Décision

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Campanella c. Chiali

2023 QCTAL 35508

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

718366 31 20230627 G

No demande :

3951919

 

 

Date :

16 novembre 2023

Devant le juge administratif :

Claude Fournier

 

Giovanni Campanella

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Yasmine Chiali

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Le 27 juin 2023, le locateur demande la résiliation du bail de la locataire[1].

[2]         Le locateur allègue que le logement est encombré, insalubre et que la locataire ne donne pas suite aux avis lui demandant de corriger la situation.

[3]         À l’audience, la locataire et le locateur sont présents.

[4]         Le Tribunal a bien pris note de l’ensemble des témoignages et de la preuve administrée devant lui, mais il ne sera fait mention dans la présente décision que des éléments pertinents retenus pour fonder celle-ci.

La preuve

[5]         Les parties sont liées par un bail reconduit du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024, au loyer mensuel de 945 $.

[6]         Sommairement, le locateur Giovanni Campanella témoigne que :

  • Le logement est encombré. Des demandes verbales ont été faites à la locataire pour qu’elle désencombre son logement;
  • Une mise en demeure lui a été notifiée en mains propres le 27 février 2023[2];
  • Malgré les demandes et la mise en demeure, rien n’a changé;
  • Il a pris des photographies de l’état du logement le 1er mars 2023[3].

[7]         Pour sa part, la locataire témoigne, sommairement, que :

  • Sa condition physique ne lui permettait pas de ranger le logement rapidement. Elle a été victime de deux accidents. Elle est affectée d’une hernie, d’un tunnel carpien et de problèmes au genou droit;
  • Elle reconnaît avoir beaucoup de choses dans son logement. Elle faisait auparavant le commerce de biens et lorsqu’elle a mis fin à ses activités, elle a apporté chez elle un certain nombre de choses;
  • Un inspecteur de la Ville de Montréal est venu au logement et lui a dit qu’il lui faudrait désencombrer le logement;
  • Elle n’a jamais eu auparavant de plaintes relativement à l’état du logement;
  • Elle était en arrêt de travail en raison des accidents et a repris son travail de chauffeuse d’autobus scolaire il y a quelques jours;
  • Elle désire conserver son logement. Sa mère l’aide un peu. Elle s’engage à prendre les moyens pour désencombrer le logement.

ANALYSE ET DÉCISION

Fardeau de la preuve

[8]         Eu égard au fardeau de preuve, le Tribunal rappelle que les articles 2803, 2804 et 2845 du Code civil du Québec (C.c.Q.) prévoient que celui qui veut faire valoir ses droits doit démontrer les faits au soutien de ses prétentions, et ce, de façon prépondérante, la force probante du témoignage étant laissée à l'appréciation du tribunal.

Résiliation du bail

[9]         Le recours du locateur se fonde sur les articles 1863 et 1972 C.c.Q.

[10]     L’article 1863 C.c.Q. prévoit que si l’inexécution d’une obligation par une partie cause à l’autre partie ou aux autres occupants un préjudice sérieux, cette dernière peut demander la résiliation du bail.

[11]     L’article 1972 C.c.Q. prévoit qu’une partie peut demander la résiliation du bail si le logement devient impropre à l’habitation.

[12]     Aux termes de l’article 1855 C.c.Q., un locataire est tenu d'user du bien loué avec prudence et diligence.

[13]     En vertu de l’article 1911 C.c.Q., il est aussi tenu de maintenir le logement en bon état de propreté.

[14]     Il apparaît pertinent de souligner qu’aux termes de l’article 1912 C.c.Q., le manquement du locataire à une obligation imposée par la loi relativement à la sécurité ou la salubrité d’un logement, donne lieu aux mêmes recours qu’un manquement à une obligation du bail.

[15]     À cet égard, il y a également lieu de rappeler que le Règlement sur la salubrité, l’entretien et la sécurité des logements[4] de la Ville de Montréal prévoit qu’un bâtiment ou un logement ne doit pas porter atteinte à la santé ou à la sécurité des résidents ou du public en raison de l’utilisation qui en est faite ou de l’état dans lequel il se trouve (article 25).

[16]     L’article 25 de ce Règlement prévoit que :

« Sont notamment prohibés et doivent être supprimés :

1° la malpropreté, la détérioration ou l’encombrement d’un bâtiment principal, d’un logement, d’un balcon ou d’un bâtiment accessoire;

(…) »


[17]     Dans le présent dossier, la preuve photographique montre un certain encombrement. Le Tribunal note que les photographies remontent cependant à plusieurs mois, soit plus de cinq mois.

[18]     La preuve soumise est toutefois nettement insuffisante pour permettre au Tribunal de conclure que le logement est impropre à l’habitation au sens de l’article 1913 C.c.Q., à savoir qu’il constitue une menace sérieuse pour la santé et la sécurité des occupants ou du public.

[19]     Le Tribunal souligne que le caractère impropre d’un logement doit être établi de façon objective, ce qui impose un fardeau de preuve beaucoup plus lourd pour la partie qui demande qu’un logement soit déclaré impropre à l’habitation.

[20]     Par ailleurs, comme précédemment mentionné, un locateur peut obtenir la résiliation du bail en vertu de l’article 1863 C.c.Q. dans un cas de violation des obligations du locataire lorsqu’il démontre que cette violation lui cause un préjudice sérieux.

[21]     La preuve, telle que présentée, ne permet pas au Tribunal de conclure que le logement est insalubre, qu’il est en mauvais état de propreté et qu’il présente un danger. Tout au plus, l’on peut constater que l’une des pièces serait encombrée, du moins en partie, les photographies ne permettant pas d’avoir une perspective globale des lieux.

[22]     De l’avis du Tribunal, la preuve du locateur est déficiente et insuffisante pour justifier la résiliation du bail de la locataire.

[23]     Cependant, le présent dossier doit servir de sérieux avertissement pour la locataire et celle-ci devra prendre tous les moyens nécessaires pour désencombrer rapidement la ou les pièces qui le seraient.

[24]     Le Tribunal prend acte de l’engagement de la locataire à cet effet.

[25]     La locataire doit comprendre qu’à défaut de désencombrer rapidement son logement, elle serait susceptible d’être visée par un nouveau recours qui, si une preuve suffisante devait être présentée, pourrait se solder par la résiliation de son bail et son expulsion des lieux.

[26]     La locataire bénéficie aujourd’hui d’une chance de remédier à la situation et d’éviter de perdre son logement actuel, logement qu’elle désire conserver.

[27]     Par conséquent, le Tribunal rejettera la demande.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[28]     PREND ACTE de l’engagement de la locataire à prendre rapidement les moyens nécessaires pour désencombrer l’ensemble de son logement;

[29]     REJETTE la demande du locateur.

 

 

 

 

 

 

 

 

Claude Fournier

 

Présence(s) :

le locateur

la locataire

Date de l’audience : 

18 août 2023

 

 

 


 


[1] La demande du locateur fut notifiée à la locataire par poste recommandée le 10 juillet 2023.

[2] Pièce P-1.

[3] Pièce P-2.

[4] Codification administrative, 03-096.

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