Décision

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Gabarit de jugement pour la cour d'appel

Adoption — 152

2015 QCCA 348

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-08-000436-149

(525-43-006500-124)

(525-43-006502-120)

 

DATE :

 Le 25 février 2015

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

MARIE-FRANCE BICH, J.C.A.

CLAUDE C. GAGNON, J.C.A.

MARK SCHRAGER, J.C.A.

 

525-43-006500-124

 

A

APPELANTE - requérante

c.

PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC

INTIMÉE - intervenante

et

Y, enfant

D, père

E, mère

MIS EN CAUSE - mis en cause

 

525-43-006502-120

 

A

APPELANTE - requérante

c.

PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC

INTIMÉE - intervenante

et

X, enfant

B, père

C, mère

MIS EN CAUSE - mis en cause

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           L'appelante se pourvoit à l'encontre du jugement par lequel, en date du 16 décembre 2013, la Cour du Québec, chambre de la jeunesse, district A (l'honorable Ann-Marie Jones), rejette les requêtes présentées en vue de l'adoption des mis en cause X et Y.

[2]           Pour les motifs de la juge Bich, auxquels souscrivent les juges Gagnon et Schrager, LA COUR :

[3]           REJETTE l'appel, sans frais.

 

 

 

 

MARIE-FRANCE BICH, J.C.A.

 

 

 

 

 

CLAUDE C. GAGNON, J.C.A.

 

 

 

 

 

MARK SCHRAGER, J.C.A.

 

Me Mark J. Gruszczynski

GRUSZCZYNSKI, ROMOFF

Pour l'appelante

 

Me Nathalie Fiset

DIRECTION GÉNÉRALE DES AFFAIRES JURIDIQUES ET LÉGISLATIVES

BERNARD, ROY (JUSTICE-QUÉBEC)

Pour l'intimée

 

Date d’audience :

Le 11 septembre 2014



 

 

MOTIFS DE LA JUGE BICH

 

 

[4]           L'appel soulève diverses questions relatives à l'adoption de personnes majeures originaires d'un pays étranger, mais qui se trouvent en sol québécois depuis plusieurs années, s'y étant installées en contravention des lois sur l'immigration, et ce, alors qu'elles étaient mineures.

I.          CONTEXTE

[5]           En octobre 2012, l'appelante, citoyenne canadienne domiciliée au Québec, entreprend, auprès de la Cour du Québec, les démarches judiciaires relatives à l'adoption de ses deux neveux, les mis en cause X et Y. Ces derniers sont originaires de Saint-Vincent-et-Les-Grenadines, où ils ont vécu avec leurs grands-parents (qui sont aussi les parents de l'appelante) depuis leur naissance[1], ou à peu près, jusqu'en juillet 2009. C'est alors qu'ils arrivent au Canada, comme touristes[2], ayant en main une lettre de leurs parents les autorisant à visiter leur tante. Leur séjour, qui devait - du moins ostensiblement - ne durer qu'un mois, histoire de donner un peu de répit aux grands-parents, se prolonge. De fait, les deux jeunes hommes (qui ont 16 et 14 ans à l'époque) ne retourneront jamais dans leur pays d'origine. L'appelante n'ayant pas fait le nécessaire pour régulariser leur situation auprès des autorités de l'immigration, ils demeurent au Canada illégalement, dans la semi-clandestinité que décrit le paragraphe suivant du jugement de première instance :

[13]      Les personnes majeures habitent avec la requérante depuis leur arrivée au Canada. Cependant, n'ayant pas de statut de résidents permanents au Canada, ils n'ont ni carte d'assurance maladie ni carte d'assurance sociale et n'ont jamais été inscrits à l'école. Leur scolarisation s'est limitée à suivre des cours de français, d'anglais et de mathématiques, du lundi au vendredi de 18 heures à 20 heures, à l'Association A.

[6]           Selon son témoignage au procès, c'est après les avoir côtoyés quelques semaines et développé pour eux une grande affection que l'appelante a formé le projet d'adopter ses neveux, enfants abandonnés depuis longtemps et qui seraient sans contact avec leurs parents. Ce projet aurait tenu compte également de l'incapacité croissante des grands-parents, âgés et malades, de prendre soin des deux adolescents. L'appelante, constatant qu'elle s'entendait bien avec ces derniers, aurait ainsi voulu prendre la relève, ayant de toute façon toujours contribué, par des envois périodiques d'argent ou de vêtements, à l'entretien de ses neveux durant leur enfance.

[7]           L'appelante a alors consulté un avocat[3] qui l'aurait guidée dans la mise en œuvre de son intention d'adopter.

[8]           En avril 2010, l'appelante a obtenu des parents de ses neveux une déclaration de consentement à l'adoption. Cette déclaration n'a cependant pas eu de suite immédiate, puisque ce n'est qu'à l'automne 2012 que seront entreprises les démarches nécessaires. Dans l'intervalle, l'appelante a, dit-elle, continué de prendre soin de ses neveux comme s'il s'agissait de ses fils, ceux-ci la considérant comme une mère, affirment-ils de leur côté.

[9]           En octobre 2012, l'appelante, conformément à l'article 545 du Code civil du Québec (« C.c.Q.»), demande à adopter X, l'aîné, majeur depuis le [...] 2011 (dossier 525-43-006502-120). Elle demande en même temps, mais en vertu de l'article 566 C.c.Q., une ordonnance de placement en vue d'adopter Y, toujours mineur (dossier 525-43-006500-124)[4]. Parallèlement, ce dernier, en date du 1er novembre 2012, présente à la Cour supérieure une requête indiquant qu'il souhaite la simple émancipation en vue d'« établir son propre domicile au Québec »[5]. Cette requête mentionne les procédures entreprises par l'appelante en vue du placement pour adoption. La Cour supérieure prononce l'émancipation le 20 novembre 2012.

[10]        Y étant devenu majeur au moment où les demandes d'adoption sont finalement entendues par la juge de première instance, le 25 mars 2013[6], la demande de placement se transforme en demande d'adoption d'une personne majeure[7].

II.         JUGEMENT, APPEL ET MOYENS D'APPEL

[11]        Le 16 décembre 2013, la juge de première instance rejette les requêtes de l'appelante. À son avis, les enfants se trouvant illégalement au Canada, ils ne peuvent y avoir leur domicile au sens des articles 75 et s. C.c.Q., ni même leur résidence. Du reste, rien ne les rattache véritablement au Québec. Cela étant, les dispositions du Code civil du Québec relatives à l'adoption locale des enfants, y compris des enfants majeurs (art. 545 C.c.Q.), ne leur sont pas applicables. L'appelante n'ayant par ailleurs pas respecté les règles de l'adoption internationale édictées par les articles 563 et s. C.c.Q., il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande. Subsidiairement, la juge estime que, de toute façon, la demande d'adoption ne respecte pas l'article 545 C.c.Q., l'appelante n'ayant pas « veillé au meilleur intérêt de ses neveux alors qu'en les gardant auprès d'elle sans statut au Canada, elle les privait du droit à l'éducation et du droit d'occuper un emploi »[8].

[12]        Essentiellement, la juge voit dans la manière dont l'appelante a agi un stratagème destiné à contourner les lois canadiennes et québécoises en matière d'immigration.

* *

[13]        L'appelante se pourvoit contre ce jugement. Elle soutient que la juge a commis nombre d'erreurs dans son analyse des dispositions législatives relatives à l'immigration, omettant entre autres choses de considérer que X et Y pourraient être autorisés à demeurer au Canada et y obtenir la résidence permanente pour des raisons humanitaires, en vertu des politiques applicables[9].

[14]        L'appelante soutient également que la juge a erré en faisant primer les lois régissant l'immigration sur les dispositions du Code civil du Québec en matière de domicile et de résidence. Elle se serait en conséquence trompée en concluant que X et Y ne sont pas domiciliés au Québec ou n'y résident pas. Elle aurait enfin indûment considéré qu'il s'agissait ici d'une adoption internationale, alors que c'est d'une adoption locale qu'il est question, et plus précisément d'une adoption conforme à l'article 545 C.c.Q., ainsi qu'on l'a reconnu dans l'affaire E.M.V.D.[10], où une démarche semblable à celle de l'espèce a été reçue favorablement par le tribunal[11].

[15]        De son côté, l'intimée fait valoir que les enfants, jusqu'à leur majorité, étaient domiciliés là où leurs tuteurs (en l'occurrence leurs parents, selon toute vraisemblance) se trouvaient, c'est-à-dire à Saint-Vincent. Ils y sont toujours domiciliés, d'ailleurs, puisque « l'atteinte de la majorité n'a pas eu pour effet de changer [leur] domicile puisqu'ils sont illégalement en sol québécois »[12]. Le seul fait de leur présence physique au Québec ne permet pas de conclure à changement de domicile, ce qui est une question de droit et non de fait.

[16]        Par ailleurs, plaide l'intimée, même si l'on reconnaissait que les enfants sont domiciliés au Québec, leur adoption ne pourrait se faire qu'en conformité avec 1° les règles en vigueur à Saint-Vincent en ce qui concerne le consentement et l'admissibilité à l'adoption (art. 3092 C.c.Q.) et 2° les exigences des articles 563 à 565 C.c.Q.[13], exigences auxquelles le passage du temps ne permet pas d'échapper. Or, l'appelante n'ayant pas fait la preuve de la loi de Saint-Vincent en ce qui concerne le consentement et l'admissibilité à l'adoption et n'ayant pas non plus respecté les articles 563 à 565 C.c.Q., la juge n'avait d'autre choix que de rejeter sa demande. La Cour devrait de même rejeter le pourvoi. Enfin, et quoi qu'il en soit des règles de l'adoption internationale, s'il fallait plutôt considérer l'affaire sous l'angle de l'article 545 C.c.Q, l'on devrait constater que la condition que prévoit le premier alinéa de cette disposition n'est pas remplie, l'appelante n'ayant pas assumé le rôle de parent auprès des mis en cause. Quant à l'application du second alinéa, l'avocate de l'intimée, à l'audience, précise qu'elle ne se prononce pas.

