Lareau c. Centre du camion Gamache inc. | 2023 QCCA 667 | ||||
COUR D’APPEL | |||||
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CANADA | |||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||
GREFFE DE
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N° : | |||||
(755-17-002379-165) | |||||
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DATE : | 18 mai 2023 | ||||
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LUC LAREAU | |||||
APPELANT – demandeur | |||||
c. | |||||
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CENTRE DU CAMION GAMACHE INC. RICHARD GAMACHE | |||||
INTIMÉS – défendeurs | |||||
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[1] L’appelant se pourvoit contre un jugement rendu le 2 décembre 2019 par la Cour supérieure du district d’Iberville (l’honorable Marie Gaudreau) qui a rejeté son recours en congédiement déguisé.
[2] Pour les motifs de la juge Lavallée, auxquels souscrivent les juges Ruel et Hamilton, LA COUR :
[3] ACCUEILLE l’appel;
[4] INFIRME le jugement de première instance;
[5] DÉCLARE que l’appelant a fait l’objet d’un congédiement déguisé;
[6] CONDAMNE le Centre du Camion Gamache inc. à payer à l’appelant, à titre d’indemnité de départ, la somme de 364 839,29 $ avec intérêts au taux légal majorés de l’indemnité additionnelle prévue par l’article
[7] CONDAMNE le Centre du Camion Gamache inc. à payer à l’appelant la somme de 496 658,22 $ due en vertu de son contrat, avec intérêts au taux légal majorés de l’indemnité additionnelle prévue par l’article
[8] CONDAMNE Richard Gamache à payer à l’appelant la somme de 256,12 $, avec intérêts au taux légal majorés de l’indemnité additionnelle prévue par l’article
[9] DÉCLARE que la question qui a été déférée à la Cour par le jugement du 5 février 2021 est devenue sans objet;
[10] LE TOUT, avec les frais de justice en faveur de l’appelant tant en première instance qu’en appel.
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| SIMON RUEL, J.C.A. | |
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| STEPHEN W. HAMILTON, J.C.A. | |
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| SOPHIE LAVALLÉE, J.C.A. | |
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Me Isabelle Grégoire Me Emilie Péloquin Nelson | ||
TUTINO JOSEPH GRÉGOIRE | ||
Pour l’appelant | ||
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Me Nathalie-Anne Béliveau | ||
Me Catherine Simonet | ||
FASKEN MARTINEAU DUMOULIN | ||
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Date d’audience : | 1er novembre 2022 | |
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MOTIFS DE LA JUGE LAVALLÉE |
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[11] L’appelant, Luc Lareau, a-t-il été congédié de manière déguisée par son employeur, l’intimée Centre du camion Gamache inc. (« CCG »)? La juge de première instance a répondu par la négative à cette question[1], d’où le présent pourvoi.
[12] Avec égards, j’estime qu’elle a erré en concluant qu'il s'agissait d'une démission et en ne faisant pas droit à certaines réclamations contractuelles de l’appelant.
CONTEXTE
[13] La trame factuelle est très dense. Il est nécessaire de faire le récit des faits pour comprendre ce qui est en litige en appel.
1. Aperçu
[14] L’appelant a été à l’emploi de l’intimée CCG à partir de 1991, ayant été directeur des ventes de 1998 jusqu’à son départ en congé de maladie en 2013. Dès son départ, son poste aurait été aboli[2]. Il est retourné au travail le 6 octobre 2014, mais la relation avec l’employeur n’était plus la même.
[15] Le 10 avril 2015, il a signé un nouveau contrat de travail dans lequel il acceptait de redevenir vendeur et de perdre certains avantages pécuniaires importants en contrepartie de clauses financières auxquelles il tenait.
[16] Par la suite, il s’est plaint à plusieurs reprises de décisions de CCG qui étaient, selon lui, des modifications substantielles à son nouveau contrat de travail ainsi que d’évènements qui, considérés dans leur ensemble, constituaient du harcèlement psychologique à son endroit. C’est dans ce contexte qu’il s’est senti contraint de démissionner le 30 octobre 2015.
2. Trame factuelle
[17] L’intimé Richard Gamache est le président de l’entreprise CCG, qu’il opère avec ses frères Christian et Serge. Cette entreprise se spécialise dans l’achat et la vente de camions usagés, alors que sa filiale Gamex Inc. exporte des camions et des pièces en Amérique du Sud.
[18] L’appelant a été employé de CCG du 14 janvier 1991 au 30 octobre 2015. Il a occupé le poste de directeur des ventes à compter de 1998. À cette époque, il n’y avait que deux ou trois vendeurs sous sa direction. Sa rémunération se composait alors d’un salaire annuel de base, de commissions et d’un boni. À sa demande, ses vacances de trois semaines par année étaient payées en plus de son salaire annuel étalé sur
52 semaines.
[19] En 2008, les trois frères Gamache et l’appelant ont investi dans la société
9194-1799 Québec inc., qui était propriétaire d'une terre agricole. L’appelant détenait 25 % des actions de cette société.
[20] En 2011, CCG a mis fin au paiement du boni de l'appelant. À la place du boni, CCG a augmenté son salaire de base et mis en place un plan de rétention (« Plan ») s’échelonnant sur 10 ans. Ce plan de rétention a alors également été mis en place pour un autre « employé-clé » de l'entreprise, Walter White (« White »), mais n’a jamais été couché par écrit, ni pour l’un ni pour l’autre de ces deux employés.
[21] À la suite d’une proposition de CCG, ce plan a finalement servi à payer également l’assurance maladie grave et l'assurance vie de l’appelant et de White. L’objectif de cet ajout était de conférer une plus-value au plan de rétention. L'assurance vie ainsi que l'assurance maladie grave ont été proposées par CCG aux deux employés par l'intermédiaire de Stéphane Thibodeau, un conseiller en assurance. À la lumière du dossier, on comprend que CCG voyait un certain avantage fiscal à ce plan de rétention.
[22] Se fondant sur les témoignages d’employés et de dirigeants de CCG, la juge de première instance décrit ainsi les grandes lignes de ce plan[3] :
(a) CCG souhaite mettre en place un plan de rétention visant Lareau et White (le « Plan »).
(b) Les bonis annuels sont désormais intégrés au salaire de base.
(c) Les grandes lignes du Plan sont les suivantes :
i) Le Plan est échelonné sur une période de 10 ans;
ii) À chaque année, un montant équivalent à 5% des bénéfices avant impôts annuels de CCG et de Gamex inc. (« Gamex ») est susceptible d’être accumulé au Plan de chaque employé;
iii) Ce montant, lorsque crédité, est toutefois ensuite étalé sur la période subsistante du Plan;
iv) Ainsi, à partir de la deuxième année, l’employé reçoit une portion équivalant à 10% de l’accumulation de 5% des bénéfices avant impôts de CCG et de Gamex de l’exercice financier en cause
v) Le Plan est discrétionnaire, auquel CCG peut y mettre fin en tout temps;
vi) L’objectif du Plan est de retenir les employés-clés du CCG;
vii) Il ne s’agit pas d’un plan de retraite;
viii) Pour bénéficier du Plan, il faut contribuer à la génération de bénéfices avant impôts pour CCG et Gamex, et donc fournir une prestation de travail;
ix) Si l’employé quitte avant l’expiration du Plan, il n’a droit à aucune somme;
x) Toutefois, si CCG y met fin, seules les sommes accumulées à la réserve seront payées à l’employé.
[Soulignement dans l’original]
[23] En mai 2012, l’appelant éprouve des problèmes de santé, mais il continue
de travailler. Il est d’abord traité pour épuisement professionnel jusqu’au mois de décembre 2013.
[24] Le 17 mai 2012, l’intimé Richard Gamache signe une reconnaissance de dette d’une valeur de 100 000 $, pour une somme que l’appelant lui a prêtée. Il utilise cet argent pour le prêter à son tour à un club de golf situé à Napierville. Lorsque Richard Gamache se fait rembourser par ce club, il rembourse l’appelant en lui faisant des chèques appartenant à CCG. Selon les calculs de l’appelant, en date du procès, il reste 256,12 $ à rembourser, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté.
[25] Le 22 mars 2013, à la suggestion de son employeur, l’appelant part en congé de maladie. Le poste de directeur des ventes qu’il occupait depuis 1998 est immédiatement aboli[4]. Robert Vancour, qui était alors l'assistant de l'appelant, est nommé « coordonnateur des ventes », alors que Richard Gamache remplace désormais l’appelant pour les tâches liées à la direction des ventes.
[26] Le 12 avril 2013, alors que l’appelant est en Floride avec Richard Gamache, ce dernier l’informe du solde de son plan de rétention, lequel serait d’environ 140 000 $. Il ajoute qu’aucune somme n’y sera versée pendant son absence.
[27] Le 25 novembre 2013, l’appelant se présente chez la notaire Sylvie Desrochers à la demande de Richard Gamache afin de signer un document pour le dézonage de la terre agricole de la société 9194-1799 Québec inc., opération nécessaire pour effectuer une transaction impliquant les bâtiments de cette terre agricole.
[28] Le 13 décembre 2013, l’appelant reçoit son diagnostic : il a un important anévrisme cérébral avec œdème et est hospitalisé jusqu’au 30 décembre 2013. Selon la mise en demeure que l’appelant transmet à CCG le 24 juillet 2015[5], ce problème de santé serait la cause de ses sautes d’humeur, sa fatigue extrême et ses étourdissements, alors que tous associaient jusqu’à présent ces symptômes à un épuisement professionnel.
[29] En février 2014, alors que l’appelant se remet de ses traitements, Richard Gamache se rend chez lui pour lui demander de payer la prime d'assurance maladie grave, affirmant qu’il n’y a plus de fonds dans le plan de rétention pour payer celle-ci[6]. L’appelant fait donc un chèque de 44 737,92 $ afin d’assumer le coût de sa police d’assurance. Selon l’appelant, il y avait en fait assez d’argent dans le plan de rétention pour payer ce montant, mais il ne l’aurait appris que plus tard.
[30] En juillet 2014, le neurologue de l’appelant lui suggère d’effectuer un retour progressif au travail. L’appelant appelle alors Richard Gamache pour lui fait part de la nouvelle, mais, selon l’appelant, la réaction n’est pas bonne à l’autre bout du fil. En effet, selon Richard Gamache, les vendeurs, en 2013, alors que l’appelant était malade et fatigué, se plaignaient qu'ils devaient finaliser les ventes de l’appelant. Cependant, ce dernier n’en aurait jamais parlé à l’appelant. Ainsi, selon lui, les vendeurs appréhendent le retour de l’appelant, certains allant même jusqu'à menacer de démissionner si le comportement de l’appelant ne change pas. Richard Gamache annonce alors à l’appelant que son poste est aboli et qu’à son retour, il n’aura plus le même salaire, lequel sera diminué.
