Décision

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Décision

Vanka c. Ventura

2021 QCTAL 19417

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

Nos dossiers :

481673 31 20190917 G

492905 31 20191125 G

Nos demandes :

2848743

2898226

 

 

Date :

29 juillet 2021

Devant la juge administrative :

Rachel Tupula

 

Joseph Vanka

 

Locateur - Partie demanderesse

(481673 31 20190917 G)

Locateur - Partie défenderesse

(492905 31 20191125 G)

c.

Esther Ventura

 

Mayra Ventura

 

Locataires - Partie défenderesse

(481673 31 20190917 G)

Locataires - Partie demanderesse

(492905 31 20191125 G)

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Par un recours introduit le 17 septembre 2019, le locateur réclame le recouvrement du loyer du mois d’août 2019 (1 800 $) et des dommages-intérêts pour perte de loyer (1 800 $) ainsi que l’indemnité additionnelle et les frais

[2]      Par un amendement du 6 février 2020, le locateur réclame des dommages-intérêts de 669 $, soit des dépenses de réparations (500 $) ainsi qu’un montant impayé relatif à la taxe d’eau (169 $).

[3]      Au soutien de sa demande, le locateur allègue le départ des locataires de leur logement sans droit le 7 août 2019, engendrant ainsi une perte de revenu locatif pour le mois de septembre 2019. 

[4]      Par un recours introduit le 25 novembre 2019 et amendé le 24 juillet 2020, les locataires réclament une diminution de loyer, des dommages moraux et des dommages matériels détaillés comme suit :

-        Réduction de loyer de 40 % du 26 novembre 2017 au 1er janvier 2018 pour la perte de chauffage;

-        Réduction de loyer de 20 % du 22 octobre 2017 à juillet 2019 pour la présence de coquerelles;


-        Réduction de loyer de 5 % de novembre 2017 à avril 2018 et de novembre 2018 à avril 2019 pour des problèmes de déneigement;

-        Réduction de loyer de 5 % d’août 2017 à juillet 2019 en raison des prises électriques défectueuses;

-        Réduction de loyer de 5 % de mars 2018 à juillet 2019 en raison de présence de moisissure;

-        Dommages pour la perte de souvenirs (3 000 $);

-        Dommages moraux pour la perte de chaleur (5 000 $);

-        Dommages moraux pour l’infiltration d’eau (1 000 $);

-        Dommages moraux pour les prises défectueuses (1 000 $);

-        Dommages moraux pour les problèmes de déneigement (1 500 $);

-        Dommages moraux pour les coquerelles (3 000 $);

-        Dommages matériels reliés à l’utilisation de chaufferette - électricité (532 $).

[5]      Dans une mise en demeure également datée du 25 novembre 2019, les locataires listent l’ensemble des problèmes qu’elles estiment avoir vécu dans leur logement au cours des deux dernières années : «

-         Suffering from no heat - 2 500 $

-         Suffering from water leaking from upper apartment to main bathroom through celling going down to basement bathroom - 1000 $

-         Living with mold in basement (lost lots of souvenirs from trips + kitchen items we couldn’t wash) - 3 000 $

-         Suffering and we got sick due to mold and heating issues- pain and suffering (5000 $)

-         Cockroaches - 1000 $

-         Snow removal done only once a year it was supposed to be done and listed in the rental lease - 1 500 $

-         Suffering with blocked tubs - 1000 $

-         Suffering with power outlets not working he said it was too expensive to change them - 1000 $

-         His son Matthew hit the car (no damages) stress and aggravation - 1000 $

-         His son was using electricity/water for his business - 1000 $ »

[6]      Dans cette même missive, les locataires justifient leur départ du logement par la présence de moisissure au logement et la nécessité d’y faire des réparations, qualifiant ainsi le logement d’inhabitable.

[7]      Les deux demandes ont été jointes conformément à l’article 57 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement afin d’être instruites et jugées conjointement.

[8]      Les parties étaient liées par un bail du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020 au loyer mensuel de 1 800 $.

