Décision

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Habitations communautaires SOCAM 5 c. Joseph

2022 QCTAL 8274

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

601988 31 20211210 G

No demande :

3416052

 

 

Date :

24 mars 2022

Devant la juge administrative :

Francine Jodoin

 

Habitations Communautaires Socam 5

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Marc Andre Joseph

 

Mirnette Faustin

 

Locataires - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Le locateur demande la résiliation du bail et l’expulsion des locataires et de tous les occupants du logement, l’exécution provisoire et les frais.

QUESTIONS EN LITIGE

[2]         Le locataire contrevient-il à ses obligations?

[3]         Le locateur en subit-il un préjudice sérieux?

[4]         La résiliation du bail est-elle justifiée?

LES FAITS

[5]         Il s’agit d’un bail du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2021, lequel est reconduit jusqu’au 31 décembre 2022.

[6]         Le bail initial est contracté avec la colocataire, Faustin Mirnette. Toutefois, celle-ci n’occupe plus les lieux depuis plus d’un an et les parties conviennent qu’elle est libérée de ses obligations contractuelles.


[7]         La mandataire du locateur reproche au locataire son absence de collaboration dans le cadre de traitements effectués dans l’immeuble en vue d’enrayer la présence de punaises et de coquerelles.

[8]         Il s’agit d’un immeuble de 52 logements.

[9]         Le locataire, dit-elle, reçoit un avis de la date et heure de la visite de l’exterminateur accompagné d’une feuille d’instructions pour la préparation du logement.

[10]     Or, dit-elle, le locataire ne collabore pas adéquatement. Une mise en demeure lui a été transmise le 9 décembre 2021.

[11]     Madame Marie-Eve Galarneau est technicienne en gestion parasitaire pour la compagnie retenue par le locateur.

[12]     Il y a eu intervention le 24 septembre 2021 sans que le logement ait pu être traité par manque de préparation. Le locataire soutenait n’avoir que des blattes.

[13]     Le 12 octobre 2021, une inspection est effectuée. Le rapport indique qu’il y a une infestation sévère de punaises.

[14]     Le 20 octobre 2021, le traitement n’a pu être fait car tous les vêtements ne sont pas ensachés. Un placard est plein de vêtements.

[15]     Le 1er novembre et 8 décembre 2021, le logement n’est pas propre. Les armoires de cuisine sont graisseuses. Elle requiert du locataire qu’il nettoie la cuisine.

[16]     Le 6 janvier 2022, elle ne constate aucune punaise vivante mais quelques bébés blattes vivantes. L’infestation est faible, indique le rapport. Elle suggère une autre inspection.

[17]     Elle est retournée à la fin février 2022 pour constater que le ménage a été fait. Il reste « quelques petits trucs » dit-elle mais sans plus.

[18]     Le locataire nie ne pas avoir suivi les instructions de préparation sauf à une occasion alors que son placard n’avait pas été vidé ce qu’il a proposé de faire sur le champ.

[19]     Il reconnaît qu’à une autre occasion, ils ont trouvé des blattes sous le réfrigérateur qu’il n’avait pas déplacé pour vérifier.

[20]     Il n’a jamais refusé sa collaboration, dit-il. Il soutient ne pas avoir été prévenu de la visite du 6 janvier 2022.

[21]     Il reçoit les avis et prépare son logement en conséquence.

ANALYSE

Le locataire contrevient-il à ses obligations?

[22]     Le recours du locateur est fondé sur l’article 1863 du Code civil du Québec qui permet d’obtenir la résiliation du bail lorsque la preuve démontre un manquement aux obligations découlant du bail et le préjudice sérieux en découlant[1].

[23]     À cet égard, le locataire a l’obligation d’user du logement en personne prudente et diligente (article 1855 Code civil du Québec). De plus, il ne peut contrevenir à une obligation imposée par la loi relativement à la sécurité ou à la salubrité du logement (article 1912 du Code civil du Québec).

[24]     L'article 25 du Règlement de la Ville de Montréal portant sur la salubrité, l'entretien et la sécurité des logements prohibe la malpropreté, l’encombrement et la présence d’insectes et les conditions qui favorisent la prolifération de ceux-ci[2].