[31] Dans les jours ou les semaines qui suivent, l’appelant parle de cette conversation avec Richard Gamache à Roger Brissette, qui est en quelque sorte devenu un intermédiaire entre les parties. Ce dernier en vient effectivement à jouer le rôle de médiateur entre les frères Gamache et l’appelant.
[32] Après avoir discuté avec les frères Gamache, Roger Brissette rencontre l’appelant le 26 septembre 2014 et lui présente les conditions de retour au travail qui ont été fixées par CCG, tout en lui annonçant qu’il a au moins réussi à « sauver son salaire » :
NOTES - RENCONTRE LUC LAREAU vendredi 26 septembre 2014
Retour : 13 octobre 2014
Obtenir le document du médecin traitant (date, limitation)
Questionnement concernant la forme physique, capacité de supporter la pression.
Dans un premier temps il faut se mettre à date pour :
Bureau salle de conférence (temporairement).
Aucune gestion des ressources humaines.
Regagner la confiance de l'équipe de vente.
Accepter le mode de fonctionnement de la nouvelle équipe qui a été reconstruit et qui performe très bien et s'y intégrer (modèle de structure qui communique d'égal à égal et non pas au service d'une seule personne).
Démontrer que Luc Lareau n'a plus aucune agressivité envers aucun employé.
Avoir un comportement professionnel, faire attention au langage (ex. : éviter les blagues sur les femmes).
Limitation des pouvoirs : aucune décision seule (prix de vente, d'achat).
S'assoir avec chacun des membres de l'équipe de vente pour les écouter et réparer les pots cassés.
Reprendre en main sa liste de clients (appel téléphonique pour les informer de son retour).
Se familiariser et s'approprier le fonctionnement du système informatique (ex. faire des contrats).
Comprendre que le niveau de vente actuel est similaire et même parfois supérieur à celui atteint antérieurement et cela avec 2 vendeurs en moins.
Il y a des vendeurs qui n'ont pas connu Luc Lareau à son meilleur (ex. Daniel Lamanque) et d'autres qui espèrent retrouver le super vendeur des bonnes années, mais tous sont craintifs de ton retour et veulent garder le climat favorable qui règne actuellement.[7]
[33] Le 2 octobre 2014, l’appelant est convié à un dîner avec les frères Gamache. Ces derniers lui annoncent qu’ils souhaitent qu’il travaille dans un bureau se trouvant de l’autre côté de la salle de conférence, soit le bureau qu'il occupait pour être plus tranquille avant son départ en congé de maladie. L’appelant refuse, insiste, et a finalement gain de cause. Lors de cette discussion, les frères Gamache l’informent qu’ils souhaitent qu’il abandonne son poste de directeur des ventes, lequel a, de toute façon, été aboli depuis son départ en congé de maladie.
[34] Le 6 octobre 2014, l’appelant retourne finalement au travail. Selon lui, le climat est froid et il ne se sent nullement bienvenu. Richard Gamache l’ignore la plupart du temps.
[35] Le 5 novembre 2014, l’appelant rencontre Roger Brissette et les frères Gamache pour faire le point sur sa réintégration dans l’entreprise. Ses objectifs portant sur les connaissances techniques sont atteints, mais on lui reproche toujours le manque d’évolution et d’amélioration dans ses rapports humains avec l’ensemble des employés.
[36] Le 22 janvier 2015, Roger Brissette rencontre à nouveau l’appelant en compagnie des frères Gamache. Il lui remet un rapport confectionné pour CCG portant sur sa réintégration. L'appelant apprend ainsi que CCG impose alors des changements drastiques dans ses conditions de travail : son salaire est réduit de 150 000 $ à 100 000 $, ses commissions sont réduites et son plan de rétention est terminé.
[37] CCG justifie cette baisse de salaire par le fait que l’appelant n’est plus directeur des ventes et qu’il y a donc lieu d’uniformiser les salaires des employés de l’équipe des ventes. Le salaire de l’appelant est finalement fixé à 125 000 $, sans qu’il en soit informé[8].
[38] Entre le 6 et le 24 février 2015, l’appelant tente de rencontrer ses patrons, mais ces derniers refusent. S’ensuit alors un échange de courriels entre l’appelant et Richard Gamache, dans lequel l’appelant affirme ne pas accepter la baisse de salaire alors que son patron rétorque que, pendant son congé de maladie, CCG a dû évoluer afin de s’adapter aux conditions du marché, ce qui a provoqué des changements organisationnels et de fonctionnement dans l’équipe des ventes. Il lui explique que son nouveau salaire reflète à la fois ses nouvelles tâches qui sont grandement diminuées, mais également son ancienneté, puisqu'il a tout de même le salaire le plus élevé de l'équipe des ventes.
[39] Le 7 mars 2015, l’appelant rencontre les frères Gamache en présence de Roger Brissette. Lors de cette rencontre, les parties s’entendent pour que le salaire de l'appelant soit le même que celui qu’il recevait antérieurement à son congé de maladie (incluant les commissions), mais qu’en contrepartie, il accepte de mettre fin à son plan de rétention à compter du mois de janvier 2016. Dans un courriel faisant suite à cette rencontre, l’appelant écrit aux frères Gamache :
Je crois que l'entente où je garde le même salaire de base de $150 000/an avec le titre de directeur des ventes, les mêmes commissions de vente @ 15% (maximum $1500.00/unité), que j'obtiens un remboursement immédiat de ma mise de fonds «assurance maladie grave et pot» pour le plan de rétention de 5% sur les profits nets de la compagnie que j'ai accumulée à ce jour depuis 4 ans en contrepartie de la baisse de ce boni à 2.5% pour l'année 2015 et de son élimination à compter de 2016 est raisonnable pour tous.
[Soulignements ajoutés]
[40] Toujours en mars 2015, l’appelant, qui se prépare à partir en vacances lors de la première semaine d’avril, constate que le montant pour ses vacances accumulées, lequel était jusqu’alors de 8 246,70 $ sur ses talons de paie, est tombé à 0 $ entre les paies du 12 et 19 mars 2015. La responsable de la paie de CCG lui explique alors qu’il a été payé pendant son congé de maladie en 2012 et que ces montants auraient dû lui être enlevés à l’époque. Le 20 mars 2015, l’appelant écrit un courriel à Richard Gamache dans lequel il lui demande de rectifier cet oubli, ainsi que certains arriérés sur son salaire et ses commissions. Le 26 mars 2015, le montant pour ses vacances lui est remboursé.
[41] C’est également à ce moment que la première ébauche du nouveau contrat de l'appelant – lequel est écrit cette fois – lui est présentée par CCG. L’appelant est alors conseillé par son avocate.
[42] Le 10 avril 2015, au retour de vacances de l’appelant, les parties signent un nouveau contrat de travail (« contrat »).
[43] L’article 6 de ce contrat détaille la rémunération de l’appelant, laquelle est désormais composée d’un salaire de base annuel de 150 000 $ (clause 6.1), de commissions (clause 6.2), d’une participation aux profits de CCG (clause 6.3) et du paiement de sommes que CCG reconnaît lui devoir (clause 6.4). Cette dernière clause prévoit notamment un remboursement complet des primes payées pour l’assurance maladie grave par le plan de rétention de l'appelant, le versement complet des sommes accumulées depuis 2011 dans ce plan de rétention et le versement de corrections du salaire de base de l'appelant et de ses commissions sur les ventes.
[44] Selon l’appelant, une fois le contrat signé, rien ne change dans l'ambiance au travail. Richard Gamache continue à l’ignorer en ne lui adressant plus la parole.
[45] Le 23 avril 2015, CCG fait un premier paiement de 20 000 $ à l’appelant en vertu de la clause 6.4 b) du contrat, étant en attente d’une confirmation du solde exact de son plan de rétention. À peu près au même moment, l’appelant demande d’obtenir les états financiers de CCG puisqu’il a droit à une part des profits de cette dernière et qu’il veut calculer ce qui lui est effectivement dû.
[46] Le 4 mai 2015, CCG commande 500 cartes d’affaires pour l’appelant, lesquelles indiquent qu’il est « représentant » des ventes.
[47] Le 5 mai 2015, l’appelant est avisé du montant qui lui est dû en vertu du plan de rétention, soit 69 066,49 $ (en plus du montant de 20 000 $ déjà versé le 23 avril 2015).
[48] Se doutant que ce montant ne correspond pas à ce qui lui est véritablement dû en vertu de la clause 6.3 de son contrat, l'appelant réitère sa demande d’obtenir les bilans de CCG. Il affirme notamment que le montant disponible dans son plan de rétention en juillet 2013 était de 186 000 $. Le 7 mai 2015, CCG effectue tout de même un paiement de 69 066,49 $ à l’appelant.
[49] Le 8 mai 2015, l’appelant écrit un courriel aux frères Gamache, à Paul-André Trinque, qui est vice-président Finances de CCG, et Hélène Tremblay, adjointe à la direction et aux achats. Dans ce courriel, il exige d’obtenir les informations lui permettant de valider les calculs effectués par CCG afin de vérifier si le montant qui lui est dû est bien de 69 066,49 $. Ne les obtenant pas, il écrit à nouveau aux frères Gamache et à
M. Trinque, le 13 et le 22 mai 2015, afin d’obtenir les informations servant à vérifier le montant qui lui est dû en vertu du Plan. Il soutient que le paiement est incomplet. L’ambiance au travail se dégrade alors davantage et l’appelant n’obtient pas de réponse à sa demande.
[50] En ce qui a trait à ces documents, il est important de préciser que l’appelant a finalement été contraint de s’adresser aux tribunaux pour obtenir les états financiers de CCG, qui lui étaient nécessaires pour calculer la somme que cette dernière lui devait en vertu de la clause 6.3 de son contrat de travail. Le 2 novembre 2016, l’honorable Kirkland Casgrain, saisi d’une demande de l’appelant en abus contre CCG pour défaut de communiquer des documents nécessaires au litige, condamne CCG à payer à l’appelant une somme de 2 500 $[9].
[51] Le 29 mai 2015, CCG adopte une politique obligeant les vendeurs à obtenir l’autorisation écrite du coordonnateur des ventes, en l’occurrence Robert Vancour (l’assistant de l’appelant, avant son congé de maladie) avant de conclure toute vente (« Politique »). Selon les intimés, cette Politique existait déjà, mais n’était tout simplement pas écrite, ce que l’appelant réfute. Lorsque ce dernier apprend son existence, il l’interprète comme une mesure de représailles le visant personnellement. Il se fâche sur les lieux du travail devant d’autres employés. S’ensuit un échange fâcheux entre l’appelant et Richard Gamache lors duquel ce dernier touche le bras de l’appelant et l’insulte devant les autres employés.
