Décision

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Cavallaro c. Johnson

2023 QCTAL 16085

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

675532 31 20230125 G

No demande :

3777742

 

 

Date :

25 mai 2023

Devant la juge administrative :

Francine Jodoin

 

Eleonora Cavallaro

 

Isabella Cavallaro

 

Locatrices - Partie demanderesse

c.

Eleanor Johnson

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Les locatrices demandent la résiliation du bail et l’éviction de la locataire ainsi que tous les occupants, l’exécution provisoire de la décision et les frais.

[2]         Bien que leur demande indique qu’une mise en demeure a été transmise le 20 décembre 2022, les motifs de la demande sont inscrits dans une annexe qui énonce ceci :

« 1) Depuis le 1 novembre 2016 Mme Eleanor Johnson fume dans son logement et dans le balcon elle fume pot, canibus , vapeur , et toute autre cigarettes.est aussi la musique très fort.

2) Malgré nombreuses avertissement la part de propriétaires est les conditions de son bail.

3) 2016=2018 Mme Eleanor Johnson a louer son logement pour B et B. sans permission des propriétaires. Maintenant elle loue son logement pour 6 mois sans notre consultation. Quand elle revient 2020 elle nous approche les propriétaires pour nous dire que le l'évier est lavabo sont bouches , Tous les robinets, coule sans cesse. Elle a dit de réparer immédiatement.

4) En 2022 approche les proprietires pour nous dire que le frigo est brise, pour achetés un nouveau frigo. La fixture dans la cuisine est brises .( Et brises a cause que elle a fume dans les logement.)

5) Elle jette la terre des ses plantes dans le drain majeur en arriéré de notre immeuble qui bûches les drain des l'évier des logements. »

[Transcription textuelle]

[3]         Les locatrices ont renoncé à produire un amendement pour ajouter des motifs additionnels en raison du délai que cela allait provoquer.


QUESTION EN LITIGE

[4]         Les locatrices ont-elles prouvé que la locataire contrevient à ses obligations contractuelles et qu’elles en subissent un préjudice sérieux?

LES FAITS

[5]         Les parties sont liées par un bail depuis 2016. Celui-ci est reconduit pour la période du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023, au loyer mensuel de 545 $.

[6]         Madame Eleonora Cavallaro reproche à la locataire de fumer contrairement à une clause d’interdiction apparaissant au bail.

[7]         Les locatrices vont à l’immeuble deux fois par semaine et ont senti les odeurs.

[8]         De plus, elles ont vu des gens dans le logement, en 2016-2017, qu’elles ne connaissent pas. Elles en déduisent que la locataire utilise son logement à des fins commerciales (Airbnb).

[9]         En juillet 2020, la locataire s’est plainte qu’il y avait des écoulements d’eau. Le robinet était bloqué alors que la locataire s’était absentée de son logement de janvier à juin. Malgré cela, elle insistait pour que ce soit réparé immédiatement ce que les locatrices ont fait.

[10]     En 2022, alors que la locataire revient de ses vacances, elle se plaint que son réfrigérateur est brisé selon les locatrices, elles seraient responsables mais elles ont accepté de le remplacer quand même.

[11]     Le 25 février 2023, les locatrices reçoivent un appel téléphonique parce que la mère de la locataire voulait accéder au logement mais n’avait pas la clé. Les locatrices ont fait venir un serrurier. La mère de la locataire s’est adressée à elles de façon agressive au sujet d’un tiroir du réfrigérateur qui était brisé et du changement de la cuisinière parce qu’un des brûleurs était égratigné.

[12]     Madame Eleonora Cavallaro ajoute que la locataire jette de la terre dans le drain. Elle a fait venir le plombier trois fois mais n’a pas les factures.

[13]     Madame Isabelle Cavallaro corrobore le témoignage de sa soeur. Elle ajoute qu’au cours des sept dernières années, elles ont vécu beaucoup de choses avec la locataires. Les luminaires sont brisés parce que la locataire fume, ajoutent-elles.

[14]     Elle loue son logement lorsqu’elle s’absente pendant 6 mois et elle n’a pas d’assurance. La locataire ne donne pas accès à son logement.

[15]     Madame Eleanor Johnson dit avoir répondu à la mise en demeure des locatrices mais elles ont refusé son envoi recommandé.

