Décision

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Office d'habitation Drummond c. Paez Olmos

2024 QCTAL 15289

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Drummondville

 

No dossier :

755641 16 20240105 G

No demande :

4162184

 

 

Date :

06 mai 2024

Devant le juge administratif :

Serge Adam

 

Office d'habitation Drummond

 

Locatrice - Partie demanderesse

c.

Dilia Isabel Paez Olmos

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         La locatrice requiert la résiliation du bail, l'éviction de la locataire et de tous les occupants du logement et le paiement des frais judiciaires.

[2]         Bien que dûment notifiée de la demande, la locataire est absente à l'audience.

La preuve

[3]         Il s'agit d'un bail de logement à loyer modique au sens de l'article 1984 du Code civil du Québec, le logement étant géré par un Office municipal d'habitation.

[4]         Les parties sont liées par un bail reconduit du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024.

[5]         Le loyer actuel a été déterminé par défaut, la locataire n'ayant pas fourni les documents requis pour permettre à la locatrice d'en établir le montant.

[6]         Madame Madeleine Julien est agente de location et chargée de la gestion des baux.

[7]         Elle énonce que la locataire ne collabore pas dans le processus de reconduction du bail. Elle n'a pas fourni les documents requis à la détermination du loyer pour le dernier terme.

[8]         Ce n'est pourtant pas faute de lui avoir transmis des avis détaillés, poursuit-elle, documents à l'appui. De nombreuses missives lui ont été expédiées sans succès.

[9]         En sus de ces lettres, Mme Camiran a appelé la locataire et lui a également réclamé lesdites preuves nécessaires au calcul de son logement.


[10]     Malgré cela, les preuves des revenus de la locataire et de son conjoint, M. Miguel Angel Aguerra et son fils Walter pour le dernier terme, notamment son avis de cotisation émis par le gouvernement provincial ne sont pas fournis à la locatrice.

[11]     Mme Julien dénonce le préjudice sérieux subi par la locatrice en raison des manquements de la locataire. Elle bénéficie d'un logement à loyer modique, sans toutefois offrir la collaboration requise pour permettre à la locatrice de déterminer ledit loyer. Le locataire contrevient à ses obligations envers la locatrice alors que d'autres personnes attendent de bénéficier d'un logement à loyer modique.

Droit applicable et analyse

[12]     L'article 1863 du Code civil du Québec permet de demander la résiliation du bail lorsqu'une partie ne respecte pas ses obligations et que cela cause un préjudice sérieux.

[13]     L'article 5 du Règlement sur les conditions de location des logements à loyer modique prévoit que le loyer d'un logement est déterminé en fonction du nombre de personnes qui composent le ménage, de leurs revenus respectifs ainsi qu'en fonction des services et équipements offerts.

[14]     L'article 3 du Règlement établit que les revenus considérés sont les sommes gagnées au cours de l'année civile qui précède la date de début du bail par chacune des personnes qui composent le ménage.

[15]     Quant à l'article 18 du Règlement, il prévoit :

« 18. Aux fins de la conclusion du bail ou de sa reconduction, le locataire doit fournir au locateur le nom des personnes qui habitent avec lui et les preuves requises pour la détermination du loyer. Ces renseignements doivent être fournis dans un délai d'un mois de la demande du locateur.

En tout temps, le locataire est tenu d'informer le locateur lorsqu'il y a ajout d'occupant, et ce, dans un délai d'un mois de l'arrivée du nouvel occupant.

S'il y a ajout d'occupant entre la date de réception des renseignements visés au premier alinéa et la date de la conclusion du bail ou de sa reconduction, selon le cas, ces nouveaux occupants sont considérés pour la détermination du loyer prévu à l'article 5. »

[16]     Dans une décision récente[1], le juge administratif Marc Landry analyse l'application de ces dispositions, alors qu'il doit disposer d'une demande de résiliation de bail fondée sur des motifs similaires à ceux de la présente demande :

« [12] Manifestement, le locataire refuse de remplir ses obligations.

[13] Cela cause un préjudice sérieux au locateur qui doit gérer de façon équitable les logements sociaux et respecter les règlements prévus à cet égard. Cela perturbe le processus d'attribution des logements et prive le locateur de revenus auxquels il aurait autrement droit. Tels sont les motifs retenus par le soussigné pour résilier le bail dans la cause Office municipal d'habitation de Longueuil c. Corbeil(1).

[14] Dans l'affaire Coopérative d'habitation des ethnies c. Elvécia Bontemps(2), la juge administrative Chantale Bouchard passe en revue la jurisprudence sur les principes applicables et la notion de préjudice sérieux subi lors de fausses déclarations, omissions ou réticences d'un bénéficiaire de logement à loyer modique  :

« [73] Étant donné les dispositions impératives attachées à la location d'un logement à loyer modique ainsi que la fonction sociale implicite et les deniers publics impliqués, il est de jurisprudence constance que le défaut de se conformer aux obligations prescrites à la loi et la réglementation applicable dans ce cadre particulier entraîne préjudice sérieux. Le Tribunal est également de cet avis. De plus, il n'y a pas lieu de distinguer entre réticences, omissions ou une fausse déclaration touchant soit la divulgation de tous les occupants du logement à loyer modique ou leurs revenus.