III.        ANALYSE

[17]        Quoique, en tout respect, je ne partage pas le point de vue de la juge de première instance sur la détermination du domicile des enfants et l'application des articles 563 à 565 C.c.Q. à des personnes désormais majeures, j'estime néanmoins, comme elle, qu'il n'y a pas lieu de prononcer l'adoption que souhaite l'appelante.

A.        Domicile et immigration

[18]        La question du domicile des enfants est cruciale, puisque, s'ils sont domiciliés à l'étranger, les règles régissant leur admissibilité à l'adoption et le consentement à cette mesure seront celles de la loi étrangère que désigne l'article 3092 C.c.Q. (étant entendu que la saisine des tribunaux québécois serait alors justifiée par l'article 3147 C.c.Q., l'appelante, qui présente la demande d'adoption, étant, elle, domiciliée au Québec).

[19]        Voici les principales dispositions que le Code civil du Québec consacre au domicile et à la résidence[14] :

75.       Le domicile d'une personne, quant à l'exercice de ses droits civils, est au lieu de son principal établissement.

75.       The domicile of a person, for the exercise of his civil rights, is at the place of his principal establishment.

76.       Le changement de domicile s'opère par le fait d'établir sa résidence dans un autre lieu, avec l'intention d'en faire son principal établissement.

            La preuve de l'intention résulte des déclarations de la personne et des circonstances.

76.       Change of domicile is effected by a person establishing his residence in another place with the intention of making it his principal establishment.

            The proof of such intention results from the declarations of the person and from the circumstances of the case.

77.       La résidence d'une personne est le lieu où elle demeure de façon habituelle; en cas de pluralité de résidences, on considère, pour l'établissement du domicile, celle qui a le caractère principal.

77.       The residence of a person is the place where he ordinarily resides; if a person has more than one residence, his principal residence is considered in establishing his domicile.

78.       La personne dont on ne peut établir le domicile avec certitude est réputée domiciliée au lieu de sa résidence.

            À défaut de résidence, elle est réputée domiciliée au lieu où elle se trouve ou, s'il est inconnu, au lieu de son dernier domicile connu.

78.       A person whose domicile cannot be determined with certainty is deemed to be domiciled at the place of his residence.

            A person who has no residence is deemed to be domiciled at the place where he lives or, if that is unknown, at the place of his last known domicile.

[…]

(…)

80.       Le mineur non émancipé a son domicile chez son tuteur.

            Lorsque les père et mère exercent la tutelle mais n'ont pas de domicile commun, le mineur est présumé domicilié chez celui de ses parents avec lequel il réside habituellement, à moins que le tribunal n'ait autrement fixé le domicile de l'enfant.

80.       An unemancipated minor is domiciled with his tutor.

            Where the father and mother exercise the tutorship but have no common domicile, the minor is presumed to be domiciled with the parent with whom he usually resides unless the court has fixed the domicile of the child elsewhere.

[20]        À cela, il faut ajouter l'article 171 C.c.Q. :

171.     Le mineur émancipé peut établir son propre domicile; il cesse d'être sous l'autorité de ses père et mère.

171.     An emancipated minor may establish his own domicile, and he ceases to be under the authority of his father and mother.

[21]        Selon la juge, les neveux de l'appelante, qui se trouvent sur le territoire québécois en violation des dispositions législatives fédérales et provinciales en matière d'immigration, ne peuvent y être domiciliés, c'est-à-dire y avoir leur principal établissement au sens de l'article 75 C.c.Q. :

[51]      Le terme « principal établissement » s'entend comme l'ensemble des éléments qui rattachent la personne à un lieu donné. Ces éléments sont, entre autres, la famille, la propriété, le travail, les études, etc. [renvoi omis.]

[52]      Or, dans les présents dossiers, rien ne rattache les personnes majeures au Québec si ce n'est le fait que leur tante y habite. Leur famille est à St-Vincent-et-les-Grenadines, ils n'ont pas de propriété ni de biens au Québec, ils n'y occupent pas un emploi et ne sont pas étudiants au Québec. Il ne reste donc que leur volonté de s'établir au Québec, ce qui n'est pas suffisant pour élire domicile.

[53]      Qui plus est, les personnes majeures ne peuvent être considérées comme résidents du Québec puisque bien qu’elles se trouvent sur le territoire, elles n’ont aucun statut et ne peuvent par conséquent y exercer leurs droits civils ou y établir le lieu de leur principal établissement.

[22]        La juge exclut aussi l'application de l'article 78 C.c.Q., estimant qu'« [u]ne personne ne peut pas élire domicile au Québec sans respecter les règles en matière d'immigration »[15].

[23]        On peut comprendre, sans doute, les raisons qui motivent ce propos. Avec égards, toutefois, l'affirmation me paraît trop absolue et je me permets de ne pas y souscrire.

[24]        La question de savoir où se trouve le domicile des neveux de l'appelante aurait été simple si on l'avait soulevée du temps de leur minorité. Les enfants mineurs sont en effet domiciliés de droit chez leur tuteur (art. 80, premier al., C.c.Q.), ou chez celui de leurs parents avec lequel ils résident habituellement (art. 80, second al.), ou encore au lieu désigné par le tribunal (art. 80, second al., in fine). Le législateur énonce ainsi une sorte de présomption absolue quant au lieu du domicile de l'enfant mineur, qui peut même relever de la fiction juridique lorsque, pour une raison ou une autre, cet enfant ne réside pas physiquement au lieu désigné par cette disposition. Cette présomption ou cette fiction cessent d'avoir effet au moment où l'enfant devient majeur.

[25]        En l'occurrence, l'appelante n'était pas et n'a jamais été la tutrice de ses neveux, qui ne lui ont pas été confiés à ce titre. On peut supposer (quoique la preuve soit muette sur ce point) que leurs parents (ou leurs grands-parents) en étaient les tuteurs, aucun jugement n'ayant autrement fixé le lieu de leur domicile. À l'époque de leur minorité (et sous réserve de l'émancipation de l'un d'eux), ils n'étaient donc pas domiciliés chez l'appelante, mais encore, de droit, à Saint-Vincent, nonobstant leur présence physique au Québec.

[26]        Cela signifie que si l'appelante avait, par exemple en 2010, institué des procédures d'adoption, celles-ci auraient été régies par les articles 563 à 565 C.c.Q. (adoption par une personne domiciliée au Québec d'enfants domiciliés hors du Québec, en l'occurrence à Saint-Vincent) et 3092 C.c.Q. (désignation de la loi applicable au consentement et à l'admissibilité à l'adoption, en l'occurrence celle de Saint-Vincent).

[27]        Maintenant qu'ils sont majeurs et, dans le cas du plus jeune, depuis qu'il est émancipé, les enfants sont toutefois domiciliés, de droit, « au lieu de [leur] principal établissement », conformément à l'article 75 C.c.Q. (« the place of [their] principal establishment »). Au moment où ils atteignent la majorité (ou l'émancipation), ils passent du régime juridique de l'article 80 C.c.Q. - qui établit le domicile en fonction de la situation d'un tiers, parent ou tuteur (sous réserve d'une décision judiciaire) - au régime juridique de l'article 75 C.c.Q. - qui établit le domicile en fonction de leur réalité personnelle. La question que l'on doit se poser n'est donc pas celle du changement de domicile, régi par l'article 76 C.c.Q.

[28]        Cela étant, quel est le lieu du principal établissement des enfants au sens de l'article 75 C.c.Q., et donc leur domicile? Comme le rappelle la Cour dans Thérien c. Pellerin[16], sous la plume du juge Baudouin, cette « notion complexe […] regroupe deux éléments, soit, d'une part, un élément volitif (l'intention de faire d'un endroit son principal établissement) et, d'autre part, un élément matériel constitué par un ensemble de gestes et de comportements permettant de concrétiser cette intention ».

[29]        On sait que, pour la juge de première instance, ni l'un ni l'autre de ces éléments n'est présent : à son avis, quoiqu'ils se trouvent physiquement au Québec, les enfants n'y ont ni biens, ni emploi, ni occupation légitime et leur intention - pourtant reconnue - de s'y établir ne peut suffire, puisqu'ils sont à tout moment exposés au renvoi en raison de leur statut (ou absence de statut) en vertu des lois sur l'immigration.

[30]        Évidemment, l'on ne niera pas que le fait d'avoir famille, emploi et biens dans un endroit où l'on se trouve ordinairement (et physiquement) de manière stable permet ordinairement de vérifier que l'on a dans ce lieu son principal établissement et, de même, l'intention idoine. Il ne peut pour autant s'agir de critères absolus et exclusifs. Si c'était le cas, il faudrait en effet conclure que, du moins au regard de notre droit, les neveux de l'appelante, qui ne seraient pas domiciliés au Québec selon le jugement de première instance, ne le seraient pas davantage à Saint-Vincent, seul autre état de rattachement possible. En effet, non seulement ne se trouvent-ils physiquement pas dans ce pays, et ce, depuis plusieurs années, mais ils n'y étudient pas, n'y travaillent pas, n'y ont pas de biens et n'ont aucunement l'intention d'y retourner, ayant plutôt celle de s'établir en permanence au Québec, où ils vivent. Ils ont à Saint-Vincent, il est vrai, de la famille[17], mais celle-ci, selon ce qu'indique la preuve, est constituée de leurs grands-parents (dont on ignore l'état actuel) et de leurs parents, ces derniers les ayant cependant abandonnés.

[31]        Je ne suis pas encline à conclure ainsi. Aux fins du Code civil du Québec, une personne a nécessairement un domicile, c'est-à-dire un établissement principal, et si elle n'en a pas, ce code lui en attribue un par présomption (voir infra).

