Cousineau c. Fortin | 2023 QCTAL 38264 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Granby | ||||||
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Nos dossiers : | 642594 24 20220719 G 730506 24 20230824 G | Nos demandes : | 3610799 4023105 | |||
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Date : | 07 décembre 2023 | |||||
Devant la juge administrative : | Suzanne Guévremont | |||||
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Isabelle Cousineau |
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Locataire - Partie demanderesse 642594 24 20220719 G (Partie défenderesse) 730506 24 20230824 G | ||||||
c. | ||||||
Mireille Fortin |
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Locatrice - Partie défenderesse 642594 24 20220719 G (Partie demanderesse) 730506 24 20230824 G | ||||||
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D É C I S I O N
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[2] Quant à la locatrice, elle demande le recouvrement du loyer non payé au moment du départ de la locataire, des dommages-intérêts pour perte de loyer et indemnité de relocation, plus les intérêts et l'indemnité additionnelle prévue au Code civil du Québec et les frais.
[3] Le Tribunal a bien pris note de l’ensemble des témoignages et de la preuve administrée devant lui, mais il ne sera fait mention dans la présente décision que des éléments pertinents retenus pour fonder celle-ci.
RÉUNION D’ACTIONS
[4] Les deux demandes ont été réunies de consentement des parties, afin qu’elles soient entendues et jugées sur la même preuve conformément à l'article 57 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement.
LE BAIL
[5] Le bail liant les parties couvre la période du 1er juin 2022 au 30 juin 2023 au loyer mensuel de 850 $. La locataire est responsable des coûts d’électricité.
PRÉTENTIONS ET PREUVES
La locataire
[6] Elle explique qu’à la suite de leur séparation, Jacques Voyer se montre intéressé à louer le logement concerné.
[7] Après la visite des lieux, pour établir sa capacité à assumer le loyer demandé, un relevé de paie de Jacques Voyer est transmis à Armand Gaudet, l’’employé de la locatrice. Nous sommes alors le 13 mai 2022.
[8] Ensuite, de concert avec son ex-conjoint, il est décidé qu’ils interchangent leur résidence. C’est donc elle qui s’engage dans un bail avec la locatrice.
[9] Le ou vers le 26 mai 2022, elle récupère les clés du logement. Huit jours plus tard, le 4 juin 2022, elle y emménage.
[10] Rapidement, Jacques Voyer réalise combien il est difficile pour lui d’habiter là où ils ont vécu ensemble. Le couple décide donc de revenir au projet initial. Le logement sera pour lui et la maison pour elle.
[11] Monsieur Gaudet, qui est leur seul interlocuteur jusqu’alors, est informé du changement. Selon la réponse obtenue, elle comprend que cela ne pose pas de problème. Il reste à confirmer le tout par écrit, ce qui n’arrivera jamais.
[12] Le 2 juillet 2022, Jacques Voyer s’installe dans le logement.
[13] Le 4 juillet 2022, elle reçoit un appel de la locatrice qui est furieuse et en total désaccord avec l’occupation du logement par Jacques Voyer.
[14] Le 7 juillet 2022, puisque la locatrice reste campée sur sa position, un avis de sous-location lui est acheminé par courrier recommandé. Il faudra attendre au 25 juillet seulement pour qu’elle le récupère enfin.
[15] Dans l’intervalle, soit le 12 juillet 2022, Suzanne Roy, celle qui a signé le bail pour le compte de la locatrice, la contacte et propose de résilier le bail avec trois mois de pénalités, ce qu’elle refuse.
[16] Le 19 juillet 2022, elle introduit sa demande de résiliation du bail.
[17] Le 20 juillet 2022, Jacques Voyer trouve un nouvel endroit où loger.
[18] Le 1er août 2022, elle acquitte la moitié du loyer et informe la locatrice que le logement sera libre à compter du 15 août.
[19] Le 15 août 2022, le logement est effectivement vidé et les clés sont remises à la locatrice.
Jacques Voyer
[20] C’est l’ex-conjoint de la locataire. Ses propos se calquent sur les siens.
La locatrice
[21] Elle prétend avoir investi plus de 20 000 $ dans ce logement, de sorte qu’elle veut pouvoir décider qui y vit.
[22] Elle reproche à la locataire de l’avoir mise devant le fait accompli en permettant à Jacques Voyer d’occuper le logement à sa place dès le début du mois de juillet 2022.
[23] Elle admet avoir reçu le 25 juillet 2022 l’avis de sous-location de la locataire. Elle n’y répond pas.
[24] Elle sait depuis le 1er août 2022 que la locataire libère le logement le 15 août au plus tard. D’ailleurs la somme versée à titre de loyer reflète cette réalité.
[25] Elle attend jusqu’au 17 août 2022 pour annoncer le logement sur un site internet.
[26] Diverses personnes se montrent intéressées. Le premier candidat a un dossier criminel et il a fait faillite. Le second se désiste. Le bail est conclu avec le troisième. Il couvre la période du 1er octobre 2022 au 30 septembre 2023.
[27] Elle réclame le loyer d’août 2022 (un solde de 425 $), le loyer perdu en septembre 2022 (850 $), les frais de publicité (66,63 $), d’énergie (24,77 $), le bonus payé au concierge pour la relocation (150 $) et les frais d’enquête sur les trois candidats locataires (103,30 $).