Les faits

[9]      Le logement concerné est un rez-de-chaussée de duplex, soit un huit pièces réparties sur deux étages.

[10]   Les locataires demeurent au logement concerné depuis le 15 août 2017.

[11]   Le locateur témoigne que les locataires ont quitté sans droit le 7 août 2019, et ce, sans nettoyer le logement de façon appropriée.

[12]   Il explique que des dommages ont été causés au logement.

[13]   Ce faisant, il précise avoir dû réaliser des travaux de plâtrage, de sablage de plancher, de peinture et de nettoyage, ce qui lui a pris au minimum trois semaines.


[14]   Après ces travaux, le locateur estime que le logement est en assez bonne condition pour être reloué.

[15]   Toutefois, il dit avoir mis le logement sur Kijiji dès le départ des locataires, soit le 8 août 2019[1].

[16]   Le logement a été reloué au 1er octobre 2019.

[17]   Il justifie sa réclamation de 500 $ pour ses frais de main-d’œuvre payés et l’achat de produits divers[2].

[18]   De plus, il démontre que les locataires ont quitté sans payer leur portion de la taxe d’eau (169 $) alors que le bail prévoyait que ce montant leur incombait[3].

[19]   De leur côté les locataires, mesdames Mayra Ventura et Esther Ventura, estiment avoir quitté le logement à bon droit et celui-ci fut laissé dans le même état au début de leur occupation, notamment un plancher déjà fissuré et non verni et une cuisine vétuste. 

[20]   Madame Mayra Ventura témoigne en l’instance en leur nom.

[21]   C’est en raison des problèmes de chauffage, de la présence de coquerelles et de moisissure qu’elle et sa sœur ont quitté le logement, précise madame Ventura.

[22]   Au sujet du problème de chauffage, ces derniers ont commencé dès le mois de novembre 2017, dit-elle.

[23]   Le chauffage s’allume et s’éteint sans raison.

[24]   Le 10 décembre 2017, le chauffage manque toute la nuit, et ce pendant trois jours, affirme-t-elle.

[25]   Madame Ventura dépose une série d’échanges de messages textes entre elle et le locateur; allant du 26 novembre 2017 jusqu’à janvier 2018.

[26]   Le 24 décembre, le locateur lui dit qu’il changera la fournaise et le problème a été résolu en janvier 2018.

[27]   Il faisait très froid dans le logement mentionne madame Ventura en déposant des photographies prises des thermomètres dans le logement.

[28]   Moi et mes parents devions garder nos manteaux dans le logement et avons dû dormir au salon, témoigne-t-elle.

[29]   L’utilisation de trois chaufferettes s’est avérée nécessaire.

[30]   Une infiltration d’eau est également survenue dans le logement le 30 août 2017, ajoute madame Ventura.

[31]   La source de cette infiltration était située dans le logement situé au-dessus du logement des locataires, coulait dans les deux salles de bain du logement; comme ces deux dernières étaient situées l’une par-dessus l’autre[4].

[32]   Ce problème perdure du 9 septembre 2017 au 14 septembre 2017 et ressurgit du 4 au 19 janvier 2018.

[33]   Il est réglé les deux fois par un homme à tout faire.

[34]   L’accès à la salle de bain était limité, témoigne madame Ventura.

[35]   Une compensation est demandée au locateur sur les loyers à venir le 21 janvier 2018 par madame Ventura en raison des problèmes d’infiltration d’eau et de chauffage[5].

[36]   Le locateur lui écrit : « …please then supply me your calculation » en donnant son opinion sur les coûts associés au chauffage[6]».

[37]   Relativement à l’infiltration d’eau, il lui répond « As for the issue of water leak, I am very sorry for the inconvenience but you did not incur any expense in this regard… »

[38]   Madame Ventura lui indique ne pas être en accord avec sa perception et lui écrit : « Perhaps since we don’t agree, we should let the rental board decide what’s fair compensation for the loss of enjoyment and inconvenience[7]».

