Association canadienne pour les armes à feu c. Procureure générale du Québec |
2017 QCCS 4690 |
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JG 2551 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-17-094350-165 |
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DATE : |
18 octobre 2017 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L'HONORABLE LUKASZ GRANOSIK, j.c.s. |
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ASSOCIATION CANADIENNE POUR LES ARMES À FEU -et- PHILIPPE SIMARD Demandeurs c. |
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PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC Défenderesse -et- PROCUREURE GÉNÉRALE DU CANADA Mise en cause |
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JUGEMENT (jugement déclaratoire et injonction/partage des compétences) |
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INTRODUCTION
[1] En 1995, le Parlement canadien adopte la Loi sur les armes à feu[1], qui créé un régime obligeant tous les détenteurs d’armes à feu, dont ceux qui possèdent une arme d’épaule, à obtenir un permis et à enregistrer leur arme. La possession d’une arme à feu non enregistrée devient alors une infraction criminelle. La création de ce registre a été alors contestée par plusieurs provinces (mais non par le Québec), y compris l’Alberta, dont le recours s’est soldé par un pourvoi devant la Cour suprême du Canada dans le dossier Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu (Can.)[2].
[2] Dans cet arrêt datant de l’an 2000, la Cour suprême du Canada confirme la légalité constitutionnelle de cette loi au motif qu’elle relevait de la compétence du Parlement fédéral en droit criminel et que ses effets sur les matières provinciales n’étaient que secondaires[3].
[3] En avril 2012, le Parlement canadien adopte toutefois la Loi sur l’abolition du registre des armes d’épaule[4], qui supprime l’obligation d’enregistrer les armes d’épaule et décriminalise la possession d’une arme d’épaule non enregistrée. Cette loi n’abolit pas pour autant dans son intégralité le système universel de permis d’armes à feu établi en 1995 existe toujours. Posséder une arme à feu de quelque type que ce soit, sans être détenteur d’un permis émis en vertu de la Loi sur les armes à feu[5], constitue donc toujours une infraction criminelle.
[4] Face à cette décision du fédéral, le Québec décide de créer son propre registre d’armes d’épaule et demande aux autorités fédérales de lui communiquer les données du registre qui ont un lien avec le Québec. Celles-ci refusent. Québec entreprend un recours afin de les obtenir mais en 2015, il essuie un revers en Cour suprême du Canada dans l’arrêt Québec (Procureur général) c. Canada (Procureur général)[6], alors que ce tribunal autorise la destruction de données en question.
[5] C’est ainsi qu‘en juin 2016, l’Assemblée nationale promulgue la Loi sur l’immatriculation des armes à feu[7] (la Loi), laquelle a été sanctionnée en juin de la même année, mais qui n’est toujours pas en vigueur au moment de l’instruction.
CONTEXTE
[6] L’Association canadienne pour les armes à feu est un organisme sans but lucratif créée en 1984. Elle a notamment pour but de promouvoir les droits des propriétaires d’armes à feu ainsi que l’utilisation sécuritaire et responsable des armes à feu. Elle compte environ 72 000 membres au Canada, dont 6 500 au Québec. L’Association est intervenue dans les dossiers de la Cour suprême du Canada portant sur les armes à feu. Philippe Simard est titulaire d’un permis d’armes, propriétaire d’armes à feu et membre depuis 1989 de l’Association, dont il a été un des administrateurs de 2010 à 2014.
[7] Immédiatement après la sanction de la Loi, les demandeurs entreprennent le présent recours par lequel ils attaquent la validité constitutionnelle de la Loi au regard du partage des compétences établi par la Constitution canadienne.
[8] Selon eux, la Loi est ultra vires des pouvoirs de la province puisqu’elle relèverait de la compétence exclusive du Parlement du Canada sur le droit criminel, selon le paragraphe 91(27) de la Loi constitutionnelle de 1867.
[9] Ils demandent également de déclarer l’article 13 de la Loi inopérant en vertu de la doctrine de la prépondérance fédérale, car cette disposition particulière entrerait en conflit avec l’article 2 du Règlement sur les renseignements relatifs aux armes à feu (armes à feu sans restrictions)[8].
[10] La preuve indique qu’il y a au Québec environ 500 000 titulaires de permis d’armes à feu et qu’il se trouve sur son territoire environ 1 600 000 armes à feu.
REMARQUES PRÉLMINAIRES
[11] La procédure proposée par les demandeurs évoque les coûts astronomiques d’un éventuel registre ainsi que son inefficacité, voire son inutilité. Les demandeurs citent aussi des statistiques concernant le nombre d’armes à feu en circulation, le nombre de décès par arme à feu et les études démontrant l’absence de corrélation entre l’existence d’un registre et le nombre de crimes violents.
[12] Tous ces éléments, pour intéressants qu’ils soient, ne sont pas pertinents en l’instance, car il ne revient pas au Tribunal de juger de l’opportunité ou de l’efficacité d’une loi.
[13] La Cour suprême du Canada l’a déjà énoncé de façon éloquente et péremptoire dans le contexte qui nous intéresse, notamment dans Québec (Procureur général) c. Canada (Procureur général)[9]:
[3] (…) Nous ajouterions ceci. Pour certains, la décision du Parlement de détruire ces données affaiblira la sécurité publique et entraînera le gaspillage de sommes considérables de fonds publics. D’autres y verront le démantèlement d’un régime malavisé et le rétablissement trop tardif du droit à la vie privée des propriétaires d’armes à feu qui respectent les lois. Or, ces opinions divergentes sur le bien-fondé du choix de politique générale du Parlement ne sont pas en litige dans la présente affaire. Comme on l’a dit à maintes reprises, les tribunaux ne doivent pas s’interroger sur la sagesse d’une loi : ils doivent uniquement se prononcer sur sa légalité. (…)
[14] Dans le Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu (Can.)[10], la Cour suprême du Canada concluait au même sens:
57 Nous sommes également conscients des préoccupations de ceux qui s’opposent à la Loi parce qu’elle peut se révéler inefficace ou trop coûteuse. L’Alberta a fait valoir que les criminels ne feraient pas enregistrer leurs armes. On prétend que le seul effet réel de la loi est d’imposer de la paperasserie à des agriculteurs et des chasseurs respectueux de la loi. Ces préoccupations ont été dûment soumises au Parlement et examinées par lui; elles ne peuvent avoir aucune incidence sur la décision de notre Cour. L’efficacité ou le manque d’efficacité d’une loi n’est pas pertinent pour déterminer si le Parlement a le pouvoir de l’adopter en vertu de l’analyse relative au partage des pouvoirs. En outre, le gouvernement fédéral souligne que les criminels professionnels ne sont pas les seuls à pouvoir faire un usage abusif des armes à feu. La violence familiale est souvent le fait de personnes qui n’ont pas d’antécédents judiciaires. Des crimes sont commis par des personnes qui n’ont jamais commis d’infraction auparavant. Enfin, des accidents, des suicides et des vols d’armes à feu se produisent chez des personnes respectueuses de la loi. En imposant à tous l’enregistrement des armes à feu, le Parlement cherche à réduire leur usage abusif par quiconque de même que la capacité des criminels d’acquérir des armes à feu. Le système d’enregistrement cherche à faciliter la localisation des armes à feu acquises et utilisées par des criminels. Le coût du programme, une autre critique dirigée contre la loi, est également sans pertinence dans notre analyse constitutionnelle.
[15] Ainsi, il n’est pas question ici de déterminer si le contrôle des armes à feu est bon ou mauvais en soi, si la loi est équitable ou inéquitable pour les propriétaires d’armes à feu, ou encore si elle réussira à constituer un outil efficace au service des forces de l’ordre, pour paraphraser la Cour suprême dans ce même arrêt. La seule question est de savoir si l’Assemblée nationale avait le pouvoir constitutionnel d’adopter cette loi.