[74] Dans l'affaire Lag c. Office municipal d'habitation de Montréal, l'honorable juge Michel A. Pinsonnault de la Cour du Québec, siégeant en Division administrative et d'appel d'une décision de la Régie du logement, fait une revue étoffée de la jurisprudence sur cette question du préjudice sérieux lorsqu'un logement à loyer modique est impliqué. Il y a lieu d'en reprendre certains passages pour en comprendre l'essentiel, dont les paragraphes 55 et 56(3) qui marquent davantage ses conclusions, d'où il ressort que les prescriptions de l'article 18 du Règlement sont fondamentales et que le défaut d'y obtempérer peut constituer à lui seul un préjudice sérieux : [...]


[75] À l'instar de ce jugement et de la jurisprudence majoritaire sur ce point dans le cadre spécifique de la législation et la réglementation entourant un logement à loyer modique au sens des articles 1984 et suivants du Code civil du Québec, dispositions d'ordre public, le Tribunal juge que le manquement du locataire de se conformer aux obligations prescrites à l'article 18 du Règlement précité, bien qu'il n'ait été empreint de mauvaise foi ou sciemment dirigé, constitue un préjudice sérieux pour la locatrice de nature à justifier la résiliation du bail. »

[15] Dans l'affaire Office Municipal d'Habitation de Montréal c. Farideh Sefati Olamazadeh(4), le juge administratif Moffatt prononce la résiliation du bail en raison des déclarations fausses ou incomplètes du locataire sur la composition du ménage , « empêchant le locateur d'établir le montant du loyer en conformité avec le règlement applicable à cette fin. » [...] « L'attribution d'un logement à loyer modique comme le maintien dans un tel logement est un privilège auquel de nombreuses personnes démunies aspirent et le tribunal juge indiqué de voir à ce que toutes omissions, stratagèmes ou mesures visant à réduire illégalement le coût du loyer soient sévèrement sanctionnés. »

[16] Plus récemment, après revue et analyse de la jurisprudence, le juge administratif Serge Adam concluait que « le défaut d'obtempérer sur les prescriptions des articles sur le Règlement sur l'attribution des logements à loyer modique peut constituer à lui seul un préjudice sérieux pour le locateur, entraînant ainsi la résiliation du bail en vertu de l'article 1863 du Code civil du Québec, notamment en engendrant un effet d'entraînement sur d'autres candidats locataires du locateur, en remettant en cause l'égalité de traitement entre ces derniers sur l'attribution de logements sociaux. »(5)

[18] Compte tenu du jugement du 10 juin 2019 et des deux avis de rappel en 2021, il apparaît inutile d'émettre des ordonnances pour enjoindre au locataire d'exécuter ses obligations.

[19] Le bail est donc résilié, vu le préjudice sérieux causé. »

(Références omises)

[17]     Le soussigné abonde dans le sens d'une telle analyse.

[18]     En l'instance, malgré de nombreux avis écrits et verbaux, échelonnés sur plusieurs années et malgré le dépôt du présent recours, la locataire a négligé et néglige toujours de rencontrer ses obligations. La locatrice est dans l'impossibilité de déterminer le montant de son loyer, et ce, pour le dernier terme.

[19]     La locatrice subit un préjudice sérieux de ces manquements, ce qui ne laisse d'autre choix au Tribunal que de résilier le bail.

[20]     Comme l'écrit d'ailleurs à juste titre la juge administrative Manon Talbot[2] dans une décision dont les faits sont similaires à ceux du présent dossier :

« [59] Par ailleurs, il est bien établi que l'attribution d'un logement social n'est pas un droit, mais un privilège et que les dispositions relatives aux logements à loyer modique sont d'ordre public en raison de l'intérêt général en cause.(6)

[60] Dans une décision de ce Tribunal dans une affaire similaire, le régisseur Jean Bisson écrivait que « Le délai indu que prend le locataire pour respecter cette obligation cause un préjudice sérieux au locateur. Cette obligation du locataire fait partie des conditions du bail d'un logement à loyer modique. »

[61] À la lumière de ces principes, la soussignée estime que l'inaction chronique du locataire à respecter ses obligations en vertu de l'article 18 du Règlement, même en l'absence de mauvaise foi de sa part, justifie la sanction de la résiliation du bail. »

[21]     La locataire étant absente à l'audience, il n'est pas jugé approprié d'émettre une ordonnance pour l'enjoindre d'exécuter ses obligations.

[22]     La preuve soumise ne justifie pas l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel, comme il est prévu à l'article 82.1 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement.

[23]     Les frais applicables sont adjugés contre le locataire selon le Tarif des frais exigibles par le Tribunal administratif du logement.


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[24]     ACCUEILLE la demande de la locatrice;

[25]     RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion de la locataire et de tous les occupants du logement;

[26]     CONDAMNE la locataire à payer à la locatrice les frais de justice de 110 $.

 

 

 

 

 

 

 

 

Serge Adam

 

Présence(s) :

la mandataire de la locatrice

Date de l’audience : 

12 avril 2024

 

 

 


 


[1] Office municipal d'habitation du Val-Saint-François c. Cadorette, 2022 QCTAL 9805.

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