9442-7515 Québec inc. c. Bouthot | 2024 QCTAL 8589 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||
Bureau de Longueuil | ||||
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No dossier: | 720998 37 20230706 F | No demande: | 3964510 | |
RN :
| 3872774
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Date : | 13 mars 2024 | |||
Devant la greffière spéciale : | Me Shuang Shuang | |||
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9442-7515 Québec Inc | ||||
Locatrice - Partie demanderesse | ||||
c. | ||||
Kim Bouthot | ||||
Locataire - Partie défenderesse | ||||
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D É C I S I O N
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[1] La locatrice a produit une demande de fixation de loyer conformément aux dispositions de l’article 1947 du Code civil du Québec.
[2] Les parties sont liées par un bail du 1er octobre 2022 au 30 septembre 2023, à un loyer mensuel de 1 545,00 $, comprenant le coût de l’espace de stationnement.
[3] La présente demande fait partie d’un groupe de 15 demandes visant la fixation de loyer des logements situés dans le même complexe immobilier. Ces demandes ont été réunies pour enquête et audition commune, conformément à l’article 57 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[1].
[4] La locatrice a produit le formulaire de renseignements nécessaires à la fixation du loyer, ainsi que les pièces justificatives et les factures au soutien de ces renseignements.
LES REVENUS DE LOYERS
[5] L’immeuble fait partie d’un complexe immobilier.
[6] Pour établir les revenus de loyers exigibles en décembre 2022, la mandataire de la locatrice produit en preuve un extrait du grand livre qui énumère les logements avec le nom des locataires et les loyers correspondants.
[7] Les locataires soulèvent que la liste des loyers contient des montants erronés, puisque la locatrice n’a pas tenu compte des montants de loyer déterminés par le Tribunal suivant des demandes de fixation déposées par la locatrice en 2022.
[8] Le Tribunal a autorisé la locatrice à produire après l’audience l’ensemble des numéros de dossiers de fixation pour la période 2022-2023.
[9] Le Tribunal a recalculé les revenus de loyers en fonction des loyers fixés par le Tribunal pour la période 2022-2023.
[10] Au lieu de 213 942,00 $, la preuve démontre que les revenus de loyers des logements loués en décembre 2022 s’élèvent à 213 114,00 $.
[11] La preuve démontre également qu’en décembre 2022, il y avait 7 logements inoccupés et 1 logement qui était occupé par la concierge à l’emploi de la locatrice. Cette dernière a produit en preuve le contrat de service de la conciergerie.
[12] Lorsqu’il y a des logements qui sont inoccupés ou occupé par un employé du locateur dans l’immeuble concerné par une demande de fixation, le Tribunal doit estimer la valeur du loyer de ces logements, tel que l’exige le Règlement sur les critères de fixation de loyer.
[13] En effet, en vertu dudit règlement, l’ajustement de loyer est calculé selon la part attribuable du logement, laquelle est établie en proportion de ce que représente le loyer du logement par rapport aux revenus de l’immeuble.
[14] Les revenus de l’immeuble comprennent les loyers, les loyers estimés, ainsi que tout autre revenu provenant de son exploitation :
« 1. Dans le présent règlement, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par:
[…]
«revenus»: les loyers et, le cas échéant, les loyers estimés d’un immeuble pour le dernier mois de la période considérée, multipliés par 12, ainsi que tout autre revenu provenant de l’exploitation de l’immeuble durant la période de référence;
[…] »
[15] Le « loyer estimé » est ainsi défini :
« «loyer estimé»: le loyer évalué par rapport à celui de logements comparables, s’il s’agit d’un logement:
1° inoccupé;
2° occupé par le locateur ou sa famille;
3° occupé par un employé dont le travail concerne l’immeuble;
4° utilisé pour l’exploitation de l’immeuble; »
[16] Selon la jurisprudence du Tribunal administratif du logement, dans l’évaluation ou l’estimation de la valeur du loyer des logements inoccupés et des logements occupés par des employés du locateur, les éléments à prendre en considération sont notamment le loyer moyen des autres logements du même immeuble, le loyer des logements comparables, ainsi que les caractéristiques propres aux logements vacants ou occupés par le locateur ou ses employés[2].
[17] En l’espèce, le Tribunal est d’avis que compte tenu des loyers des logements comparables, soit les logements de 4½ pièces, le loyer estimé pour les 7 logements vacants au montant total de 7 238,00 $ est raisonnable et représente de manière juste la valeur du loyer de ces logements.
[18] Quant au logement occupé par la concierge, le Tribunal estime que compte tenu des loyers des logements comparables, soit les logements de 6½ pièces, le loyer estimé au montant de 1 182,00 $ est raisonnable et représente de manière juste la valeur du loyer de ce logement.
[19] Par conséquent, les revenus de loyers exigibles en décembre 2022 sont établis à 221 534,00 $.
[20] Certains locataires en l’instance prétendent que la locatrice loue des logements à un loyer plus cher aux réfugiés et reçoit une subvention gouvernementale pour combler l’écart entre les loyers exigibles et les loyers réellement payés.
[21] Comme seul document d’appui, le locataire monsieur Pierre-Luc Sarrasin soumet un jugement[3] du TAL dans lequel le juge administratif Robin-Martial Guay a accueilli sa demande en cession de bail et a déclaré valide la cession de bail entre l’ancienne locataire et monsieur Sarrasin à titre de cessionnaire.
