, [1997] O.J. no. 1619 (C.A.Ont.) aux paras. 29-32 (motifs du juge Moldaver).

[65]  R. c. Gauthier, 2020 QCCA 714 aux paras. 94-96; R. c. Paradis, 2019 QCCA 1703 au para. 11; R. v. Morrissey (1995), 97 C.C.C. (3d) 193 (C.A.Ont.) à la p. 205; R. c. Dow, 2014 QCCA 2086 aux paras. 10-12; R. v. Vickerson (2005), 199 C.C.C. (3d) 165 (C.A.Ont.) au para. 28; R. v. Norman (1993), 16 O.R. (3d) 295 (C.A.Ont.).

[66]  R. c. Foomani, 2023 QCCA 232 au para. 77.

[67]  R. c. A.P., 2022 QCCA 1271 au para. 13; R. c. X., 2017 QCCA 757 au para. 60; R. c. Gauthier, 2017 QCCA 4 au para. 83; R. c. Bédard, 2015 QCCA 194 au para. 6; R. v. Abdallah, [1988] 1 R.C.S. 980, confirmant (1997), 125 C.C.C. (3d) 482 (C.A.Ont.) aux paras. 2, 4; R. c. Cyr, [2002] J.Q. no. 223 (C.A.Qué.) aux paras. 3-5; R. v. M.C.M. (2003), 172 O.A.C. 215 (C.A.Ont.) aux paras. 57,59-60; R. v. Durrive, 2005 BCCA 487 au para. 17; R. v. Tyrrell (2001), 151 C.C.C. (3d) 50 (C.A.Ont.) aux paras. 36, 38; R. c. Genest, 2013 QCCA 411 au para. 70, permission d’appel refusée, [2013] S.C.C.A. No. 198 ; R. v. Tse, 2013 BCCA 121 au para. 56; R. v. Whiteway, 2015 MBCA 24 au para. 35.

[68]  R. c. Waterman, 2021 CSC 5; R. c. Andriesanu, [1997] J.Q. no. 1817 (C.A.Qué.) au para. 83, citant R. c. François, [1994], 2 R.C.S. 827 aux pp. 836-837.

[69]  R. c. Ménard, 2019 QCCA 1701 au para. 14.

[70]  R. v. Kruk, 2022 BCCA 18 au para. 1, appel à la Cour suprême entendu et en délibéré depuis le 18 mai 2023, [2022] S.C.C.A. No. 76.

[71]  R. v. Patrick (2020), 394 C.C.C. (3d) 139 (C.A.C.B.) au para. 19.

[72]  R. v. Morin-Poitras, 2022 ABCA 216 au para. 7; R. v. Okemaysim, 2021 SKCA 33 aux paras. 49-58.

[73]  R. c. Isaacs, 2020 QCCA 109 au para. 7; R. v. Carson, 2018 ONCA 1001 au para. 10, permission d’appel refusée, [2019] S.C.C.A. No. 160; R. v. Ghadghoni, 2020 ONCA 24; R. v. Volden, 2018 MBCA 91 au para. 6, permission d’appel refusée, [2019] S.C.C.A. No. 22; R. v. A.B., 2021 SKCA 119 au para. 19; R. c. Graham, 2019 SKCA 63 au para. 96; R. v. R.G.K., 2019 NWTCA 2 au para. 4.

[74]  R. c. Barton, [2019] 2 R.C.S. 579.

[75]  R. c. G.F., 2021 CSC 20 aux paras. 55-57.

[76]  Ibid. au para. 5; R. v. Czechowski (2020), 396 C.C.C. (3d) 435 (C.A.C.B.) au para. 47, permission d’appel refusée, [2020] S.C.C.A. No. 461; R. v. Haraldson (2012), 524 A.R. 315 (C.A.Alta.) au para. 7; R. v. Al-Rawi (2018), 359 C.C.C. (3d) 237 (C.A.N.É.) aux paras. 113, 131; R. c. Yeboh-Mouimo, 2019 QCCQ 1322 aux paras. 121-125; R. v. Cedeno (2005), 195 C.C.C. (3d) 468 (Ont.C.J.) au para. 18; R. v. MacLeod, 2023 NSSC 119; R. v. Meikle (2011), 84 C.R. (6th) 172 (Ont.S.C.J.) au para. 57.