[39]   Également, plusieurs prises électriques du logement étaient défectueuses.

[40]   Ces dernières s’enfonçaient à l’intérieur du mur lorsque je branchais un appareil électrique, dit madame Ventura, expliquant qu’elle devait tenir la prise électrique pour faire fonctionner ses appareils[8].

[41]   Le locateur a refusé de changer les prises prétextant que ça allait coûter trop cher.

[42]   Au sujet du problème de coquerelles, il commence en septembre 2017.

[43]   Madame Ventura dit alors avoir observé une vingtaine de coquerelles.

[44]   Dans un premier temps, elle explique que le locateur a tenté de résoudre le problème avec des produits commerciaux, mais qu’il a par la suite fait faire une extermination par une firme spécialisée le 7 novembre 2017.

[45]   Le problème n’a toutefois pas été résolu, affirme madame Ventura.

[46]   Elle témoigne toutefois ne pas en avoir averti le locateur.

[47]   Pourquoi elles ne m’en ont pas averti, s’étonne le locateur de son côté, informant le Tribunal que les travaux de cette firme d’extermination étaient sous garantie et qu’il l’aurait rappelée.

[48]   Au sujet du déneigement, il devait être fait par le locateur, selon madame Ventura[9].

[49]   Cependant, c’était souvent le père de madame Ventura qui devait déneiger l’espace de stationnement ainsi que les marches d’escalier.

[50]   Le locateur témoigne que l’espace de stationnement ne pouvait être déneigé, car les locataires ne déplaçaient pas leur véhicule conformément à son contrat de déneigement.

[51]   Enfin, au sujet de la moisissure, madame Ventura dit avoir constaté une forte odeur « d’œufs pourris » dans le logement, et ce, depuis octobre 2017.

[52]   Le locateur lui apporte du bicarbonate de soude et du vinaigre et lui dit de les mettre dans le drain.

[53]   Cette solution n’a pas fonctionné explique madame Ventura, disant qu’elle et sa famille n’ont pas pu profiter du sous-sol du logement en raison de l’odeur et de l’humidité.

[54]   En avril 2018, en effectuant un nettoyage de son logement, elle dit avoir constaté de la moisissure sur les murs de son armoire de rangement.

[55]   Elle dit aussi en observer sous le lavabo de l’une des salles de bain.

[56]   Des souvenirs de famille ont été abîmés de façon irréversible par l’humidité et la moisissure, témoigne madame Ventura.

[57]   Le locateur témoigne que cette armoire était beaucoup trop encombrée par les effets personnels des locataires et, selon lui, c’est ce qui a endommagé les murs.

[58]   Il dépose des photographies à l’appui de ses dires.

[59]   Le locateur termine en expliquant ne jamais avoir reçu de mise en demeure avant l’introduction de son recours.

[60]   Il admet les problèmes relatifs au chauffage, mais dit les avoir résolus aussi vite que possible et ne jamais avoir reçu de plainte par la suite.

[61]   Selon lui, la réclamation des locataires n’est pas fondée et il dit qu’elle sert en quelque sorte de chantage en faisant référence à une lettre des locataires du 28 août 2019 reçue en réponse à sa lettre du 26 août 2019 relativement à son présent recours[10].


[62]   Dans cette lettre, les locataires écrivent : « In conclusion, if you dare to seek any compensation from us before the Renta Board, BE WELL ADVISED that is our intention to seek monetary damages against you in the amount of $ 18,000.00 for all off of our material losses as well as compensation for our becoming sick, unable to work, freezing cold days and nights without heat, etc, etc, etc and the list goes on and on and on !! » [sic]

Questions en litige

Les locataires étaient-elles justifiées de quitter leur logement avant le terme du bail ?

Le locateur a-t-il droit à des dommages-intérêts pour le loyer perdu de septembre 2019 ?

Les locataires ont-elles droit à une diminution de loyer ?

Les locataires ont-elles droit à des dommages pour troubles et inconvénients ?