[32]        Par ailleurs, il me semble que la juge, pour trancher la question du domicile, a usé ici de critères sans doute usuels, mais mal adaptés à la situation des neveux de l'appelante. L'analyse qui doit être faite aux fins de l'article 75 C.c.Q. est forcément contextuelle; or, l'on n'a guère accordé d'importance, ici, au contexte assez singulier de l'affaire, qui ne peut se résumer au seul constat que les enfants ont violé les lois sur l'immigration en restant au Québec au terme de leur séjour comme visiteurs.

[33]        Le jugement de première instance, quoiqu'il fasse la distinction entre domicile et résidence, semble également, soit dit en toute déférence, ignorer l'article 77 C.c.Q., que je reproduis de nouveau par commodité :

77.       La résidence d'une personne est le lieu où elle demeure de façon habituelle; en cas de pluralité de résidences, on considère, pour l'établissement du domicile, celle qui a le caractère principal.

77.       The residence of a person is the place where he ordinarily resides; if a person has more than one residence, his principal residence is considered in establishing his domicile.

[Je souligne.]

 

[34]        La résidence, selon la jurisprudence et la doctrine, se rattache aux faits. Elle est de prime importance lorsqu'il s'agit de déterminer le domicile d'un individu, dont elle est, en pratique, un indicateur fort. Bien sûr, une personne peut avoir plusieurs résidences, alors qu'elle ne peut avoir qu'un seul domicile; bien sûr, une personne peut être domiciliée ailleurs que là où elle réside ordinairement (voir l'art. 79 C.c.Q., par exemple). Il reste qu'on observe généralement une coïncidence entre le domicile et la résidence, et, certainement, le domicile et la résidence principale[18], ainsi que l'indique l'article 77 C.c.Q.

[35]        Dans le cas d'une personne majeure, la détermination du domicile, aux fins de l'article 75 C.c.Q.[19], passe en effet par celle de la résidence. Et, pour répondre à la question de savoir où réside une personne, il faut, selon l'article 77 C.c.Q., se demander où elle « demeure de façon habituelle » (« where he ordinarily resides »), expression qui sous-tend une certaine stabilité ou qui vise un établissement s'inscrivant dans la durée et excluant le séjour d'occasion (vacances, voyage d'affaires, passage temporaire, etc.)[20]. Qu'en est-il ici des enfants?

[36]        En l'espèce, il n'y a qu'une seule réponse : ils demeurent de façon habituelle au Québec (et plus précisément Ville A), et ce, depuis cinq ans (quatre au moment du procès sur l'adoption), l'aîné y résidant de son propre choix depuis août 2011 et le plus jeune, depuis son émancipation en novembre 2012. Ils y ont de la famille, c'est-à-dire l'appelante, leur tante, chez qui ils logent en permanence, et c'est là qu'ils gardent les quelques biens dont ils sont propriétaires. Ils y fréquentent en outre non pas une école du système régulier, mais un endroit où on leur prodigue un enseignement (notamment le français) destiné à favoriser leur intégration.

[37]        En outre, et c'est l'élément volitif, ils ont, cela n'est pas contesté, l'intention de faire du Québec, lieu de leur résidence habituelle, celui de leur principal établissement, intention qui correspond à leurs faits et gestes. La juge est d'avis que cette intention est insuffisante, mais elle n'en nie pas l'existence, la reconnaissant, plutôt.

[38]        On pourrait donc conclure sur cette double base que les neveux de l'appelante, quant à l'exercice de leurs droits civils, sont bel et bien domiciliés au Québec, lieu de leur seule résidence qui est aussi leur principal établissement, où se déroule leur vie. Encore une fois, la situation serait tout autre si l'on avait affaire à des mineurs, dont le domicile dépend des critères purement légaux énoncés à l'article 80 C.c.Q. Mais il s'agit maintenant de majeurs, dont le domicile est déterminé en fonction de l'article 75 C.c.Q., qui commande l'examen d'éléments matériels et intentionnels étrangers à l'article 80.

[39]        J'ajoute que, même si j'examinais la question sous l'angle de l'article 76 C.c.Q. (changement de domicile), j'en viendrais à la même conclusion, la preuve établissant de manière prépondérante les éléments matériel et volitif du changement, éléments qui convergent ici. De ce point de vue, la situation des neveux de l'appelante diffère de celle des parties dans Winnycka c. Oryschuk[21], affaire qui traite des conditions du changement de domicile en vertu de ce qui était à l'époque l'article 80 du Code civil du Bas-Canada et qui est aujourd'hui l'article 76 C.c.Q. Dans cet arrêt, la Cour conclut que des personnes (majeures) ayant quitté la Pologne avec l'intention ferme de ne jamais y retourner y étaient pourtant encore domiciliées au moment de leur mariage. Cette affaire vise une situation transitoire : désireux de quitter la Pologne après la Seconde Guerre mondiale, les parties s'installent provisoirement en Autriche en 1948, en attendant de pouvoir émigrer en France ou au Canada. Elles profitent cependant de leur séjour en Autriche pour s'y épouser, sans contrat de mariage cependant. Elles s'établissent peu après au Canada. La question se pose de savoir quel est leur régime matrimonial. Le droit de leur domicile au moment du mariage réglant la question, il s'agit donc de déterminer le lieu de ce domicile. La Cour conclut que, au moment pertinent, les parties n'étaient pas domiciliées en Autriche, bien qu'elles s'y soient physiquement trouvées, car elles n'y étaient qu'en transit, n'ayant aucunement l'intention de s'y établir, et entendaient plutôt quitter ce pays « dès que l'occasion s'en présenterait »[22] (ce qu'elles ont fait, du reste). Elles étaient donc encore domiciliées en Pologne, leur changement de domicile ne s'étant pas effectué complètement. Il ne suffit pas d'abandonner, dans les faits, son premier domicile pour en changer, encore faut-il s'établir dans un autre lieu dont on entend faire son principal établissement, tranche la Cour. Or, au moment où elles se sont épousées en Autriche, les parties n'y étaient pas établies et n'avaient pas non plus l'intention de le faire.

[40]        La même approche avait été retenue précédemment par la Cour suprême du Canada dans Trottier v. Rajotte[23], où l'on décide que :

Before proceeding to discuss the facts, it, perhaps, ought to be added that a domicile of origin is not lost by the fact of the domiciled person having left the country in which he was so domiciled with the intention of never returning. It is essential that he shall have acquired a new domicile, that is to say, that he shall in fact have taken up residence in some other country with the fixed, settled determination of making it his principal place of residence, not for some particular purpose, but indefinitely.[24]

[41]        Cela étant, on conclut que des québécois mariés en 1928 aux États-Unis, alors qu'ils y résident à des fins de travail (depuis 5 et 6 ans respectivement), n'y ont pas établi leur domicile, puisqu'ils ont fait défaut de démontrer qu'il s'agissait là de leur « permanent residence “general and indefinite in its future contemplation” »[25]. La preuve, il faut dire, était maigre, ainsi que le souligne la Cour, sous la plume du juge Duff[26], puisqu'on ignorait tout des conditions de vie de l'époux (dont le domicile déterminait à l'époque celui de l'épouse) : « Had he a house?, se demande la Cour, Was he living in lodgings? Had he anything in the nature of permanent employment? ». Qui plus est, ajoute la Cour, le témoignage de l'époux n'établissait aucunement « that he had a fixed settled intention to make his permanent residence either at Bristol or in the state of Connecticut »[27].

[42]        Je ne suis pas certaine qu'une telle situation factuelle mènerait aujourd'hui à la même conclusion (sans parler de la question du domicile de l'épouse) ou qu'on aurait les mêmes exigences en termes de preuve (voir, par contraste, Droit de la famille - 647[28]), mais, quoi qu'il en soit, la situation de l'espèce diffère.

[43]        Depuis sa majorité, en 2011, l'aîné des neveux a choisi de s'établir de façon permanente au Québec, où il demeure dans les faits depuis plusieurs années. Il en va de même du plus jeune, depuis son émancipation en 2012. À la différence des époux Winnycka et Oryschuk ou Rajotte, qui n'avaient pas l'intention de s'établir dans le pays où ils s'étaient mariés, l'intention des enfants est ferme et claire : leur volonté n'est pas d'être ici en transit et, quoiqu'ils connaissent la précarité de leur statut au regard des lois sur l'immigration, ils entendent rester ici et faire le nécessaire dans ce but. Ils n'ont pas l'intention de retourner à Saint-Vincent, où ils n'ont plus d'attaches (sauf les attaches biologiques qui les lient à des parents qui les ont abandonnés et à des grands-parents ne pouvant plus s'en occuper).

[44]        Cela dit, que l'on applique seulement l'article 75 ou l'article 76 C.c.Q., si l'on estime que l'intention véritable des enfants est difficile à saisir ou que, faute d'éléments de rattachement suffisamment nombreux ou stables (emploi, études, biens, etc.), on ne peut déterminer avec certitude le lieu de leur principal établissement, il faut alors s'en remettre à l'article 78 C.c.Q.[29], que je reproduis de nouveau :

78.       La personne dont on ne peut établir le domicile avec certitude est réputée domiciliée au lieu de sa résidence.

            À défaut de résidence, elle est réputée domiciliée au lieu où elle se trouve ou, s'il est inconnu, au lieu de son dernier domicile connu.

78.       A person whose domicile cannot be determined with certainty is deemed to be domiciled at the place of his residence.

            A person who has no residence is deemed to be domiciled at the place where he lives or, if that is unknown, at the place of his last known domiciled.

[45]        Cette disposition énonce, en cascade, trois présomptions absolues, c'est-à-dire irréfragables, ainsi que l'indique l'emploi du terme « réputé », conformément à l'article 2847, 2e al., C.c.Q. :

Première présomption : si le domicile ne peut être établi avec certitude, il est réputé être au lieu de la résidence (laquelle est définie par l'art. 77 C.c.Q.).

