Beaulieu c. Bertrand |
2015 QCRDL 16277 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau dE Québec |
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No dossier : |
199753 18 20150216 G |
No demande : |
1681746 |
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Date : |
20 mai 2015 |
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Régisseure : |
Micheline Leclerc, juge administratif |
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Claudine Beaulieu |
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Locatrice - Partie demanderesse |
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c. |
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Chantal Bertrand |
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Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] La locatrice demande la résiliation du bail et l’éviction de la locataire parce qu’elle possède un chien en contravention du bail, fait des modifications au logement et à l’immeuble sans son autorisation en plus de faire des modifications électriques inquiétantes, a installé une serrure à la porte principale de l’immeuble et, finalement, parce qu’elle paie fréquemment son loyer en retard, ce qui lui cause un préjudice sérieux. Elle demande aussi l’exécution provisoire de la décision malgré l’appel et la condamnation aux frais.
LA PREUVE
[2] Les parties ont conclu un bail pour la période du 1er juillet 2004 au 30 juin 2005 au loyer mensuel de 498 $, lequel a été reconduit d’année en année, le loyer mensuel pour l’année 2014-2015 étant de 775 $.
[3] Il ressort du bail que la locataire, dont le logement est situé au rez-de-chaussée de l’immeuble de quatre logements, a un accès au terrain mais que la présence d’un animal n’est pas permise.
[4] À cet égard, la locatrice dit que la locataire possède un chien, entré à son insu, depuis l’automne 2014 et que si elle en tolère la présence, elle devra le faire pour d’autres locataires de l’immeuble, qu’il y a de l’urine à côté de la porte d’entrée ce qui n’est pas accueillant lors des visites pour la location et qu’un chien « ça brise » alors que le chien de la locataire, qui est encore jeune, pourrait bien peser de 60 à 70 livres à l’âge adulte.
[5] Sur les autres reproches allégués, elle relate que la locataire a utilisé un accélérant à base de pétrole dans la plinthe de chauffage du passage ce qui constitue un risque élevé d’incendie, qu’elle a demandé des thermostats électriques qu’elle a finalement installés elle-même, qu’elle a demandé l’installation de deux convecteurs l’an dernier dont l’un d’eux ne fonctionnait plus un an plus tard, qu’elle a changé la serrure de son logement sans avis et que, de concert avec l’autre locataire, la serrure de la porte d’entrée de l’immeuble a été changée et des boîtes postales ont été installées à l’extérieur, sur l’immeuble.
[6] Elle a reçu du courrier d’Hydro-Québec à l’effet que la porte d’entrée était verrouillée empêchant ainsi à ses employés d’avoir accès aux compteurs électriques du sous-sol et elle allègue que la clé n’a été remise qu’à la fin du mois de janvier 2015.
[7] Un peu plus tard, elle ajoutera que les joints de la céramique de la cuisine installée par la locataire ne tiennent pas et que ces travaux seront à refaire et que la locataire a fait installer une armoire sur un mur du logement au-dessus d’une plinthe de chauffage.
[8] Finalement, elle dit que les loyers des mois de mai, juin, juillet 2014 ainsi que février et mars 2015 ont été payés le deuxième jour du mois, que les loyers des mois d’août et décembre 2014 ont été payés le quatrième jour du mois, que le loyer du mois de novembre 2014 a été payé le troisième jour du mois, que le loyer du mois de janvier 2015 a été payé le cinquième jour du mois et que le loyer du mois de septembre 2014 a été payé le neuvième jour du mois, alors que les loyers des mois d’octobre 2014 et avril 2015 ont été payés le premier jour du mois. Elle a produit ses relevés bancaires attestant des transferts effectués par la locataire pour payer le loyer (P-3).
[9] En contre-interrogatoire, elle réitère que les compteurs électriques sont situés au sous-sol de l’immeuble et elle explique que la porte d’entrée n’était plus verrouillée parce qu’elle a déjà été contactée par téléphone en pleine nuit par une locataire qui voulait entrer, que les employés d’Hydro-Québec ont toujours eu accès à la porte du sous-sol et que les clés de la porte d’entre et du logement ont été remises à sa fille.
[10] Madame Hébert est la fille de la locatrice. Elle confirme que les clés du logement et de la porte d’entrée lui ont été remises vers le 15 novembre dernier, suite à un appel de la locataire qui demandait des réparations.
[11] Monsieur Leclerc est électricien et il connaît le système électrique de l’immeuble concerné. Il relate être allé réparer le calorifère de l’entrée qu’il a finalement changé parce que très vétuste et dont le ventilateur ne fonctionnait plus. Il confirme que le produit appliqué par la locataire est un lubrifiant aérosol pouvant constituer un danger si appliqué sur un élément de 1 400 watts.