Armand Gaudet
[28] Il travaille pour la locatrice. Il témoigne à la suite de celle-ci pour dire essentiellement les mêmes choses. En bref, c’est lui qui fait visiter les logements lorsqu’ils sont à louer. Cependant, le choix des locataires revient à la locatrice. Lorsqu’un bail est conclu, il reçoit un bonus de 150 $ de sa patronne.
ANALYSE ET DÉCISION
[29] Débutons par la demande de la locataire.
[30] Les articles
« 1870. Le locataire peut sous-louer tout ou partie du bien loué ou céder le bail. Il est alors tenu d'aviser le locateur de son intention, de lui indiquer le nom et l'adresse de la personne à qui il entend sous-louer le bien ou céder le bail et d'obtenir le consentement du locateur à la sous-location ou à la cession. »
« 1871. Le locateur ne peut refuser de consentir à la sous-location du bien ou à la cession du bail sans un motif sérieux.
Lorsqu'il refuse, le locateur est tenu d'indiquer au locataire, dans les 15 jours de la réception de l'avis, les motifs de son refus; s'il omet de le faire, il est réputé avoir consenti. »
[31] Qu’en est-il en l’espèce?
[32] Il est clair que la sous-location du logement est parfaitement légale en vertu de l’article
[33] De plus, il peut même arriver qu’un membre de la famille d’un locataire occupe le logement à sa place, et ce, même pour une période prolongée, ce qui ne demande pas le consentement du locateur[1].
[34] Dans le cas qui nous occupe, la locataire a transmis un avis de sous-location. Le document est reçu le 25 juillet 2022 par la locatrice. Elle a donc jusqu’au 8 août 2022 pour manifester à la locataire sa décision d’y consentir ou non.
[35] Il appert que la locatrice n’a pas répondu à cet avis. Son silence équivaut à consentir à la sous-location.
[36] Cela étant, la locataire est liée par le bail conclu avec la locatrice. Elle ne peut pas décider unilatéralement d’y mettre fin parce que Jacques Voyer quitte le logement.
[37] Contrairement à la cession du bail, la sous-location ne libère pas la locataire de ses obligations.
[38] Par conséquent, le 15 août 2022, lorsque le logement est vidé et les clés remises à la locatrice, c’est la locataire qui est en défaut, non l’inverse.
[39] Sa demande est rejetée.
[40] Quand est-il de la demande de la locatrice?
[41] Rappelons d’abord que le bail est résilié de plein droit à compter du 15 août 2022 par l’effet de la loi, vu l’article
« 1975. Le bail est résilié de plein droit lorsque, sans motif, un locataire déguerpit en emportant ses effets mobiliers; il peut être résilié, sans autre motif, lorsque le logement est impropre à l'habitation et que le locataire l'abandonne sans en aviser le locateur. »
[42] À son départ, la locataire doit le loyer d’août (un solde de 425 $). Elle est donc condamnée à payer cette somme à la locatrice.
[43] Celle-ci réclame 850 $ pour la perte du loyer de septembre 2022. Sa demande est rejetée. La locatrice sait depuis le 1er août 2022 que le logement sera vacant à compter du 15 août. Or, elle attend au 17 août 2022 pour placer une annonce sur le web. De plus, la preuve démontre que le logement est offert pour le 1er octobre seulement. En agissant ainsi, la locatrice ne mitige pas ses dommages.
[44] La locatrice réclame aussi les frais de publicité (66,63 $), d’énergie (24,77 $), le bonus payé au concierge (150 $) et les frais de recherche sur les candidats locataires (103,30 $).
[45] De ce montant, le Tribunal retranche les frais de publicité, dont le Tribunal ne verra jamais le texte[2]. Il retranche aussi le bonus payé au concierge qui constitue des frais indirects.
[46] Les frais de recherche sont également rejetés surtout que la pièce produite par la locatrice au soutien de sa réclamation identifie la compagnie Gestion immobilière Logis-Tech comme étant celle qui doit les payer.
[47] Le Tribunal arbitre à 20 $ les frais d’énergie assumés par la locatrice et imputables à la locataire au mois d’août 2022.
[48] Les frais de justice sont adjugés contre la locataire selon le Tarif des frais exigibles par le Tribunal administratif du logement.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
DANS LE DOSSIER 642594
[49] REJETTE la demande de la locataire qui en assume les frais;
DANS LE DOSSIER 730506
[50] ACCUEILLE partiellement la demande;
[51] CONDAMNE la locataire à payer à la locatrice 445 $ avec les intérêts et l’indemnité additionnelle prévue au Code civil du Québec à compter du 24 août 2023 et 107 $ en frais de justice;
[52] REJETTE la demande quant aux autres conclusions.
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Suzanne Guévremont | ||
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Présence(s) : | la locataire la locatrice | ||
Dates des audiences : | 13 décembre 2022 et 21 septembre 2023 | ||
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[1] P. G. Jobin, Le louage, 2e édition, page 65 ; Françoise Thériault c. Société d’habitation Village Jeanne-Mance, RDL 31-010425-204-G.
[2] La locatrice a été autorisée à produire le texte de l’annonce après l’audience. Elle ne l’a pas fait.
AVIS :
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