[16] Aussi, en filigrane de leurs arguments principaux, les demandeurs invoquent l’illégalité potentielle de toute détention de données provenant du registre fédéral par le Québec, car elle serait contraire à l’article 64[11] de la Loi sur l’accès à l’information[12], tant que la Loi n’est pas en vigueur. Étant donné que le recours entrepris à cet égard est de nature discrétionnaire[13], le Tribunal ne se prononcera pas à ce sujet. En effet, la question est académique; d’une part, parce que la Loi peut entrer en vigueur à tout moment suivant la volonté du législateur et, d’autre part, il n’existe aucune preuve que le Ministre détient actuellement ces données.
[17] Enfin, les droits en question sont éminemment personnels car ils relèvent de la vie privée d’un individu[14] et il est douteux que l’Association puisse présenter une telle demande au nom de ses membres ou de la population en général et Philippe Simard, au nom de quiconque à l’exception de lui-même.
CADRE D’ANALYSE
[18] Quant à la question principale soulevée par ce recours, le Tribunal doit tout d’abord déterminer la véritable nature ou le caractère véritable[15] de la Loi et ensuite vérifier si cette matière peut être rattachée à un chef de compétence législative prévu à l’article 92 de la Constitution.
[19] L’état du droit à ce sujet a été revu et corrigé - et cette démarche en deux étapes prescrite - par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta[16] :
25 Il est maintenant bien établi que la résolution d’une affaire mettant en cause la validité constitutionnelle d’une législation eu égard au partage des compétences doit toujours commencer par une analyse du « caractère véritable » de la législation contestée. L’analyse peut porter sur la législation prise dans son ensemble ou seulement sur certaines dispositions de celle-ci.
26 Cette première analyse consiste dans une recherche sur la nature véritable de la loi en question afin d’identifier la « matière » sur laquelle elle porte essentiellement. Comme l’a affirmé le juge Rand dans l’arrêt Saumur c. City of Quebec, [1953] 2 R.C.S. 299, p. 333 :
[TRADUCTION] . . . les tribunaux doivent pouvoir, d’après ses termes et les circonstances qui l’entourent, rattacher un texte législatif à une matière relativement à laquelle la législature qui l’adopte a reçu le pouvoir de faire des lois. Ce principe fait partie de la nature même du fédéralisme . . . [En italique dans l’original.]
Si le caractère véritable de la législation contestée peut se rattacher à une matière relevant de la compétence de la législature qui l’a adoptée, les tribunaux la déclareront intra vires. Cependant, lorsqu’il est plus juste d’affirmer qu’elle porte sur une matière qui échappe à la compétence de cette législature, la constatation de cette atteinte au partage des pouvoirs entraînera l’invalidation de la loi.
27 Le caractère véritable de la loi doit être déterminé sous deux aspects : le but visé par le législateur qui l’a adoptée et l’effet juridique de la loi. Dans l’analyse du but visé, les tribunaux peuvent examiner tant la preuve intrinsèque, tels le préambule ou les dispositions de la législation énonçant ses objectifs généraux, que la preuve extrinsèque, tels le hansard ou les comptes rendus des débats parlementaires. Ce faisant, les tribunaux doivent toutefois rechercher l’objectif réel de la législation, plutôt que son but simplement déclaré ou apparent. De même, les tribunaux peuvent tenir compte des effets de la législation. Par exemple, dans l’arrêt Attorney-General for Alberta c. Attorney-General for Canada, [1939] A.C. 117 (« Alberta Banks »), le Conseil privé a invalidé une loi provinciale imposant une taxe aux banques pour le motif que les effets de cette loi sur les banques étaient si importants que son objet véritable ne pouvait pas être (comme le prétendait la province) le prélèvement de deniers par l’imposition d’une taxe (ce qui en aurait fait une loi intra vires), mais qu’il était la réglementation des opérations bancaires (ce qui la rendait ultra vires et donc l’invalidait).
28 Le corollaire fondamental de cette méthode d’analyse constitutionnelle est qu’une législation dont le caractère véritable relève de la compétence du législateur qui l’a adoptée pourra, au moins dans une certaine mesure, toucher des matières qui ne sont pas de sa compétence sans nécessairement toucher sa validité constitutionnelle. À ce stade de l’analyse de sa constitutionnalité, l’« objectif dominant » de la législation demeure déterminant. Ses buts et effets secondaires n’ont pas de conséquence sur sa validité constitutionnelle : « de simples effets accessoires ne rendent pas inconstitutionnelle une loi par ailleurs intra vires ». Par « accessoires », on entend les effets de la loi qui peuvent avoir une importance pratique significative mais qui sont accessoires et secondaires au mandat de la législature qui a édicté la loi. Ces ingérences accessoires dans les matières relevant de la compétence de l’autre ordre de gouvernement sont acceptables et prévisibles. Dans Bank of Toronto c. Lambe (1887), 12 App. Cas. 575, pour donner un autre exemple, et à la différence de l’affaire Alberta Banks susmentionnée, le Conseil privé a confirmé la validité d’une législation imposant une taxe aux banques en jugeant que le caractère véritable de la législation visait bien à générer des recettes pour la province et qu’en conséquence, elle avait essentiellement pour objet la taxation directe, et non les banques ou les opérations bancaires.
29 La doctrine du « caractère véritable » repose sur la reconnaissance de l’impossibilité pratique qu’une législature exerce efficacement sa compétence sur un sujet sans que son intervention ne touche incidemment à des matières relevant de la compétence de l’autre ordre de gouvernement. Comme le soulignent les auteurs Brun et Tremblay, il serait par exemple impossible pour le Parlement fédéral de légiférer efficacement sur les droits d’auteur sans incidence sur la propriété et les droits civils ou pour les législatures provinciales de légiférer efficacement sur le droit civil sans toucher incidemment le statut des étrangers.
(Références omises)
[20] Ce prisme d’analyse vient d’être réitéré par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Rogers Communications Inc. c. Châteauguay (Ville)[17] :
[36] L’analyse du caractère véritable de l’avis de réserve requiert l’examen tant de son objet que de ses effets. Comme pour celui d’une loi, l’objet d’une mesure municipale s’apprécie par l’examen des éléments de preuve intrinsèque, tels que le préambule ou les objectifs généraux énoncés dans la résolution qui autorise la mesure, de même que par des éléments de preuve extrinsèques, tels que les circonstances dans lesquelles la mesure a été adoptée. Pour leur part, les effets de la mesure municipale sont déterminés par l’examen des répercussions juridiques de son libellé et par les conséquences pratiques découlant de son application.
[37] Lorsqu’ils procèdent à l’examen du caractère véritable, les tribunaux doivent éviter d’adopter l’approche des compartiments étanches, approche d’ailleurs, rejetée par la Cour. Le fait qu’une mesure ait de simples effets accessoires sur un champ de compétence exclusive de l’autre palier législatif ne suffit pas pour qu’elle soit déclarée ultra vires.
(Références omises)
DISCUSSION
[21] Le Tribunal procèdera à analyser la compétence du Québec à adopter la Loi selon la grille d’analyse prescrite et, ensuite, s’il le faut, se penchera ensuite sur la constitutionnalité de son article 13.
Caractère véritable
[22] À cette première étape d’analyse, la Cour suprême du Canada énonce que cette détermination se fait en deux temps[18] : le but visé et les effets juridiques. L’objectif de la Loi peut être déterminé en ayant recours à la preuve intrinsèque et la preuve extrinsèque alors que les effets juridiques sont analysés sur le plan pratique dans le contexte du partage des compétences établi par la Constitution, soit un empiètement illégal sur le champ de compétence qui n’est pas le sien.