[25]     Il va sans dire que la présence d’insectes indésirables dans un immeuble constitue un fléau qu'il importe d'éradiquer rapidement.


[26]     Le locateur assume, à cet égard, une obligation de résultat et le locataire doit collaborer afin qu'il n'y ait pas prolifération, accroissement ou propagation de ses insectes qui peuvent affecter l'habitabilité du logement.

[27]     La preuve en l’instance établit qu’il y a eu des accrocs par le locataire à son obligation de suivre adéquatement les instructions de préparation de son logement. Contrairement à ce que peut penser le locataire, ces manquements ne sont pas anodins.

Le locateur en subit-il un préjudice sérieux?

[28]     Cette situation crée pour le locateur un alourdissement de son fardeau financier. Il assume également des obligations envers les autres locataires de l’immeuble. Cela justifie l’introduction du présent recours.

La résiliation du bail ou l’émission d’une ordonnance est-elle justifiée?

[29]     La loi prévoit que lorsqu’il y a contravention à une obligation imposée par le bail et que le locateur en subit un préjudice sérieux, il peut demander la résiliation du bail.

[30]     Le Tribunal estime qu’il n’y a pas lieu de prononcer la résiliation du bail, ni l’émission d’une ordonnance en vertu de l’article 1973 du Code civil du Québec.

[31]     En effet, la preuve révèle que depuis l’introduction du recours, le locataire a remédié à la situation et son témoignage à l’audience convainc le Tribunal qu’il a bien compris la portée de son obligation et qu’il offrira dorénavant toute la collaboration nécessaire en suivant à la lettre la feuille d’instructions qui lui est communiquée lors des traitements d’extermination.

[32]     Il n'existe pas de droit acquis à la résiliation du bail, le Tribunal peut y substituer une ordonnance d'exécution en nature conformément à l'article 1973 du Code civil du Québec ou rejeter la demande, si au moment de l'audience, le locataire a remédié à son défaut. Comme l'a souligné l'auteur PierreGabriel Jobin, il n'y a pas de droit acquis à la résiliation du bail[3] :

« La résiliation est assujettie à une autre règle très importante: le locateur, victime d'une faute du locataire, ne possède pas de droits acquis à la résiliation, en ce sens que, dans certaines circonstances, elle sera refusée par le tribunal même si la faute et le préjudice sérieux sont clairement établis. La même doctrine d'absence de droits acquis existe d'ailleurs dans la résiliation pour une faute du locateur16. Elle s'applique, avec des modalités quelque peu différentes, dans le louage résidentiel et dans le louage non résidentiel. Elle découle soit de certains textes du Code civil, soit de décisions des tribunaux. Pour en préciser les sources, il faut distinguer deux cas principaux.

[...]

La doctrine d'absence de droits acquis à la résiliation est donc bien établie. Dans la plupart des cas, elle se justifie par le fait que, le débiteur ayant remédié à son défaut, l'action n'a plus d'objet ou encore le locateur ne subit plus de préjudice sérieux. Cette doctrine réalise un heureux équilibre entre des objectifs opposés, soit: d'un côté, la nécessité de sanctionner la faute du locataire et le souci légitime du locateur de se défaire d'un locataire indésirable, et, de l'autre côté, la recherche de la stabilité contractuelle, le souci d'éviter une sévérité excessive à l'égard du locataire qui s'est amendé et, dans le louage résidentiel, le maintien du locataire dans son logement ».

[Notre soulignement]

[33]     La demande sera donc accueillie pour les frais seulement.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[34]     CONDAMNE le locataire à payer au locataire les frais de la demande, soit 103 $;


[35]     REJETTE la demande quant au surplus.

 

 

 

 

 

 

 

 

Francine Jodoin

 

Présence(s) :

la mandataire du locateur

Date de l’audience :

31 janvier 2022

Présence(s) :

la mandataire du locateur

le locataire Marc-André Joseph

Date de l’audience : 

7 mars 2022

 

 

 


 


[1] « 1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.

L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir. »

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.