[16]     Les locatrices sont informées que lorsqu’elle quitte son logement pour une longue période, son frère William, vient s’occuper du logement et de ses plantes. Elles ont même son numéro de téléphone.

[17]     Elles connaissent aussi sa mère. Elle n’a jamais loué son logement à d’autres personnes.

[18]     Elle allègue que l’immeuble est âgé et qu’il y a constamment des problèmes de plomberie. Elle a mis un bouchon de drain pour empêcher les résidus alimentaires d’obstruer le conduit.

[19]     Elle dit se conformer à la clause d’interdiction contenue au bail car elle ne fume pas dans le logement.

[20]     Elle a demandé de réparer son vieux réfrigérateur et il a été changé.

[21]     Les locatrices lui ont dit que son loyer était bas et elles veulent louer plus cher.

[22]     Elle nie également qu’elle jette de la terre dans le drain extérieur.

[23]     Elle affirme que les locatrices lui ont envoyé un avis de modification du bail cette année et en 2021, elles écrivaient avoir le privilège de l’avoir comme locataire.

[24]     Sa mère Leanor Cardona confirme que son fils va chez sa sœur lorsqu’elle s’absente. Les locatrices sont au courant de cela. Elle n’a pas réagi agressivement envers les locatrices mais essayait de leur expliquer que la cuisinière ne fonctionnait pas. Les locatrices trouvaient que sa fille ne payait pas assez cher de loyer.


[25]     Les locatrices disent avoir appris que le frère habitait au logement en 2019 lorsqu’il a répondu à la porte. Elles ont son numéro de téléphone mais il ne répond jamais.

DROIT APPLICABLE ET ANALYSE

Les locatrices ont-elles prouvé que la locataire contrevient à ses obligations contractuelles et qu’elles en subissent un préjudice sérieux?

[26]     Pour obtenir la résiliation du bail, les locatrices doivent prouver que la locataire contrevient à ses obligations et qu’elles en subissent un préjudice sérieux (article 1863 du Code civil du Québec).

[27]     L’article 2803 du Code civil du Québec énonce que celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits au soutien de ses prétentions.

[28]     Comme l’énonce ma collègue, la juge administrative Manon Talbot[1] :

« [47] Le Tribunal juge pertinent de rappeler que les articles 2803, 2804 et 2845 du Code civil du Québec (C.c.Q.) prévoient que celui qui veut faire valoir un droit doit faire la preuve des faits allégués dans sa demande, et ce, de façon prépondérante.

[48] À cet effet, la force probante de la preuve testimoniale est laissée à l'appréciation du Tribunal, qui, pour ce faire, évalue la crédibilité des témoignages à la lumière de la chronologie des événements, de ce qui apparaît de la motivation des parties à agir et de la corroboration des allégations par d'autres témoignages notamment.

[49] Par conséquent, si, par rapport à un fait essentiel, la preuve offerte n'est pas suffisamment convaincante, ou encore si la preuve est contradictoire et que le Tribunal est dans l'impossibilité de déterminer où se situe la vérité, la partie demanderesse perdra. » 

[Notre soulignement]

[29]     Dans un article, les auteurs Pierre Tessier et Monique Dupuis font l'analyse suivante sur le fardeau de preuve :

« C- La prépondérance de la preuve

[...]

Quand la preuve devient-elle prépondérante? Il n'existe pas de réponse absolue. Cela dépend de la nature et de l'objet de chaque cause, de la qualité, de la pertinence et de la quantité de la preuve, qu'elle soit écrite, testimoniale ou matérielle, ainsi que de l'appréciation du tribunal. »

[30]     En l’occurrence, le Tribunal est confronté à une preuve contradictoire. Non seulement les locatrices n’ont pu valablement prouver les contraventions reprochées à la locataire mais celle-ci a pu valablement circonstancier, préciser et infirmer les reproches formulés. De surcroit, les locatrices n’ont pu établir de préjudice en lien avec les manquements allégués.

[31]     Les locatrices ne s’étant pas déchargées de leur fardeau de preuve, la demande est rejetée.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[32]     REJETTE la demande.

 

 

 

 

 

 

 

 

Francine Jodoin

 

Présence(s) :

les locatrices

la locataire

Date de l’audience : 

2 mai 2023

 

 

 


 


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