Décision

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Dury c. Gestion Ymmo

2024 QCTAL 39164

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Longueuil

 

No dossier :

731422 37 20230828 M

No demande :

4027326

 

 

Date :

12 décembre 2024

Devant la juge administrative :

Stella Croteau

 

Raphael Dury

 

Dominique Champagne

 

Locataires - Partie demanderesse

c.

Gestion YMMO

 

Locatrice - Partie défenderesse

 

  1.          Le Tribunal est saisi d’une demande, produite le 28 août 2023, en fixation du loyer conformément à l'article 1950 du Code civil du Québec ainsi que la condamnation aux frais.
  2.          Les parties sont liées par un bail du 1er septembre 2023 au 30 juin 2024, au loyer mensuel de 1 130 $.

CONTEXTE FACTUEL

  1.          Le bail est signé le 10 août 2023.
  2.          La clause « G » du bail n’est pas complétée.
  3.          Le locataire apprendra par l’ancien locataire qu’il payait 900 $, lorsque ce dernier viendra récupérer du courrier.
  4.          L’ancien locataire a payé un loyer mensuel de 900 $, du 4 février 2022 au 30 juin 2023, lequel a été reconduit au 30 juin 2024, au montant de 930 $. Il a quitté le logement le 1er août 2023.
  5.          Ce locataire n’avait pas de casier. De plus, il avait le droit de posséder un chat, mais pas de chien.
  6.          Les demandeurs paient un loyer de 1 130 $, incluant un casier et le droit d’avoir un chien.
  7.          La locatrice mentionne qu’ils n’ont que cinq (5) casiers alors qu’il y a huit (8) logements. Alors les locataires qui en désirent un (1) doivent payer un extra.
  8.      Puis, la locatrice prétend qu’il s’agit d’un privilège d’avoir droit au chien. Alors, ils doivent payer un montant supplémentaire.
  9.      Donc, la locatrice allègue que la différence de 200 $ est justifiée par le casier et la présence de leur chien.

  1.      Le locataire affirme n’avoir jamais discuté du prix du casier ainsi que le montant supplémentaire pour avoir droit à son chien. Pour lui, tout était inclus.

QUESTIONS EN LITIGE

  1.      Y a-t-il lieu de fixer le loyer selon les critères prévus au Règlement sur les critères de fixation[1] (le Règlement)?
  2.      Dans l'affirmative, quel sera le nouveau loyer fixé?

ANALYSE

  1.      Les locataires appuient leur demande sur l'article 1950 du Code civil du Québec (C.c.Q.), lequel prévoit :

« 1950. Un nouveau locataire ou un sous-locataire peut faire fixer le loyer par le tribunal lorsqu'il paie un loyer supérieur au loyer le moins élevé des douze mois qui précèdent le début du bail ou, selon le cas, de la sous-location, à moins que ce loyer n'ait déjà été fixé par le tribunal.

La demande doit être présentée dans les dix jours de la conclusion du bail ou de la sous-location. Elle doit l'être dans les deux mois du début du bail ou de la sous-location lorsqu'elle est présentée par un nouveau locataire ou par un sous-locataire qui n'ont pas reçu du locateur, lors de la conclusion du bail ou de la sous-location, l'avis indiquant le loyer le moins élevé de l'année précédente; si le locateur a remis un avis comportant une fausse déclaration, la demande doit être présentée dans les deux mois de la connaissance de ce fait. »

  1.      Le recours en fixation de loyer prévu à l'article 1950 C.c.Q. est offert aux locataires désirant faire réviser le montant du loyer convenu au bail.
  2.      L'article 1950 C.c.Q. est l'une des mesures les plus aptes à assurer le contrôle des loyers en empêchant un locateur d'exiger des hausses excessives à l'occasion de la nouvelle location d'un logement, alors qu'il n'aurait pu obtenir une telle hausse de son ancien locataire.
  3.      De plus, l’article 1896 C.c.Q. mentionne ce qui suit :

« 1896. Le locateur doit, lors de la conclusion du bail, remettre au nouveau locataire un avis indiquant le loyer le plus bas payé au cours des 12 mois précédant le début du bail ou, le cas échéant, le loyer fixé par le tribunal au cours de la même période, ainsi que toute autre mention prescrite par les règlements pris par le gouvernement. Dans le cas où aucun loyer n’a été payé au cours des 12 mois précédant le début du bail, l’avis doit indiquer le dernier loyer payé et la date de celui-ci. Si l’avis comporte une fausse déclaration ou que le locateur omet sciemment de remettre l’avis, le locataire peut demander que le locateur soit condamné à des dommages-intérêts punitifs.