Seconde présomption : à défaut de résidence, le domicile est réputé être au lieu où se trouve la personne.

Troisième présomption : si le lieu où se trouve la personne est inconnu, son domicile est réputé être son dernier domicile connu.

[46]        En l'espèce, on pourrait vouloir s'en remettre à la première présomption : les enfants résident au Québec, puisque c'est là le lieu où, dans les faits, ils demeurent de façon habituelle au sens de l'article 77 C.c.Q. (« the place where they ordinarily reside », pour paraphraser la version anglaise), ce qui fait donc de ce lieu leur domicile au sens du premier alinéa de l'article 78 C.c.Q.

[47]        Mais si, pour une raison ou une autre, l'on jugeait que les enfants ne peuvent être considérés comme demeurant habituellement au Québec, on ne pourrait pas conclure pour autant qu'ils ont leur résidence à Saint-Vincent, où ils ne demeurent plus depuis plusieurs années, où ils ne sont jamais retournés et n'ont pas l'intention de retourner et où ils ne conservent rien de leur vie antérieure, sauf les liens biologiques mentionnés plus tôt[30]. Et s'ils ne résident ni au Québec ni à Saint-Vincent, alors, c'est la deuxième présomption qui s'enclenche : « à défaut de résidence », prescrit l'article 78, une personne est « réputée domiciliée au lieu où elle se trouve » (« at the place where he lives »). Or, il n'y a pas de doute que les neveux de l'appelante se trouvent à Ville A, au Québec, où ils vivent.

[48]        Comme le lieu où ils se trouvent et vivent n'est pas inconnu, la troisième présomption ne trouve pas application.

[49]        Bref, que ce soit par l'effet de l'article 75 C.c.Q. ou par l'effet de l'une ou l'autre des deux premières présomptions édictées par l'article 78 C.c.Q., le domicile des enfants est donc au Québec.

[50]        Quelle importance, cependant, donner dans ce cadre au fait qu'ils se trouvent illégalement en territoire québécois? Je ne peux me convaincre que, aux fins du Code civil du Québec et de l'exercice des droits qui en sont issus, les lois sur l'immigration puissent automatiquement et sans autre considération faire échec à l'établissement du domicile dans la province, et moins encore qu'elles puissent faire échec aux présomptions absolues énoncées par l'article 78 C.c.Q.

[51]        Bien sûr, je n'affirme pas que ces lois n'ont rien à voir avec la détermination de la résidence ou du domicile d'une personne ou avec l'évaluation de l'intention de celle-ci de demeurer dans un lieu plutôt qu'un autre. Certainement, c'est là un facteur à considérer. Mais, aux fins des articles 75 et s. C.c.Q. et de l'exercice des droits contenus au Code civil du Québec, ce ne peut être l'unique critère et encore moins un critère déterminant à lui seul.

[52]        De ce point de vue, je suis entièrement d'accord avec les propos suivants du professeur Goubau :

317 - Le domicile, contrairement à la résidence, « a un effet de centralisation juridique ». Sa portée n'est cependant pas absolue puisque le « principal établissement », dont traite l'article 75 C.c.Q., ne vaut que pour le droit civil. Il a ses caractères propres, ce qui oblige à le distinguer des domiciles spéciaux prévus par la loi, notamment par le droit statutaire. […][31]

[Je souligne.]

[53]        Et plus loin :

[…] Les tribunaux sont beaucoup plus réservés en ce qui a trait à l'acquisition du statut d'immigrant, distinguant soigneusement statut civil et statut politique (voir Trahan c. Vézina, précité, note 60; Cicchillitti c. Hormaza, précité, note 48; Feltrinelli c. Barzini, précité, note 44 et Droit de la famille - 2032, précité note 61). Si le fait d'être sous le coup d'une ordonnance de déportation n'emporte pas, pour la personne concernée, la perte de son domicile, le fait d'avoir obtenu le statut d'immigrant n'emporte pas non plus, en soi, l'intention de s'établir au Canada de façon permanente.[32]

[54]        Jumelant ces deux passages et m'avançant un pas plus loin, j'estime que le fait de n'avoir pas obtenu le statut d'immigrant au Canada ou le fait de l'irrégularité du statut d'une personne au regard des lois sur l'immigration n'emporte pas, en lui-même, l'impossibilité d'établir un domicile au Québec, du moins aux fins du Code civil du Québec et en l'absence d'une disposition législative à l'effet contraire. En particulier, ce seul fait ne peut empêcher l'application de l'article 78 C.c.Q.

[55]        Bref, la détermination du domicile au sens des articles 75 et s. C.c.Q. ne dépend pas des lois sur l'immigration et celles-ci n'ont pas préséance.

[56]        Cette affirmation ne contredit aucunement les arrêts de notre cour qui, à quelques reprises, ont déjà indiqué que le déplacement illicite d'un enfant fait échec, en droit, au changement de son domicile[33]. Car il faut bien voir ce qu'on entend par là. D'une part, ces arrêts parlent d'enfants mineurs. D'autre part, le « déplacement illicite » dont il est question est celui qui est fait à l'instigation d'un parent et à l'insu ou sans le consentement de l'autre. Cela n'a rien à voir avec l'espèce. Que ce soit sous l'un ou l'autre rapport, les neveux de l'appelante, qui sont majeurs, sont venus au Canada avec le consentement de leurs parents, consentement dont ils n'ont plus besoin pour y demeurer.

[57]        Tout cela étant, je conclus que malgré l'irrégularité de leur statut au Canada et que ce soit en vertu de l'article 75 ou de l'article 78 C.c.Q., les enfants sont domiciliés au Québec, là où ils ont l'intention ferme de demeurer (l'élément volitif est donc présent et prédominant dans le contexte), là où est située leur seule résidence et là où ils se trouvent, avec leurs maigres biens et ce qui leur reste de famille, là où, désormais et depuis plusieurs années, se déroule leur vie.

[58]        Puisque l'appelante est également domiciliée au Québec, l'adoption de ses neveux, comme personnes majeures, devrait donc relever de l'article 545 C.c.Q. (c'est-à-dire du droit québécois local), et non des articles 563 à 565 C.c.Q. ou du droit de Saint - Vincent. J'emploie le conditionnel, cependant, car, avant de conclure sur ce point, il me faut encore examiner les arguments suivants de l'intimée.

B.        Article 3092 C.c.Q. et application des articles 563 à 565 C.c.Q.

[59]        Selon l'intimée, en effet, même si les enfants sont domiciliés au Québec, l'on doit écarter l'application de l'article 545 C.c.Q. L'appelante aurait en effet délibérément retardé le moment d'entamer les démarches judiciaires d'adoption, qu'elle aurait pu faire bien plus tôt, par exemple dès le printemps 2010, alors que ses neveux étaient encore mineurs et vivaient avec elle depuis plus de six mois. Il n'y aurait pas lieu de lui donner le bénéfice d'une stratégie destinée à contourner l'article 3092 C.c.Q. (disposition d'ordre public qu'il faut interpréter comme désignant le domicile de l'enfant au moment de sa minorité) et les articles 563 à 565 C.c.Q. (dispositions impératives). Le seul passage du temps ne peut permettre à l'appelante (et par ricochet aux enfants) de profiter d'un régime différent de celui qui se serait appliqué si elle avait fait diligence. Au soutien de cette proposition, l'intimée invoque l'arrêt Droit de la famille - 3403[34] et autres décisions allant dans le même sens.

[60]        Que penser?

[61]        En ce qui concerne l'adoption par des personnes domiciliées au Québec d'enfants mineurs domiciliés hors du Québec, la jurisprudence va dans le sens qu'indique l'intimée : 1° le régime prévu par les articles 563 à 565 C.c.Q. s'applique, le droit du domicile original de l'enfant régissant les conditions relatives au consentement et à l'admissibilité à l'adoption, ainsi que le prescrit l'article 3092 C.c.Q.; 2° tant que les enfants demeurent mineurs, même si leur domicile se déplace au Québec, c'est encore le droit de leur domicile original qui régit le consentement et l'admissibilité à l'adoption. C'est là ce que décide notre cour dans Droit de la famille - 3403, et ce, afin d'éviter que des parties ne cherchent ainsi à se dérober au régime mis en place par les articles 563 à 565 C.c.Q., régime qui vise à protéger les enfants et à empêcher qu'on en fasse le trafic ou qu'on les arrache intempestivement ou abusivement à leur pays et à leur famille d'origine.

[62]        Les faits de cet arrêt, brièvement, sont les suivants. Des adoptants se voient confier quatre enfants par les autorités marocaines, avec permission de les amener au Québec, ce qui est fait. Quelques années plus tard, les parents demandent en vertu des dispositions du droit québécois régissant l'adoption locale, une ordonnance de placement en vue d'une adoption, les enfants étant toujours mineurs. La Cour écrit :

[40]      Les adoptants prétendent que les enfants sont maintenant domiciliés au Québec et qu'en conséquence on doit ignorer les règles particulières applicables à l'adoption des enfants domiciliés à l'étranger (art. 563 à 566 C.c.Q.). Selon eux, les autorités marocaines, en leur confiant les enfants, ont consenti au changement de leur domicile. De plus, l'article 80 C.c.Q. prévoit que les enfants mineurs sont domiciliés chez leur tuteur.

[…]

[43]      Il me paraît incontestable que les enfants sont domiciliés au Québec. Ils y vivent en permanence et, pour l'exercice de leurs droits civils et politiques, on ne pourrait certes leur opposer l'absence de domicile au Québec. Je ne comprends pas la prétention de l'intimé à l'effet que ces enfants, vivant au Québec et détenant la citoyenneté canadienne (pour deux d'entre eux), continueraient jusqu'à la fin de leurs jours à être domiciliés au Maroc. Cela étant, peut-on tenir compte de ce domicile actuel pour les fins de leur adoption?

