Décision

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Boshouwers c. Place Bernard inc.

2025 QCTAL 18688

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

Nos dossiers :

653903 31 20220916 G

656679 31 20221005 G

Nos demandes :

3665575

3679321

 

 

Date :

02 juin 2025

Devant la juge administrative :

Pascale McLean

 

Bruce Boshouwers

 

Locataire - Partie demanderesse

(653903 31 20220916 G)

Locataire - Partie défenderesse

(656679 31 20221005 G)

c.

Place Bernard Inc.

 

Locatrice - Partie défenderesse

(653903 31 20220916 G)

Locatrice - Partie demanderesse

(656679 31 20221005 G)

 

D É C I S I O N

 

 

  1.          Par un recours introduit le 16 septembre 2022, le locataire demande de déclarer l’avis d’éviction signifié au locataire le 16 novembre 2021 invalide et inopposable au locataire. Subsidiairement, il demande d’être relevé de son défaut d’avoir déposé une demande d’opposition à l’éviction dans le délai prévu au Code civil, conformément à l’article 59 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement (LTAL), en plus d’accueillir l’opposition du locataire à l’éviction et de condamner la locatrice aux frais judiciaires (dossier 653903).
  2.          Par un recours introduit le 5 octobre 2022, la locatrice demande d’ordonner au locataire de donner possession vacante du logement dans un délai de cinq jours de la décision à intervenir en l’instance et, à défaut, ordonner l’éviction du locataire en vertu de l’article 1883 C.c.Q. Elle demande de plus l’exécution provisoire de la décision malgré l’appel et le paiement des frais judiciaires (dossier 656679).
  3.          Les recours ont été réunis pour instruction commune, comme le prévoit l'article 57 de la Loi sur Tribunal administratif du logement.
  4.          Une décision interlocutoire est rendue le 10 mai 2023 rejetant l’argument préliminaire de la locatrice. Cette dernière arguait que le Tribunal ne puisse se prononcer sur la demande du locataire en raison de son défaut d’avoir produit une opposition dans le délai imparti en vertu de l’article 1966 C.c.Q., ce qui fait en sorte qu’il est réputé avec consenti de quitter les lieux.
  5.          La soussignée juge alors que la demande de la locatrice est prématurée et qu’il y a lieu d’entendre le fond des dossiers. Contrairement à la jurisprudence soumise par la locatrice, dans le présent dossier, ce qui est remis en cause par le locataire est le caractère inopposable de l’avis, notamment en vertu de l’article 1898 C.c.Q., et les conséquences de ne pas l’avoir formulé dans le délai imparti.  
  6.          Les faits sont simples. Le 16 novembre 2021, la locatrice transmet un avis d’éviction pour agrandissement au locataire[1]. Le locataire ne s’y oppose pas dans les délais. Le 16 septembre 2022, il dépose une demande pour déclarer l’avis invalide et inopposable au motif que :
  1. Le bail liant les parties et les avis de reconduction sont en anglais et l’avis d’éviction est rédigé en français. Le locataire allègue en subir un préjudice grave puisque sa langue maternelle est l’anglais;
  2. L’avis ne fait pas mention qu’à défaut de répondre à cet avis, il sera présumé avoir accepté de quitter les lieux au terme du bail;
  3. L’avis prévoit une éviction en cours de bail, soit le 30 septembre 2022 alors que le bail se termine le 30 juin 2022.
  1.          Le 5 octobre 2022, la locatrice dépose sa demande d’expulsion du locataire en vertu de l’article 1889 C.c.Q.
  2.          Une autre demande d’opposition est actuellement suspendue, laquelle est fondée sur un nouvel avis d’éviction pour une année subséquente[2].
  3.          Le locataire habite l’immeuble depuis octobre 2010. 
  4.      Les parties admettent que le bail du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022 était au loyer mensuel de 1 160 $. Il a été reconduit annuellement depuis.

PREUVE DU LOCATAIRE

  1.      Le locataire témoigne qu’il s’agit d’un immeuble d’une vingtaine de logements, sur quatre étages. Il y a un projet de démolition depuis une dizaine d’années.
  2.      Le locataire affirme que sa langue maternelle est l’anglais. Il peut tout de même s’exprimer en français, ayant fait ses études primaires dans cette langue. Cependant, il a toujours travaillé en anglais et ne comprend pas bien les subtilités de la langue française.
  3.      Son bail ainsi que tous les renouvellements sont en anglais.
  4.      Lorsqu’il reçoit l’avis du 15 novembre 2021, il se questionne à savoir si la locatrice peut l’évincer ainsi. Il consulte alors son bail[3]. À la page huit de huit du bail, les trois tableaux suivants apparaissent :

« Table A : Non-Renewal of lease by lessee: periods for giving notice (arts. 1942, 1945 and 1946 C.c.Q.)

Table B : Steps to modify the lease and periods for giving notice (arts. 1942, 1945 and 1947 C.c.Q.)