[52] Le 1er juin 2015, lors d’une rencontre de l’équipe des ventes, Richard Gamache distribue la Politique aux vendeurs en exigeant qu'ils la signent. Le 2 juin 2015, l’appelant envoie un courriel aux frères Gamache affirmant respecter la Politique.
[53] Le 4 juin 2015, l’appelant rencontre Serge et Christian Gamache, sans Richard. Il demande que le harcèlement cesse à son endroit. Ces derniers nient l’existence de tout harcèlement. L’appelant, qui n’a alors plus confiance en eux, leur reproche également de lui avoir menti lors de la vente d’une maison se trouvant sur la terre agricole détenue par la société dont ils sont tous investisseurs.
[54] Toujours en juin 2015, CCG retire à l’appelant son accès aux coûts des éléments qu’il vend depuis 1998, sans l’avertir. CCG affirme qu’il s’agit de placer l’appelant dans la même situation que les autres vendeurs, alors qu’elle sait que la commission de l’appelant se calcule en fonction du profit, contrairement à celle des autres vendeurs.
[55] Le 18 juin 2015, Richard Gamache convoque l’appelant en présence de Nathalie Lemaire, qui effectue un remplacement d'un an comme directrice des ressources humaines au sein de l'entreprise. Cette dernière remet à l’appelant son tout premier avis disciplinaire, lequel lui reproche d’avoir complété des ventes sans avoir obtenu l’autorisation écrite du coordonnateur des ventes, conformément à la nouvelle Politique.
[56] Richard Gamache quitte rapidement la rencontre. Nathalie Lemaire explique alors à l’appelant qu’il s’agit désormais de trouver une entente de fin d’emploi pendant qu’il est encore temps. L’appelant exige que cela se fasse dans les règles et demande un délai-congé de 24 mois. Il n’y aura pas de suite à cette discussion.
[57] Le 24 juillet 2015, l’appelant fait parvenir une première mise en demeure aux intimés, alléguant être victime de harcèlement psychologique et d’un congédiement déguisé. Il affirme que les intimés ne respectent pas le nouveau contrat de travail signé le 10 avril 2015.
[58] De plus, dans une autre affaire, il reproche aux intimés d’avoir inclus dans la vente de ce qui devait être une « petite maison » située sur un terrain agricole appartenant à 9177 – une compagnie à numéro dont l’appelant est en partie actionnaire – la grange et tout ce qu’elle contenait également. Selon les intimés, la présente affaire découle essentiellement de ce conflit entre actionnaires.
[59] La juge de première instance résume ainsi les gestes que l’appelant associe à du harcèlement et à un congédiement déguisé :
a) Il souligne que lors de son retour au travail le 6 octobre 2014, il est rétrogradé au poste de « simple » vendeur.
b) Richard Gamache lui parle durement, il le rabaisse devant les autres employés.
c) L’embauche d’un consultant externe, Roger Brissette, est perçue par Lareau comme un geste visant à le harceler comme si lui seul était un cas problème. À partir de ce moment, les autres employés notent tout à la demande de Brissette et Lareau se sent humilié.
d) Le 29 mai 2015, il refuse de signer devant tous les autres employés la nouvelle politique. Richard Gamache l’agrippe par le bras, s’ensuit une altercation où une bouteille d’eau en plastique vide aurait été lancée par Richard Gamache sur Lareau.
e) Le 18 juin 2015, un premier avertissement disciplinaire est transmis à Lareau.
f) Il n’a plus accès aux coûts des éléments vendus, tout comme les autres vendeurs.
g) Il n’est plus convoqué aux formations en informatique, ni les autres vendeurs d’ailleurs.
h) Le 25 septembre 2015, il perd sa place de stationnement située à l’entrée de l’édifice; il ne croit pas que ce changement a été effectué afin de faciliter aux employées féminines l’accès au stationnement, ce que la preuve a pourtant démontré.
i) Le 26 octobre 2015, il constate à son retour de vacances que le bureau qui était « le sien » lui a été retiré pour maintenant occuper le bureau au fond du corridor. Il y voit du désordre et des galons de peinture. Or, de bonne foi, De Montigny qui faisait le ménage croyait que Lareau revenait le mardi, 27 octobre 2015.
[51] Plus particulièrement, les faits précis sur lesquels se base Lareau pour conclure à un congédiement déguisé peuvent être décrits ainsi :
a) Le retrait de son accès au coût des éléments vendus : pour Lareau, l’employeur devait savoir que ce geste lui nuirait davantage.
b) La politique écrite du 29 mai 2015 par laquelle il doit faire autoriser ses ventes par Vancour, qui constitue pour Lareau une limitation de pouvoir injustifiée pour un vendeur de son expérience.
c) Le déménagement de son bureau : selon Lareau, cela démontre que l’employeur n’a jamais eu l’intention de l’accueillir véritablement à son retour de congé de maladie et qu’il s’agit plutôt d’un retour suite à une suspension disciplinaire.
d) Le fait que Richard Gamache ne le rembourse pas de la minime somme de 256,12 $ constitue pour Lareau un élément ayant contribué à l’ambiance toxique au travail[10].
[60] Le 12 août 2015, l’appelant reçoit un courriel de Nathalie Lemaire lui annonçant enquêter sur ses allégations de harcèlement psychologique.
[61] L’appelant répond le 14 août 2015, affirmant n’avoir rien à rajouter à ce qui est allégué dans la mise en demeure et ajoutant ne pas avoir confiance en cette « enquête » puisque Nathalie Lemaire avait déjà le mandat de trouver une solution de fin d’emploi pour lui.
[62] Nathalie Lemaire recueille les témoignages d’autres employés, dont certains envoient non seulement un courriel le jour même, avec leur première version des faits, mais également un second courriel une semaine plus tard, avec une seconde version, ajoutant des faits à leur première version[11]. Les vendeurs et autres employés questionnés confirment qu'une dispute a eu lieu entre Richard Gamache et l'appelant à la suite du refus de ce dernier de signer la Politique. Ils relatent également le fait que Richard Gamache aurait utilisé des jurons et aurait touché l’appelant en l’attrapant par le bras ou l’épaule.
[63] Le 16 septembre 2015, Nathalie Lemaire conclut son enquête et affirme qu’il existe un « conflit de personnalités » entre l’appelant et Richard Gamache. Elle suggère de nommer un autre supérieur que Richard Gamache pour l’appelant et de mettre en place un « code de conduite ».
[64] Le 24 septembre 2015, un employé de CCG demande à l’appelant la clé de son automobile, affirmant qu’il doit la déplacer. Le lendemain, CCG remet à l’appelant la « politique sur le stationnement ». Ce faisant, l’appelant se fait retirer l’espace de stationnement situé à l’avant de l’édifice de CCG qu’il occupe depuis 1991. Selon CCG, cette politique vise à faire bénéficier les employées féminines d’un stationnement plus près de l’édifice. Selon l’appelant, aucune d’elles n’utilise cet espace de stationnement subséquemment. Elles continuent de stationner leurs voitures sur le côté de l’édifice. Selon lui, il est le seul qui, à la suite de cette politique, doit changer d’espace de stationnement.
[65] Le 28 septembre 2015, un code de conduite est adopté par l’entreprise. Le 16 octobre 2015, CCG annonce la nomination d’un nouveau directeur des ventes, soit Robert Vancour qui était autrefois l’adjoint de l’appelant. Ce dernier devient ainsi le supérieur immédiat de l’appelant, bien que Richard Gamache lui eût affirmé, à son retour de congé de maladie, que le poste de directeur des ventes était aboli depuis le jour de son départ.
[66] Le 23 octobre 2015, pour s’en plaindre, l’appelant transmet un courriel à Richard Gamache et Nathalie Lemaire. Le 24 octobre 2015, cette dernière répond à l’appelant en affirmant que cette nomination est justifiée non seulement par la croissance des ventes de CCG, mais également par l'enquête qu'elle a effectuée puisqu'elle a conclu qu’un intermédiaire devait être placé entre l’appelant et Richard Gamache.
[67] Le 26 octobre 2015, l’appelant revient de vacances et réalise que son bureau est maintenant occupé par Robert Vancour et que ses effets personnels se trouvent dans un autre bureau.
[68] L’appelant réalise également que CCG, sans lui dire, a cessé de lui payer ses trois semaines de vacances en plus de son salaire hebdomadaire, comme elle le faisait antérieurement en 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014.
[69] Le 30 octobre 2015, l’appelant, alors âgé de 53 ans, fait parvenir une deuxième mise en demeure aux intimés expliquant qu’il sera forcé de quitter l’entreprise le jour même, après 24 années de service. Il convient de reproduire intégralement cette lettre :
Monsieur Gamache,
Comme vous le savez fort bien, nous sommes les procureurs de Monsieur Luc Lareau.
Malgré notre mise en demeure de juillet dernier, la bonne foi de notre client et ses efforts pour tenter de retrouver un climat normal au travail et une relation acceptable avec son supérieur, vous persistez à ignorer notre client, à le dénigrer et à faire en sorte que son milieu de travail soit néfaste.
Il est on ne peut plus clair que l'employeur a décidé de punir notre client pour le congé de maladie qu'il a pris. Après avoir retardé le retour au travail de notre client, lui avoir imposé une démotion, avoir refusé de lui payer ce qui lui est dû, le dénigrer devant les autres employés, lui avoir retiré son accès informatique et le punir sur tous les fronts possibles autres, notre client est revenu de vacances cette semaine pour découvrir qu'on lui avait retiré son bureau sans aucun avis (en fait en lui mentant) et qu'il avait été relégué dans un bureau au fond du corridor, en désordre et encombré de gallons de peinture.
Notre client qui a toujours été de bonne foi, fort d'une sagesse apprise par l'épreuve médicale qu'il a vaincue, a tout tenté pour rétablir la situation, allant jusqu'à endurer l'orage en attente de l'éclaircie. Malheureusement, cela s'est avéré vain.
La conduite de l'employeur et de Richard Gamache sont abusives, malveillantes et crée une ambiance humiliante et néfaste pour notre client, le tout sans aucune justification possible outre un bas instinct de vengeance pour un congé de maladie pourtant réel d'un employé qui, depuis plus de vingt-quatre (24) ans, fournit à Centre du Camion Gamache Inc. et Gamex Inc., ses excellents et loyaux services.
Notre client ne peut accepter de continuer à endurer une situation qui ne cesse de s'empirer au vu et au su de tous les autres employés qui, bien qu'ils soient désolés pour notre client, ne peuvent rien faire pour y remédier. Même la directrice des ressources humaines participe au harcèlement de notre client en remettant à ce dernier des avis disciplinaires qu'elle sait pertinemment être sans fondement et en laissant perdurer le harcèlement qui lui a pourtant été dénoncé.