[…]

[45]      Il est indéniable que la question du domicile des enfants ne se poserait pas si les procédures en adoption avaient immédiatement suivi leur arrivée au Canada.

[46]      Le passage du temps (près de 11 ans depuis l'arrivée de la première enfant) suffit-il à lui seul à modifier les conditions d'admissibilité à l'adoption?

[…]

[50]            Le couple Q...-C... a entrepris ses procédures d'adoption dans ce cadre et on ne saurait faire échec à ces règles mises en place pour la protection des enfants en invoquant le passage du temps ou, encore, la nomination d'un tuteur.

[51]            Je ne suis donc pas d'avis qu'on puisse invoquer le domicile actuel des enfants pour prétendre que l'adoption doive se faire en ignorant les règles relatives à l'adoption internationale.[35]

[Je souligne.]

[63]        L'intimée nous invite transposer ces propos au cas d'enfants majeurs, par extrapolation. Cela signifierait que, même si les neveux de l'appelante sont aujourd'hui domiciliés au Québec, on ne peut les soustraire, par le seul effet du temps, aux règles prescrites par le Code civil du Québec en matière d'adoption internationale. On doit plutôt leur appliquer les 3092 et 563 à 565 C.c.Q. comme si les procédures d'adoption avaient suivi leur arrivée au Québec, alors qu'ils étaient mineurs et donc, aux fins de ces dispositions, encore domiciliés à Saint-Vincent.

[64]        Autrement dit, selon l'intimée, si l'appelante avait entamé le processus d'adoption plus tôt, alors que ses neveux étaient mineurs et domiciliés à Saint-Vincent[36], elle aurait dû se conformer à l'article 3092 C.c.Q. Elle aurait dès lors dû se plier également aux exigences des articles 563 à 565 C.c.Q. Elle doit toujours le faire et ne peut pas recourir aujourd'hui aux règles (de fond) de l'adoption locale québécoise (en l'occurrence l'art. 545 C.c.Q.) en profitant de ce qu'elle a volontairement repoussé le moment d'entamer ses démarches, qui visent maintenant des enfants majeurs.

[65]        Je reconnais que la proposition n'est pas dépourvue d'intérêt.

[66]        Je n'arrive cependant pas à me convaincre de sa justesse. Je me heurte en effet au fait que les enfants, adoptés prospectifs, sont des personnes majeures. La logique défendue par l'intimée a toute sa force dans le cas d'enfants mineurs, tel que la Cour l'a d'ailleurs reconnu. Elle en a moins quand il s'agit de personnes majeures.

[67]        D'abord, quant à l'idée d'appliquer toujours la loi du domicile original du futur adopté, telle que désignée par l'article 3092 C.c.Q., elle me paraît, et je le dis avec égards, incongrue dans le cas de personnes majeures. Si le futur adopté, majeur de son état, est domicilié au Québec, tout comme le futur adoptant, il n'y a pas de raison de recourir aux règles de conflit de lois, et ce, même si la loi étrangère avait pu s'appliquer du temps de sa minorité.

[68]        Ensuite, les raisons qui président au régime prévu par les articles 563 à 565 C.c.Q. dans le cas de personnes mineures (protection des enfants, lutte contre le trafic d'enfants ou leur déracinement) ne s'appliquent pas aux personnes majeures, qui sont présumées être maîtresses d'elles-mêmes et avoir la capacité de promouvoir et protéger leur propre intérêt. Je n'affirme évidemment pas ici qu'il ne faut pas combattre le trafic de personnes majeures ou la possibilité d'une commercialisation de l'adoption de telles personnes, mais ce n'est pas en leur appliquant le régime des articles 563 à 565 C.c.Q. qu'on réglera ces problèmes.

[69]        Car la proposition de l'intimée se bute à autre obstacle : les articles 563 à 565 C.c.Q. n'ont pas été conçus pour les personnes majeures et les mécanismes qu'on y prévoit ne sont pas adaptés à la situation de celles-ci.

[70]        D'une part, ces dispositions ont été inspirées par celles de la Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, qui ne visent que les enfants n'ayant pas atteint l'âge de 18 ans[37]. D'autre part, et plus spécifiquement, l'article 563 est inapplicable au majeur; il en va de même de l'article 564, qui oblige l'adoptant à recourir à un organisme agréé en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse[38] (loi qui ne s'applique qu'aux personnes de moins de 18 ans[39]), sauf si la situation est visée par un certain arrêté (il s'agit, pour la période en cause, de l'Arrêté numéro 2005-019 du ministre de la Santé et des Services sociaux en date du 21 décembre 2005, qui renvoie également à la Loi sur la protection de la jeunesse et établit un processus qui ne peut viser que des enfants mineurs). Quant à l'article 565, son libellé même renforce l'idée qu'il ne s'agit pas d'une disposition applicable aux enfants majeurs. Ainsi, il y est question d'une ordonnance de placement, laquelle ne peut être prononcée que dans le cas des enfants mineurs (art. 566 C.c.Q.), il y est question aussi de la Convention sur la protection des enfants, qui ne concerne que les enfants mineurs, comme on le sait. Il serait hasardeux de conclure que la disposition s'applique pour le reste aux enfants majeurs.

[71]        En somme, je ne vois pas comment l'on pourrait artificiellement assujettir des personnes majeures aux exigences des articles 563 à 565 C.c.Q.

[72]        Pour toutes ces raisons, j'estime que les arguments de l'intimée, s'ils sont justifiés dans le cas d'enfants mineurs, ne le sont pas dans le cas d'enfants majeurs.

[73]        Je conclus donc que, les enfants et l'adoptante étant domiciliés au Québec, l'adoption des premiers par la seconde tombe sous le coup de l'article 545 C.c.Q.

C.        Article 545 C.c.Q. et adoption d'enfants majeurs

[74]        L'article 543, disposition qui chapeaute tout le chapitre de l'adoption, ainsi que l'article 545 C.c.Q. énoncent que :

543.     L'adoption ne peut avoir lieu que dans l'intérêt de l'enfant et aux conditions prévues par la loi.

            Elle ne peut avoir lieu pour confirmer une filiation déjà établie par le sang.

543.     No adoption may take place except in the interest of the child and on the conditions prescribed by law.

            No adoption may take place for the purpose of confirming filiation already established by blood.

545.     Une personne majeure ne peut être adoptée que par ceux qui, alors qu'elle était mineure, remplissaient auprès d'elle le rôle de parent.

            Toutefois, le tribunal peut, dans l'intérêt de l'adopté, passer outre à cette exigence.

545.     No person of full age may be adopted except by the persons who stood in loco parentis towards him when he was a minor.

            The court, however, may dispense with this requirement in the interest of the person to be adopted.

[75]        La situation de l'appelante et de ses neveux respecte-t-elle les critères présidant à l'adoption du majeur en vertu du premier alinéa de l'article 545 C.c.Q.? Dans la négative, y a-t-il lieu de passer outre et d'appliquer le second alinéa?

[76]        Le professeur Alain Roy résume ainsi l'état du droit en matière d'adoption d'enfants majeurs[40] :

19.       Généralités - Puisqu'elle vise principalement à offrir un milieu de vie à l'enfant, on conçoit généralement l'adoption comme une démarche qui ne s'applique qu'aux seuls enfants mineurs. Or, le Code civil envisage également l'adoption d'une personne majeure. Évidemment, les règles relatives à l'adoption du majeur se distinguent de celles qui s'appliquent à l'adoption du mineur. D'abord, l'ouverture du dossier d'adoption du majeur ne dépend nullement du consentement des parents biologiques, encore moins d'une déclaration judiciaire d'admissibilité à l'adoption. Il ne saurait non plus être question de soumettre le majeur à une ordonnance de placement préalable. Compte tenu des conditions imposées par le Code civil, on ne saurait cependant assimiler l'adoption du majeur à un acte de pure volonté entre l'enfant et ses adoptants.

20.       Adoption de fait durant la minorité - Outre les exigences de nature procédurale qui encadre l'adoption du majeur, le législateur pose une condition particulière au premier alinéa de l'article 545 C.c.Q. : une personne majeure ne peut être adoptée que par ceux qui, alors qu'elle était mineure, remplissaient déjà auprès d'elle le rôle de parent. La loi ne permet donc l'adoption d'un majeur qu'à la condition que son « adoption de fait », selon l'expression autrefois utilisée dans le Code civil, ait eu lieu durant sa minorité.

            L'« adoption de fait » peut se définir par la prise en charge économique, physique, morale et psychologique de l'éducation d'une personne et par l'exercice factuel de toutes les obligations reliées au rôle parental. Cette définition s'accompagne toutefois d'un critère additionnel : l'adoption de fait par l'éventuel adoptant n'est possible que si les parents d'origine n'ont pas assumé leurs responsabilités parentales durant la minorité de l'enfant. Pour réussir dans sa démarche, le requérant doit faire la preuve d'un désengagement parental manifeste. Tel sera le cas, par exemple, si le parent d'origine a abandonné l'enfant durant la minorité ou s'il s'en est complètement désintéressé. […]

21.       Intérêt de l'enfant majeur - Le respect des prescriptions du premier alinéa de l'article 545 C.c.Q. n'oblige nullement le tribunal à accueillir la requête en adoption du majeur. Après avoir constaté l'« adoption de fait » au sens ci-dessus décrit, le tribunal devra évaluer le bien-fondé de la demande à la lumière du critère du meilleur intérêt de l'enfant. Comme l'affirme la Cour d'appel :

Le législateur a voulu éviter que, par automatisme, le tribunal doive rendre un jugement d'adoption par la seule constatation d'une adoption de fait. Ce rempart discrétionnaire que représente l'intérêt de la personne majeure, constitue un mode de contrôle par lequel le tribunal pourra mesurer le caractère sérieux de la demande et prévenir les abus possibles. […] En privilégiant une approche subjective, le tribunal évaluera la motivation et l'effet recherché selon les normes de la raisonnabilité. Le facteur prépondérant, dans l'évaluation de la motivation et de l'effet recherché, résidera dans la qualité et la durée des rapports entre les adoptants et la personne majeure qui constitueront des indices précieux susceptibles d'éclairer le tribunal en regard de l'intérêt de l'adopté.