Analyse

[63]   Les articles 2803, 2804 et 2845 du Code civil du Québec (C.c.Q.) prévoient qu’il appartient à celui qui veut faire valoir un droit de prouver les faits qui soutiennent sa prétention, et ce, de façon prépondérante.

[64]   Il appartient au Tribunal d’apprécier la preuve présentée et d’en évaluer la force probante afin de déterminer si l’existence d’un fait qu’on désire mettre en preuve est plus probable que son inexistence. Ainsi, il ne suffit pas de présenter des allégations devant un tribunal. Chacune des prétentions d’une partie doit être démontrée par des faits qui doivent s’appuyer sur des preuves probantes et crédibles.

[65]   Selon les articles 1854, 1864, 1910 du Code civil du Québec (C.c.Q.), le locateur a l’obligation de procurer la jouissance paisible du logement pendant toute la durée du bail, de faire les réparations nécessaires et de maintenir le logement en bon état d’habitabilité durant le bail.

[66]   Ces obligations du locateur sont des obligations de résultat. Les moyens de défense du locateur sont donc limités[11]. La diligence raisonnable du locateur ne peut servir de défense dans le contexte de la présente situation.

[67]   Lorsque le locateur fait défaut de respecter cette obligation, le locataire peut obtenir une diminution de loyer ou encore des dommages-intérêts en sus[12].

[68]   De plus, selon les critères prévus à l’article 1863 C.c.Q., si une partie n’exécute pas ses obligations relatives au bail causant ainsi un préjudice sérieux à l’autre partie ou aux autres occupants, la résiliation du bail pourra être demandée par la partie préjudiciée.

[69]   De plus, un locataire peut abandonner son logement lorsque celui-ci est impropre à l’habitation.

[70]   Pour qu’un logement soit considéré impropre à l’habitation, il doit constituer une menace sérieuse pour la santé ou la sécurité des occupants ou du public, ou être déclaré tel par le tribunal ou par l’autorité compétente (articles 1913 et 1915 C.c.Q.).

[71]   Dans le contexte du présent dossier, les locataires doivent donc établir, par preuve prépondérante, que l’état du logement constituait une menace sérieuse pour leur santé ou leur sécurité.

[72]   L’analyse de la jurisprudence nous enseigne qu’il faut retenir des critères objectifs pour établir le caractère impropre du logement.

[73]   Dans l’affaire Gestion immobilière Dion[13], le juge Jean-Guy Blanchette écrit :

« (…) pour évaluer si l’impropreté d’un logement à habitation constitue une menace sérieuse pour la santé, la Cour doit procéder à ladite évaluation d’une façon objective et se demander si une personne ordinaire peut vivre objectivement dans les conditions exposées lors de l’audition. Ce ne sont pas les appréhensions subjectives ni l’état psychologique du locataire ou des occupants qui doivent prévaloir, mais bien la situation ou l’état des lieux compris et analysé objectivement lors de la prise de décision du déguerpissement (…) »

[74]   Cependant, après analyse de la preuve, les locataires n’ont pas établi avoir abandonné leur logement au motif que celui-ci était devenu impropre à l’habitation tel que le prévoit les articles 1913 et 1915 du Code civil du Québec précités.

[75]   Au surplus, les locataires n’ont pas démontré que le logement était inhabitable ou l’inexécution d’une obligation du locateur relative au logement grave et substantielle justifiant leur départ du logement.

[76]   Les locataires ayant quitté leur logement le 7 août 2019, elles seront tenues au loyer pour ce mois.

[77]   Relativement à la réclamation liée à la perte d’un mois de loyer représentant le mois de septembre 2019, le Tribunal est satisfait des explications données par le locateur concernant la période qui s’est écoulée entre le départ des locataires et la relocation.

[78]   Le montant réclamé de 1 800 $ est donc accordé.

[79]   Incidemment, il en sera de même pour la réclamation de 169 $ reliée à la taxe d’eau demeurée impayée qui se devait d’être à la charge des locataires.