Le but visé
[23] La preuve intrinsèque est éloquente dans la mesure où l’objet de la Loi est énoncé à son article 1 :
1. La présente loi a pour objet de déterminer les règles d’immatriculation applicables aux armes à feu. Elle a également pour objet de favoriser, auprès des autorités publiques, la connaissance de leur présence sur le territoire du Québec de façon à appuyer les agents de la paix dans leur travail d’enquête ainsi que lors de leurs interventions, y compris leurs interventions préventives. Elle vise également à assurer une exécution efficace des ordonnances tribunaux interdisant la possession d’armes à feu.
[24] Ainsi, la Loi établit essentiellement que les armes à feu présentes sur le territoire du Québec doivent être immatriculées[19] et que, pour ce faire, des informations doivent être transmises au Ministre de la Sécurité publique par les propriétaires de ces armes à feu. La Loi s’intéresse principalement à l’arme, et non pas à son utilisation ou à son propriétaire. C’est à l’article 3 que la Loi précise à qui incombe le devoir de veiller à l’immatriculation d’une arme[20].
[25] La disposition charnière est l’article 4 de la Loi, qui indique que le Ministre immatricule l’arme et consigne ces informations dans un fichier :
4. Le ministre procède à l’immatriculation d’une arme à feu par l’inscription, dans le fichier qu’il tient à cette fin, des renseignements prévus par règlement du gouvernement. Le ministre met en place des mesures pour s’assurer de l’intégrité des renseignements inscrits au fichier.
L’immatriculation subsiste tant que l’arme à feu et son propriétaire demeurent les mêmes.
[26] En conséquence, la Loi ne vise pas à interdire la possession d’armes à feu, mais a pour but d’assurer que le Ministre soit informé de leur existence et de leur emplacement sur le territoire du Québec.
[27] Enfin, la combinaison de l’immatriculation avec le numéro unique[21], qui identifie l’arme elle-même, permet de retracer toutes les informations concernant une arme et son détenteur.
[28] Il y a donc lieu de conclure que la Loi vise à rendre le travail des forces de l’ordre plus sécuritaire et la mise en œuvre des ordonnances judiciaires plus efficace.
[29] Quant à la preuve extrinsèque, elle fait, certes, référence au régime fédéral. Tant le Premier ministre Couillard que ses ministres de la sécurité publique ont admis que la Loi vise à remplacer les dispositions de droit fédéral abrogées par la Loi abolissant le registre des armes d’épaule. Ainsi, le 31 mars 2015, le Premier ministre Philippe Couillard déclarait ce qui suit à l’Assemblée nationale:
M. le Président, franchement! Franchement, c'est du niveau du cours primaire, là, de finances publiques, là. Le registre des armes à feu, il existe encore, c'est la partie sur les armes d'épaule qu'il faut refaire et qu'on va refaire au Québec. Alors, attention!
[30] Surtout, le Ministre de la Sécurité publique, titulaire de ce dossier, explique en commission parlementaire quels sont les objectifs de la Loi[22] :
Alors, ce projet de loi n° 64, […] s’inscrit tout à fait dans le virage préventif que je veux personnellement imprimer au ministère de la Sécurité publique. Ça s’inscrit très bien. Donc, ça répondait à une série d’objectifs très importants, mais c’est vraiment un outil de prévention important. Donc, je suis assez heureux d’être maintenant responsable, là, du côté ministériel, de ce projet de loi, l’objectif étant, évidemment, d’assurer la sécurité des citoyens, des citoyennes et aussi celle des policiers, des policières qui interviennent sur le territoire pour assurer la sécurité des citoyens. Il faut qu’ils puissent, qu’elles puissent le faire en respectant leur propre sécurité, dans l’assurance de leur propre sécurité.
Alors, on a devant nous un projet de loi qu’on va étudier de manière détaillée, qui est un outil de prévention en matière de sécurité publique. Alors, si on y va plus spécifiquement, le projet de loi n° 64 va permettre d’identifier les propriétaires d’armes à feu et de connaître la présence de ces armes sur le territoire québécois, de façon à soutenir les policiers dans leurs interventions. Ça va nous permettre, en fait, en particulier, de répondre à deux questions : Qui possède les armes à feu sans restriction, communément appelées armes d’épaule? Et où se trouvent-elles sur le territoire? Ça va nous permettre d’assurer une exécution plus efficace des ordonnances des tribunaux interdisant notamment la possession d’armes à feu. Ça va faciliter notre travail en matière de retrait préventif des armes. Lorsque je disais que c’était un outil en matière de prévention, c’est notamment un aspect important, ça, des outils de prévention, le retrait préventif des armes, pour éviter des risques de suicide.
[31] Enfin, les buts de ce type de registre d’enregistrement d’armes à feu ont déjà été déterminés par la Cour suprême du Canada dans le Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu de 2000 et le Tribunal serait mal avisé de ne pas appliquer ce constat alors que la Loi vise manifestement à reproduire le régime fédéral:
[57] (…) En imposant à tous l’enregistrement des armes à feu, le Parlement cherche à réduire leur usage abusif par quiconque de même que la capacité des criminels d’acquérir des armes à feu. Le système d’enregistrement cherche à faciliter la localisation des armes à feu acquises et utilisées par des criminels. (…)
[32] Le Tribunal en conclut donc que tant la preuve intrinsèque qu’extrinsèque indiquent que le but visé de la Loi est d’assurer la sécurité des agents de la paix et des citoyens. Il s’agit donc d’une question de sécurité publique[23].
Les effets juridiques (S’agit-il d’une législation criminelle déguisée?)
[33] À la seconde étape de l’analyse du caractère véritable de la Loi, la Cour suprême du Canada impose la démarche suivante, articulée notamment dans le Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu[24]:
18 Les effets juridiques d’une loi sont déterminés par l’examen de son application et de ses effets sur les Canadiens. (…) L’examen vise plutôt à déterminer comment la loi cherche à atteindre son but afin de mieux comprendre son [TRADUCTION] «entière portée». Dans certains cas, les effets de la loi peuvent indiquer un objet autre que celui qu’elle énonce. En d’autres termes, une loi peut dire qu’elle vise une chose et, en réalité, faire autre chose. Lorsque les effets de la loi diffèrent de façon importante de l’objet déclaré, on parle parfois de «motif déguisé».
(Références omises)
[34] C’est à cette étape - et non pas auparavant - qu’il y a lieu de vérifier si la Loi ne constitue pas une législation criminelle déguisée. Les demandeurs rappellent et se basent à cet égard notamment sur l’arrêt Morgentaler[25], qui en représente une démonstration éloquente. Dans ce dossier particulier, la province de Nouvelle-Écosse avait, sous le couvert d’une législation visant en apparence à régir les services d’avortement thérapeutiques, décidé d’empêcher que des avortements soient prodigués en clinique privée, parce qu’elle les considérait comme « socialement indésirables ». La province procédait en réalité ainsi à pallier la disparition des dispositions rendant les avortements criminels.
[35] Forts de cette autorité, les demandeurs invoquent ainsi que la Loi vise uniquement les armes à feu sans restriction et ne tente d’aucune façon à en réglementer le commerce ou la propriété. Selon eux, la Loi ne s’inscrit dans aucun cadre réglementaire existant et ne sert aucune autre fin que celle de reproduire les effets des dispositions, maintenant abrogées, de la Loi sur les armes à feu et du Code criminel. Ainsi, ils tracent ainsi un parallèle entre le dossier Morgentaler et la Loi et demandent que le Tribunal arrive à la même conclusion. Afin de traiter de cette question, il est nécessaire de faire un bref rappel des principes applicables en cette matière.