            En s'en remettant au critère de l'intérêt de l'enfant, le tribunal pourra donc rejeter tout projet d'adoption dont la finalité première n'est pas d'attribuer au majeur une filiation à travers laquelle il pourra s'identifier et s'épanouir. Ainsi a-t-on déjà rejeté la demande en adoption d'une fille majeure par le couple qui, durant son adolescence, avait assumé auprès d'elle le rôle de famille d'accueil. Bien qu'il se soit dit satisfait du critère de l'« adoption de fait », le tribunal a estimé que l'enfant cherchait d'abord et avant tout à régler ses comptes avec sa mère biologique. Enceinte d'un enfant, la majeure entendait d'abord, par l'adoption, priver sa mère biologique du statut de grand-mère.

22.       Pouvoir discrétionnaire du tribunal - Conscient des besoins fondamentaux auxquels l'adoption peut répondre, le législateur permet au tribunal de passer outre à la condition de l'« adoption de fait », dans la mesure où l'intérêt du majeur le justifie. Prévue au deuxième alinéa de l'article 545 C.c.Q., cette disposition revêt un caractère d'exception et doit conséquemment faire l'objet d'une interprétation restrictive.

            En général, les tribunaux se prévaudront de la mesure d'exception afin de combler le vide parental dont pourrait souffrir le majeur. Ainsi, l'adoption d'un majeur arrivé seul au Canada à l'âge de 22 ans et n'ayant plus de relations avec les membres de sa famille d'origine restés en Roumanie fut-elle prononcée en faveur de l'homme qui l'avait pris en charge et qui avait contribué à l'éloigner de « personnes dont l'influence lui était dommageable ». En outre, un tribunal a déjà jugé qu'il était dans l'intérêt d'un enfant majeur, né de parents inconnus et ayant vécu sa minorité dans une multitude de familles d'accueil, d'être adopté par l'homme qu'il considérait maintenant comme son père et qui était en quelque sorte responsable de son développement socioaffectif. Dans une autre affaire, la Cour a accepté de faire droit à la demande présentée par un homme souffrant d'un cancer, désireux d'adopter la fille majeure de sa conjointe à l'égard de qui il n'avait pourtant pas assumé de responsabilités parentales dans le passé. La Cour s'est prévalue de la discrétion que lui accorde le législateur pour prononcer l'adoption post mortem, en raison des liens significatifs qui s'étaient établis entre l'enfant et l'adoptant au cours des dernières années de sa vie. On a également admis la requête en adoption d'un majeur de 21 ans par le nouveau conjoint de sa mère, bien que l'adopté (dont l'acte de naissance ne faisait état d'aucune filiation paternelle) n'ait connu ce dernier qu'à l'âge de 17 ans. Le tribunal a fait droit à la requête après avoir constaté que les deux autres enfants mineurs de la mère avaient déjà été adoptés par le requérant et qu'un troisième enfant était né de leur relation commune. Aux dires du juge, l'adoption représentait le seul moyen d'assurer au majeur une « égalité filiale » avec ses frères et sœurs mineurs.

[...]

            Si le tribunal peut déroger à la condition relative à l'« adoption de fait » pour des raisons qui relèvent de l'attachement, des sentiments et des besoins identitaires, il ne pourrait cependant s'y soustraire pour des considérations de nature économique. Celui qui, par exemple, voudrait adopter un enfant majeur dans le but de lui procurer les avantages résultant de son régime de pension, échouera dans sa demande. On ne saurait non plus recourir à l'exception prévue au second alinéa de l'article 545 C.c.Q. pour sanctionner la volonté d'un enfant de répudier un parent dont il ne veut plus ou dont il ne serait pas suffisamment fier. Comme l'écrit très justement la juge Nicole Bernier, « [l]'adoption est un moyen d'établissement d'une filiation et non un moyen pour un enfant de choisir le parent qui convient le plus à ses critères ou à ses caprices. […] L'enfant, même devenu majeur, demeure l'enfant de ses parents. Le choix de sa filiation ne lui revient pas.

[Renvois omis, soulignements ajoutés.]

[77]        Qu'en est-il de l'application de ces principes à l'espèce?

[78]        Vu la preuve au dossier, la conclusion s'impose : l'appelante n'a pas rempli auprès de ses neveux le rôle d'un parent au sens de l'article 545 C.c.Q., tel que l'entendent la jurisprudence et la doctrine, et l'intérêt de ces enfants ne justifie pas qu'ils soient adoptés par leur tante.

[79]        Sur le premier point, il faut d'abord noter la période somme toute assez courte pendant laquelle les enfants, du temps de leur minorité, ont vécu auprès de l'appelante. La durée n'est pas déterminante, certes, mais elle fournit tout de même un indice de la nature de la relation entre l'appelante et ses neveux. Dans la plupart des cas d'adoption d'un majeur, l'on a affaire à un adoptant prospectif qui a pris soin de l'enfant depuis sa petite enfance[41] ou pendant une assez longue période de temps[42]. Le facteur temps est important, puisqu'il conditionne l'établissement de la relation parent-enfant dans une situation comme celle-ci. Bien sûr, il n'est pas toujours nécessaire que l'« adoption de fait » ait duré très longtemps, mais, ici, la relative brièveté du lien allégué est à considérer. Je n'en dis pas plus, d'autres motifs justifiant de ne pas permettre l'adoption.

[80]        Considérant l'objet de l'article 545 C.c.Q., l'examen de la qualité du lien entre futurs adoptant et adopté est un élément définitionnel de celui-ci et permet de savoir si une personne a joué (ou non) le rôle d'un parent auprès d'une autre, pendant la minorité de cette dernière.

[81]        Or, l'appelante, certes, héberge ses neveux depuis 2009 et pourvoit en partie à leurs besoins. Peut-on pour autant parler d'une « adoption de fait »? Peut-on dire - et là-dessus, je suis en accord avec la juge de première instance - qu'elle a agi envers eux comme un parent l'aurait fait alors qu'elle les a laissés, depuis leur arrivée au Canada, dans une sorte de no man's land juridique, les faisant vivre dans cette semi-clandestinité dont je parlais plus tôt, les gardant en marge d'une éducation véritable, de l'accès aux soins de santé et de la possibilité d'occuper un emploi (ou, en tout cas, un emploi au grand jour), les exposant de surcroît au risque constant d'une expulsion, au vu de leur situation irrégulière au pays?

[82]        Par ailleurs, et surtout, la preuve de la relation parentale entre l'appelante et ses neveux est d'une affligeante pauvreté : il faut lire le témoignage de tous les intéressés pour voir la minceur véritable du propos. L'appelante peut bien affirmer que « our relationship is like mother and son »[43] et que leur relation est « very excellent and close »[44], les enfants peuvent bien affirmer respectivement que « she 's like a mother »[45] ou que « she has been like a mother to me »[46], mais tout cela manque singulièrement de substance. Aucun détail n'est fourni, on ne sait rien, ou presque, du quotidien des intéressés, de ce qu'ils ont pu faire ensemble, de la manière dont l'appelante, concrètement, s'est comportée envers ses neveux, de ce qu'elle a fait pour assurer leur subsistance, et ainsi de suite. L'appelante a eu toute la latitude voulue pour présenter une preuve à ce sujet, mais ne s'est pas déchargée du fardeau qui lui incombait.

[83]        La preuve ne montre pas que, sauf pour un certain soutien économique (limité d'ailleurs), l'appelante a offert à ses neveux une prise en charge morale, psychologique et éducative, tout en exerçant l'ensemble des obligations reliées au rôle parental, pour reprendre les termes précités du professeur Roy. L'on ne peut donc raisonnablement conclure que l'appelante a rempli auprès de ses neveux le rôle d'un parent, rôle qui ne se limite pas à héberger et nourrir autrui. Inutile de dire que le fait qu'elle est la tante des enfants ne peut, en tant que tel, établir l'existence de la relation parentale requise par le premier alinéa de l'article 545 C.c.Q.

[84]        Cela étant, cette disposition ne saurait permettre l'adoption.

[85]        Néanmoins, les enfants sont de bonne foi et sont les victimes d'une situation déplorable - on serait tenté de dire un guêpier - dans laquelle ils se trouvent bien malgré eux. Doit-on pour cette raison passer outre à l'exigence du premier alinéa de l'article 545 C.c.Q. et appliquer le second?

[86]        Je suis contrainte de répondre à cette question par la négative, la preuve n'ayant pas été faite qu'il était dans l'intérêt des enfants d'être adoptés par l'appelante.

[87]        Notre cour, dans Droit de la famille — 2015[47], écrit ceci à propos de ce qui deviendra l'article 545, second al., C.c.Q. :

            Même si une personne majeure possède la capacité juridique et est affranchie de toute autorité parentale, le législateur a estimé souhaitable que le critère de l'intérêt soit retenu dans l'examen judiciaire d'une demande d'adoption la concernant.

            Comme nous l'avons précédemment exposé, le texte de l'article 595 est clair. Il précise que l'adoption d'un enfant, qui inclut la personne majeure, ne peut se réaliser que dans le respect de son intérêt. De plus, l'article 597, alinéa 2 réintroduit expressément le concept de l'intérêt de l'adopté majeur dans le contexte particulier où il n'aurait pas été adopté de fait par les adoptants pendant sa minorité. Dès lors, l'intérêt peut être généralement substitué à une condition expresse fixée par la loi.