Notre client ne peut plus endurer cette situation sans issue. Le mépris et la conduite de l'employeur dans ce dossier sont inacceptables et ne peuvent être tolérés. Ainsi, l'employeur et Monsieur Gamache auront eu ce qu'ils désiraient, soit le départ forcé de notre client.
Ainsi, notre client, par acquis de conscience pour sa clientèle, a complété des ventes et a effectué les livraisons qu'il devait terminer cette semaine, et ce jour, sera sa dernière journée au travail. Il quittera la tête haute malgré le congédiement déguisé et le harcèlement dont il a fait l'objet.
Soyez toutefois avisé qu'à défaut de nous faire parvenir avant le 13 novembre 2015:
1. Un paiement par chèque visé équivalant à vingt-quatre (24) mois de la rémunération complète de notre client à titre de préavis de fin d'emploi;
2. Un paiement par chèque visé au montant de 256,12 $ pour acquitter les sommes dues à notre client;
3. Le paiement de sa rémunération complète due à ce jour;
4. Le paiement des vacances accumulées et qui lui sont dues jusqu'à ce jour et durant le préavis;
5. Le paiement de la rémunération qui lui est due (notre client a récemment découvert que l'employeur payait son salaire de façon erronée en divisant son salaire de base en 52 semaines, mais en ne lui versant que 49 semaines de salaire, pour payer que le 6% accumulé durant les vacances. Il manque donc trois (3) semaines de salaire par année à notre client); et
6. Le paiement des sommes dues en vertu du plan de rétention de 2011 au 31 décembre 2015.
Nos instructions sont d'entreprendre, sans autre avis ni délai, toutes les procédures judiciaires qui s'imposent contre l'employeur, Monsieur Gamache personnellement et toute autre personne impliquée dans le non-respect des droits de notre client, afin d'assurer une fois pour toute le respect complet des droits de notre client.
VEUILLEZ AGIR EN CONSÉQUENCE.[12]
[Soulignements ajoutés]
[70] Dans les mois qui suivent, l’appelant fait une demande de chômage et les intimés font opposition. Après enquête, les agents responsables du dossier de chômage concluent au congédiement déguisé. CCG fait appel de cette décision. Le Tribunal de révision maintient le chômage de l’appelant, écrivant être « d’avis que le prestataire a tenté de résoudre le conflit que l’employeur avait fait naître, mais ce conflit ne pouvait avoir de fin qu’avec le départ volontaire du prestataire de l’emploi qu’il détenait [… et que] le prestataire était fondé de quitter volontairement son emploi […] ».
[71] L’appelant se trouve un emploi chez Globocam en octobre 2016. Le 2 mars 2017, il démissionne de cet emploi et se lance en affaires dans son domaine, soit la vente de camions.
3. Trame procédurale
[72] Le 15 avril 2016, l’appelant dépose sa première demande introductive d’instance, réclamant le montant initial de 1 029 687,90 $ aux intimés. Cette demande sera modifiée à cinq reprises. La dernière version, soit celle du 6 juin 2019, réclame un montant de 1 850 615,51 $ ventilé ainsi : (1) 917 207,25 $ pour 24 mois de rémunération (délai-congé); (2) 30 000 $ pour dommages moraux et punitifs (harcèlement psychologique); (3) 20 000 $ pour abus de procédures et acharnement injustifié; (4) 49 303,34 $ en salaire, indemnité pour jours fériés et vacances impayées; (5) 4 500 $ pour commissions dues; et (6) 829 348,80 $ en vertu du plan de rétention. Subsidiairement, il réduit ce dernier montant à 511 387 $ si la Cour conclut qu’il n’y a aucune contribution au plan de rétention pour les mois pendant lesquels il était en congé de maladie.
[73] Le 22 novembre 2016, le juge Martin Castonguay rejette la demande en irrecevabilité des intimés.
[74] Compte tenu de certaines circonstances qu’il n’est pas utile de décrire ici, le dossier procède ensuite lentement.
[75] Le 7 juin 2019, les experts des parties signent une lettre d’admissions communes dans laquelle ils admettent notamment certains montants.
[76] Le 2 décembre 2019, la juge rejette le recours en congédiement déguisé de l’appelant ainsi que les réclamations pécuniaires formulées en vertu de la clause 6 de son contrat du 10 avril 2015.
JUGEMENT ENTREPRIS
[77] La juge est d’avis que l’appelant a accompli un acte libre et éclairé en démissionnant[13]. Selon elle, les décisions (1) de retirer à l’appelant ses accès aux coûts des éléments vendus; (2) d’instituer la Politique; (3) de déménager l’appelant de bureau; et (4) de ne pas rembourser la minime somme de 256,12 $ que Richard Gamache lui devait ne constituent pas des modifications substantielles aux conditions de travail de l’appelant et n’ont pas été adoptées dans le but de le forcer à démissionner[14].
[78] La juge de première instance examine la preuve testimoniale. En demande, seuls l’appelant et son expert juricomptable ont été entendus. La défense a fait entendre quelques employés et professionnels travaillant pour CCG. Plusieurs autres employés ont produit des déclarations sous serment que la juge résume sans toutefois les analyser[15]. L’appelant a également produit l’expertise juricomptable de Jonathan Allard (« Allard »), portant sur la valeur du plan de rétention. La juge précise qu’elle aurait retenu le témoignage de cet expert si des montants avaient été dus par CCG[16].
[79] La juge cite de longs extraits de la sentence arbitrale qui a mis fin à un autre litige opposant l’appelant aux frères Gamache[17]. Elle insiste sur l’opinion des arbitres qui, dans cette autre affaire portant sur d’autres faits, ont conclu à « l’obstination démesurée » de l’appelant, et elle souligne que, dans cette autre affaire, aucun acte de nature frauduleuse n’a été commis par les frères Gamache[18].
[80] Elle analyse ensuite le présent litige en vertu des dispositions applicables, soit celles portant sur le harcèlement psychologique énoncé dans la Loi sur les normes du travail[19] (« LNT »). Concluant qu’il ne s’agit pas d’un recours fondé sur une lésion professionnelle, elle décide que la Cour supérieure a compétence pour trancher la plainte en harcèlement psychologique[20].
[81] Elle conclut que l’appelant « déforme la réalité et amplifie le moindre évènement »[21] et que les évènements et gestes qu’il identifie ne constituent pas du harcèlement psychologique pour une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances[22]. Au surplus, l’appelant a démissionné en toute connaissance de cause, après y avoir mûrement réfléchi[23].
[82] Elle ajoute qu’une analyse fondée sur les critères identifiés par la jurisprudence ne permet pas non plus de conclure à un congédiement déguisé puisque l’appelant a, à son retour de congé de maladie, accepté les modifications à ses conditions de travail. Les nouvelles politiques d’entreprise – soit celle touchant le stationnement, la Politique d’autorisation préalable à la vente et le code de conduite – ne sont pas des modifications substantielles aux conditions de travail de l’appelant qui ont été spécifiquement mises en place pour l’inciter à démissionner. Elle est d’avis que c’est plutôt l’appelant qui n’a tout simplement pas « digéré » ces changements qui s’inscrivent dans l’évolution d’une entreprise et qu’il n’a donc pas droit à une indemnité pour absence de préavis de terminaison d’emploi[24].
[83] La juge examine ensuite la réclamation du solde du Plan de rétention, auquel l’appelant prétend avoir droit. Elle note qu’à ce sujet, les parties et les experts ne s’entendent pas sur la portée de la clause 6.3 du contrat signé par les parties le 10 avril 2015. Elle se tourne donc vers les dispositions du C.c.Q. orientant l’interprétation des contrats[25]. Elle tranche que l’intention des parties et la conduite antérieure et subséquente à la conclusion de ce nouveau contrat militent en faveur du rejet de la réclamation de l’appelant. De plus, ce dernier n’étant plus employé pendant la période requise, il ne pouvait réclamer le solde dû en date du 31 décembre 2015. L’appelant savait d’ailleurs qu’il ne pouvait cumuler de sommes dans le Plan pendant son congé de maladie[26].
[84] S’agissant des vacances et commissions impayées réclamées par l’appelant, elle est d’avis que CCG n’a jamais accepté les modifications proposées par l’appelant lors de la négociation du nouveau contrat, de sorte que rien ne lui est dû[27].
[85] Enfin, quant à la réclamation de l’appelant pour abus, la juge tranche que l’altercation du 29 mars 2015 n’entraîne pas la responsabilité personnelle de Richard Gamache, mais celle de l’employeur puisque la faute d’un cadre engage la responsabilité de l’employeur même s’il excède les pouvoirs et fonctions qu’il détient. Sans véritablement en dire plus, elle affirme qu’elle ne peut conclure à un abus commis par Richard Gamache ou CCG[28].
DROIT APPLICABLE
[86] La Cour suprême enseigne, dans l’arrêt Potter[29], qu’il peut y avoir congédiement déguisé dans deux types de situations, soit 1) lorsqu’il y a une violation du contrat de travail; et 2) lorsque l’employeur pose des gestes répétés ou cumulatifs qui démontrent qu’il n’a plus l’intention d’être lié par le contrat de travail[30]. Il s’agit de deux manières différentes de conclure à un congédiement déguisé.
[87] Ma collègue, la juge Bich, l’explique bien en résumant l’état du droit applicable à cette notion prétorienne qu’est le congédiement déguisé en droit canadien :
[48] La notion de congédiement déguisé fait appel à l'idée d'un manquement substantiel ou répété de l'employeur aux obligations qui lui incombent en vertu du contrat de travail le liant au salarié, manquement qui peut viser aussi bien les conditions explicites du contrat que ses conditions implicites. En langage civiliste, on pourrait dire que la doctrine du congédiement déguisé est une variation sur le thème de la résolution/résiliation prévue par l'article
[49] En vertu du droit de gérance et de direction qui lui échoit de par l'article
[50] Cela dit, l'employeur ne peut pas, du moins pas unilatéralement, modifier de manière substantielle, c.-à-d. importante, les conditions essentielles du contrat de travail du salarié, conditions essentielles qui tiennent principalement à la rémunération et à la nature des tâches, ainsi qu'au lieu d'exécution de celles-ci. S'il agit ainsi, il manque à ses obligations issues, par accord de volonté, d'un acte juridique bilatéral dont il ne peut modifier seul les termes fondamentaux. Le salarié qui refuse la modification qu'on cherche à lui imposer d'autorité est, en réalité, l'objet d'un congédiement déguisé, c.-à-d. d'une résiliation dont l'auteur est l'employeur. Comme l'écrit la Cour suprême, sous la plume du juge Gonthier, dans l'arrêt Farber c. Cie Trust Royal :
[24] Lorsqu’un employeur décide unilatéralement de modifier de façon substantielle les conditions essentielles du contrat de travail de son employé et que celui-ci n’accepte pas ces modifications et quitte son emploi, son départ constitue non pas une démission, mais un congédiement. Vu l’absence de congédiement formel de la part de l’employeur, on qualifie cette situation de « congédiement déguisé ». En effet, en voulant de manière unilatérale modifier substantiellement les conditions essentielles du contrat d’emploi, l’employeur cesse de respecter ses obligations; il se trouve donc à dénoncer ce contrat. Il est alors loisible à l’employé d’invoquer la résiliation pour bris de contrat et de quitter. L’employé a alors droit à une indemnité qui tient lieu de délai-congé et, s’il y a lieu, à des dommages.