Table C : Steps for repossessing the dwelling and periods for giving notice (arts. 1960, 1962 and 1963 C.c.Q.) »

  1.      Il en vient à la conclusion que c’est le tableau C qui s’applique à sa situation. Il croit que c’est à la locatrice d’ouvrir un dossier au Tribunal.
  2.      Le fait que le bail soit en anglais et l’avis en français l’a induit en erreur, combiné au fait que l’avis d’éviction est en réalité une lettre qui ne remplit pas les critères de l’avis d’éviction préparé par le Tribunal.
  3.      Il contacte plus tard le Tribunal qui l’informe du Tableau D intitulé : « Steps for evicting the Lessee for the purpose of dividing, enlarging or changing the destination of the dwelling and periods giving notice (arts. 1960 and 1966 C.c.Q.)[4] », lequel doit se retrouver dans le bail. Ce Tableau ne se retrouve pas au sien.
  4.      En contre-interrogatoire, il affirme qu’il n’a pas cherché à contacter Me Laflamme, croyant qu’il s’agissait d’un avis pour la reprise du logement et non pour l’éviction.
  5.      Le 28 avril 2022, il écrit cependant à une représentante de la locatrice du fait qu’un avocat l’a informé de l’illégalité de l’avis d’éviction, lequel est en cours de bail[5]. Il est donc convaincu qu’il n’a pas à ouvrir un recours au Tribunal.

  1.      Les procureurs ne s’entendant pas sur la façon de procéder pour la suite, la présente demande pour déclarer l’avis invalide et inopposable est alors déposée au Tribunal.

PREUVE DE LA LOCATRICE

  1.      Mathieu Cardinal témoigne avoir eu mandat de négocier avec le locataire pour trouver un règlement. Les langues d’usage furent l’anglais à 70 % et le français à 30 %.
  2.      Aristos Pronoitis témoigne s’occuper des rénovations de l’immeuble. Il a eu plusieurs discussions avec le locataire. Ils parlaient anglais ensemble. Cependant, une réunion a eu lieu avec tous les locataires de l’immeuble. La langue d’usage était le français et le locataire a parlé cette langue.
  3.      Il énumère des conséquences subies par la locatrice du fait que le locataire refuse de quitter le logement :
  1. Le premier permis a expiré;
  2. L’émission du deuxième permis a pris beaucoup de temps;
  3. Le logement 15 est vide depuis des années.
  1.      En contre-interrogatoire, il allègue que le permis a été obtenu en 2024.

PRÉTENTIONS DU LOCATAIRE

  1.      Le procureur du locataire fait valoir que l’avis de novembre 2021 n’est pas valide en raison du fait qu’il est rédigé en français alors que la langue du bail est l’anglais. Il ajoute que l’avis n’est pas valide également puisqu’il est en cours de bail.
  2.      Puisque l’avis est générateur de droit et qu’il est invalide, alors le locataire n’avait pas à le contester, soutient-il.
  3.      Sur la langue du bail, le procureur du locataire invoque l’article 1898 C.c.Q. Non seulement il ne s’agit pas de la langue du bail, mais en plus, il s’agit d’un avis rédigé en forme de « modèle maison », qui a des conséquences importantes.
  4.      Nulle part sur cet avis, il y est indiqué le terme « Éviction ». Il y est inscrit que le bail ne sera pas renouvelé. L’article 1959.1 C.c.Q. y apparaît. Cependant, l’article 1966 C.c.Q. n’y est pas mentionné. Il n’est pas indiqué comment s’opposer, contrairement au formulaire du Tribunal qui précise tous ces éléments. D’abondant, le procureur du locataire précise que même un locataire dont l’avis est dans la langue d’usage serait induit en erreur en raison de la forme de cet avis maison.
  5.      Une demande d’opposition à une éviction a été déposée au Tribunal[6], laquelle est suspendue à la demande des parties. Le procureur plaide qu’il n’y a pas de préjudice puisque les parties pourront procéder sur l’autre demande qui est valablement introduite. Il ajoute que le permis de la Ville a été octroyé en octobre 2024 seulement.
  6.      Il demande donc de déclarer l’avis nul et inopposable, donc, sans effet. Subsidiairement, si le Tribunal juge que l’avis est valide, il demande de relever le locataire d’avoir déposé l’opposition dans les délais en vertu de l’article 59 LTAL, notamment en raison de l’absence de préjudice sérieux.

PRÉTENTIONS DE LA LOCATRICE

  1.      La procureure de la locatrice invoque qu’il n’y a pas d’obligation d’utiliser le formulaire d’avis du Tribunal. Un modèle personnel est acceptable.
  2.      Concernant les reproches du locataire à l’effet que l’avis n’indique pas le délai de trente jours pour y répondre, la procureure précise que l’article 1961 C.c.Q. ne prévoit pas qu’il s’agit d’une mention obligatoire. Les seules mentions obligatoires sont le motif et la date de l’éviction.
  3.      Elle ajoute que les articles 1959.1 et 1965 C.c.Q. ont été retranscrits alors qu’il n’y a aucune obligation en ce sens.
  4.      C’était au locataire de s’informer. « Nul n’est censé ignorer la loi. ». Elle argue que celui-ci s’est fié seulement à des informations contenues au bail sans s’informer de la loi. C’est la négligence du locataire de s’opposer dans les délais qui amène la présente situation. Il devait agir avec diligence, ce qu’il n’a pas fait.