            Le législateur a voulu éviter que, par automatisme, le Tribunal doive rendre un jugement d'adoption par la seule constatation d'une adoption de fait. Ce rempart discrétionnaire, que représente l'intérêt de la personne majeure, constitue un mode de contrôle par lequel le Tribunal pourra mesurer le caractère sérieux de la demande et prévenir les abus possibles (adoption de fait réalisée dans l'année précédant la majorité, considérations financières, etc.). Évidemment, l'examen judiciaire de l'intérêt de la personne majeure ne sera pas envisagé de la même manière que celui devant gouverner l'adoption de l'enfant mineur. En privilégiant une approche subjective, le Tribunal évaluera la motivation et l'effet recherché selon la norme de la raisonnabilité. Le facteur prépondérant, dans l'évaluation de la motivation et de l'effet recherché, résidera dans la qualité et la durée des rapports entre les adoptants et la personne majeure qui constitueront des indices précieux susceptibles d'éclairer le Tribunal en regard de l'intérêt de l'adopté.[48]


[88]        Et la Cour de conclure que, dans cette affaire, il existait un tel intérêt :

            Conséquemment, le juge de première instance s'est correctement dirigé en considérant que l'intérêt de la personne majeure devait présider à la décision de faire droit ou de refuser une requête en adoption. Cependant, nous estimons erronée la détermination voulant que, dans les circonstances particulières de cette affaire, l'adoption n'était pas dans l'intérêt de la personne majeure. La volonté ferme de T..., le désir sincère exprimé par les adoptants, la concrétisation d'une adoption de fait réalisée par 15 années continues au cours desquelles l'éducation de T..., ses besoins matériels et affectifs ont été entièrement comblés par les adoptants, le désintéressement manifesté par le père biologique, révèlent, sans ambiguïté, que la requête en adoption devait être accordée.[49]

[89]        Qu'en est-il ici?

[90]        Le seul intérêt qu'évoque l'appelante dans son mémoire est le suivant :

70.       Despite their low level of economic establishment, the said children's best interests were better cared for and protected in Quebec than the poverty and despair they faced in St. Vincent.

[91]        D'une part, « the poverty and despair » en question n'ont pas été établis : on devine de la preuve que les grands-parents qui s'occupaient de X et de Y avant leur venue au Canada n'étaient pas riches, puisque l'appelante leur offrait une aide financière occasionnelle, mais l'on n'en sait guère plus. À l'audience, l'avocat de l'appelante et des enfants, tentant de décrire la situation qui serait celle de ses clients, a parlé d'entraide familiale en temps de crise. Cela n'est pas impossible, mais encore aurait-il fallu démontrer que la résolution de cette crise devait, dans l'intérêt des enfants, se résoudre par leur adoption par l'appelante. Or, la démonstration n'en a pas été faite.

[92]        D'autre part, le seul fait que le Canada offre, présumons-le, des possibilités et avantages que n'offrirait pas Saint-Vincent ne peut pas être considéré comme un élément qui, en lui-même, suffit à établir l'intérêt des enfants de passer outre à l'exigence formulée par le premier alinéa de l'article 545 C.c.Q.

[93]        L'on n'a pas affaire non plus à des raisons « qui relèvent de l'attachement, des sentiments et des besoins identitaires »[50]. Ce ne sont pas là les motifs invoqués au soutien de la demande d'adoption et la preuve squelettique faite à ce sujet en première instance ne permet pas d'inférer que tel serait le cas.

[94]        Par ailleurs, il faut souligner que c'est l'appelante qui est à l'origine de l'embarras dans lequel ses neveux se trouvent aujourd'hui et de la privation d'une vie normale depuis leur arrivée au Canada. Alors que d'autres voies s'offraient à elle[51], elle a choisi de les laisser dans une situation d'illégalité que l'adoption seule ne résoudra pas, ainsi que l'explique bien la juge de première instance.

[95]        En définitive, et c'est ce qui ressort essentiellement du dossier, l'intérêt des enfants se ramène à un seul élément : il serait préférable qu'ils demeurent au Canada.

[96]        Car, en effet, voici la situation dans laquelle ils se trouvent : avec l'accord de leurs parents et grands-parents, ils arrivent au Québec à 14 et 16 ans et y résident depuis lors. Aussi imparfaite soit-elle, leur vie est ici et n'est qu'ici, entièrement. Peut-on envisager de les renvoyer manu militari à Saint-Vincent, alors qu'ils n'y sont plus retournés depuis maintenant cinq ans, qu'ils n'y ont plus d'attaches véritables, affirment n'avoir plus de contact avec leurs parents et n'y ont que des grands-parents dont la situation relativement précaire ne s'est probablement pas améliorée avec le temps? Bien sûr, ils sont désormais majeurs et tenus pour aptes à prendre soin d'eux-mêmes, mais l'hypothèse paraît bien cruelle : ils n'ont pas d'éducation, pas d'argent, pas de qualifications professionnelles, etc. Comment pourraient-ils se débrouiller? Comme je le mentionnais plus tôt, ils sont victimes des choix faits par l'appelante et des mauvais conseils auxquels elle semble s'être fiée. Ce faisant, elle a, même sans mauvaise foi, placé ses neveux dans de bien mauvais draps. En voulant les aider, elle leur a également nui.

[97]        Cela, cependant, ne permet pas l'application du second alinéa de l'article 545 C.c.Q. Peut-être les enfants ont-ils intérêt à rester au Canada dans les circonstances, mais ce seul intérêt n'a rien à voir, ou bien peu, avec la filiation, la parentalité, l'identité ou les sentiments, ni, à vrai dire, avec l'institution de l'adoption. Autrement dit, on ne peut pas confondre leur intérêt à demeurer au Canada ou à éviter d'en être expulsés et leur intérêt à être adoptés.

[98]        Leur volonté d'être adoptés par l'appelante ne peut le justifier non plus : s'il suffisait, en tant que majeur, de consentir à l'adoption pour l'obtenir, aussi bien dire qu'il n'y aurait pas de contrôle judiciaire de cette forme d'adoption et que la filiation risquerait de devenir un objet juridique mouvant, voire volatil. Ce n'est pas ce qu'a voulu le législateur, manifestement, ce qui justifie l'interprétation restrictive que reçoit le second alinéa du même article[52]. L'adoption, qui concerne la filiation, sujet d'ordre public qui ne peut pas faire l'objet d'une transaction (art. 2632 C.c.Q.), ne peut devenir un simple acte de volonté et cette seule volonté ne peut être confondue avec l'intérêt de l'adopté prospectif aux fins du second alinéa de l'article 545 C.c.Q. On ne peut en effet pas lire ce texte comme une invitation à faire de l'adoption un acte de pure volonté entre l'enfant majeur et l'adoptant, selon leur appréciation souveraine de ce qui est dans l'intérêt du premier.

[99]        À mon avis, la situation des enfants, ici, n'est nullement comparable à celle qu'on retrouve dans la jurisprudence lorsqu'il s'agit - ce qui demeure somme toute assez rare - de faire droit à une demande d'adoption en vertu du second alinéa de l'article 545 C.c.Q.

[100]     Prenons-en pour exemple l'affaire Adoption (En matière d')[53]. Le jeune homme en cause vivait auprès du requérant, nouveau conjoint de sa mère, depuis environ quatre ans, c'est-à-dire depuis l'âge de 17 ans seulement. La juge écrit :

[7]                Force est de constater que la présente situation ne correspond pas au critère défini à l’art. 545 C.c.Q. soit que le requérant ait rempli auprès de X le rôle de parent alors qu’il était mineur puisque ce n’est que depuis l’âge de dix-sept (17) ans que le Requérant joue ce rôle auprès de X.

[8]                L’intérêt de X justifie-t-il de passer outre cette exigence?

[9]                La Cour d’Appel du Québec dans Droit de la famille-2015 [1994] R.J.Q. 1520, discute de l’intérêt d’un adopté majeur en ces termes :

[…]

[10]            Le Tribunal constate que les deux (2) autres enfants mineurs de la mère ont été adoptés par le Requérant. De plus, un (1) enfant est né de l’union entre le Requérant et la mère de X. Refuser l’adoption équivaudrait à faire de X le seul des six (6) enfants qui n’a pas légalement de père.

[11]            X a maintenant vingt et un (21) ans et a exprimé clairement sa volonté d’être adopté par le Requérant avec qui il a développé une relation père-fils depuis les quatre (4) dernières années où ils vivent ensemble.

[12]            Bien que la période pendant laquelle cette relation s’est développée puisse paraître courte, on ne peut en nier l’existence et la qualité.

[13]            C’est pourquoi le Tribunal estime qu’il est dans l’intérêt de X de passer outre à l’exigence de l’art. 545 du C.c.Q.

[101]     Autre exemple, celui de Droit de la famille — 3402[54]. Cette affaire concerne l'adoption d'une personne d'une cinquantaine d'années, sans famille, lourdement handicapée et hospitalisée en permanence. L'adoptante, bénévole là où la future adoptée réside, rencontre cette dernière en 1993, tisse graduellement avec elle une étroite relation d'affection, s'en occupe, la visite et obtient même d'être nommée curatrice à sa personne et à ses biens. Considérant l'intérêt de l'adoptée et le caractère totalement désintéressé de la démarche de l'adoptante, le juge permet l'adoption en vertu du second alinéa de l'art. 545 C.c.Q.

[102]     On peut voir encore Droit de la famille - 2256[55], affaire qui se rapproche davantage de la nôtre. Le juge y prononce l'adoption d'une personne majeure auprès de laquelle l'adoptant n'a pas agi comme un parent au sens du premier alinéa de l'art. 545 C.c.Q. L'adopté vit séparé de ses parents depuis l'âge de 16 ans. Il a immigré au Canada à l'âge de 21 ans, en 1992, et l'année suivante, s'est lié d'amitié avec l'adoptant, qui lui prodigue conseils et soutien, s'occupe activement de son éducation et de sa formation, l'aide matériellement et le reçoit chez lui. Les parents de l'adopté ne s'opposent pas à l'adoption. La preuve révèle, selon le juge, que l'intérêt subjectif de l'adopté va dans le sens de l'application du second alinéa de l'article 545 C.c.Q.