[36] Notre droit pénal puise ses assises et ses fondements entre autres, chez Aristote[26] et Sénèque[27]. Dans notre société, la loi représente à la fois la puissance atteinte par l'infraction et celle chargée de la sanctionner et la corriger. Le crime est un comportement hors du commun, une transgression d'une norme que Ia société respecte et impose.
[37] La Cour suprême du Canada rappelle dans le Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu, en reprenant ses précédents, les trois considérants nécessaires pour qualifier une législation comme relevant du droit criminel :
27 En règle générale, une loi peut être considérée comme relevant du droit criminel si elle comporte les trois éléments suivants: un objet valide de droit criminel assorti d’une interdiction et d’une sanction. Le procureur général du Canada soutient que la loi de 1995 sur le contrôle des armes à feu respecte ces trois exigences et cite plusieurs auteurs à l’appui de ses arguments. (…)
33 Le contrôle des armes à feu est traditionnellement considéré comme relevant validement du droit criminel parce que les armes à feu sont dangereuses et constituent un risque pour la sécurité publique. L’article 2 du Code criminel (modifié par le par. 138(2) de la Loi sur les armes à feu ) définit une «arme à feu» comme «[t]oute arme [...] susceptible, grâce à un canon qui permet de tirer du plomb, des balles ou tout autre projectile, d’infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne» (nous soulignons). Cela démontre que le Parlement considère les armes à feu comme dangereuses et qu’il réglemente leur possession et leur usage pour ce motif. La loi se limite à prévoir des restrictions pour des fins de sécurité. En cela, la réglementation des armes à feu en tant que produits dangereux est un objet valide de droit criminel.
(Références omises)
[38] Ces principes avaient déjà fait l’objet de commentaires en 1948 dans l’arrêt phare dans ce domaine, Reference As To The Validity Of Section 5(A) Of The Dairy Industry Act[28] :
Juge Taschereau aux pages 40 à 43 :
Le second argument invoqué par le Procureur Général du Canada est qu'en défendant l'importation, la vente et la possession de ces produits, le parlement canadien a imposé une prohibition accompagnée de sanctions, et a en conséquence érigé en crime toute violation de la loi. Or, en matière criminelle dit-on, le Parlement fédéral est la seule autorité compétente. Je n'oublie pas les définitions du crime et du droit criminel qui ont été données déjà, mais celles-ci doivent se lire et s'interpréter avec les tempéraments qui y ont été apportés.
C'est ainsi que l'on voit dans Proprietary Articles Trade Association v. Attorney-General for Canada le passage qui suit:
The criminal quality of an act cannot be discerned by intuition; nor can it be discovered by reference to any standard but one: Is the act prohibited with penal consequences? Morality and criminality are far from coextensive; nor is the sphere of criminality necessarily part of a more extensive field covered by morality—unless the moral code necessarily disapproves all acts prohibited by the State, in which case the argument moves in a circle. It appears to their Lordships to be of little value to seek to confine crimes to a category of acts which by their very nature belong to the domain of "criminal jurisprudence"; for the domain of criminal jurisprudence can only be ascertained by examining what acts at any particular period are declared by the State to be crimes, and the only common nature they will be found to possess is that they are prohibited by the State and that those who commit them are punished.
Dans Attorney-General for British Columbia v. Attorney-General for Canada (1) le Comité Judiciaire a dit:
The object of an amendment of the criminal law as a rule is to deprive the citizens of the right to do that which, apart from the amendment, he could lawfully do.
(…)
Cette législation était évidemment une tentative pour obtenir par un moyen détourné des résultats recherchés par la Loi d'Assurance de 1910, qui avait été déclarée ultra vires des pouvoirs du Parlement Fédéral, dans Attorney General for Canada v. Attorney General for Alberta. Voici ce que disait Sir Lyman Duff :
In accordance with the principle inherent in these decisions their Lordships think it is no longer open to dispute that the Parliament of Canada cannot, by purporting to create penal sanctions under s. 91, head 27, appropriate to itself exclusively a field of jurisdiction in which, apart from such a procedure, it could exert no legal authority, and that if when examined as a whole, legislation in form criminal is found, in aspects and for purposes exclusively within the Provincial sphere, to deal with matters committed to the Provinces, it cannot be upheld as valid. And indeed, to hold otherwise would be incompatible with an essential principle of the Confederation scheme, the subject of which, as Lord Watson said in Maritime Bank of Canada v. Receiver-General of New Brunswick (1892) A.C. 437, 441, was "not to weld the Provinces into one or to subordinate the Provincial Governments to. a central authority." "Within the spheres allotted to them by the Act the Dominion and the Provinces are." as Lord Haldane said in Great West Saddlery Co. v. The King (1921) 2 A.C. 91, 100, "rendered in general principle coordinate Governments."
Their Lordships think it undesirable to attempt to define, however generally, the limits of Dominion jurisdiction under head 27 of s. 91; but they think it proper to observe, that what has been said above does not involve any denial of the authority of the Dominion Parliament to create offences merely because the legislation deals with matters which, in another aspect, may fall under one or more of the subdivisions of the jurisdiction entrusted to the Provinces. It is one thing, for example, to declare corruption in municipal elections, or negligence of a given order in the management of railway trains, to be a criminal offence and punishable under the Criminal Code; it is another thing to make use of the machinery of the criminal law for the purpose of assuming control of municipal corporations or of Provincial railways.
Juge Rand aux pages 49-50:
Criminal law is a body of prohibitions; but that prohibition can be used legislatively as a device to effect a positive result is obvious; we have only to refer to Adam Smith's Wealth of Nations, Vol. II, chapters 2 and 3 to discover how extensively it has been used not only to keep foreign goods from the domestic market but to prevent manufactures in the colonies for the benefit of home industries;
(…)
Is the prohibition then enacted with a view to a public purpose which can support it as being in relation to criminal law? Public peace, order, security, health, morality: these are the ordinary though not exclusive ends served by that law, but they do not appear to be the object of the parliamentary action here. That object, as I must find it, is economic and the legislative purpose, to give trade protection to the dairy industry in the production and sale of butter; to benefit one group of persons as against competitors in business in which, in the absence of the legislation, the latter would be free to engage in the provinces. To forbid manufacture and sale for such an end is prima facie to deal directly with the civil rights of individuals in relation to particular trade within the provinces: Shannon vs. Lower Mainland Dairy Board, 43.
The public interest in this regulation lies obviously in the trade effects: it is annexed to the legislative subject matter and follows the latter in its allocation to the one or other legislature. But to use it as a support for the legislation in the aspect of criminal law would mean that the Dominion under its authority in that field, by forbidding the manufacture or sale of particular products, could, in what it considered a sound trade policy, not only interdict a substantial part of the economic life of one section of Canada but do so for the benefit of that of another. Whatever the scope of the regulation of interprovincial trade, it is hard to conceive a more insidious form of encroachment on a complementary jurisdiction.
[39] Plus récemment, dans le Renvoi relatif à la Loi sur la procréation assistée[29], la juge en chef McLachlin réitère toujours les mêmes principes :
[43] (…) La jurisprudence reconnaît à juste titre qu’il est impossible de confiner le pouvoir de légiférer en droit criminel dans des catégories précises. Le droit criminel doit pouvoir s’adapter aux phénomènes nouveaux qui intéressent le public et qui touchent la santé et la sécurité des Canadiens et Canadiennes, de même qu’aux valeurs fondamentales de la société canadienne. Il ne convient donc pas d’adopter une approche rigide et catégorique pour déterminer ce qu’est un véritable objet de droit criminel.