[12] Il confirme aussi avoir installé deux convecteurs et qu’il est retourné au logement parce que l’un était défectueux. Il a constaté que le boîtier arrière avait été « démanché » et que le thermostat ne fonctionnait plus, ce qu’il a remplacé.
[13] Selon lui, l’aire de dégagement de l’armoire placée au-dessus d’une plinthe de chauffage n’est pas légale.
[14] En contre-interrogatoire, il dit que cette plinthe fonctionne et qu’il n’a condamné qu’une seule plinthe de chauffage dans la salle à manger.
[15] La locataire explique qu’il y a deux logements et une porte d’entrée principale de son côté, ainsi que de l’autre côté, et que la serrure de la porte d’entrée a été remplacée à la fin du mois de novembre 2014 par le locataire occupant le logement supérieur, qui se sentait insécure, mais que la porte n’a jamais été verrouillée le jour et pas avant que les employés d’Hydro-Québec n’aient eu un double des clés. Elle a elle-même téléphoné à la fille de la locatrice pour lui remettre la clé, ainsi que celle de son logement.
[16] Elle admet avoir appliqué un produit aérosol dans le calorifère du passage après l’avoir nettoyé parce que le ventilateur ne tournait pas, ce qui a fonctionné pendant deux semaines, et elle admet que cette façon de faire n’était pas appropriée. Elle affirme que le calorifère sous l’armoire est déconnecté, que son conjoint de l’époque s’est rendu compte que l’un des convecteurs installés ne chauffait plus et qu’il l’a défait pour voir tenter de trouver le problème.
[17] Quant aux améliorations faites au logement, elle explique que la locatrice a toujours accepté les travaux projetés, à la condition que le travail soit bien fait. La locatrice payait les matériaux et elle s’occupait de la main-d’œuvre. Or, avant de poser la céramique dans la cuisine, un revêtement aurait dû être installé mais la locatrice n’a pas voulu investir plus d’argent. Elle a donc installé la céramique sans ce revêtement, qu’elle ne voulait pas payer non plus, et maintenant les joints de céramique s’effritent.
[18] En ce qui a trait au paiement du loyer, elle dit que les fonds sont déposés dans le compte bancaire de la locatrice le premier jour ouvrable du mois et qu’elle a été victime d’une fraude le 4 décembre 2014, ce dont elle a informé la fille de la locatrice par appel téléphonique.
[19] Sur la présence d’un chien, elle dit avoir acheté un Bulldog pure race le 21 septembre dernier pour sa fille handicapée de 16 ans (syndrome de Gilles de la Tourette sévère, hyperactivité, troubles de comportement et de développement et trait de personnalité antisociale) dont l’âge émotionnel se compare à celui d’un enfant âgé de 5 à 6 ans et qui est suivie depuis plusieurs années. Les médicaments essayés n’étant pas efficaces, le médecin a suggéré la présence d’un animal pour l’aider à calmer ses troubles d’humeur, sa problématique la plus importante (L-3).
[20] Elle confirme qu’auparavant, sa fille ne souriait pas et elle était bougonneuse mais que depuis l’arrivée du chien, il y a amélioration importante de son humeur, qu’elle a maintenant « le sourire fendu jusqu’aux oreilles » et que le chien est son confident et son ami parce qu’elle n’en a pas. Elle est toutefois anxieuse et elle dort difficilement parce qu’elle a peur de perdre son chien depuis que la locatrice s’est présentée au logement et qu’elle a haussé le ton.
[21] Elle affirme que le chien ne jappe pas et ne grogne jamais, qu’il est très robuste et qu’il capable de prendre des coups, qu’il lui arrive parfois d’uriner à l’entrée mais que les excréments sont toujours ramassés dans le garage en gravier et qu’elle n’a eu aucune plainte de qui que ce soit à son sujet.
[22] Finalement, elle dit que les employés d’Hydro-Québec ont demandé les clés de l’espace de rangement de la locatrice il y a deux semaines, ce qui serait dû à l’arrivée d’un nouveau contractant.
[23] En contre-interrogatoire, elle dit que la locatrice s’est présentée à l’immeuble avec son conjoint le 16 février pour un dégât d’eau et qu’elle a vu que l’espace de rangement de la locatrice n’était pas verrouillé mais en ignorant toutefois pourquoi.