[51] Tout récemment, dans Potter c. Commission des services d'aide juridique du Nouveau-Brunswick, affaire de common law qui confirme toutefois les similitudes existant en cette matière avec le droit civil, le juge Wagner, au nom des juges majoritaires, expose ce qui suit dans la foulée de l'arrêt Farber :
[30] Lorsque, par sa conduite, l’employeur manifeste l’intention de ne plus être lié par le contrat de travail, le salarié peut soit acquiescer à la conduite de l’employeur ou à la modification qu’il apporte au contrat, soit y voir la répudiation du contrat et intenter contre l’employeur une poursuite pour congédiement injustifié. C’est ce qui ressort de Farber, par. 33, l’arrêt de principe en matière de congédiement déguisé au Canada. Voir également In re Rubel Bronze and Metal Co. and Vos, [1918] 1 K.B. 315, p. 322. Comme le salarié n’a pas été formellement congédié, la mesure prise par l’employeur est appelée « congédiement déguisé ». L’emploi du qualificatif [traduction] « déguisé » indique que le congédiement s’entend d’une fiction juridique : les actes de l’employeur sont assimilés à un congédiement en raison de la manière dont ils sont qualifiés en droit (J. A. Yogis et C. Cotter, Barron’s Canadian Law Dictionary (6e éd. 2009), p. 61; B. A. Garner, dir., Black’s Law Dictionary (10e éd. 2014), p. 380).
[…]
[32] Puisque, contrairement au contrat commercial, le contrat de travail revêt un caractère dynamique, les tribunaux ont à juste titre adopté une approche souple pour décider si, par sa conduite, l’employeur avait manifesté ou non l’intention de ne plus être lié par le contrat. Deux volets ont vu le jour pour l’application du critère. Dans la plupart des cas, il faut d’abord établir la violation d’une condition expresse ou tacite du contrat, puis décider si elle est suffisamment grave pour constituer un congédiement déguisé (J. R. Sproat, Wrongful Dismissal Handbook (6e éd. 2012), p. 5-5; P. Barnacle, Employment Law in Canada (4e éd. (feuilles mobiles)), §§13.36 et 13.70). Habituellement, la violation réside alors dans la modification de la rémunération du salarié, des tâches qui lui sont confiées ou de son lieu de travail qui est à la fois unilatérale et substantielle (voir p. ex. G. England, Individual Employment Law (2e éd. 2008) p. 348-356). Pour reprendre les termes employés par le juge McCardie dans l’arrêt Rubel Bronze, p. 323, [traduction] « [c’]est toujours une affaire de degré. »
[33] Or, la conduite de l’employeur constitue également un congédiement déguisé lorsqu’elle traduit généralement son intention de ne plus être lié par le contrat. Lorsqu’ils ont appliqué l’arrêt Farber, les tribunaux ont statué qu’on pouvait conclure au congédiement déguisé du salarié sans invoquer la violation d’une condition particulière du contrat de travail lorsque le comportement de l’employeur vis-à-vis du salarié avait rendu la situation intolérable au travail (voir p. ex. Shah c. Xerox Canada Ltd. (2000), 131 O.A.C. 44; Whiting c. Winnipeg River Brokenhead Community Futures Development Corp. (1998), 159 D.L.R. (4th) 18 (C.A. Man.)). La démarche est nécessairement rétrospective dans la mesure où il faut tenir compte de l’effet cumulatif des actes antérieurs de l’employeur et déterminer si ces actes étaient ou non la manifestation de son intention de ne plus être lié par le contrat.[31]
[Renvois omis; soulignements ajoutés]
[88] Ainsi, il est possible de conclure à un congédiement déguisé lorsque la preuve montre un ou plusieurs manquements substantiels au contrat de travail. Il est également possible de conclure à un congédiement déguisé sans invoquer la violation d’une condition particulière du contrat de travail lorsque l’effet cumulatif des décisions et/ou des comportements de l’employeur fait en sorte que ce dernier pouvait raisonnablement croire que l’employeur ne souhaitait plus être lié par le contrat de travail. Il s’agit de deux analyses parallèles. Une seule des deux suffit pour conclure au congédiement déguisé. Pour l’une ou l’autre de ces manières de conclure à un congédiement déguisé, le test de la personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances que le salarié s’applique[32]. Le juge Wagner, écrivant pour la majorité, souligne que l’intention réelle de l’employeur n’est pas déterminante :
[63] Le changement de point de vue témoigne de la mise en balance qu’opère la doctrine relative au congédiement déguisé. La doctrine reconnaît certes la vulnérabilité du salarié vis-à-vis de l’employeur, mais la compensation qu’elle commande n’est pas illimitée. En conséquence, le point de vue adopté à la seconde étape du premier volet du critère, qui s’intéresse au caractère substantiel de la violation, ainsi qu’au second volet du critère, est celui de la personne raisonnable se trouvant dans la situation du salarié. Il n’est pas nécessaire que l’employeur veuille dans les faits ne plus être lié par le contrat. La question est de savoir si, eu égard à toutes les circonstances, une personne raisonnable s’étant trouvée dans la situation du salarié aurait vu dans la conduite de l’employeur la manifestation de son intention de ne plus être lié par le contrat. […][33]
[Caractères gras et soulignement ajoutés]
[89] Ce test n’exige pas la preuve d’une intention de nuire de la part de l’employeur ni celle qu’il a l’intention de se départir de l’employé en question. Afin d’examiner si un salarié raisonnable « aurait vu dans la conduite de l’employeur la manifestation de son intention de ne plus être lié par le contrat », il faut se placer au moment où la modification substantielle au contrat ou les évènements cumulatifs ont eu lieu.
[90] La conséquence logique de ce qui précède est qu’une conclusion d’absence de harcèlement psychologique n’implique pas nécessairement une conclusion d’absence de congédiement déguisé.
ANALYSE
[91] L’appelant plaide que la juge a erré en rejetant sa réclamation fondée sur le congédiement déguisé, ainsi que sa réclamation relative aux sommes dues en vertu des clauses 6.3 et 6.4 de son contrat de travail du 10 avril 2015. Il soutient qu’elle a également erré de manière manifeste et déterminante en ne traitant pas des commissions impayées pour des ventes qu’il a effectuées avant son congédiement déguisé, des intérêts sur un prêt qu’il a consenti personnellement à Richard Gamache et d’une réclamation en dommages et intérêts pour harcèlement contre ce dernier.
[92] Avec égards, j’estime que la juge commet trois erreurs révisables dans son analyse du congédiement déguisé : 1) elle n'applique pas le bon test pour l’analyse du congédiement déguisé, ce qui est une première erreur de droit; 2) elle lie la question du congédiement déguisé au sort du harcèlement psychologique, ce qui est une seconde erreur de droit, et 3) elle sélectionne une trame factuelle partielle pour en arriver aux conclusions que l'on connaît, ce qui constitue une erreur de fait manifeste et déterminante. En effet, l'histoire ne débute pas et ne finit pas avec l'instauration des trois seules politiques de l’entreprise que la juge a examinées pour conclure qu’il n’y avait pas de congédiement déguisé.
1re erreur : l’erreur de droit relative au test applicable à l’analyse du congédiement déguisé
[93] Je suis d’avis, dit en tout respect, qu’aux paragraphes 52 et 86 du jugement, la juge commet une erreur de droit en retenant que, pour démontrer son congédiement déguisé, l’appelant devait faire la preuve que les mesures prises par son employeur l’avaient été dans l’objectif de le contraindre à démissionner. Elle impose dès lors à l’appelant un fardeau plus exigeant que celui qu’impose la Cour suprême. Voici ce qu’elle écrit :
[52] Le Tribunal estime selon la preuve prépondérante que toutes ces décisions de CCG, énumérées au paragraphe 51 des présentes, ne constituent pas des modifications substantielles aux conditions de travail de Lareau et n’ont pas été prises dans le but de le contraindre à démissionner de son emploi.
[…]
[84] Les critères cumulatifs énumérés ci-après par la Cour supérieure qui permettent de conclure à un congédiement déguisé donnant ouverture à un recours en dommages et intérêts ne sont pas rencontrés en l’espèce :
« [28] À la lumière de ces passages de l'arrêt Farber, l'on peut résumer ainsi les éléments essentiels du congédiement déguisé :
a) Une décision unilatérale de l'employeur;
b) une modification substantielle des conditions essentielles du contrat de travail;
c) le refus des modifications apportées par l'employé;
d) le départ de l'employé. »
[85] En effet, Lareau a accepté après son retour au CCG les modifications à ses conditions de travail en occupant un poste de vendeur.
[86] D’ailleurs, le fait que CCG instaure des nouvelles politiques d’entreprise, soit:
a) celle touchant le stationnement;
b) celle exigeant dorénavant l’autorisation préalable du coordonnateur des ventes; et,
c) celle implantant un code de conduite,
ne constitue en rien une modification substantielle aux conditions de travail de Lareau mises en place pour le « forcer à démissionner ».
[Soulignements et caractères gras ajoutés]
[94] Tel que mentionné ci-haut et contrairement à ce que la juge retient, le test jurisprudentiel ne consiste pas, pour le tribunal, à se demander « si les mesures ont été mises en place par l’employeur dans le but de forcer un employé à démissionner », mais bien si, « eu égard à toutes les circonstances, une personne raisonnable s’étant trouvée dans la situation du salarié aurait vu dans la conduite de l’employeur la manifestation de son intention de ne plus être lié par le contrat »[34]. Ce test a ainsi été formulé par la Cour suprême pour éviter d’alourdir indûment le fardeau d’un employé se plaignant d’un congédiement déguisé : ce dernier n’a pas à prouver l’intention de l’employeur de le forcer à démissionner[35].
[95] Ainsi, la juge commet une erreur de droit en appliquant le mauvais test.
2e erreur : l’absence de prise en considération des manquements substantiels aux conditions de travail (le premier volet de l’analyse selon l’arrêt Potter)
[96] L’appelant plaide qu’au paragraphe 86 du jugement, non seulement la juge n’applique pas le test jurisprudentiel pertinent à l’analyse d’un congédiement déguisé, mais qu’elle erre de manière manifeste et déterminante en ne retenant que trois éléments – soit les nouvelles politiques concernant le stationnement et l’autorisation préalable du coordonnateur des ventes et celle implantant un code de conduite – sans analyser les manquements substantiels aux clauses 5 et 6 de son contrat de travail, lesquels ressortent pourtant de la preuve.