  1.      Concernant l’erreur de la date de fin de bail indiqué à l’avis, la procureure plaide qu’il s’agit d’une erreur de bonne foi. Le locataire n’en subit aucun préjudice puisqu’il a bénéficié d’un délai supplémentaire.
  2.      En ce qui concerne la langue du bail, la procureure argue qu’effectivement, l’avis aurait dû être en anglais. Cependant, le locataire parle aussi le français et il en a une bonne compréhension. Il n’en subit aucun préjudice, d’autant plus que le projet lui a été présenté l’année précédant la transmission de l’avis.
  3.      La procureure rappelle que l’avis a été expédié le 16 novembre 2021. En vertu de l’article 1966 C.c.Q., le locataire avait jusqu’au 17 décembre 2021 pour s’y opposer, ce qu’il n’a pas fait.
  4.      Ce n’est qu’au mois de mai 2022 qu’il écrit à une représentante de la locatrice. Il est au courant à ce moment qu’il est évincé pour agrandissement par la jonction de deux logements. Malgré cela, ce n’est qu’en septembre 2022 qu’il s’oppose à l’agrandissement. Le locataire a donc fait défaut de déposer un recours dès la première opportunité.
  5.      En raison du long délai entre la réception de l’avis et le dépôt de l’opposition, la locatrice pouvait croire que le locataire partirait. Il ne s’est manifesté qu’en mai 2022 et ensuite en septembre 2022.
  6.      Selon elle, l’avis d’éviction est valide et opposable. Elle demande donc d’évincer le locataire en vertu de l’article 1889 C.c.Q.
  7.      En réplique, le procureur du locataire ajoute que l’avis maison peut être utilisé lorsqu’il ne sème pas la confusion. Il plaide l’obligation d’agir de bonne foi. Dans ce cas-ci, le délai pour agir n’apparaît pas à l’avis. Le bail du locataire n’indique pas les délais dans les cas d’éviction pour agrandissement ni le fait que c’est au locataire de s’y opposer.
  8.      Concernant la date de fin de bail, le locataire indique qu’il ne s’agit pas d’une coquille, mais d’une erreur. Il se réfère à des lettres de l’avocat qui persiste sur la date de fin de bail, qui serait le 30 septembre 2022[7].
  9.      Dans le présent cas, la confusion semée quant à l’avis a causé préjudice en ce que le locataire ne s’est pas opposé dans les délais.

QUESTIONS EN LITIGE

  1.      Un avis d’éviction peut-il être déclaré invalide sans le dépôt d’une opposition au Tribunal par le locataire?
  2.      Dans la négative, peut-on relever le locataire des conséquences de son défaut de déposer son opposition dans le délai, conformément à l’article 59 LTAL? Le cas échéant, y a-t-il lieu d’accueillir l’opposition du locataire à l’éviction?
  3.      Le locataire habite-t-il sans droit le logement depuis le 30 septembre 2022 justifiant son expulsion en vertu de l’article 1889 C.c.Q.?

Le droit

  1.      Le principe du droit au maintien dans les lieux du locataire[8] comporte quelques rares exceptions et parmi celles-ci, il y a celle prévue à l'article 1959 C.c.Q. qui stipule que la locatrice d'un logement peut en évincer le locataire pour subdiviser le logement, l'agrandir substantiellement ou en changer l'affectation.
  2.      Il est à noter que les demandes des parties ont été déposées au Tribunal avant les modifications apportées par la Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière d'habitation[9], sanctionnée le 21 février 2024. Elles sont donc fondées sur les anciennes règles relatives à l’éviction.
  3.      Notamment, l'article 1966 C.c.Q. se lisait ainsi:

« 1966. Le locataire peut, dans le mois de la réception de l'avis d'éviction, s'adresser au tribunal pour s'opposer à la subdivision, à l'agrandissement ou au changement d'affectation du logement; s'il omet de le faire, il est réputé avoir consenti à quitter les lieux.

S'il y a opposition, il revient au locateur de démontrer qu'il entend réellement subdiviser le logement, l'agrandir ou en changer l'affectation et que la loi le permet. » (Notre soulignement)


  1.      En l’instance, la preuve démontre que le locataire n’a pas notifié son opposition à la locatrice dans le délai prévu par la loi. Il est donc réputé avoir consenti à quitter les lieux.
  2.      Le Tribunal estime que le locataire ne peut pas simplement déclarer invalide l’avis d’éviction sans déposer une opposition au Tribunal. Une telle façon de procéder viderait de tout son sens la portée de l’article 1966 C.c.Q. Le locataire doit s’adresser au Tribunal pour faire valoir l’inopposabilité de l’avis.
  3.      Comme il n’a pas déposé sa demande d’opposition dans les délais, le locataire demande d’être relevé de son défaut conformément à l’article 59 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement (LTAL) qui prévoit :

« 59. Le Tribunal peut, pour un motif raisonnable et aux conditions appropriées, prolonger un délai ou relever une partie des conséquences de son défaut de le respecter, si l'autre partie n'en subit aucun préjudice grave. »

  1.      À ce sujet, la soussignée se réfère à l’analyse détaillée de la juge administrative Francine Jodoin dans l’affaire Chalufour c. Galli[10] concernant la demande du locataire en prolongation du délai pour contester la non-reconduction du bail prévue à l’article 1948 C.c.Q. Cet article prévoit une présomption comme celle prévue à l’article 1966 C.c.Q. Ma collègue Jodoin écrit :

« [37] Par ailleurs, l'article 59 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement (1) (LTAL) permet à une partie d'être relevée de son défaut d'avoir respecté un délai (2). Les critères énoncés à cette disposition requièrent la démonstration de l'existence d'un motif raisonnable et l'absence de préjudice grave pour l'autre partie (3).