[77]  R. v. Jensen (1996), 106 C.C.C. (3d) 430 (C.A.Ont.) au para. 13, conf. par [1997] 1 R.C.S. 304; R. v. Al-Rawi (2018), 359 C.C.C. (3d) 237 (C.A.N.É.) au para. 59; R. v. J.R. (2006), 40 C.R. (6th) 97 (Ont.S.C.J.) au para. 42, conf. par (2008), 59 C.R. (6th) 158 (C.A.Ont.), permission d’appel refusée, [2008] S.C.C.A. Nos. 189 et 231; L’hon. M. Fuerst, l’hon. F. Hoskins & M. Duckett, The Trial of Sexual Offence Cases, 2e éd., Thomson Reuters, Toronto (Ont.), 2018 à la p. 77; R. v. Owston, 2023 SKCA 101 au para. 22.

[78]  R. v. Farler (2013), 326 N.S.R. (2d) 255 (C.A.N.É.) au para. 67; R. v. Haraldson (2012), 524 A.R. 315 (C.A.Alta.) au para. 7; The Trial of Sexual Offence Cases, supra, à la p. 77.

[79]  R. v. Al-Rawi (2018), 359 C.C.C. (3d) 237 (C.A.N.É.) au para. 61; R. v. Owston, 2023 SKCA 101 aux paras. 18, 22.

[80]  R. v. Kwon (2020), 386 C.C.C. (3d) 553 (C.A.Sask.) aux paras. 22, 88.

[81]  R. c. Pierce, 2013 QCCQ 12184 au para. 130, conf. par 2016 QCCA 1163, permission d’appel refusée, [2016] S.C.C.A. No. 589.

[82]  R. v. Haraldson, supra, au para. 7; R. v. Demong, 2023 SKCA 109; R. v. Czechowski, supra, au para. 47; R. v. Tariq (2016), 343 C.C.C. (3d) 87 (Ont.C.J.) au para. 94.

[83]  R. v. Czechowski, supra, au para. 47.

[84]  R. v. Demong, 2023 SKCA 109 au para. 24. Voir au même effet : R. v. Owston, 2023 SKCA 101 au para. 55.

[85]  R. v. Capewell (2020), 386 C.C.C. (3d) 192 (C.A.C.B.), permission d’appel refusée, [2020] S.C.C.A. No. 125.

[86]  R. v. Philip, 2014 ABCA 39 au para. 18, permission d’appel refusée, [2015] S.C.C.A. No. 269; R. v. Trejo (2020), 395 C.C.C. (3d) 58 (C.A.C.B.) aux paras. 64-65; R. c. Blanchard, 2018 QCCA 1069 aux paras. 101-104 (motifs dissidents), appel accueilli, [2019] 1 R.C.S. 486.

[87]  R. c. Di Iorio, 2007 QCCA 100 aux paras. 72-74, permission d’appel refusée, [2007] S.C.C.A. No. 164.

[88]  R. v. Kaczmarek (2021), 407 C.C.C. (3d) 34 (C.A.Ont.) au para. 34; R. v. Owston, 2023 SKCA 101 aux paras. 17 et s.

[89]  R. v. T.L. (2020), 393 C.C.C. (3d) 195 (C.A.N.) au para. 27.

[90]  R. v. J.R. (2006), 40 C.R. (6th) 97 (Ont.S.C.J.) aux paras. 17-19, conf. par (2008), 59 C.R. (6th) 158 (C.A.Ont.), permission d’appel refusée, [2008] S.C.C.A. Nos. 189 et 231.

[91]  R. v. Demong, 2023 SKCA 109 au para. 25.

[92]  R. v. Owston, 2023 SKCA 101.

[93]  R. v. J.R. (2006), 40 C.R. (6th) 97 (Ont.S.C.J.) au para. 20.

[94]  Voir au même effet : R. v. Al-Rawi (2018), 359 C.C.C. (3d) 237 (C.A.N.É.) au para. 69; R. v. Demong, 2023 SKCA 109 aux paras. 26-27.

[95]  R. c. Kishayinew, 2020 CSC 34 au para. 1, avalisant la dissidence du juge Tholl dans (2019), 382 C.C.C. (3d) 560 (C.A.Sask.) aux paras. 52-78.