Il n’est pas tenu à cette obligation lorsque le bail porte sur un logement visé aux articles 1955 à 1956. »

Y a-t-il lieu de fixer le loyer selon les critères prévus au Règlement sur les critères de fixation[2] (le Règlement)?

  1.      En l'espèce, les locataires ont établi être des nouveaux locataires et payer un loyer supérieur à celui assumé par le locataire précédent. Les locataires ont donc accès à l'article 1950 C.c.Q.

Quel sera le nouveau loyer fixé?

  1.      En matière d'application de l'article 1950 C.c.Q., il n'y a pas lieu de tenir compte de la valeur marchande locative.
  2.      Lorsque la demande de fixation introduite par le nouveau locataire est accueillie, les règles de fixation du loyer exigent que l’on tienne compte de l’ajout d’un nouveau service ou accessoire.
  3.      À ce sujet, la soussignée fait sienne l’analyse des juges administratifs Francine Jodoin et Serge Adam, siégeant en révision, dans la décision Parhas c. Brands[3] :

« [39] Le loyer est « le prix mensuel de la jouissance d’un logement avec ses services, accessoires et dépendances, même s’ils font l’objet d’un contrat distinct du bail (article 1 du Règlement sur les critères de fixation précité) ».

[40] Ainsi, lorsque le Tribunal fixe le loyer, il doit considérer la valeur des services, accessoires et dépendances.

[41] D’ailleurs, le Tribunal ne voit pas comment, sans risquer de créer une injustice, l'ajout d'un nouveau service ou accessoire pourrait ne pas être pris en compte dans le coût du loyer du nouveau locataire.

[42] Il n’apparaît pas contestable que cette modification aux conditions du bail antérieur doive être prise en considération pour les fins de la fixation du loyer, comme ce serait le cas d'un locateur qui souhaite modifier le bail en ajoutant un service supplémentaire.

[43] De la même façon, en cas de suppression d’un service, le nouveau locataire pourrait avoir droit à une réduction du loyer en proportion de la valeur du service supprimé. Même si ce service n'a pas été spécifiquement évalué au bail, le Tribunal est en mesure d'y attribuer une valeur.

[44] Ainsi donc, le Tribunal devait prendre en considération, la valeur des services ou accessoires additionnels dont bénéficie le nouveau locataire en comparaison avec le locataire précédent.

[45] En effet, le Tribunal ne peut fixer le loyer sans tenir compte des modifications ou ajouts qui ont fait l'objet du bail du nouveau locataire. »

  1.      Donc, le Tribunal doit tenir compte de l’ajout du casier ainsi que du droit d’avoir un chien. La locatrice indique que le coût du casier est de 120 $ par mois. Par déduction, le droit d’avoir un chien est de 80 $.
  2.      Le loyer payable par les locataires pour le logement est au montant de 930 $, plus un casier au montant de 120 $ et le droit au chien au montant de 80 $.
  3.      Il n’y a donc pas lieu de fixer, selon le règlement, la locatrice ayant justifié l’augmentation par l’ajout d’un accessoire.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.      REJETTE la demande des locataires.

 

 

 

 

 

 

 

 

Stella Croteau

 

Présence(s) :

le locataire pour lui-même et

mandataire de la locataire

la mandataire de la locatrice

Date de l’audience : 

23 octobre 2024

 

 

 


 


[1]  Règlement sur les critères de fixation de loyer, RLRQ, c. T-15.01, r. 2.

[2]  Règlement sur les critères de fixation de loyer, RLRQ, c. T-15.01, r. 2

[3]  Parhas c. Brands, 2018 QCRDL 30648.

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