[80]   Relativement à la remise en état du logement et au ménage, il est reconnu qu’il appartient au locateur de rafraîchir un logement en vue de sa relocation à moins d’un usage abusif ou anormal ce qui n’a pas été démontré.

[81]   La réclamation de 500 $ sera donc rejetée.

Les locataires ont-elles droit à une diminution de loyer et à des dommages moraux pour troubles et inconvénients ?

[82]   La diminution de loyer et les dommages sont deux notions distinctes. La diminution de loyer vise à rétablir l'équilibre des prestations en évaluant la valeur objective de la perte locative subie par le locataire en raison de l'inexécution des obligations du locateur et l'octroi de dommages-intérêts vise à compenser les troubles, les ennuis, les inconvénients, la perte de jouissance de la vie, les douleurs et les souffrances psychologiques.

[83]   Par ailleurs, pour obtenir une diminution de loyer, les locataires doivent démontrer une perte subie de la valeur locative, une diminution de prestation d’une situation, ou encore, les défectuosités qu’elles dénoncent leur occasionnent une diminution significative et réelle ou une perte substantielle. Il ne peut pas s’agir d’un problème mineur, mais plutôt d’un problème sérieux.

[84]   À ce sujet, le Tribunal souscrit à l’opinion de Me Gilles Joly dans l’affaire Gagné c. Larocque [14] :

« Le recours en diminution de loyer a pour but de rétablir l’équilibre dans la prestation de chacune des parties au bail ; lorsque le montant du loyer ne représente plus la valeur de la prestation des obligations rencontrées par le locateur parce que certains des services ne sont plus dispensés ou que le locataire n’a plus la pleine et entière jouissance des lieux loués, le loyer doit être réduit en proportion de la diminution subie.

Il s’agit en somme de rétablir le loyer au niveau de la valeur des obligations rencontrées par le locateur par rapport à ce qui est prévu au bail ; la diminution ainsi accordée correspond à la perte de la valeur des services ou des obligations que le locateur ne dispense plus. Il ne s’agit donc pas d’une compensation pour des dommages ou des inconvénients que la situation peut causer. »

[85]   De plus, que ce soit pour un recours en diminution de loyer ou un recours en dommages moraux pour troubles et inconvénients, il faut au préalable mettre le locateur en demeure par l’envoi d’une mise en demeure (1594 et 1595 C.c.Q.).

[86]   À ce sujet, dans la décision Gongoroiu c. Modabbernia[15], la juge administrative Francine Jodoin écrit :    

« [22] Bien que l'existence d'une obligation confère au locataire le droit d'exiger qu'elle soit exécutée entièrement, correctement et sans retard, l'envoi d'une mise en demeure constitue un prérequis à la sanction de ce droit (Article 1590 du Code civil du Québec).    


[23] Aussi, la jurisprudence et la doctrine exigent généralement que le locataire dénonce clairement les reproches formulés eu égard à la perte de jouissance subie afin de permettre au locateur de corriger la situation dans un délai raisonnable, à défaut de quoi, les procédures judiciaires peuvent être entreprises (article 1595 du Code civil du Québec).    

[24] Comme le soulignent les auteurs, Thérèse Rousseau-Houle et Martine de Billy (1989, Collection Wilson et Lafleur, page 101)    

« Pour se prévaloir du recours en diminution de loyer, le locataire doit préalablement avoir fait parvenir au locateur une mise en demeure afin de lui permettre d'apporter les correctifs qui s'imposent. Sur ce point, les décisions de la Cour provinciale et de la Régie reconnaissent unanimement que l'omission de la mise en demeure est fatale au locataire. »    

[25] Une simple discussion informelle avec le locateur ou ses représentants, le cas échéant, ne peut constituer une mise en demeure comportant une manifestation d'intention d'obtenir une compensation en raison de cette situation.    

[26] Cette obligation de transmettre une mise en demeure constitue, en quelque sorte, une composante de la règle de minimisation des dommages (Lamy, Denis, La diminution du loyer, Montréal, Wilson et Lafleur, 2004, p. 40).    