[38] Cet article n'impose donc pas la preuve d'une impossibilité réelle d’agir (4) mais plutôt la démonstration d'un motif raisonnable ce qui suppose un allégement du fardeau de preuve (5).

[39] Il n'est pas contesté par les parties que le simple envoi d'une lettre par la locataire n'est pas le mécanisme approprié lorsqu'on souhaite contester un avis de non-reconduction de bail en application de l'article 1944 du Code civil du Québec.

[40] Certaines décisions de la Cour du Québec sont, d'ailleurs, venues affirmées que le locataire ne peut pas, dans le cadre de l'article 1889 du Code civil du Québec (6) qui permet l'expulsion d'un locataire qui continue d'occuper le logement après la fin du bail, faire valoir en défense ses motifs d'opposition au bien-fondé de l'avis de non-reconduction reçu s'il ne s'est pas adressée au Tribunal.

[41] Il est vrai que l'article 1948 du Code civil du Québec crée une présomption qu'à défaut de s'être adressé au Tribunal dans le mois suivant la réception de l'avis, la locataire est réputée avoir accepté la fin du bail.

[42] La présomption est une conséquence que la loi ou le Tribunal tire d'un fait connu à un fait inconnu (article 2846 C.c.Q.).

[43] L'article 2847 énonce :

« 2847. La présomption légale est celle qui est spécialement attachée par la loi à certains faits; elle dispense de toute autre preuve celui en faveur de qui elle existe.

Celle qui concerne des faits présumés est simple et peut être repoussée par une preuve contraire; celle qui concerne des faits réputés est absolue et aucune preuve ne peut lui être opposée. »

[44] Toutefois, le Tribunal est d'avis que cela n'empêche pas la locataire de faire valoir l'article 59 LTAL pour les raisons suivantes.

[45] Selon l'auteur Léo Ducharme, dans son Précis de la preuve (7), l'article 2847 C.c.Q. ne fait qu'exprimer une règle d'interprétation et n'a, en conséquence, aucun caractère contraignant. Il appartient, selon lui, au Tribunal de décider s'il s'agit d'une présomption simple ou absolue selon les faits mis en preuve.

[46] En outre, cette nuance permet de considérer, selon les faits mis en preuve, que la présomption ne peut s'appliquer.

[47] Dans la décision Construction Gilles Paquette ltée c. Entreprises Végo ltée (8), la Cour suprême a mis de côté la présomption absolue. Elle devait se prononcer sur une décision de la Cour d'appel qui avait refusé de relever une partie de son défaut d'avoir signifié son mémoire d'appel dans le délai imparti puisqu'elle était réputée avoir déserté l'appel.


[48] La Cour suprême énonce (9) :

« 19 Il est vrai que le législateur crée une présomption absolue de désertion en utilisant les termes « l'appel est réputé déserté » à l'art. 503.1 C.p.c. L'article 2847 du Code civil du Québec et l'art. 142 de la Loi sur l'application de la réforme du Code civil, L.Q. 1992, ch. 57, édictent :

« 2847. La présomption légale est celle qui est spécialement attachée par la loi à certains faits; elle dispense de toute autre preuve celui en faveur de qui elle existe.

Celle qui concerne des faits présumés est simple et peut être repoussée par une preuve contraire; celle qui concerne des faits réputés est absolue et aucune preuve ne peut lui être opposée.

142. La règle d'interprétation du second alinéa de l'article 2847, établissant que la présomption qui concerne un fait « présumé » est simple et que celle qui concerne un fait « réputé » est absolue, ne s'applique aux lois autres que le Code civil du Québec et le Code de procédure civile qu'à compter de la date fixée par le gouvernement.

Le législateur a voulu que la désertion de l'appel ait lieu sans intervention des parties ou de la cour, écartant ainsi une cause importante de retards dans la marche des dossiers et d'encombrement des rôles. Il n'a pas, toutefois, exclu le pouvoir discrétionnaire général de la cour de sauvegarder les droits des parties par une ordonnance qui remédie aux effets de la désertion. À cette fin, il n'est pas indiqué, ni utile, d'accorder une permission spéciale d'appel alors que la cause a déjà été régulièrement portée en appel. Il suffira d'ordonner la remise en état du dossier déjà constitué. Ce pouvoir n'est donc pas astreint aux restrictions de la permission spéciale d'appel mais la cour pourra s'en inspirer dans l'exercice de sa discrétion. » (Notre soulignement)

[49] Ainsi, l'utilisation du terme réputé par le législateur à l'article 1948 du Code civil du Québec n'empêche, donc, pas l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire du Tribunal administratif du logement dans le cadre de l'utilisation de son large pouvoir générale de rendre toutes les ordonnances propres à sauvegarder les droits des parties (10). » (Références omises) (Notre soulignement)