[97] L’intimée rétorque qu’il s’agit d’une nouvelle théorie de la cause puisque l’appelant n’a nullement plaidé ce moyen en première instance, et que, même si cela avait été le cas, elle n’a nullement manqué de manière substantielle à ses obligations contractuelles en regard de ces clauses.
[98] Je suis d’avis que l’appelant a raison et que la juge a erré en droit de manière déterminante en ne traitant pas des manquements substantiels aux clauses 5 et 6 du contrat de travail de l’appelant dans son analyse du congédiement déguisé.
[99] Les violations ainsi alléguées par l'appelant concernent des modifications substantielles unilatérales dans la rémunération de l’appelant ainsi que dans la réalisation des tâches qui lui sont confiées. En effet, tel que mentionné précédemment, le test jurisprudentiel applicable consiste à « établir la violation d’une condition expresse ou tacite du contrat, puis décider si elle est suffisamment grave pour constituer un congédiement déguisé […] Habituellement, la violation réside alors dans la modification de la rémunération du salarié, des tâches qui lui sont confiées ou de son lieu de travail qui est à la fois unilatérale et substantielle »[36].
[100] Suivant les enseignements formulés par la Cour suprême dans l’arrêt Potter, j’estime que les violations de conditions expresses du contrat de travail ont été établies par l’appelant et que celles-ci sont suffisamment graves pour constituer un congédiement déguisé.
[101] Ces manquements substantiels au contrat de travail devaient être considérés par la juge dans son analyse du congédiement déguisé, ce qu’elle n’a pas fait. Force est toutefois de reconnaître que la preuve était inutilement dense en première instance et que, dans la demande introductive d’instance, l’absence de ventilation de la réclamation de 829 348,80 $, en vertu du plan de rétention, ne lui facilitait pas la tâche.
[102] La juge a conclu qu'il n’y avait pas eu congédiement déguisé en se fondant sur une analyse partielle de la preuve, soit de trois éléments de celle-ci : la nouvelle politique de CCG sur le stationnement, la politique exigeant l’autorisation préalable du coordonnateur des ventes avant chaque vente et l’adoption du code de conduite[37]. Elle n’a pas traité du fait que le contrat prévoyait que l’appelant devait relever directement du président de CCG, Richard Gamache, ni que les demandes répétées de l’appelant sont restées sans réponse pour obtenir les documents nécessaires afin évaluer si les montants qu’il avait reçus étaient exacts.
[103] J’estime qu’en omettant ainsi d’étudier les violations aux clauses 5 et 6 du contrat de travail, la juge commet une erreur révisable. Il convient donc de faire ici cette analyse. En effet, il ressort de la preuve que l’appelant a accepté d’être rétrogradé à son retour de congé de maladie, en contrepartie de ces clauses âprement négociées de son nouveau contrat de travail, lesquelles étaient d’ailleurs essentielles à son acceptation de celui-ci.
a) Manquements substantiels à la clause 6 du contrat
[104] Il est acquis qu’une partie peut soulever un nouveau moyen en appel, mais seulement dans la mesure où elle peut le faire sans qu’il soit nécessaire de présenter une preuve nouvelle[38].
[105] En l'espèce, non seulement les manquements substantiels allégués aux clauses 6.3 et 6.4 du contrat de travail d'avril 2015 ne constituent pas une nouvelle théorie de la cause de l'appelant, mais ce moyen ne nécessite pas l'administration d'une nouvelle preuve.
[106] En effet, dans la mise en demeure que ce dernier a fait parvenir à CCG le 30 octobre 2015 (laquelle n’est aucunement une lettre de démission contrairement à la qualification qui en est faite dans le jugement de première instance[39]), on peut lire ce qui suit :
Il est on ne peut plus clair que l'employeur a décidé de punir notre client pour le congé de maladie qu'il a pris. Après avoir retardé le retour au travail de notre client, lui avoir imposé une démotion, avoir refusé de lui payer ce qui lui est dû, le dénigrer devant les autres employés, lui avoir retiré son accès informatique et le punir sur
tous les autres fronts possibles, notre client est revenu de vacances cette semaine pour découvrir qu'on lui avait retiré son bureau sans aucun avis […].[40]
[Soulignement ajouté]
[107] Dans cette mise en demeure, les avocats de l'appelant ajoutent que ce dernier :
« […] quittera la tête haute malgré le congédiement déguisé et le harcèlement dont il a fait l'objet ».[41]
[108] L’appelant réclame le paiement des sommes dues en vertu du plan de rétention de 2011 au 31 décembre 2015.
[109] Enfin, la preuve des montants dus est complète. Chaque partie a produit un expert qui a témoigné sur la question.
[110] Les clauses 6.3 et 6.4 de son contrat de travail d’avril 2015 sont libellées en ces termes :
6.3 Participation aux profits de l’entreprise (Centre du Camion Gamache et Gamex) :
Pour la période entre le 1er octobre 2014 au 28 février 2015, l'employé aura droit à une indemnité de 5 % des profits avant impôts de l'entreprise. Du 1er mars au 31 décembre 2015, l'employé aura droit à une indemnité de 2,5% des profits avant impôts de l'entreprise. En 2016, l'employé n'aura plus aucune indemnité quant à une participation aux profits de l'entreprise à moins d'une entente écrite entre les parties à cet effet;
6.4 L'employeur remettra à l'employé les sommes lui étant dues au plus tard le 16 avril, soit :
a) remboursement complet des primes payées pour l’assurance-maladie grave, incluant la prime de 2014;
b) versement complet des sommes incluses dans le plan de rétention (solde des montants accumulés depuis 2011);
c) versement des corrections du salaire de base et des commissions depuis le 1 février 2015 à ce jour.[42]
[Caractères gras et italiques ajoutés]
[111] En vertu de ces dispositions, CCG lui a payé 20 000 $ le 23 avril 2015 et 69 066,49 $ le 7 mai 2023. La preuve d’expert, retenue par la juge de première instance[43], révèle que les sommes dues à l’appelant dépassaient largement ce que CCG lui avait payé. De plus, CCG ne lui a pas donné l’information nécessaire pour vérifier les sommes qui lui étaient effectivement dues en vertu du contrat. En effet, cette dernière n’avait vraisemblablement pas l’intention de lui fournir ces informations puisqu’elle a attendu de se voir ordonner par les tribunaux de communiquer à l’appelant les documents nécessaires au calcul d’une partie du salaire que l’entreprise lui devait et d’être condamnée pour abus avant de s’exécuter en ce sens[44].
b) Manquement substantiel à la clause 5 du contrat de travail
[112] La clause 5 du contrat de travail de l’appelant prévoit que « le supérieur de l'employé est le Président de l’employeur; toutefois, l’employé doit travailler en collaboration avec le coordonnateur des ventes ».
[113] Il est exact d’affirmer que la clause 5 du contrat de travail de l’appelant était importante pour ce dernier, qui souhaitait relever directement de Richard Gamache, président de CCG, et non pas de Robert Vancour, son ancien assistant.
[114] En effet, lorsque le 16 octobre 2015, CCG a annoncé la nomination d’un nouveau directeur des ventes, soit Robert Vancour[45], et que ce dernier est devenu le supérieur immédiat de l’appelant[46], l’appelant s’en est immédiatement plaint par écrit à Richard Gamache et Nathalie Lemaire[47], leur rappelant que Richard Gamache lui avait affirmé, à son retour, que le poste de directeur des ventes était aboli depuis son départ en congé de maladie[48]. Le lendemain, Nathalie Lemaire lui a répondu que la nomination de
M. Vancour était justifiée par la croissance des ventes de CCG et par l’enquête interne ayant conclu qu’un intermédiaire devait être placé entre l’appelant et Richard Gamache[49]. Deux jours plus tard, soit le 26 octobre 2015, l’appelant, qui revenait de vacances, a réalisé que son bureau était maintenant occupé par M. Vancour, sans que CCG l’en ait préalablement avisé.
[115] De cette trame factuelle non contredite, il faut conclure que la seule période où il n’y a pas eu de directeur des ventes chez CCG, au cours des 30 dernières années, coïncide avec le congé de maladie de l’appelant et les quelques semaines qui ont suivi son retour, et qu’en nommant Robert Vancour au poste de directeur des ventes, CCG a fait indirectement ce que la clause 5 du contrat de travail lui interdisait de faire.
[116] Il s’agit donc aussi d’un manquement substantiel de CCG au contrat de travail de l’appelant.
***
[117] Ainsi, en plus des éléments que la juge mentionne, CCG a indirectement violé la clause 5, a fait défaut de payer les sommes dues en vertu des clauses 6.3 et 6.4 du contrat, et a refusé de fournir les documents nécessaires au calcul de ce que CCG devait lui payer pour respecter la clause 6 en lui payant son dû au mois d’avril 2015. La juge aurait dû tenir compte de ces manquements substantiels dans son analyse du congédiement déguisé. En effet, l’appelant était bien fondé à comprendre, comme un employé raisonnable l’aurait fait dans de telles circonstances, que ces manquements au contrat de travail constituaient un congédiement déguisé.
3e erreur : l’erreur de droit consistant à limiter le second volet de l’analyse d’un congédiement déguisé (selon l’arrêt Potter), à l’examen de l’existence de harcèlement psychologique
[118] La seconde manière de conclure à un congédiement déguisé selon l’arrêt Potter consiste à se pencher sur l’effet cumulatif d’actions ou de décisions de l’employeur sur un employé raisonnable. C’est précisément ce qui est invoqué par l’appelant en l’espèce.
[119] Dans l’affaire qui nous occupe, la conclusion du jugement entrepris relativement à ce second volet de l’arrêt Potter repose essentiellement sur l’analyse de l’allégation de harcèlement psychologique que fait la juge aux paragraphes 73 à 86.
[120] Avec égards, il s’agit d’une erreur de droit commise en première instance. En effet, le test de l’arrêt Potter ne se restreint pas à l’analyse de l’existence ou non de harcèlement psychologique.
[121] Autrement dit, l’absence de harcèlement psychologique ne mène pas nécessairement à la conclusion de l’inexistence d’un congédiement déguisé.
[122] Comme ma collègue la juge Bich l’explique avec justesse dans l’arrêt Boulad, pour appliquer ce second volet de l’analyse d’un congédiement déguisé selon l’arrêt Potter, il faut examiner rétrospectivement les actes antérieurs de l’employeur pour déterminer si, aux yeux d’un employé raisonnable, leur effet cumulatif traduirait l’intention de l’employeur ne plus être lié par le contrat[50].