[58] La sécurité n’est invoquée que de manière périphérique dans la présente affaire. Pourtant, le procureur général du Canada invoque des problèmes d’ordre moral et sanitaire qui ont d’importantes répercussions sur la sécurité des personnes. Nul ne conteste que l’un des objectifs les plus fondamentaux du droit criminel — le plus fondamental en fait — consiste à assurer la sécurité de chacun. Protéger la vie humaine et la sécurité des citoyens constitue le souci premier de l’État.
[40] Et les juges LeBel et Deschamps opinent dans le même arrêt :
[233] Cette conception des éléments constitutifs de la compétence fédérale en matière de droit criminel — qui allie deux volets, l’un matériel et l’autre formel — demeure valable aujourd’hui et elle a notamment été appliquée dans le Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu (par. 27). Pour être rattachée à ce chef de compétence fédérale, une loi ou une disposition doit comporter les trois éléments suivants :
1 - réprimer un mal;
2 - énoncer une interdiction;
3 - accompagner cette interdiction d’une sanction.
[41] En reprenant l’étude de la Loi, il faut noter que la Cour suprême du Canada dans le Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu[30] a bien conclu que « la réglementation des armes à feu en tant que produits dangereux est un objet valide de droit criminel », mais deux remarques s’imposent à ce sujet. Tout d’abord ce commentaire vise tant la gestion de permis d’armes que l’enregistrement des armes à feu (alors qu’en l’instance seul l’enregistrement est sous étude) et ensuite et surtout, il ne s’agit que du premier élément à analyser parmi les trois qui définissent une loi de nature criminelle, soit la qualification du « mal à réprimer ».
[42] Ainsi, le constat de l’existence d’un objet valide de droit criminel ne termine pas l’analyse. Il faut aussi, et nécessairement, que cet objet soit lié à une interdiction assortie d’une sanction.
[43] Le Tribunal souligne que dans l’arrêt de la Cour suprême du Canada Chatterjee c. Ontario (Procureur général)[31], le juge Binnie indique le chevauchement tout à fait valide et presqu’inévitable en matière des compétences respectives du Canada et des provinces, notamment en ce qui concerne le droit criminel et les mesures de prévention:
[25] Tel qu’il a été indiqué précédemment, la LRC correspond parfaitement à la compétence provinciale relative à la propriété et aux droits civils dans la province (Loi constitutionnelle de 1867, par. 92(13) ) ou aux matières d’une nature purement locale ou privée dans la province (par. 92(16) ). Les procureurs généraux s’appuient sur l’arrêt Martineau c. M.R.N., 2004 CSC 81, [2004] 3 R.C.S. 737, pour soutenir que les « mécanismes civils comprennent la saisie à titre de confiscation de marchandises et de moyens de transport » (par. 27).
[26] Notre jurisprudence offre de nombreux exemples de l’interaction entre la compétence législative provinciale en matière de propriété et de droits civils et la compétence législative fédérale en ce qui a trait et à la loi criminelle et à la procédure criminelle. Par exemple, dans Bédard c. Dawson, [1923] R.C.S. 681, la Cour a confirmé la validité d’une loi provinciale qui autorisait un juge à fermer une « maison de désordre » pour une période n’excédant pas un an. La Cour a statué que l’objet de la loi était la jouissance des droits de propriété et non le droit criminel. Selon le juge Duff (plus tard juge en chef du Canada), [traduction] « [l]a loi contestée semble viser la suppression de conditions propres à favoriser la criminalité plutôt que la sanction du crime » (p. 684). Dans des termes pertinents pour trancher le présent pourvoi, le juge Idington a dit ce qui suit :
[traduction] En ce qui concerne l’argument qu’on nous a présenté suivant lequel les législatures locales ne peuvent légiférer pour prévenir le crime, je ne peux y souscrire parce que, dans un sens très large, il est du devoir de la législature de faire tout ce qui est en son pouvoir pour prévoir et supprimer, dans la mesure du possible, tout ce qui est susceptible de conduire à la criminalité; . . . [Je souligne; p. 684.]
(…)
[29] Toutefois, la question est de savoir à quel moment une mesure provinciale visant la « suppression » de la criminalité devient elle-même une « loi criminelle ». Il y aura souvent un certain chevauchement entre les mesures adoptées en vertu du pouvoir provincial (propriété et droits civils) et celles prises en vertu du pouvoir fédéral (loi criminelle et procédure criminelle). Dans de tels cas, il est nécessaire que la Cour identifie la « caractéristique dominante » de la mesure contestée. Si, comme le font valoir les procureurs généraux en l’espèce, la LRC a pour caractéristique dominante la propriété et les droits civils, elle ne sera pas invalidée en raison d’une ingérence « accessoire » dans le domaine du droit criminel.
[44] La détermination de la « caractéristique dominante » de la Loi démontre que, contrairement à la loi fédérale désormais abrogée, la possession de toute catégorie d’armes à feu non enregistrée ne constitue pas une infraction. Il y a lieu de conclure que la Loi n’empêche personne de posséder une arme à feu et qu’elle n’interdit rien.
[45] La Loi crée plutôt des obligations afin de constituer une base de données contenant des informations au sujet des armes à feu présentes sur le territoire du Québec et de leur propriétaire afin de servir de source d’information et d’outil pour les agents de la paix. La Loi ne met pas en place un régime qui serait essentiellement prohibitif ou qui dénoteraient des comportements répréhensibles méritant répression. Les infractions prévues par la Loi ne sont pas autonomes, mais de simples accessoires destinés à assurer son respect[32], comme dans une pléthore de lois provinciales. C’est dans le but de faire respecter la Loi elle-même et seulement lorsqu’un individu ne se conforme pas à celle-ci que l’arme dont il est propriétaire pourra être saisie, et ce uniquement dans la mesure où ce propriétaire continue à refuser de se conformer à la Loi[33]. Le montant des amendes - entre 500$ et 15 000$ - n’est pas non plus exorbitant au point où il pourrait constituer une sanction plutôt d’ordre criminel que pénal[34].
[46] Bref, la Loi ne relève pas du droit criminel ni de façon explicite ni de façon implicite. Les effets de la Loi correspondent et sont au diapason de son but.
[47] À ce propos, le cadre d’analyse est proposé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Chatterjee c. Ontario (Procureur général)[35] :
[19] En ce qui concerne les effets de la LRC, la Cour examinera, pour déterminer le caractère véritable de cette loi, « la manière dont le texte législatif dans son ensemble influe sur les droits et les obligations de ceux qui sont assujettis à ses dispositions » (R. c. Morgentaler, [1993] 3 R.C.S. 463, p. 482). Au besoin, la cour de révision ne tiendra pas seulement compte des effets juridiques — elle ne se tiendra pas à la seule teneur du texte — pour prendre en considération « l’effet pratique, réel ou prévu, de l’application du texte législatif » (Morgentaler, p. 483).
[48] Ainsi, et surtout, contrairement à l’arrêt Morgentaler et aux autres autorités au même effet citées par les demandeurs[36], il n’existe aucun élément prépondérant dans la preuve, ni intrinsèque ni extrinsèque, permettant de conclure à une loi déguisée[37]. Certes, les commentaires du Premier ministre Couillard évoquent explicitement la création du registre québécois analogue au registre fédéral, mais cela ne permet pas en soi de déterminer le but ni l’objet de la Loi.
[49] Enfin, un précédent convaincant s’impose : l’arrêt R. c. Dyck[38], alors que la Cour d’appel de l’Ontario a maintenu la validité d’un registre de délinquants sexuels (« Christhopher’s law ») et a refusé de conclure qu’il s’agissait d’une incursion illégale de la province en droit criminel.