  1.      Dans le même sens, la juge Nathalie Chalifour de la Cour du Québec rejette la permission d’en appeler du locateur qui invoque notamment que l’article 59 LTAL ne permet pas de faire échec à la présomption irréfragable prévue à l’article 1948 C.c.Q.[11]. Dans cette affaire, le locataire a été induit en erreur par un préposé du Tribunal concernant l’article 1944 C.c.Q. La juge administrative Leyka Borno a relevé le locataire de son défaut d’avoir produit dans le délai imparti une demande afin de contester le bien-fondé de l’avis de non-reconduction transmis par la locatrice[12]. La juge Chalifour écrit :

« [22] La première question formulée par 9326 concerne le pouvoir discrétionnaire du TAL de relever un locataire du défaut d'avoir agi dans le délai prévu à l'article 1948 C.c.Q. et de prolonger ce délai.

[23] Selon 9326, l'article 59 LTAL ne s'applique pas dans un cas relevant de l'article 1948 C.c.Q.

[24] Se fondant sur la jurisprudence de cette Cour au sujet de la présomption irréfragable et absolu de fin de bail tel que le prévoit l'article 1948 C.c.Q.11, 9326 soutient que le TAL ne peut prolonger le droit d'un locataire de contester la non-reconduction d'un bail puisque ce faisant, les conséquences de la présomption de l'article 1948 C.c.Q. seraient contournées.

[25] Avec respect, 9326 ne présente pas le problème sous le bon angle.

[26] Il ne s'agit pas de court-circuiter l'effet de la présomption de l'article 1948 C.c.Q., mais bien seulement de permettre à une partie de faire valoir sa position alors que le délai prévu pour agir est écoulé.

[27] Le pouvoir discrétionnaire d'un tribunal de prolonger un droit d'action est bien implanté, le législateur en prévoyant expressément l'exercice dans bons nombre de circonstances.

[28] Ce pouvoir ne soulève en lui-même aucune question sérieuse, nouvelle, controversée ou d'intérêt général.

[29] Au sujet de l'article 59 LTAL, de nombreuses décisions ont été rendues par le TAL tant dans des contextes relevant de l'article 1948 C.c.Q. qu'à l'occasion de situations mettant en cause des dispositions semblables12.

[30] En effet, en matière de bail de logement résidentiel, d'autres dispositions du Code civil du Québec comportent, comme l'article 1948 C.c.Q., de courts délais d'action qui emportent des présomptions opposables à l'une ou l'autre des parties13.

[31] Le Tribunal ne constate aucune controverse au sein du TAL mais plutôt l'application de l'article 59 LTAL au cas par cas.

(…)


[36] C'est plutôt la position de 9326 qui, si elle avait été retenue par le TAL, pourrait comporter une injustice intolérable en conférent un caractère fatal et irrémédiable à l'écoulement du temps sans qu'une partie ne puisse, selon les circonstances, y remédier. » (Références omises)

  1.      La soussignée est d’accord avec cette analyse et estime que la présomption de l’article 1966 C.c.Q., laquelle est similaire à celle de l’article 1948 C.c.Q., peut être repoussée et le locataire peut être relevé de son défaut de s’être opposé dans le délai prévu par la loi s’il a des motifs raisonnables pour ce faire.
  2.      Au sujet des motifs raisonnables invoqués pour prolonger le délai, notre collègue Jodoin, dans l’affaire susmentionnée,[13] précise :

« [56] Dans l'affaire Thiffault c. Municipalité de Saint-Ignace-de-Loyola, la Cour du Québec (14) procède à une analyse exhaustive de l'interprétation conférée aux termes « motifs raisonnables » énoncés dans diverses lois constitutives afin de permettre la prolongation de délai pour en conclure :

« [73] Le motif raisonnable a souvent été décrit comme étant un motif non farfelu, crédible et qui fait preuve de bon sens, de mesure et de réflexion. »

[57] Avec respect, la locataire n'invoque pas, ici, sa méconnaissance ou ignorance de la loi (15), elle allègue qu'elle a été mal dirigée par les services de renseignements du Tribunal l'amenant à exercer ses droits d'opposition selon le mauvais véhicule procédural. Cette preuve n'a pas été contredite.

[58] Le Tribunal croit la locataire. Dès la réception de l'avis de non-reconduction du locateur, elle a cherché à s'informer sur la façon de s'opposer à cet avis. Elle a, donc, agi dans le délai imparti selon les renseignements qu'on lui a communiqués sinon, la conclusion logique serait que le préposé l'aurait assistée dans la rédaction d'une demande au Tribunal.

[59] Le Tribunal estime que le fait d'avoir agi, en conséquence des informations obtenues par un service de renseignements chargé d'informer les justiciables sur les droits et obligations découlant du bail (16) crée une attente raisonnable quant à la légitimité et véracité des informations et constitue un motif raisonnable d'agir en conséquence. De toute évidence, la locataire a été induite en erreur sur le seul moyen d'exercer ses droits par ce tiers. Or, le préposé aux renseignements n'est pas un tiers dont répond la locataire (17).