[123] De plus, avec égards pour la juge de première instance, le fait de n’avoir tenu compte que de l’effet cumulatif des décisions et des comportements de l’employeur résumés au paragraphe 86 du jugement, sans avoir considéré le fait que l’appelant avait demandé, sans succès, à de multiples reprises, les documents de CCG nécessaires pour évaluer ce que cette dernière lui devait en vertu des clauses 6.3 et 6.4 de son contrat, constitue une erreur manifeste et déterminante. En effet, la juge retient de la preuve que l’appelant a dû s’adresser aux tribunaux pour obtenir ces documents et que ces derniers ont condamné CCG pour abus pour cette raison[51]. Elle n’en tient toutefois pas compte dans son analyse du second volet de l’analyse de l’arrêt Potter.
[124] De plus, la juge a motivé sa décision sur ce volet en référant à la sentence arbitrale rendue dans un autre litige opposant les parties[52], laquelle n’était pas pertinente pour juger du litige en l’espèce. Elle a également « fait siens »[53] les propos de la Cour supérieure dans l’affaire Payette c. Produits hydrauliques RG ltée[54], dont les faits se distinguent pourtant nettement de ceux dans la présente affaire.
[125] En l’espèce, l'insistance de l’appelant pour obtenir les informations afin de valider la rémunération qui lui était due est une cause importante du conflit qui a émergé entre les parties. Avec égards, en ne considérant qu'une partie limitée des éléments mis en preuve et en omettant la modification unilatérale à son contrat de travail qu’est le refus de l'employeur de payer une partie substantielle de la rémunération due à l’appelant en vertu de son contrat, la juge a erré de manière déterminante dans son analyse de l’existence d’un congédiement déguisé.
[126] Elle aurait dû conclure qu’un employé raisonnable, dans ce contexte, aurait considéré que l’effet cumulatif des décisions de CCG traduisait, aux yeux d’un employé raisonnable placé dans les mêmes circonstances, l’intention de cette dernière de ne plus être liée par ce contrat de travail.
[127] Avec égards, il était erroné de conclure que Lareau avait démissionné. Il s’agissait bel et bien d’un congédiement déguisé.
1. L’indemnité de départ
[128] Les articles
[129] Pour apprécier un délai de congé, il y a lieu de considérer « [l]es circonstances de chaque cas, de la nature de l’emploi de la durée de service du salarié, de son âge, ainsi que de la possibilité d’obtenir un poste analogue compte tenu de son expérience, de sa formation et de ses compétences »[57], comme la Cour le rappelait, sous la plume du juge Bouchard :
[53] L'article
▪ la nature et l'importance du poste occupé par l'employé, l'idée étant que plus le poste sera important, plus le délai-congé sera long;
▪ le nombre d'années de service de l'employé. Plus ce dernier sera ancien dans l'entreprise, plus le délai-congé sera long;
▪ l'âge de l'employé. Plus l'employé sera âgé, plus on présume qu'il lui faudra du temps pour se replacer sur le marché du travail et plus son délai-congé sera long;
▪ les circonstances ayant mené à son engagement. Un employé, par exemple, qui est sollicité et qui laisse un emploi rémunérateur et certain aura droit à un délai-congé plus long que celui qui est sans emploi ou dont l'emploi est incertain;
▪ la difficulté de se trouver un emploi comparable. Plus cette difficulté sera grande, plus le délai-congé sera long.
[54] Chose fondamentale à ne pas oublier, aucun de ces critères ne doit être examiné isolément. C'est dans une perspective globale qu'ils doivent être pris en compte, ce qui constitue un délai-congé raisonnable étant « essentiellement une question de fait qui varie avec les circonstances propres à chaque espèce ».[58]
[Renvois omis]
[130] L’appréciation d’un délai de congé n’est pas un exercice mathématique, mais résulte d’une analyse factuelle et contextualisée au regard de ce cadre d’analyse jurisprudentiel dont les critères doivent être considérés globalement[59].
[131] Il y a lieu de tenir compte de la durée de la prestation de travail et de l’emploi clé qu’occupait l’appelant au sein de l’entreprise, facteurs qui favorisent un long délai de congé. Il y a également lieu de considérer la rémunération élevée de l’appelant, laquelle doit être calculée en tenant compte de son nouveau contrat de travail. Il y a lieu de souligner qu’à son retour de congé de maladie, soit au cours des mois ayant précédé son congédiement déguisé, ses ventes n’ont pas été drastiquement réduites et que la moyenne de ses commissions, lesquelles dépendaient de sa performance au sein de l’intimée, est donc élevée[60].
[132] Je suis d’avis que son délai de congé aurait dû être de 18 mois, compte tenu de l’importance du poste qu’il occupait, du fait qu’il avait déjà 53 ans lors de son congédiement déguisé et qu’il a été diligent dans la recherche d’un nouvel emploi.
[133] De fait, il s’est trouvé un emploi d’octobre 2016 à mars 2017 chez Globocam et a ensuite créé sa propre entreprise. L’appelant a minimisé ses dommages en trouvant un emploi dès le mois d’octobre 2016, de sorte qu’il faut déduire la rémunération de 33 584 $ qu’il a effectivement gagnée chez Globocam d’octobre 2016 à mars 2017 de son indemnité de départ[61].
[134] Il y a donc lieu de conclure que l’appelant a droit à une indemnité de départ équivalente à 18 mois de salaire. Son indemnité doit inclure ses commissions moyennes pendant ce délai de congé, moins les sommes gagnées chez Globocam, tel que mentionné précédemment. Voici le calcul des sommes dues à l’appelant à ce titre :
Indemnité de départ de Lareau (18 mois)
Postes | Montants |
Salaire annuel (clause 6.1) | 225 000,00[62] |
Commission (clause 6.2) - Rémunération Globocam | 173 423,91[63] - 33 584,62[64] |
Total | 364 839,29 |
[135] L’appelant a donc droit à une indemnité de départ de 364 839,29 $.
2. Les réclamations fondées sur les clauses 6.3 et 6.4 du contrat de travail
[136] Tel que mentionné précédemment, la clause 6.3 du contrat de travail de l’appelant prévoit qu’il a droit à une participation aux profits de l’entreprise (Centre du Camion Gamache et Gamex). Pour la période entre le 1er octobre 2014 au 28 février 2015, il est prévu qu’il a droit à une indemnité de 5 % des profits avant impôts de l'entreprise. Du 1er mars au 31 décembre 2015, c’est à une indemnité de 2,5 % des profits avant impôts de l'entreprise à laquelle il a droit et, enfin, en 2016, l’appelant n'aura plus aucune indemnité quant à une participation aux profits de l'entreprise à moins d'une entente écrite entre les parties à cet effet.
[137] Quant à la clause 6.4, elle prévoit que l'employeur remettra à l'appelant, en avril 2015, les sommes lui étant dues, soit le remboursement complet des primes payées pour l’assurance maladie grave, incluant la prime de 2014, le versement complet des sommes incluses dans le plan de rétention (solde des montants accumulés depuis 2011), ainsi que le versement des corrections du salaire de base et des commissions depuis le 1er février 2015 à ce jour[65].
[138] Aux paragraphes 95 et 96 du jugement, la juge conclut que l’appelant ne peut réclamer, en vertu de la clause 6.3, la participation aux profits avant impôts de CCG, puisque le plan de rétention ne s’applique plus. Cette conclusion n’aurait été exacte que dans la mesure où le départ de l’appelant constituait une démission.
[139] Ayant conclu que la juge a erré en ne qualifiant pas son départ comme un congédiement déguisé, il faut appliquer l’article
[140] Chaque partie a produit une expertise et a fait témoigner son auteur pour calculer les montants qui seraient dus à l’appelant. Les principales différences entre leurs expertises sont les suivantes :
- L’expert Allard (l’expert de l’appelant) présume que CCG devait contribuer au plan pendant le congé de maladie de l’appelant dans son rapport, mais il présente aussi le scénario alternatif qui n’inclut aucune contribution durant cette période;
- L’expert Allard ajuste les profits de CCG pour tenir compte des pertes de change, créances douteuses et dépenses personnelles qui ont servi à diminuer les revenus avant impôts de CCG, de sorte que les versements au plan de rétention de l’appelant ont été indûment réduits.
[141] Dans un premier temps, je suis d’avis que CCG n’avait pas l’obligation de contribuer au plan de rétention pour les mois pendant lesquels l’appelant était en congé de maladie. Les chiffres ici retenus sont donc ceux présentés dans le scénario alternatif de l’expert Allard, soit celui qui se base sur le fait que l’appelant ne recevait aucun montant dans son Plan lorsqu’il était en congé de maladie.
[142] Quant aux ajustements aux profits de CCG, la juge explique qu’elle aurait retenu les chiffres de l’expert Allard sur la perte de change et les créances douteuses si elle avait accueilli le recours de l’appelant :
[70] Même si Lareau n’a pas droit à sa part dans les profits vu qu’il a quitté son emploi chez CCG avant le 31 décembre 2015, le Tribunal souligne qu’il aurait retenu les chiffres de l’expert Allard dans le cas contraire quant à certains aspects de son rapport, par exemple sur la qualification de la perte de change et sur la notion de créance douteuse.
[143] L’intimée ne démontre aucune erreur dans cette conclusion.
[144] Quant à l’ajustement pour les dépenses personnelles, la juge ne le retient pas. L’appelant ne me convainc pas qu’il s’agit de dépenses personnelles et non de dépenses effectuées dans le cours des activités de l’entreprise de CCG.
[145] En fonction de ce qui précède, le premier tableau résume les montants dus à l’appelant et le deuxième résume ce qui a déjà été payé à l’appelant.
Entrées comptables ($) au Plan
Année fiscale | Part 5 %[68] | Perte de change | Payé par Lareau | Total |
2011 | 162 326 | 163 848,45[69] |
| 326 174,45 |
2012 | 181 130 | 21 363,35 |
| 202 493,35 |
2013 (octobre 2012-mars 2013) | 73 320 |
|
| 73 320 |
2014 | 0 |
| 44 737,92[70] | 44 737,92 |
2015[71] (octobre 2014-octobre 2015) | 190 882 |
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| 190 882 |
2015 (octobre – décembre à 2,5 %) | 28 485 |
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| 28 485 |
Total | 636 143 | 185 211,80 | 44 737,92 | 866 092,72 |
Voici un tableau présentant ce qui a déjà été payé à l’appelant par CCG :
Sorties comptables ($) du Plan
ÉLÉMENT | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 | Total |
Assurance vie[72] | 1 620,36 | 1 620,36 | 1 620,36 | 1 620,36 |
| 6 481,44 |
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Assurance Maladie-Grave[73] | 42 572,40 | 41 868,60 | 41 868,60 | 44 737,92 |
| 171 047,52 |
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Impôt Assurance | 17 011,50 | 21 990,95 | 5 230,20 | 5 230,20 | 5 230,20[74] | 54 693,05[75] |
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Remises à Lareau |
| 10 209 |
| 37 937 | 89 066,49 | 137 212,49 |
Total | 61 204,26 | 75 588,71 | 48 719,16 | 89 525,48 | 94 296,69 | 369 434,50 |
[146] Le total dû à Lareau en vertu des clauses 6.3 et 6.4 de son contrat de travail est de 866 092,72 $ – 369 434,50 $ = 496 658,22 $.
