Décision

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Décision

Warner c. Karimu

2015 QCRDL 22664

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

210991 31 20150410 T

No demande :

1761423

 

 

Date :

09 juillet 2015

Régisseure :

Linda Boucher, juge administratif

 

KARLEEN WARNER

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

AYISHETU KARIMU

 

Locatrice - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      La locataire demande la rétractation d'une décision du tribunal du 22 mai 2015 rendue sur la demande de la locatrice du 10 avril 2015 et amendée le 24 avril suivant.

[2]      Cette décision, rendue sous la plume du juge administratif Ronald Charbonneau, entre autres, résilie le bail et condamne la locataire à payer à la locatrice la somme de 1 200 $.

[3]      La locataire et la locatrice étaient présentes le 14 mai 2015 à l'audition de la demande en question.

[4]      Au motif de sa demande, la locataire déclare qu’elle a été empêchée de faire sa preuve parce que le juge administratif a refusé de l’entendre.

[5]      Pour ce qui est des moyens sommaires de défense qu’elle aurait voulu faire valoir, elle indique qu’elle n’était pas consciente du montant que lui réclame la locatrice puisque celle-ci opère compensation sur d’autres dépenses.

[6]      La locataire fonde sa demande sur l’article 89 de la Loi sur la Régie du logement, savoir :

« 89.         Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.

                Une partie peut également demander la rétractation d'une décision lorsque la Régie a omis de statuer sur une partie de la demande ou s'est prononcée au-delà de la demande.

                La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l'empêchement.

                La demande de rétractation suspend l'exécution de la décision et interrompt le délai d'appel ou de révision jusqu'à ce que les parties aient été avisées de la décision.»


[7]      À l’audience, contredisant les motifs à sa demande, la locataire déclare qu’elle a eu le loisir de faire entendre sa défense au juge administratif Charbonneau. 

[8]      En vérité, elle reproche à celui-ci de ne pas avoir retenue sa défense.

[9]      Pour ce qui est de cette défense qu’elle a fait valoir, et encore une fois contredisant sa demande, elle indique qu’elle n’a pas payé son loyer, car elle a imputé la somme à des frais de garde d’enfant que, selon elle, la locatrice lui doit.

[10]   Pour sa part, la locatrice déclare que la locataire a, en effet, pu faire valoir sa défense au juge administratif Charbonneau.

[11]   Elle conteste la compensation effectuée par la locataire et demande le rejet de la demande de rétractation de celle-ci.

[12]   Selon la jurisprudence, le recours en rétractation est un recours de nature exceptionnelle. La stabilité des jugements étant la norme. Ce principe de la stabilité des décisions a été réitéré dans l'affaire Daigle c. Larouche :

« [14] Au stade de la réception, la détermination par le tribunal de l'existence ou non de motifs prima facie suffisants pour recevoir la requête en tenant compte du principe de l'irrévocabilité des jugements. Or :

« Le principe de l'irrévocabilité de jugement constitue un élément important de notre système juridique. En effet, une jurisprudence constante affirme que la stabilité des décisions judiciaires est essentielle à une saine administration de la justice. Ce principe se comprend facilement, car il est évident que le justiciable, qui est parti à une action, s'attend à ce que le jugement qui en résulte mette fin au litige de façon définitive, sous réserve, bien sûr, de la possibilité de porter de jugement en appel. Toutefois, il existe une exception à ce principe de l'irrévocabilité de jugement. Il s'agit du recours en rétractation prévu aux articles 482 et ss du Code de procédure civile. »([1])

[13]   La requête en rétractation est donc un recours de nature exceptionnelle et il en résulte que les motifs justifiant la rétractation doivent recevoir une interprétation restrictive.

[14]   Aussi, la requête en rétractation ne peut être utilisée pour parfaire sa preuve ou en appeler d'une décision avec laquelle une partie est en désaccord.

[15]   Or, manifestement, la locataire est insatisfaite de la décision du tribunal et elle cherche à obtenir une nouvelle audition de sa requête à l'occasion de laquelle elle aura la possibilité de représenter sa défense avec l’espoir qu’elle sera retenue cette fois.

[16]   Or, il ne s'agit pas là d'un motif donnant ouverture au recours en rétractation de jugement.

[17]   Malheureusement, la soussignée ne possède pas la compétence rationae matériae nécessaire pour réviser la décision de son confrère.

[18]   La Régie du logement n'est donc pas le bon forum en l'instance.

[19]   Les auteurs le confirment :

« L'article 89 ne peut être utilisé à titre d'appel déguisé. Si une partie n'est pas satisfaite de la décision rendue, elle ne peut en demander la rétractation afin de présenter une meilleure preuve.

On ne peut en effet demander à la Régie du logement d'accorder la rétractation pour ce motif, car ce serait confier au régisseur siégeant en rétractation une fonction qui va au-delà de sa compétence : celle de juger de la justesse de cette décision d'un collègue, une tâche réservée tant à la cour provinciale siégeant en appel dans les cas prévus à l'article 91 de la loi sur la régie du logement qu'à la Régie du logement siégeant en révision des décisions portant sur une demande dont le seul objet et la fixation, la révision ou le réajustement de loyer.» ([2])

[20]   En conclusion, le tribunal n'accueillera pas la rétractation demandée par la locataire.


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[21]   REJETTE la demande de la locataire qui en assume les frais.

 

 

 

 

 

 

 

 

Linda Boucher

 

Présence(s) :

la locataire

la locatrice

Date de l’audience :  

18 juin 2015

 

 

 


 



[1] C.S. Beauharnois, 760-17-000367-022, 30 septembre 2002, j. Langlois ((2002 ILCan 23819 (QCCS).

[2] Thérèse ROUSSEAU-HOULE, Martine DE BILLY, Le bail du logement, Montréal, Wilson & Lafleur, 1989, 310.

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