[60] Le Tribunal ajoute qu'en omettant délibérément d'indiquer dans l'avis transmis qu'elle pouvait contester cet avis par le biais de l'article 1948 du Code civil du Québec ou en gardant le silence, le locateur contribue à l'erreur qui a été commise. Rappelons que le locateur a une obligation de bonne foi dans l'exécution et l'extinction du contrat (18) et que cela se traduit par une obligation de renseignements (19).

[61] La locataire a établi un motif raisonnable et l'absence de préjudice du locateur. En effet, le logement n'est pas reloué et le simple fait de perdre le bénéfice de l'application de l'article 1944 C.c.Q. n'est pas suffisant pour faire perdre des droits à la locataire (20). Cela dit, le locateur a été informée par la locataire de son opposition dans le délai imparti par la loi.

[62] On peut difficilement faire reproche à la locataire, qui n'est pas une professionnelle du droit, contrairement au gestionnaire du locateur, de n'avoir pas recouru aux informations contenues sur différents sites Web auxquelles ce dernier a eu accès.

[63] Quant à la tardivité de la demande, cela s'apprécie en fonction du délai qui s'écoule une fois la méprise constatée (21). En l'occurrence, la locataire a agi diligemment dès qu'elle a compris son erreur après avoir consulté un avocat.

[64] Dans les circonstances, il y a lieu d'accorder la demande de la locataire et de la relever de son défaut d'avoir produit une demande afin de contester l'avis du locateur en application de l'article 1948 du Code civil du Québec. »[14] (Références omises) (Notre soulignement)

  1.      Tout comme cette affaire, le locataire a fait les démarches pour connaître la façon de s’opposer à cette éviction. Il a étudié son bail qui prévoit trois tableaux pour modifier le bail ou y mettre fin[15]. Il en vient à la conclusion que la seule option qui s’applique à lui est le tableau C en lien avec la reprise du logement. Ainsi, il croit que c’est à la  locatrice d’entreprendre le recours en reprise du logement. 
  2.      Il faut rappeler que l’avis qu’il reçoit le 16 novembre 2021 sous forme de lettre a pour objet : « Votre bail pour l’appartement situé au [...] à Outremont »[16]. Le seul soulignement de cet avis se lit comme suit : « Restriction au droit à la reprise du logement ». Il n’y a pas de mention particulière spécifiant qu’il s’agit d’un avis d’éviction pour agrandissement. Le Tribunal croit ainsi le locataire lorsqu’il affirme avoir été induit en erreur.

  1.      Le Tribunal estime de plus, qu'en gardant le silence dans cet avis sur la façon de contester l’éviction, la locatrice a contribué à l'erreur commise par le locataire, d’autant plus qu’il souligne « Restriction au droit à la reprise de logement »[17], ce qui a laissé croire au locataire qu’il s’agissait d’une demande de reprise. Cet avis tendancieux est un motif raisonnable pour prolonger le délai en vertu de l’article 59 LTAL.
  2.      Au surplus, des échanges écrits entre les parties, il appert que le locataire a été induit en erreur par ses conseillers légaux concernant l’ouverture d’une opposition au Tribunal. Notamment, le 28 avril 2022, il écrit à une représentante de la locatrice ce qui suit :

« Hi Tina, as I’m sure you are aware, I was served with a notice from Rosdev’s lawyer stating that they wish to evict me as of September 30, 2022. As you know, my lease runs from July 1 to June 30th annually. I’ve received legal advice that given that the eviction date on the notice is in the middle of my lease term, the eviction notice is therefore invalid and has no effect before the law.  My lease is therefore valid until 30 2023….”[18](sic)

  1.      Le locataire, suite aux avis légaux reçus, est convaincu qu’il n’a pas besoin de déposer une demande d’opposition, d’où la présente demande. 
  2.      Le Tribunal estime que le locataire n’a pas été négligent dans l’exercice de son recours. Il a agi de façon diligente en analysant ses documents et en prenant des conseils juridiques. La soussignée estime donc que le locataire fait valoir un motif raisonnable pour être relevé du défaut.
  3.      La procureure de la locatrice fait valoir que le locataire ne peut être relevé de son défaut conformément à l’article 59 LTAL parce qu’elle en subirait un préjudice grave. Notamment, l’émission du permis a pris beaucoup de temps et un logement est vide depuis plusieurs années, en attente de la décision de ce dossier.
  4.      Or, il est à noter que les délais encourus ont profité à la locatrice, puisqu'elle n'avait pas son permis avant 2024.
  5.      De plus, le Tribunal estime que la locatrice ne subit aucun préjudice grave puisque le 30 décembre 2022, une opposition à l’éviction a été déposée dans les règles[19]. La locatrice pouvait donc procéder plus rapidement sur le fond de l’affaire. Elle a préférée suspendre ce dossier[20], en attente d’une décision dans les présents dossiers.
  6.      Dans les circonstances, le Tribunal estime que le locataire doit être relevé de son défaut de ne pas avoir respecté le délai prévu à l’article 1966 C.c.Q.
  7.      Ceci étant, y a-t-il lieu d’accueillir l’opposition du locataire?
  8.      Le locataire s’oppose à l’éviction aux motifs qu’elle aurait lieu en cours de bail et que l’avis n’est pas rédigé dans la langue du bail.
  9.      Sur le premier motif d’opposition, les parties admettent que le bail s’étend du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022, alors que la locatrice demande au locataire de quitter le logement le 30 septembre 2022.
  10.      La locatrice indique qu’il s’agit d’une simple erreur de bonne foi.
  11.      À ce sujet, dans une affaire récente, Cloutier c. Boissel,[21] la juge administrative Sophie Lafleur écrit ce qui suit :