[50] L’analogie entre cette situation et le dossier en l’instance est manifeste. Or, la Cour d’appel dans cet arrêt a conclu ce qui suit au sujet du partage des compétences :
[38] Christopher's Law is not in pith and substance criminal law. It is legislation designed (i) to promote public safety and protection and (ii) to assist police in their investigatory efforts with a view to enhancing the prevention of crime. Its primary purpose and effect is not to impose prohibitions and penalties for a criminal law purpose but rather to create a regulatory registry scheme. Christopher's Law is a valid exercise of the Legislature's power and its enactment falls within the legislative competence of the provinces under ss. 92(13) (property and civil rights) and 92(14) (administration of justice) of the Constitution Act, 1867. (…)
[41] The first step of this analysis involves determining the "pith and substance" of the law by examining its purpose and effect. In ascertaining the purpose and effect of legislation, courts will consider the provisions of the statute itself - including any statements of purpose in the preamble or elsewhere - and may have regard as well to the reports of legislative debates surrounding the enactment of the legislation. Here, that exercise supports the conclusion that the essential character of Christopher's Law is to protect the public through the suppression and prevention of crime, not to stiffen the criminal law in a "colourable" fashion.(…)
[50] I turn next to the second step of the "legislative competence" analysis. I have held that the essential character of Christopher's Law is directed at the protection of the community, the promotion of public safety, and the creation of a valuable investigative tool to assist police in the investigation of sex offences. The key question now is the proper classification of that essential character "by reference to the heads of power under the Constitution Act, 1867 in order to determine whether the law comes within the jurisdiction of the enacting government": see the Firearms Act Reference at paragr. 15.
[51] I will begin by considering whether Christopher's Law has been validly enacted under a provincial head of power. In my view, it has been. Specifically, it could have been enacted under either ss. 92(13) (property and civil rights) or 92(14) (administration of justice).
[52] The provincial power under s. 92(14) (administration of justice) has been interpreted broadly and, in my view, is a clear source of authority allowing the Province to enact Christopher's Law. In Ontario (Attorney General) v. Chatterjee (2007), 221 C.C.C. (3d) 350 at paragr. 30, leave to appeal to SCC granted, [2007] S.C.C.A. No. 414, this Court recently stated, while upholding provincial legislation providing for civil forfeiture of proceeds of crime, "It is well established that the suppression of conditions likely to favour the commission of crimes falls within provincial competence." Further, this head of power grants the provinces the authority to establish policing services and the Registry assists the police in their duties by creating a tool designed to suppress conditions likely to favour the commission of crime.(…)
[59] Christopher's Law is not a colourable attempt to enact criminal law. It may impose a penalty for non-compliance with its registration requirements, but it does not have a criminal law purpose nor does it prohibit anyone from doing anything. As I indicate later in these reasons - in the portion dealing with the arguments under ss. 11(h) and 11(i) of the Charter - neither the requirement to register and report under the Act nor any stigma attaching to the registration constitute punishment. As the trial judge found, the Act's primary purpose is to protect the community and enhance public safety. Christopher's Law is not aimed at stiffening the criminal law or creating a new criminal offence or imposing punitive consequences: see Schneider at 467. Its dominant characteristic is not a prohibition coupled with a penalty for a criminal law purpose. Rather, Christopher's Law establishes what is predominantly a regulatory scheme.
[51] La distinction que les demandeurs tentent de faire avec cet arrêt, soit que, dans le registre ontarien, il s’agissait de personnes déjà condamnées au criminel alors qu’ici on vise directement ou indirectement tous les propriétaires d’armes à feu, n’est pas convaincante ni même pertinente à cette étape de l’analyse, alors qu’on s’intéresse aux effets de la législation dans le cadre de la recherche de son caractère véritable. Elle ne l’est éventuellement qu’au stade subséquent, alors qu’il s’agira de vérifier le rattachement de la législation ontarienne au chef de compétence prévu au paragraphe 92(14) de la Constitution, soit « l’administration de la justice »[39].
[52] En conclusion, le caractère véritable de la Loi, tant en analysant son but que ses effets, est la sécurité publique. Il ne s’agit pas non plus d’une loi empiétant de façon déguisée sur le champ de compétence réservé au fédéral en droit criminel, suivant le paragraphe 91(16) de la Constitution.
Rattachement à un chef de compétence législative
[53] D’emblée, il y a lieu de noter que la Procureure générale du Canada n’intervient pas dans ce débat, et il est permis d’en inférer qu’elle ne conteste pas le pouvoir du Québec d’adopter la législation sous étude. Il y a lieu de souligner que le Canada avait déjà reconnu la légalité d’une telle action ou décision du Québec devant la Cour suprême du Canada dans le dossier Québec (Procureur général) c. Canada (Procureur général)[40]. En conséquence, il faut faire preuve d’encore plus de circonspection dans l’étude de la validité constitutionnelle d’une législation, lorsque les deux juridictions sont d’accord[41], quoique le Tribunal demeure le gardien de la Constitution.
[54] Ainsi, une fois arrêté le caractère véritable de la Loi, on y juxtapose les articles 91 et 92 de la Constitution afin de déterminer si la législation contestée peut se rattacher à une matière relevant de la compétence du Parlement ou de la législature qui l’a adoptée. Si c’est le cas, elle est intra vires[42]. À ce sujet, il y a lieu de rappeler les commentaires de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta :
30 Par ailleurs, certaines matières sont, par leur nature même, impossibles à classer dans un seul titre de compétence : elles peuvent avoir à la fois une facette provinciale et une autre fédérale. Ainsi, le fait qu’une matière puisse, à une fin et à un égard précis, relever de la compétence fédérale ne signifie pas que cette matière ne peut, à une autre fin et à un autre égard, relever de la compétence provinciale. La théorie du double aspect, comme on l’appelle, qui trouve son application à l’occasion de l’analyse du caractère véritable de la législation, assure le respect des politiques mises en œuvre par les législateurs élus des deux ordres de gouvernement. La conduite automobile dangereuse en constitue un exemple classique : le Parlement peut légiférer sur l’aspect « ordre public » et les législatures provinciales sur son aspect « propriété et droits civils dans la province ». La théorie du double aspect reconnaît que le Parlement et les législatures provinciales peuvent adopter des lois valables sur un même sujet, à partir des perspectives selon lesquelles on les considère, c’est-à-dire selon les « aspects » variés de la « matière » discutée.
[55] C’est le cas de la sécurité publique. Cette matière n’est pas expressément prévue dans la Constitution et de toute évidence se compose de plusieurs aspects, sur le plan humain, matériel, organisationnel et, enfin, environnemental. Les deux ordres de gouvernement ont des ministères dont c’est la mission. Il est indéniable que la sécurité publique relève tant du Canada que des provinces et il n’existe pas à ce sujet de compétence exclusive. D’ailleurs, pour ce motif, la Cour suprême du Canada a reconnu la validité des législations provinciales en matière d’armes à feu[43] ou en matière de sécurité publique[44]. L’arrêt R. c. Dyck[45] dont il est question ci-dessus, est au même effet.
[56] Enfin, le professeur Hogg opine dans le même sens, en traitant des suites du Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu (Can.)[46] et la décision subséquente d’abroger la loi fédérale[47] :
Quebec, whose police forces had been making use of the long-gun registry, announced that it would establish a provincial registry for the long guns, which the province would undoubtedly have the power to do under its power over property and civil rights in the province.
(le Tribunal souligne)
[57] Le Tribunal doit ainsi conclure que cette matière relève du pouvoir de la province et qu’on peut la rattacher aux champs de compétences provinciales sur la propriété et le droit civil (art. 92 (13)) ainsi que l’administration de la justice (art. 92 (14))[48].
[58] En effet, l’immatriculation d’un objet appartenant à un citoyen, suivant certains paramètres, dans le but de prévenir les accidents et les crimes ainsi que pour faciliter l’exécution des ordonnances judiciaires est manifestement en lien avec ces deux chefs de compétence provinciale.