[24] Quant à la présence du chien au logement, elle n’a pas songé que la locatrice en serait offusquée, alors que la locataire occupant le logement supérieur en a eu un pendant 11 ans.
[25] Madame Michaud habite le logement situé à l’étage depuis le mois de juillet 2014, avec son conjoint. Elle confirme que le chien de la locataire ne les dérange pas, qu’il ne jappe pas, qu’il est gentil et que ses besoins sont ramassés. De plus, elle confirme que le comportement de sa fille a changé depuis l’arrivée du chien puisqu’auparavant, elle faisait des crises, elle était triste, fâchée et elle ne leur parlait pas, alors que maintenant elle ne fait plus de crise, elle sourit et elle leur parle.
[26] En ce qui a trait à la porte d’entrée, elle dit avoir suggéré de la verrouiller la nuit, ce que la locataire a accepté. Une serrure neuve a été achetée parce que la serrure en place était brisée et elle a été installée au début du mois de décembre 2014. Elle admet ne pas avoir demandé l’autorisation de la locatrice pour le remplacement de la serrure mais elle dit qu’elle a fait faire des clés pour les employés d’Hydro-Québec, la fille de la locatrice, la locatrice, la locataire et elle-même. De plus, elle a acheté des boîtes postales pour faciliter l’accès au facteur qu’elle a fait installer à l’extérieur. Elle considère que le reproche de la locatrice est ridicule parce que la porte est toujours déverrouillée en journée.
[27] Finalement, elle dit qu’elle paie le loyer par série de chèques postdatés et ses relevés bancaires des mois de juillet 2014 à mars 2015 inclusivement ont été produits (L-2).
[28] La locatrice réplique que le rapport du médecin est postérieur à l’achat du chien et elle produit une lettre de la locataire (P-5).
[29] La procureure de la locataire soumet que la locatrice n’a pas prouvé de préjudice sérieux quant au paiement du loyer puisque la locataire a toujours payé le loyer par dépôt direct depuis 8 ans et que la locatrice ne dépose pas les chèques postdatés de madame Michaud le premier jour du mois, qu’elle n’a pas prouvé que la présence du chien cause un préjudice sérieux justifiant la résiliation du bail, lequel a par ailleurs été acheté sur recommandation d’un médecin pour fins de zoothérapie, que la locataire n’a pas remplacé la serrure de la porte d’entrée, que la correspondance d’Hydro-Québec est datée du mois de septembre 2014 alors que la serrure n’a été remplacée qu’au début du mois de décembre 2014 et que la locataire n’a fait aucune transformation préjudiciable à l’immeuble, ni aucune manœuvre électrique, outre l’application d’un aérosol, ce qu’elle a admis ne pas être conforme.
DÉCISION
[30] Un locataire a l’obligation
de payer son loyer tel que convenu, d’user des lieux loués avec prudence et
diligence en plus de respecter les conditions du bail. En cas de défaut, le
locateur dispose des recours prévus à l’article
«1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.
L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir.»
[31] Il ressort que les parties sont liées par un bail depuis le 1er juillet 2007, interdisant de garder un animal dans le logement, à l’exception d’une chatte.
[32] La clause d’un bail interdisant la présence d’animal dans un logement a été jugée valide puisque destinée à maintenir la qualité des logements et le bon voisinage.
[33] Toutefois, pour obtenir la résiliation du bail, la locatrice avait le fardeau de démontrer qu’elle subit un préjudice sérieux en raison de la présence du chien de la locataire et ce, même si une clause du bail interdit de garder un animal dans le logement.
[34] Or, de l’avis du Tribunal, la locatrice n’a pas rencontré son fardeau de preuve. Ainsi, le Tribunal n’a pas à se prononcer sur le volet de zoothérapie allégué.
[35] En ce qui a trait au paiement du loyer, il ressort qu’aucun retard significatif n’a été démontré, à l’exception du loyer du mois de septembre 2014.
[36] Quant aux autres reproches, la preuve a révélé que la locataire n’a pas remplacé la serrure de la porte d’entrée, aucune faute de sa part dans l’installation des thermostats et la défectuosité d’un convecteur n’a été démontrée, alors que la preuve est contradictoire quant à l’armoire installée au-dessus d’une plinthe de chauffage.
[37] La locataire devra toutefois s’abstenir de faire quelques travaux que ce soit, particulièrement dans les espaces communs, sans l’approbation préalable de la locatrice.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[38] REJETTE la demande de la locatrice.
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Micheline Leclerc |
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Présence(s) : |
la locatrice la locataire Me Mélyssa T. Blais, avocate de la locataire |
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Date de l’audience : |
8 avril 2015 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.