« [42] Le Tribunal rappelle que dans le cadre d'une demande de reprise de logement, les droits du locateur s'opposent au droit du locataire au maintien dans les lieux selon l'article 1936 du Code civil du Québec (2).

[43] La jurisprudence constante du présent Tribunal est à l'effet que les locateurs doivent suivre à la lettre les exigences légales quant au contenu de l'avis. En effet, les dispositions encadrant le processus de reprise sont d'ordre public, dans le but de protéger les locataires.

[44] La date de reprise mentionnée à l'avis étant postérieure à la fin du bail, le Tribunal ne peut que conclure à l'invalidité de l'avis de reprise pour ce premier motif. Les locateurs ne peuvent modifier la date de reprise en mentionnant simplement une nouvelle date dans la demande qu'ils déposent au Tribunal. Il ne s'agit pas ici d'une simple erreur d'écriture, mais bien d'un avis indiquant une date de reprise postérieure à la période du bail en cours. Cette erreur dans le choix de la date de reprise leur est fatale. D'ailleurs, si le bail est reconduit, la date prévue pour la reprise sera en cours de bail, ce qui n'est pas autorisé par les dispositions du Code civil du Québec ci-haut citées. » (Références omises)

  1.      De son côté, le juge administratif Luk Dufort passe en revue la jurisprudence dans l’affaire Gueye c. Monsaingeon[22] qui porte sur une demande d’opposition à un avis d’éviction. La soussignée reprend ses termes :

« [42] Le Tribunal est d’avis que l’erreur dans la date prévue pour l’éviction rend l’avis transmis par les locateurs invalides. Il ne s’agit pas d’une erreur de frappe, mais une méconnaissance sur les termes du bail. Il appartenait aux locateurs d’effectuer les vérifications nécessaires afin de connaître les termes du bail avant de transmettre un avis d’éviction pour la mauvaise date. »

  1.      À l’instar de cette affaire, le procureur a indiqué la date du 30 septembre 2022 dans l’avis d’éviction en raison d’une méconnaissance des termes du bail. Pour preuve, dans une lettre du 17 mai 2022, le procureur du locateur indique qu’il est faux de prétendre que le bail se termine le 30 juin 2022. Il écrit qu’on lui a remis un bail du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2011, lequel a été reconduit par la suite[23]. La partie locatrice n’a pas fait les vérifications appropriées alors que les avis de reconduction du bail indiquent clairement que le bail se reconduit du 1er juillet au 30 juin depuis plusieurs années.
  2.      De plus, avant l’envoi de cet avis, il n’a pas été question d’une date de fin de bail qui serait différente de celle prévue au terme du bail.
  3.      Par conséquent, le Tribunal estime que l’avis est invalide en raison de ce premier motif.
  4.      Sur le second motif d’opposition, le locataire fait valoir que son bail est en anglais, de même que les avis de reconduction reçus à travers les années. L’avis d’éviction est rédigé en français. Bien que le locataire puisse comprendre le français, il ne s’agit pas de sa langue maternelle et il n’en comprend pas les subtilités. Quant à la locatrice, elle fait valoir que le locataire comprend le français et il est en mesure de le parler.
  5.      Au sujet de la langue d’un avis d’éviction, dans l’affaire Gao c. 1005 Rielle inc.[24], le juge administratif Grégor Des Rosiers statue :

« [29] L'avis d'éviction rédigé en français - une autre langue que celle du bail (rédigé en anglais) - est-il opposable aux locataires?

[30] L'argumentaire des locataires se fonde sur l'article 1898 du Code civil du Québec, une disposition d'ordre public qui énonce :

« 1898. Tout avis relatif au bail, à l'exception de celui qui est donné par la locatrice afin d'avoir accès au logement, doit être donné par écrit à l'adresse indiquée dans le bail, ou à la nouvelle adresse d'une partie lorsque l'autre en a été avisée après la conclusion du bail; il doit être rédigé dans la même langue que le bail et respecter les règles prescrites par règlement.

L'avis qui ne respecte pas ces exigences est inopposable au destinataire, à moins que la personne qui a donné l'avis ne démontre au tribunal que le destinataire n'en subit aucun préjudice (13). »

[31] À la lumière de la preuve prépondérante qui lui a été soumise, le Tribunal considère que l'avis devait être écrit dans la même langue que le bail et que la locatrice n'a pas démontré que les locataires n'en subissent aucun préjudice.

[32] Cette disposition est sans équivoque, l'avis qui ne respecte pas les exigences prévues quant à l'avis écrit et rédigé dans la même langue que le bail est inopposable au destinataire.