3. Les commissions impayées
[147] L’appelant soutient que l’intimée a refusé de lui payer des commissions totalisant 4 500 $ pour trois ventes qu’il aurait conclues avant son départ et pour lesquelles certains travaux restaient à faire sur les camions vendus. Il a toutefois fait défaut de prouver cette réclamation en première instance. Par conséquent, ce moyen d’appel ne peut être retenu.
4. La dette personnelle
[148] Il n’est pas contesté que Richard Gamache doit 256,12 $ à l’appelant pour une dette qu’il a contractée auprès de lui.
5. La réclamation en dommages pour harcèlement psychologique
[149] Bien que la preuve permette de conclure à l’existence d’un congédiement déguisé, elle ne permet pas de faire droit à la réclamation en dommages moraux et exemplaires contre les intimés pour le harcèlement psychologique dont l’appelant aurait été l’objet.
Conclusion
[150] Ayant conclu que l’appelant a été congédié de manière déguisée, je suis d’avis que CCG lui doit 364 839,29 $ comme indemnité de départ (laquelle somme tient compte des sommes gagnées chez Globocam) et 496 658,22 $ en vertu des clauses 6.3 et 6.4 de son contrat de travail, pour un total de 861 497,51 $, plus les intérêts et l’indemnité additionnelle.
[151] Quant à Richard Gamache, il doit à l’appelant une somme de 256,12 $ plus les intérêts et l’indemnité additionnelle.
***
[152] Pour les motifs qui précèdent, je suggère à la Cour d’accueillir l’appel, d’infirmer le jugement de première instance, de condamner CCG à payer à l’appelant 861 497,51 $, plus les intérêts et l’indemnité additionnelle à compter de la date de la signification de la mise en demeure le 30 octobre 2015. Je suggère également de condamner Richard Gamache à payer 256,12 $, plus les intérêts et l’indemnité additionnelle à compter du 30 octobre 2015. Le tout, avec les frais de justice tant en première instance qu’en appel.
[153] Quant à la question des dommages subis par les intimés en raison des conséquences qui découlent du jugement rendu par le juge Cournoyer le 5 février 2021[76], elle n’a pas été soulevée par les parties lors de l’audience et est devenue sans objet.
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SOPHIE LAVALLÉE, J.C.A. |
[1] Lareau c. Centre du camion Gamache inc.,
[2] Selon le témoignage de Richard Gamache qui n’a pas été contesté : Témoignage du 17 juin 2019.
[3] Jugement entrepris, paragr. 14.
[4] Id., paragr. 15.
[5] Mise en demeure, 24 juillet 2015, MI, p. 83.1-83.2.
[6] Témoignage de Stéphane Thibodeau, 17 juin 2019.
[7] Pièce D-6, Documents relatifs aux démarches entreprises par les défendeurs lors de la réintégration du demandeur.
[8] Témoignage de Luc Lareau, 11 juin 2019; Témoignage de Richard Gamache, 17 juin 2019.
[9] Plumitif, no 755-17-002379-165, entrées 33-34; Jugement entrepris, paragr. 58.
[10] Jugement entrepris, paragr. 49-50.
[11] Pièce D-10N, Déclarations écrites recueillies dans le cadre de l’enquête menée par Nathalie Lemaire à compter du 11 août 2015.
[12] Pièce P-18, Mise en demeure à l’Employeur, 30 octobre 2015.
[13] Jugement entrepris, paragr. 6.
[14] Id., paragr. 51 et 53.
[15] Id., paragr. 67-69.
[16] Id., paragr. 70-71.
[17] La sentence arbitrale du 12 juin 2019 a mis fin à un litige opposant l’appelant et les frères Gamache concernant une terre agricole dont ils étaient co-propriétaires. Ce litige est distinct de la présente affaire.
[18] Jugement entrepris, paragr. 72.
[19] Loi sur les normes du travail, RLRQ, c. N-1.1.
[20] Jugement entrepris, paragr. 75-77.
[21] Id., paragr. 78.
[22] Id., paragr. 79-82.
[23] Id., paragr. 83.
[24] Id., paragr. 84-89.
[25] Art. 142
[26] Jugement entrepris, paragr. 90-98.
[27] Id., paragr. 99-101.
[28] Id., paragr. 102-103.
[29] Potter c. Commission des services d’aide juridique du Nouveau‑Brunswick,
1 R.C.S. 500 [Potter].
[30] Id., paragr. 43. Voir aussi George Audet et al., Le congédiement en droit québécois en matière de contrat individuel de travail, vol. 1, Montréal, Yvon Blais, 1991, (feuilles mobiles, mise à jour no 28:1), no 3.2.10.
[31] 2108805 Ontario inc. c. Boulad,
[32] Gilian Demeyere, « Developments in Employment Law: The 2014-2015 Term - Potter v. New Brunswick Legal Aid Services Commission », (2016), 72 S.C.L.R. (2d) 159, paragr. 8-10.
[33] Potter, paragr. 63.
[34] Potter, paragr. 63.
[35] Hélène Ouimet, Travail plus : le travail et vos droits, 11e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2022, p. 80 [Soulignements ajoutés].
[36] Potter, paragr. 32.
[37] Jugement entrepris, paragr. 86.
[38] Perka c. La Reine,
[39] Jugement entrepris, paragr. 53.
[40] Mise en demeure à l’Employeur, 30 octobre 2015.
[41] Ibid.
[42] Contrat de travail, 10 avril 2015, clauses 6.3 et 6.4.
[43] Jugement entrepris., paragr. 70.
[44] Id., paragr. 57-61.
[45] Témoignage de Luc Lareau, 11 juin 2019; Courriel de l’employeur annonçant le nouveau poste de directeur des ventes, 16 octobre 2015.
[46] C’est ce qu’affirme une lettre de Lemaire adressée à l’appelant. Voir courriel du 26 octobre 2015.
[47] Courriel de l’appelant du 23 octobre 2015.
[48] Témoignage de Luc Lareau, 11 juin 2019; Témoignage de Richard Gamache, 17 juin 2019.
[49] Courriel du 26 octobre 2015.
[50] 2108805 Ontario inc. c. Boulad, supra, note 31, paragr. 48-51.
[51] Jugement entrepris, paragr. 57.
[52] Lareau c. Gamache et al., Tribunal d’arbitrage Iberville, 12 juin 2019, Mes Otis, Dalphond et Martel, cité dans le jugement entrepris au paragraphe 71.
[53] Jugement entrepris, paragr. 82.
[54] Payette c. Produits hydrauliques RG ltée,
[55] Homag Canada inc. c. Legault,
[56] Fondaction (Fonds de développement de la Confédération des syndicats nationaux pour la coopération et l'emploi) c. Poutres Lamellées Leclerc inc.,
[57] Isidore Garon ltée c. Tremblay,
[58] Transforce inc. c. Baillargeon,
[59] Leyne c. PSP Investments,
[60] Id., paragr. 20.
[61] Pièce D-70 Document concernant l’emploi de Luc Lareau chez Globocam (relevé d’emploi).
[62] Clause 6.1 : Salaire de base annuel : 150 000 $.
[63] Clause 6.2 : Commissions (selon la moyenne annuelle de l’année précédente 2015) soit 115 615,94 $. Le montant de 115 615,94 $ provient du tableau se trouvant au paragraphe 12 du jugement entrepris, lequel se base sur les T4 de l’appelant.
[64] Pièce D-70 Document concernant l’emploi de Luc Lareau chez Globocam (relevé d’emploi).
[65] Pièce P-9, Contrat de travail, 10 avril 2015, clauses 6.3 et 6.4.
[66] Voir Québec (Commission des normes du travail) c. Asphalte Desjardins inc.,
2 R.C.S. 514, paragr. 55-56.
[67] Georges Audet et al., Le congédiement en droit québécois en matière de contrat individuel de travail, supra, note 30, p. 6-13, paragr. 6.1.24[4].
[68] Excepté pour le 2,5 % applicable à la période d’octobre-décembre 2015, comme stipulé à la clause 6.3 du Plan. Ces montants sont calculés sur les profits de CCG, ajustés en fonction des créances douteuses, tel que suggéré par l’expert Allard, en conformité avec l’analyse de la juge de première instance au paragraphe 70 du jugement entrepris.
[69] Voir note de bas de page 24 du rapport Allard à la p. 806 M.A. : 3 276 969 x 5 % = 163 848,45. Ce calcul est accepté par la juge de première instance au paragraphe 70 du jugement entrepris.
[70] Il s’agit du chèque payé par Lareau pour son assurance maladie grave. Il est comptabilisé comme une entrée comptable puisque la clause 6.4 b) stipule que les montants payés pour cette assurance doivent être remboursés à l’appelant par CCG, incluant ceux payés pour l’année 2014. Or, bien que les intimés aient remboursé les 178 951,68 $ quittancé, mentionné dans le tableau ci-bas, ils ont aussi ponctionné le Plan de ce montant pour l’année 2014 alors que l’appelant l’avait déjà payé par chèque. L’appelant se trouvait ainsi à payer ce montant deux fois pour l’année 2014 et ce dernier bénéficie donc d’une créance (entrée comptable) pour ce montant.
[71] Puisque l’appelant a été congédié de façon déguisée, il a droit au Plan en vertu de l’arrêt Matthews c. Ocean Nutrition Canada Ltd.,
[72] Nous tenons compte de cette assurance vie puisque la preuve démontre que, même si l’appelant n’en était pas officiellement le bénéficiaire, probablement pour des raisons fiscales pour CCG, la prime aurait été versée à sa conjointe.
[73] Ces montants proviennent de la pièce P-34A, Rapport d’expertise juricomptable de Quotient Juricomptables – 16 juin 2017, M.A., vol. 3, p. 825.
[74] Ce montant apparaît dans P-35 Lettre des admissions communes des experts, 7 juin 2019.
[75] Voir le tableau 1 dans P-35 Lettre des admissions communes des experts, 7 juin 2019; Tableau du Document intitulé « Conciliation du programme 10 ans – Luc Lareau » (Pièce PAT-2 produite lors de l’interrogatoire de M. Paul-André Trinque du 8 mars 2017).
AVIS :
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