[103]     Dans Adoption - 09212[56], le juge, en vertu du second alinéa de l'article 545 C.c.Q., permet, en ces termes, l'adoption d'une enfant majeure :

[39]        La Cour doit d'abord, en regard de la situation qui lui est soumise, apprécier si le requérant a rempli auprès de l’enfant devenue majeure le rôle de parent au cours de sa minorité.

[40]        La preuve révèle que c'est depuis l'âge de quinze (15) ans que la personne majeure connaît le requérant. 

[41]        Les liens sont cependant significatifs et leurs sentiments réciproques. La personne majeure n'étant pas pourvue d'une filiation paternelle, elle a retrouvé chez le conjoint de sa mère ce lien paternel qui lui manquait.

[42]        Le requérant a su répondre à ses besoins particulièrement au plan affectif et éducatif.  Il la considère comme sa fille.

[43]        De plus, il nous faut aussi apprécier au chapitre de l'intérêt de la personne majeure concernée que la précarité de la santé de sa mère fait en sorte que la présence du requérant auprès d'elle lui apporte le soutien et le réconfort qu'on est en droit de s'attendre d'un père en pareilles circonstances.

[44]        Même si la preuve soumise ne rencontre pas nécessairement l'exigence édictée au premier alinéa de l'article 545 du Code civil du Québec à savoir que le requérant a rempli auprès de la personne majeure, pendant sa minorité le rôle de parent,  l'appréciation de l'intérêt de la personne majeure permet de conclure que l'adoption de celle-ci par le requérant répond à son intérêt, ce tel que permis par le 2e alinéa de ce même article.

[Je souligne.]

[104]     Ces affaires illustrent bien les propos que tient la Cour dans Droit de la famille - 2015[57], où l'on décide que « [l]e facteur prépondérant, dans l'évaluation de la motivation et de l'effet recherché, résidera dans la qualité et la durée des rapports entre les adoptants et la personne majeure qui constitueront des indices précieux susceptibles d'éclairer le Tribunal en regard de l'intérêt de l'adopté ». En l'espèce, comme on l'a vu précédemment, la preuve n'établit pas de manière prépondérante la nature véritable ou la qualité de la relation entre l'appelante et ses neveux. Malgré l'intérêt de ceux-ci à demeurer au Canada, il est impossible de conclure à l'opportunité de leur adoption par l'appelante, une adoption dont le seul objectif, si l'on s'en remet à l'argumentaire de son avocat, semble être de faciliter la régularisation de leur situation au regard des lois sur l'immigration.

IV.       CONCLUSION

[105]     En somme :

-           conformément aux articles 75 et 78 C.c.Q. et aux fins de l'exercice des droits issus de ce code, les enfants, personnes majeures, sont domiciliés au Québec malgré que leur présence au Canada enfreigne les lois sur l'immigration;

-           l'appelante étant également domiciliée au Québec, sa demande doit être considérée comme une demande d'adoption locale, régie par l'article 545 C.p.c. et non par les articles 3092 et 563 à 565 C.c.Q.;

-           la condition prévue au premier alinéa de l'article 545 C.c.Q. n'est pas remplie (l'appelante n'a pas joué auprès des enfants le rôle d'un parent pendant leur minorité);

-           il n'y a pas lieu de passer outre à cette condition, en application du second alinéa de l'article 545 C.c.Q., l'intérêt des enfants, au sens de cette disposition, ne le commandant pas.

[106]     Pour toutes ces raisons, j'estime que l'appel doit être rejeté, mais sans frais, vu la nature de l'affaire.

[107]     Il est cependant nécessaire de souligner que les circonstances dans lesquelles se trouvent bien involontairement les deux mis en cause autoriseraient certainement les autorités de l'immigration canadiennes et québécoises à les laisser demeurer au Québec pour des raisons humanitaires évidentes et à régulariser leur situation.

 

 

 

MARIE-FRANCE BICH, J.C.A.

 



[1]     Le […] 1993 et le […] 1995 respectivement.

[2]     À l'époque, à titre de touristes, ils peuvent demeurer légalement au pays pendant six mois à compter de leur arrivée.

[3]     Cet avocat est celui qui a agi pour elle dans le dossier de première instance et qui agit toujours en appel.

[4]     Ce qui explique la présence, en première instance, de la Directrice de la protection de la jeunesse des Centres de la jeunesse A, qui n'a pas comparu en appel quoique l'inscription lui ait été signifiée.

[5]     Requête en simple émancipation, paragr. 11. L'avocat de l'appelante le représente aux fins de cette requête.

[6]     Il a atteint ses 18 ans […] jours plus tôt.

[7]     Le procès-verbal de l'audience tenue devant la juge de première instance indique un amendement verbal en ce sens.

[8]     Jugement de première instance, paragr. 66.

[9]     On a produit en première instance (pièce P-2, apparemment) un document intitulé « IP5 Immigrant Application in Canada made on Humanitarian or Compassionate Grounds ».

[10]    C.Q., chambre de la jeunesse, district A, nº 700-43-001231-088, 18 novembre 2008 (j. Boudreau).

[11]    On notera au passage que l'avocat de l'appelante représentait les parties dans l'affaire E.M.V.D.

[12]    Exposé de l'intimée, paragr. 14.

[13]    Au paragr. 26 de son exposé, l'intimée écrit : « [l]e fait que les enfants mineurs soient devenus majeurs ne change pas l'application des règles en matière d'adoption internationale, sauf adaptation nécessaire ».

[14]    Excluant les dispositions inutiles à l'espèce, comme l'art. 79, qui traite du domicile de la personne appelée à une fonction publique temporaire ou révocable, ou l'art. 82, sur le domicile des époux.

[15]    Jugement de première instance, paragr. 62.

[16]    [1997] R.J.Q. 816, p. 833 (C.A., requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 1997-10-16), 25848).

[17]    Comme d'ailleurs ils en ont au Québec en la personne de l'appelante, qui est leur tante.

[18]    À ce propos, voir : Édith Deleury et Dominique Goubau, Le droit des personnes physiques, 5e éd. par Dominique Goubau, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, p. 339, paragr. 316, et 344, paragr. 328.

[19]    Et il en irait de même aux fins de l'art. 76 C.c.Q.

[20]    Id., p. 293-294, paragr. 300.

[21]    [1970] C.A. 1163.

[22]    Id., p. 1166.

[23]    [1940] S.C.R. 203.

[24]    Id., p. 209.

[25]    Id., p. 208.

[26]    Id., p. 213.

[27]    Id., p. 215.

[28]    [1989] R.J.Q. 1161 (C.A.).

[29]    À ce sujet, voir : É. Deleury et D. Goubau, préc., note 18, p. 353 et s., paragr. 343 et s.

[30]    Voir supra, paragr. [43].

[31]    É. Deleury et D. Goubau, préc., note 18, p. 339.

[32]    Id., p. 352, note infrapaginale 72.

[33]    Droit de la famille — 131294, 2013 QCCA 883.

[34]    [2000] R.J.Q. 2252 (C.A.).

[35]    Notre cour reconnaîtra tout de même que les adoptants avaient respecté tant le droit marocain que les dispositions législatives québécoises régissant l'adoption d'enfants hors Québec. Considérant le second alinéa de l'art. 3092 sur les effets de l'adoption, elle leur a donc donné gain de cause.

      Dans un autre ordre d'idée, signalons que la Cour, au vu de certains faits particuliers, a subséquemment adouci le principe de la persistance de l'application des art. 563 à 565 C.c.Q. : voir Adoption - 11117, [2011] R.J.Q. 1239 (C.A.).

[36]    Elle aurait pu le faire dès avril 2010, lorsqu'elle a obtenu le consentement écrit des parents à l'adoption de l'un des mis en cause, ayant par ailleurs vécu plus de six mois avec ces derniers (art. 566 C.c.Q.).

[37]    Voir l'art. 3 de la Convention.

[38]    RLRQ, c. P-34.1.

[39]    Art. 1, premier al., paragr. c, et 2 de la Loi sur la protection de la jeunesse.

[40]    Alain Roy, Droit de l'adoption : adoption interne et internationale, 2e éd., Montréal, Wilson & Lafleur ltée, 2010, p. 36 à 41.

[41]    Dans Droit de la famille - 2015, [1994] R.J.Q. 1520 (C.A.), l'enfant avait trois ans lorsqu'elle a été confiée aux personnes qui ont agi auprès d'elle in loco parentis et l'ont adoptée « de fait », comme le voulait à l'époque l'art. 597 C.c.Q. (prédécesseur de l'art. 545 C.c.Q.). Voir aussi : Adoption (en matière d'), 2006 QCCQ 10288.

[42]    Dans Adoption - 1384, 2013 QCCA 300, l'enfant (maintenant âgé de 61 ans) avait 11 ans lorsque l'adoptant a commencé à remplir auprès de lui le rôle de parent.

[43]    Témoignage de l'appelante, p. 50 des annexes de son exposé.

[44]    Témoignage de l'appelante, p. 53.

[45]    Témoignage de Y, p. 71.

[46]    Témoignage de X, p. 80.

[47]    Précité, note 41.

[48]    Id., p. 1522-1523.

[49]    Id., p. 1523.

[50]    A. Roy, préc., note 40, paragr. 22, p. 41

[51]    Voir notamment le Règlement sur la sélection des ressortissants étrangers, RLRQ, c. I-0.2, r. 4, art. 19, paragr. d).

[52]    Voir : F.B. c. R.P., B.E. 2003BE-272 (C.Q.).

[53]    Précitée, note 41.

[54]    B.E. 99BE-1032 (C.Q.).

[55]    [1995] R.D.F. 819 (C.Q.).

[56]    2009 QCCQ 8707, [2009] R.D.F. 847.

[57]    Précité, note 41.

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