[27] Si le locataire, par son silence, négligence ou omission, garde le silence, il ne peut espérer tirer profit de l'écoulement du temps et ainsi obtenir une réduction de loyer pour une période équivalant à la durée du manquement[16]. »

[Nos soulignements]

[87]   En l’instance, la mise en demeure est uniquement envoyée au locateur le 25 novembre 2019 et est tardive pour plusieurs éléments pour lesquels une diminution de loyer et des dommages sont réclamés.

[88]   Après analyse de la preuve et selon les principes énoncés ci-haut, seuls deux éléments ont été clairement et formellement dénoncés au locateur, soit la problématique liée au chauffage et la problématique liée aux infiltrations d’eau. Les autres reproches au locateur ne seront pas retenus par le Tribunal.

[89]   De plus, la preuve démontre de façon prépondérante une perte de jouissance significative, réelle, sérieuse et substantielle des lieux loués en raison de ces deux problématiques.

[90]   Le Tribunal estime donc que la diminution demandée est en partie justifiée et accordera au locataire la somme globale forfaitaire de 1 000 $ à titre de diminution de loyer.

[91]   Les dommages matériels réclamés reliés à l’utilisation de chaufferette (532 $) n’ont pas été démontrés par la preuve soumise.

[92]   En ce qui concerne les dommages moraux pour troubles et inconvénients, ces derniers visent à compenser pour les troubles, ennuis, inconvénients, pertes de jouissance de la vie, douleurs et souffrances psychologiques.

[93]   En l’instance, le locateur a failli à son obligation de fournir un logement en bon état d’habilité en raison d’un manque de chauffage. 

[94]   La preuve démontre aussi que les locataires ont subi du stress, des troubles et des inconvénients découlant de ce problème et de ceux relatifs aux infiltrations d’eau.

[95]   Le Tribunal estime qu’une somme de 700 $ est suffisante pour compenser adéquatement les locataires pour le préjudice moral qu’elles ont subi en lien avec la perte de chauffage et l’infiltration d’eau.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

DOSSIER 481673

[96]   CONDAMNE les locataires à payer au locateur la somme de 3 769 $, plus les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du C.c.Q., à compter du 17 septembre 2019.


DOSSIER 492905

[97]   CONSTATE la résiliation du bail aux torts des locataires;

[98]   CONDAMNE le locateur à payer aux locataires la somme de 1 000 $ à titre de diminution de loyer globale;

[99]   CONDAMNE le locateur à payer aux locataires 700 $ à titre de dommages moraux, avec les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 25 novembre 2019;

[100]    REJETTE la demande quant au surplus;

[101]    Chaque partie assume ses frais judiciaires.

 

 

 

 

 

 

 

 

Rachel Tupula

 

Présence(s) :

le locateur

Me Laurent Sabbah ,avocat des locataires

la locataire Mayra Ventura

Dates des audiences :           

25 juin 2021

24 juillet 2020

Présence(s) :

le locateur

la locataire Mayra Ventura

Date de l’audience :  

2 décembre 2019

 

 

 


 



[1] Le locateur exhibe au Tribunal des photographies et annonces publiées sur Kijiji.

[2] P-2.

[3] P-4.

[4] Vidéo du 1er septembre montrant l’eau qui coule à partir de la toilette du rez-de-chaussée du logement à celle située au sous-sol du logement.

[5] L-4.

[6] L-4.

[7] L-4.

[8] Vidéo du 7 août 2019 exhibée au Tribunal.

[9] P-3, rien n’est prévu au bail concernant le déneigement.

[10] L-13.

[11] Baudouin J.- L. et P. -G. Jobin, Motifs d’exonération dans les obligations, 6e édition, 2005, EYB2005OBL32.

[12] 1863 al.1 C.c.Q.

[13] J. E. 91-345 (c. Q.)

[14] Gagné c. Larocque, R.D.L., 1997-12-01, SOQUIJ AZ-50756952.

[15] 2016 CanLII 114935 (QC RDL). 

[16] Id.

AVIS :
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