[96]  Décision de la Cour d’appel (2019), 382 C.C.C. (3d) 560 (C.A.Sask.) au para. 35.

[97]  Ibid. au para. 36.

[98]  Ibid.

[99]  Ibid.

[100]  Ibid.

[101]  R. v. Czechowski (2020), 396 C.C.C. (3d) 435 (C.A.C.B.) au para. 73, permission d’appel refusée, [2020] S.C.C.A. No. 461.

[102]  R. v. Meikle (2011), 84 C.R. (6th) 172 (Ont.S.C.J.) au para. 45 – le juge Trotter, siégeant alors à la Cour supérieure; R. v. Way (2022), 504 C.R.R. (2d) 215 (C.A.Alta.) aux paras. 73-76, permission d’appel refusée, [2022] S.C.C.A. No. 44; R. v. S.W., 2020 NSSC 349 au para. 37; R. v. J.R. (2006), 40 C.R. (6th) 97 (Ont.S.C.J.) aux paras. 21-22.

[103]  R. c. Jean, 2022 QCCQ 3023 au para. 108.

[104]  R. c. Carle, 2019 QCCA 587 au para. 19.

[105]  R. c. D.D., [2000] 2 R.C.S. 275 aux paras. 63-65; R. v. A.R.D., 2017 ABCA 237 aux paras. 49 et s.; R. c. Savard, 2016 QCCA 380 aux paras. 52-53; R. c. C.O., 2016 QCCA 440 au para. 48; R. c. Alie, 2017 QCCA 18 aux paras. 7-9; R. c. J.F., 2018 QCCA 986; R. v. R.G.B., 2012 MBCA 5 aux paras. 51, 56; R. v. A.D.G., 2015 ABCA 149 au para. 33; R. v. Caesar, 2015 NWTCA 4 au para. 6; R. v. Wagar, 2015 ABCA 327; R. c. J.-G.O., 2013 NBCA 49 au para. 6; R. v. S.W. (2015), 24 C.R. (7th) 424 (Ont.C.J.) au para. 20; R. c. D.R., 2022 CSC 50.

[106]  R. c. J.G.O., 2013 NBCA 49 au para. 6.

[107]  R. v. R.K., 2019 ONCA 337 aux paras. 3-4. Voir aussi : R. v. Crampton, [2004] O.J. No. 3161 (C.A.Ont.).

[108]  Courtlog du 2023-09-19 à 11h36-11h37.

[109]  Courtlog du 2023-09-19 à 15h46-15h48.

[110]  Elle mentionne avoir rempli les verres entre et ½ d’alcool, même quand il s’agissait de coupes de vin.

[111]  R. v. Czechowski (2020), 396 C.C.C. (3d) 435 (C.A.C.B.), permission d’appel refusée, [2020] S.C.C.A. No. 461 : Le voisin avait vu la victime dans un état sévèrement intoxiqué. Elle était chambranlante et elle avait de la difficulté à articuler. Son comportement était irrationnel, s’apparentant à une psychose. Elle délirait.

[112]  R. v. Al-Rawi (2018), 359 C.C.C. (3d) 237 (C.A.N.É.) au para. 69; R. v. Owston, 2023 SKCA 101 au para. 51.

[113]  R. c. Villaroman, [2016] 1 R.C.S. 1000.

[114]  R. v. Demong, 2023 SKCA 109 aux paras. 26-27; R. v. Owston, supra, aux paras. 51-55.

[115]  Courtlog du 2023-09-21 à 11h33-11h35.

[116]  R. v. Simoes (2020), 395 C.C.C. (3d) 182 (C.A.N.B.) au para. 37.

[117]  R. c. Barton, supra, au para. 123.

[118]  R. c. Cousineau, 2023 QCCA 1054 au para. 14.

[119]  R. v. Rajput, 2020 ABCA 144 au para. 15.

[120]  R. c. Cousineau, 2023 QCCA 1054 au para. 18.

[121]  Ibid. au para. 19.

[122]  R. c. Kishayinew, 2020 CSC 34, avalisant la dissidence du juge Tholl dans (2019), 382 C.C.C. (3d) 560 (C.A.Sask.); R. v. Czechowski (2020), 396 C.C.C. (3d) 435 (C.A.C.B.) au para. 73, permission d’appel refusée, [2020] S.C.C.A. No. 461.

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