L’article 13 de la Loi
[59] Il s’agit de vérifier si les deux dispositions suivantes peuvent co-exister pour le justiciable, car les demandeurs soutiennent qu’elles sont contradictoires:
Loi québécoise
13. Toute entreprise d’arme à feu doit établir et maintenir à jour un tableau de suivi des opérations relatives aux armes à feu dont elle est propriétaire ou qui se trouvent en sa possession, dans l’un ou l’autre de ses établissements, sur le territoire du Québec.
L’entreprise d’armes à feu doit, sur demande, transmettre ce tableau au ministre.
Un règlement du gouvernement détermine les renseignements que doit contenir le tableau de suivi des opérations d’une entreprise d’armes à feu.
Règlement fédéral
2. Une personne ne peut être tenue, aux termes d’une condition dont est assorti un permis délivré en vertu de la Loi sur les armes à feu :
a) De recueillir des renseignements relatifs à la cession d’une arme à feu sans restrictions;
b) Si elle en recueille, de tenir un registre ou fichier de ces renseignements;
c) Si elle tient un tel registre ou fichier, de le tenir de manière à relier les renseignements identifiant le cessionnaire à ceux identifiant une arme à feu particulière ou à combiner ces renseignements, ou de manière à permettre qu’ils puissent être reliés ou combinés.
[60] Le prisme d’analyse en matière de conflit des dispositions législatives a été rappelé récemment par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Alberta (Procureur général) c. Moloney[49] :
[16] Cela dit, il vient un moment où le chevauchement législatif met en péril l’équilibre entre l’unité et la diversité. Dans certaines circonstances, les compétences d’un ordre de gouvernement doivent être protégées contre les empiétements, même accessoires, de l’autre ordre de gouvernement. Pour assurer cette protection, la Cour a élaboré diverses doctrines constitutionnelles. Pour les besoins du pourvoi, je n’ai à traiter que d’une seule de ces doctrines, soit celle de la prépondérance fédérale. Cette doctrine « reconnaît que dans la mesure où les lois fédérales et provinciales entrent en conflit, une règle doit permettre de mettre fin à l’impasse ». Lorsqu’il existe une « incompatibilité » véritable entre une loi fédérale et une loi provinciale, soit lorsque « les effets d’une législation provinciale sont incompatibles avec une législation fédérale », la loi fédérale doit prévaloir. La question devient donc de savoir comment déterminer si un tel conflit existe.
[17] Il faut d’abord et avant tout s’assurer que les lois fédérale et provinciale qui se chevauchent sont valides indépendamment l’une de l’autre. Cela signifie qu’il faut déterminer le caractère véritable des dispositions contestées en examinant leur but et leur effet. Une fois que l’on aura déterminé l’objet véritable de la disposition, sa validité dépendra de la question de savoir si elle relève de la compétence du gouvernement qui l’a adoptée. Si la loi adoptée par un ordre de gouvernement est invalide, il ne peut exister de conflit, ce qui met fin à l’examen. Si les deux lois sont valides indépendamment l’une de l’autre, par contre, la cour doit déterminer si leur application concurrente entraîne un conflit.
[18] On dit qu’il y a conflit dans l’une ou l’autre des deux situations suivantes, qui constituent les deux volets de l’analyse fondée sur la doctrine de la prépondérance : (1) il existe un conflit d’application parce qu’il est impossible de respecter les deux lois, ou (2) bien qu’il soit possible de respecter les deux lois, l’application de la loi provinciale entrave la réalisation de l’objet de la loi fédérale.
[19] L’arrêt Multiple Access, l’arrêt de principe de la Cour sur cette question, décrit ainsi ce que l’on considère comme le premier volet de l’analyse :
En principe, il ne semble y avoir aucune raison valable de parler de prépondérance et d’exclusion sauf lorsqu’il y a un conflit véritable, comme lorsqu’une loi dit « oui » et que l’autre dit « non »; « on demande aux mêmes citoyens d’accomplir des actes incompatibles »; l’observance de l’une entraîne l’inobservance de l’autre. [Je souligne; p. 191.]
Dans l’arrêt Banque canadienne de l’Ouest, les juges Binnie et LeBel ont qualifié cet extrait de « critère fondamental servant à déterminer s’il existe une incompatibilité suffisante pour déclencher l’application de la doctrine de la prépondérance fédérale » (par. 71). Suivant ce critère, il s’agit de savoir s’il existe un véritable conflit d’application, c’est-à-dire si les deux lois « peuvent coexister sans conflit » ou si les deux « législations peuvent agir concurremment et les citoyens peuvent les respecter toutes les deux, sans violer l’une ou l’autre ».
(…)
[25] S’il n’y a aucun conflit selon le premier volet de l’analyse, il peut encore en exister un selon le second volet. Dans l’arrêt Banque de Montréal c. Hall, [1990] 1 R.C.S. 121, la Cour a formulé ce qui est maintenant considéré comme le second volet de l’analyse. Elle a énoncé la question comme étant celle de savoir « si l’application de la loi provinciale est compatible avec l’objet de la loi fédérale » (p. 155). Autrement dit, l’effet de la loi provinciale peut empêcher la réalisation de l’objet de la loi fédérale, « sans toutefois entraîner une violation directe de ses dispositions ».
(Référence omises)
[61] Bien entendu, le Tribunal a déjà conclu que la Loi, incluant son article 13, est validement adoptée alors que personne ne conteste la validité constitutionnelle du règlement fédéral en question. Aussi, le chevauchement est manifeste, les deux dispositions en questions traitant des droits et obligations de la même personne, titulaire d’un droit au fédéral, et débitrice d’une obligation au provincial.
[62] Par ailleurs, le projet de Règlement d'application de la Loi sur l'immatriculation des armes à feu[50] a été publié le 13 septembre 2017 et on précise les obligations d’une entreprise à son paragraphe 9(6), lequel entre directement en relation avec la disposition fédérale invoquée par la demande :
9. Le tableau de suivi des opérations d’une entreprise d’armes à feu doit contenir les renseignements suivants à l’égard de chaque arme à feu dont elle est propriétaire ou qui se trouve en sa possession :
[…]
6o le nom et l’adresse de la personne à qui le transfert de propriété est fait, le cas échéant, et le numéro d’immatriculation attribué à cette personne.
[63] En appliquant une interprétation visant autant que faire se peut, à préserver la légalité et la compatibilité de ces deux dispositions[51], il y a lieu de conclure que le règlement fédéral ne vise que l’obtention et le maintien du permis d’arme alors que l’article de la Loi n’intervient qu’au niveau du suivi de l’immatriculation et de la gestion des stocks.
[64] Surtout, la disposition fédérale ne fait qu’indiquer l’absence de contrainte ou de nécessité sans proscrire quoique ce soit. Non seulement la réglementation fédérale n’interdit pas la tenue d’un registre mais l’envisage même, prévoyant une séquence de trois éventualités en decrescendo, si jamais une personne prenait la décision de recueillir des renseignements ou de tenir un registre ou un répertoire quelconque.
[65] En somme, le justiciable ne se retrouve pas dans un conflit « réel »; il ne fait pas face à deux dispositions imposant, d’une part, la tenue d’un registre et, d’autre part, l’interdisant. Il s’agit plutôt d’un paysage législatif qui, par l’effet de la Loi (et son règlement d’application) impose la tenue d’un registre concernant les cessions d’armes à feu que la disposition réglementaire fédérale tolère. Ainsi, il est possible de respecter les deux dispositions. Les demandeurs échouent quant à ce premier volet de l’analyse.