[22] Il est utile de rappeler les règles applicables en matière de preuve qui sont prévues au Code civil du Québec. Selon ces règles, il appartient à celui qui veut faire valoir un droit de prouver, selon la balance des probabilités, les faits qui soutiennent sa prétention, la force probante d’un témoignage étant laissée à l’appréciation du tribunal :
« 2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu’un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
2804. La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante.
2845. La force probante du témoignage est laissée à l’appréciation du tribunal. »
[23] En l’espèce, pour rencontrer son fardeau de la preuve, la locatrice a produit la liste des loyers, ainsi que les numéros des dossiers de fixation 2022-2023 pour permettre au Tribunal de corriger certains montants de loyer erronés inscrits sur la liste.
[24] Le Tribunal comprend de l’allégation des locataires qu’il y aurait d’autres montants de loyers qui seraient erronés, puisque la locatrice aurait loué certains logements aux réfugiés à un loyer plus élevé que ce qui est indiqué sur la liste.
[25] Or, cette allégation est niée par la mandataire de la locatrice.
[26] Le jugement soumis par le locataire Sarrasin ne fait aucune mention de réfugiés. Le juge dans cette décision a conclu que la locatrice en l’instance ne peut pas refuser la demande de cession de bail en faveur de monsieur Sarrasin et de madame Langlois pour le motif qu’il y avait des plaintes des autres locataires à leur égard dans le passé, jugeant qu’il ne s’agit pas d’un motif sérieux justifiant un refus de consentir à la cession de bail.
[27] La soussignée ne peut pas tirer l’inférence, à la simple lecture du jugement, que la locatrice aurait refusé la cession de bail parce qu’elle aurait voulu louer le logement à un réfugié moyennant un loyer plus élevé.
[28] La locatrice a produit une preuve prépondérante des revenus de loyers. Le simple doute des locataires que les loyers ne sont pas exacts ne suffit pas pour remettre en question les montants déclarés par la locatrice.
ASSURANCES
[29] Les locataires plaident que les primes des assurances ne devraient pas être considérées du tout dans le calcul, puisque les polices ne précisent pas les primes de l’assurance incendie et de l’assurance responsabilité.
[30] Le Tribunal juge qu’il n’y a pas lieu de retenir l’argument des locataires.
[31] Les polices produites en preuve pour les deux périodes requises par le Règlement sur les critères de fixation de loyer permettent au Tribunal de constater qu’il n’y a pas eu de changement significatif en ce qui concerne les risques couverts, c’est dire que les polices permettent une juste comparaison des primes.
[32] Alors qu’il est vrai que les polices ne précisent pas les primes associées à chaque risque énuméré, indiquant plutôt de façon globale la prime exigée, le Tribunal juge que vu que les risques couverts durant les deux périodes requises par le Règlement sont similaires, il n’y a pas lieu d’exclure les primes des assurances du calcul.
DÉNEIGEMENT
[33] Les locataires s’objectent à la prise en compte de six factures en lien avec les services de déneigement retenus par la locatrice auprès de l’Entreprise A.J., totalisant 34 875,75 $, au motif que l’entreprise en question n’existe pas.
[34] Les locataires prétendent qu’ils n’ont pas réussi à retrouver l’entreprise par des recherches sur l’internet.
[35] La locatrice a produit comme preuve les factures et les preuves de paiement par chèque.
[36] Le Tribunal juge que la prétention et les arguments des locataires sont dépourvus de fondement factuel puisque l’Entreprise A.J. est bien inscrite au Registre des entreprises qui indique qu’il s’agit d’une entreprise individuelle œuvrant dans le secteur d’activité de déneigement.
[37] Considérant la preuve prépondérante présentée, le Tribunal retient la totalité de cette dépense dans le calcul de l’ajustement du loyer.
[38] Après calcul, l’ajustement du loyer permis en vertu du Règlement sur les critères de fixation de loyer[4] est de 51,78 $ par mois, s’établissant comme suit :
Taxes municipales et scolaires | 19,09 $ |
Assurances | 5,35 $ |
Gaz | 0,00 $ |
Électricité | 0,00 $ |
Mazout | 0,00 $ |
Frais d’entretien | 3,05 $ |
Frais de services | 0,00 $ |
Frais de gestion | 2,70 $ |
Réparations majeures, améliorations majeures, mise en place d’un nouveau service |
0,00 $ |
Ajustement du revenu net | 21,59 $ |
TOTAL |
51,78 $ |
[39] CONSIDÉRANT l'ensemble de la preuve faite à l'audience;
[40] CONSIDÉRANT qu’un ajustement mensuel de 51,78 $ est justifié;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[41] FIXE le loyer, après arrondissement au dollar le plus près, à 1 597,00 $ par mois, du 1er octobre 2023 au 30 septembre 2024, comprenant le coût de l’espace de stationnement.
[42] Les autres conditions du bail demeurent inchangées.
[43] La locatrice assume les frais de la demande.
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Me Shuang Shuang, greffière spéciale | ||
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Présence(s) : | la mandataire de la locatrice | ||
Date de l’audience : | 12 janvier 2024 | ||
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[1] RLRQ, c. T-15.01.
[2] Chartrand c. Chartrand,
[3] Leclerc c. Desjardins,
[4] RLRQ, c. T-15.01, r. 2.
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