[33] Pour éviter l'application de la sanction de l'inopposabilité de l'avis, il appartenait à la locatrice de prouver que les locataires n'en subissaient aucun préjudice et que l'avis d'éviction rédigé en français leur était opposable malgré tout.

[34] Or, il est démontré que les locataires ont dû faire des démarches supplémentaires en raison de la langue de l'avis pour faire valoir leurs droits. Quelle que soit l'ampleur du préjudice subi, même minime aux yeux de la locatrice, il est indéniable que les locataires ont subi un préjudice en raison de la langue de l'avis d'éviction reçu.

[35] Dans ces circonstances, le Tribunal estime que le défaut de la locatrice de respecter les exigences prescrites à l'article 1898 du Code civil du Québec, rend l'avis d'éviction inopposable aux locataires puisque la locatrice ne s'est pas déchargée de son fardeau de preuve afin d'obtenir la levée de la sanction d'inopposabilité ou de renverser l'application de la sanction d'inopposabilité. »


  1.      De son côté, dans l’affaire 9252-7076 Québec inc. c. Anwar[25], la juge administrative Sophie Alain doit statuer sur la validité d’un avis d’augmentation du loyer rédigé dans une langue qui n’est pas celle du bail. Elle écrit :

« Avis non rédigé dans la langue du bail

[19] Selon l'article 1898 C.c.Q., l'avis devait être rédigé en anglais. La locatrice n'a pas respecté cette exigence.

[20] Le témoignage du locataire est très convaincant qu'il a été induit en erreur par le mandataire du locateur.

[21] Il déclare qu'il voulait conserver son logement et qu'il a donc accepté, verbalement, l'augmentation de 65 $ (représentant 19 %) de crainte de perdre son logement. Il témoigne avoir avisé Petrarca qu'il renouvelait son bail du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022.

[22] De plus, le locataire subi un réel préjudice en raison de cette situation, puisqu'il perd irrémédiablement son droit au maintien dans les lieux loués, la pierre d'assise du droit québécois du logement résidentiel.

[23] Enfin, le Tribunal ne croit pas que le locataire devait, de manière préalable (4), contester l'avis rédigé en français pour se défendre à l'encontre du présent recours sous l'article 1889 C.c.Q. » (Références omises)

  1.      En l’instance, il appert que l’avis n’a pas été rédigé dans la langue du bail. Bien que le locataire soit capable de s’exprimer en français, le Tribunal est convaincu que le locataire en a subi préjudice. Celui-ci a expliqué en détail les démarches qu’il a effectuées pour tenter de comprendre cet avis. Il a consulté son bail. Il y a eu méprise sur le type d’avis, le locataire croyant qu’il s’agissait d’une demande de reprise fondée sur son bail rédigé en anglais. 
  2.      Le Tribunal estime ainsi que l’avis est invalide sur ce motif également et accueille ainsi l’opposition du locataire.
  3.      Le locataire ne peut donc être déclaré occupant sans droit. La demande de la locatrice est par conséquent rejetée.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

Dossier 653903

  1.      RELÈVE le locataire de son défaut d'avoir produit dans le délai imparti l’opposition à l'avis d’éviction;
  2.      ACCUEILLE l’opposition du locataire à l’avis d’éviction;
  3.      CONDAMNE la locatrice à payer au locataire les frais judiciaires de 89,50 $;

Dossier 656679

  1.      REJETTE la demande de la locatrice pour l’expulsion d’un occupant sans droit.

 

 

 

 

 

 

 

 

Pascale McLean

 

Présence(s) :

le locataire

Me Julien Delangie, avocat du locataire

Me Jade Wagner, avocate de la locatrice

Date de l’audience : 

10 mars 2025

 

 

 


 


[1] Pièce P-1.

[2] Pièce L-11.

[3] Pièce L-1.

[4] Regulation respecting mandatory lease forms and the particulars of a notice to a new lessee, Ch. T-15.01, r. 3, p. 45 de 59.

[5] Pièces P-2 et L-6.

[6] Pièce L-11.

[7] Pièce L-7.

[8] Prévu à l’article 1936 C.c.Q.

[9] L.Q. 2024 c. 2 (Projet de loi 31).

[10] Chalufour c. Galli, 2023-08-07, 2023 QCTAL 24217.

[11] 9326-6187 Québec inc. c. Rousseau, 2024-01-22, 2024 QCCQ 162.

[12] Rousseau c. 9326-6187 Québec inc. (RH Management 1365) *, 2023-11-08, 2023 QCTAL 34584.

[13] Chalufour c. Galli, 2023-08-07, 2023 QCTAL 24217.

[14] Idem.

[15] Pièce L-1.

[16] Pièce P-1.

[17] Pièce L-2.

[18] Pièce P-2.

[19] Dossier 672481.

[20] Pièce L-11.

[21] Cloutier c. Boissel, 2025-04-30, 2025 QCTAL 15100.

[22] 2023-06-22, 2023 QCTAL 19328.

[23] Pièce L-7.

[24] 2024-02-02, 2024 QCTAL 3623 (La demande pour permission d’en appeler est rejetée le 9 avril 2024, 2024 QCCQ 1564).

[25] 2021-07-22, 2021 QCTAL 18101.

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