Décision

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Décision

Bergeron c. Brodeur

2020 QCTAL 4986

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Granby

 

No dossier :

433153 24 20181218 G

No demande :

2653938

 

 

Date :

20 octobre 2020

Devant la juge administrative :

Danielle Deland

 

Alain Bergeron

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Mario Brodeur

 

Locateur - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Le locataire demande des dommages (4 994,48 $) avec les intérêts et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, une ordonnance à la partie défenderesse d’exécuter son obligation de réparer la rue devant la maison, l’exécution provisoire de la décision nonobstant appel et les frais.

[2]      Les parties sont liées par un bail d’un terrain destiné à recevoir une maison mobile du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019 pour un loyer mensuel de 225 $, bail reconduit au 30 juin 2020 au même loyer. Le bail prévoyait que le locateur fournirait de la terre pour le gazon.

[3]      Le locateur a vendu son immeuble en octobre 2010. Les demandes d’ordonnance sont donc dorénavant caduques.

[4]      Le locataire a témoigné que lorsqu’il est arrivé en juillet 2018, le terrain sur lequel il voulait placer sa maison mobile n’était pas de niveau, qu’il y avait un risque d’accumulation d’eau qui aurait pu geler et dégeler, ce qui aurait pu nuire à la structure de sa maison. Selon le locataire, il a téléphoné au locateur et lui a même offert de partager avec lui le coût d’aménagement du terrain, ce que le locateur aurait refusé.

[5]      Il a donc fait effectuer des travaux au coût de 4 679,48 $. Il a aussi fait venir un voyage de terre le 23 août 2018 au coût de 315 $, d’où sa réclamation totale de 4 994,48 $.

[6]      De son côté, le locateur a témoigné que le locataire avait visité le parc de terrains à de nombreuses reprises en novembre et décembre 2017 et a déposé une photographie au dossier du tribunal où on voit que la maison qui était installée sur le terrain avant l’arrivée du locataire n’avait pas de jupe et que le locataire aurait pu vérifier si le terrain était de niveau ou non.


[7]      Il ajoute qu’il loue des terrains, mais qu’il ne s’occupe jamais de l’installation des maisons mobiles. Selon lui, les locataires implantent leur maison soit sur des pieux vissés, soit un lit de roches ceinturé de blocs de ciment (un « plat ») comme est implantée la maison du locataire, soit enfin sur une dalle de béton.

[8]      Le locateur a déposé au dossier du tribunal la demande de permis d’implantation faite par le locataire à la municipalité de Brigham le 29 mai 2018 prévoyant le début des travaux le 15 juin 2018. Selon le locateur, le locataire croyait que l’ancien locataire aurait quitté pour le 1er juin 2018 et toujours selon le locateur, le locataire aurait été frustré de ne pas pouvoir commencer les travaux à temps. Le locateur a également fait remarquer que « le plat » avait été construit en 2008 pour y installer une maison mobile de 60 pieds, alors que la maison mobile du demandeur mesurait 68 pieds. Selon lui, le locataire aurait dû faire faire des travaux, ne serait-ce que pour augmenter la superficie du « plat ».

[9]      En ce qui concerne la terre pour le gazon, le locateur a témoigné que jamais le locataire ne lui a demandé.

Règles de preuve

[10]   Selon les dispositions de l'article 2803 du Code civil du Québec, il revient à la partie demanderesse de faire la preuve des faits allégués dans sa demande :

« 2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée. »

[11]   Le locataire a le fardeau de démontrer, par prépondérance de preuve, que les faits qu'il présente sont probables, conformément à l'article 2804 du Code civil du Québec :

« 2804. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante. »

[12]   Quant à l'appréciation du témoignage, elle est laissée à l'appréciation du tribunal :

« 2845. La force probante du témoignage est laissée à l'appréciation du tribunal. »

[13]   Dans le cas présent, le Tribunal doit se demander si le locataire a démontré de manière suffisante le bien-fondé de sa réclamation en justice.

[14]   Les auteurs Nadeau et Ducharme ont analysé les conséquences de l’absence de preuve ou de son insuffisance[1] :

« Celui sur qui repose l’obligation de convaincre le juge supporte le risque de l’absence de preuve, c’est-à-dire qu’il perdra son procès si la preuve qu’il a offerte n’est pas suffisamment convaincante ou encore si la preuve offerte de part et d’autre est contradictoire et que le juge se trouve dans l’impossibilité de déterminer où se trouve la vérité. »

Analyse

[15]   D’une part le locataire n’a pas démontré que les travaux en vue de l’installation de la maison mobile étaient à la charge du locateur. Et même si cette preuve avait été faite, les règles du Code civil concernant les réparations faites par les locataires sont strictement encadrées :

« 1866. Le locataire qui a connaissance d'une défectuosité ou d'une détérioration substantielles du bien loué, est tenu d'en aviser le locateur dans un délai raisonnable. »

« 1867. Lorsque le locateur n'effectue pas les réparations ou améliorations auxquelles il est tenu, en vertu du bail ou de la loi, le locataire peut s'adresser au tribunal afin d'être autorisé à les exécuter.

Le tribunal, s'il autorise les travaux, en détermine le montant et fixe les conditions pour les effectuer. Le locataire peut alors retenir sur son loyer les dépenses faites pour l'exécution des travaux autorisés, jusqu'à concurrence du montant ainsi fixé. »


« 1868. Le locataire peut, après avoir tenté d'informer le locateur ou après l'avoir informé si celui-ci n'agit pas en temps utile, entreprendre une réparation ou engager une dépense, même sans autorisation du tribunal, pourvu que cette réparation ou cette dépense soit urgente et nécessaire pour assurer la conservation ou la jouissance du bien loué. Le locateur peut toutefois intervenir à tout moment pour poursuivre les travaux.

Le locataire a le droit d'être remboursé des dépenses raisonnables qu'il a faites dans ce but; il peut, si nécessaire, retenir sur son loyer le montant de ces dépenses. »

[16]   La soussignée conclut que même si le locataire avait démontré que l’installation du « plat » était à la charge du locateur, il n’en demeure pas moins qu’elle n’était pas une dépense urgente et nécessaire. Le locataire aurait pu faire déposer la roulotte dans l’entrée ou ailleurs sur le terrain le temps que les travaux soient effectués.

[17]   Les travaux qu’il a fait effectuer ne peuvent donc pas rencontrer les critères de l’article 1868 C.c.Q. et le locataire n’a pas respecté les règles de l’article 1867 C.c.Q. pour une dépense non urgente car il n’a pas demandé l’autorisation de faire les travaux au tribunal.

[18]   Il n’a d’ailleurs mis le locateur en demeure qu’en novembre 2018, soit plus de cinq mois après avoir fait faire les travaux.

[19]   En ce qui concerne l’achat de terre à gazon, le locataire n’a pas démontré qu’il avait mis le locateur auteur en demeure de lui en fournir avant d’en acheter en août 2018.

[20]   CONSIDÉRANT l’ensemble de la preuve;

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[21]   REJETTE la demande du locataire.

 

 

 

 

 

 

 

 

Danielle Deland

 

Présence(s) :

le locataire

le locateur

Date de l’audience :  

5 octobre 2020

 

 

 


 



[1]    Nadeau André et Ducharme Léo, Traité de droit civil du Québec, vol. 9, 1965, Montréal, Wilson & Lafleur,        page 99.

AVIS :
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