[66] Sur le second volet, la Cour suprême du Canada exige aussi qu’il n’existe pas une incompatibilité d’objet[52] entre les deux dispositions. Cette question est plus complexe[53]. Toutefois, cet argument n’est pas soulevé par les demandeurs et, surtout, il apparaît prématuré dans la mesure où la réglementation d’application de la Loi n’est pas en vigueur et peut encore subir des modifications durant la période habituelle de 45 jours de sa publication officielle.
CONCLUSION
[67] La Loi sur l’immatriculation des armes à feu québécoise n’est pas invalide constitutionnellement car son caractère véritable est la sécurité publique et qu’elle se rattache aux compétences provinciales en matière de propriété et du droit civil, et de l’administration de la justice. De surcroît, l’article 13 de la Loi n’est pas inopérant car il n’existe pas de conflit réel entre cette disposition et la réglementation fédérale. Compte tenu de ces conclusions, il n’y a pas lieu de prononcer l’injonction demandée.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[68] REJETTE la demande de jugement déclaratoire et d’injonction;
[69] AVEC FRAIS de justice.
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__________________________________ LUKASZ GRANOSIK, j.c.s. |
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Me GUY LAVERGNE Procureur des demandeurs |
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Me Samuel Chayer BERNARD, ROY Procureur de la défenderesse |
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Dates d’audition: 5 et 6 septembre 2017 |
[1] L.C. 1995, c. 39.
[2] 2000 CSC 3.
[3] Idem, par. 50.
[4] L.C. 2012, c. 6.
[5] L.C. 1995, c. 39.
[6] 2015 CSC 14.
[7] L.Q. 2016, c. 15.
[8] DORS/2012-138.
[9] 2015 CSC 14.
[10] Précité, note 2.
[11] 64. Nul ne peut, au nom d’un organisme public, recueillir un renseignement personnel si cela n’est pas nécessaire à l’exercice des attributions de cet organisme ou à la mise en oeuvre d’un programme dont il a la gestion.
Un organisme public peut toutefois recueillir un renseignement personnel si cela est nécessaire à l’exercice des attributions ou à la mise en oeuvre d’un programme de l’organisme public avec lequel il collabore pour la prestation de services ou pour la réalisation d’une mission commune.
La collecte visée au deuxième alinéa s’effectue dans le cadre d’une entente écrite transmise à la Commission. L’entente entre en vigueur 30 jours après sa réception par la Commission.
[12] RLRQ, c. A-2.1.
[13] Strickland c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 37.
[14] Cf. article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne.
[15] L’expression « pith and substance » d’une loi est souvent utilisée, même dans les textes français, car elle correspondrait de façon plus précise au concept.
[16] 2007 CSC 22. Cf. Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu (Can.), précité, note 2, par. 15.
[17] 2016 CSC 23. Cf. Chatterjee c. Ontario (Procureur général), 2009 CSC 19, par. 24.
[18] Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta, précité, note 16, par. 27.
[19] L’article 2 de la Loi.
[20] 3. Le propriétaire de l’arme à feu doit en demander l’immatriculation au ministre, aux conditions et selon les modalités déterminées par règlement du gouvernement.
[21] L’article 5 de la Loi.
[22] QUÉBEC, ASSEMBLÉE NATIONALE, Journal des débats de la Commission des institutions, Version préliminaire, 1re sess., 41e légis., 11 mai 2016, Vol. 44, N°114, « Étude détaillée du projet de loi n°64 - Loi sur l’immatriculation des armes à feu », p. 3
[23] Les demandeurs admettent d’ailleurs cette conclusion dans leur acte de procédure modifié, cf. par. 78 et 84.
[24] Précité, note 2.
[25] R. c. Morgentaler, [1993] 3 R.C.S. 463.
[26] Dans Éthique à Nicomaque, chapitre V, 1131 a) 1 et 1138 a) 5, Aristote distingue la justice distributive de la justice corrective : Quant à la seconde forme, c’est celle qui permet dans les rapports humains d’apporter un correctif. (…) Or ce que [la loi] commande de ne pas faire, elle l’interdit.
[27] Sénèque prescrit la peine juste à titre de remède, tel un médicament et méprise tant les peines cruelles et la torture que le pardon, tout en indiquant le but du droit pénal dans De clementia, 1. 22. 1: la loi veut corriger celui qu'elle frappe ou améliorer les autres par cet exemple, ou donner aux autres par Ia suppression des méchants plus de sécurité. Cf. Locke, Lettres sur la tolérance, 1689.
[28] [1949] R.C.S.1.
[29] 2010 CSC 61.
[30] Précité, note 2.
[31] Précité, note 17.
[32] Articles 16 à 19 de la Loi.
[33] Articles 10 à 12 de la Loi.
[34] À titre d’exemples d’amendes possibles actuellement en application des lois québécoises n’ayant absolument rien à voir avec le droit criminel, on peut citer la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, RLRQ, c. P-39.1, avec des amendes allant de 10 000 $ à 100 000 $ ou encore la Loi sur la santé et la sécurité du travail, RLRQ, c. S-2.1, suivant laquelle les amendes peuvent atteindre 300 000$.
[35] Précité, note 17.
[36] Et avec lesquelles le Tribunal ne saurait être en désaccord.
[37] Alors que cette conclusion était dans l’arrêt Morgentaler solidement étayée par la preuve, voir R. c. Morgentaler, [1993] 3 R.C.S. 463, pp. 499, 503, 513-514. Ce n’est pas le cas ici.
[38] 2008 ONCA 309.
[39] Et cette détermination n’avantage pas nécessairement la position des demandeurs, car la Loi est d’autant plus éloignée du chef de compétence en droit criminel par rapport à ce précédent ontarien.
[40] Pièce PGQ-9, Mémoire du Procureur général du Canada, Cour suprême, no dossier 35448, paragr. 81, 86-87 et 103.
[41] SEFPO c. Ontario (Procureur général), [1987] 2 R.C.S. 2, par. 29.
[42] Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta, précité, note 16, par. 26 in fine.
[43] R. c. Chiasson, [1984] 1 R.C.S. 266; Simon c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 387; R. c. Felawka, [1993] 4 R.C.S. 199. Cf. Loi sur conservation et la mise en valeur de la faune, RLRQ, c. C-61.1.
[44] O'Hara c. Colombie-Britannique, [1987] 2 R.C.S. 591; Goodwin c. Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles), 2015 CSC 46.
[45] Précité, note 38.
[46] Précité, note 2.
[47] Peter W. HOGG, Constitutional Law of Canada, vol. 1, 5th ed. Supplemented, Toronto, Carswell, 2016, p. 18-21.
[48] Le Tribunal n’est pas convaincu et la Procureure générale ne fournit aucun précédent ni aucun exemple, qu’il y a lieu de rattacher la Loi à une matière d’une nature purement locale (art. 92 (16) de la Constitution).
[49] 2015 CSC 51. Cf. Saskatchewan (Procureur général) c. Lemare Lake Logging Ltd., 2015 CSC 53.
[50] Règlement d'application de la Loi sur l'immatriculation des armes à feu (projet), (2017) 149 G.O. II, 4085.
[51] Banque canadienne de l'Ouest c. Alberta, précité, note 16, paragr. 37, Saskatchewan (Procureur général) c. Lemare Lake Logging Ltd., précité, note 49, par. 22.
[52] Alberta (Procureur général) c.0- Moloney, précité, note 49, par. 25, Saskatchewan (Procureur général) c. Lemare Lake Logging Ltd., précité, note 49, par. 17.
[53] Il s’agirait de vérifier si l’article 13 de la Loi sur l’immatriculation des armes à feu est inopérant dans la mesure où il oblige les entreprises d’armes à feu de recueillir des renseignements relatifs à la cession d’une arme à feu sans restriction, alors que l’objet de la réglementation fédérale viserait justement à ne pas imposer un tel fardeau aux citoyens.
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