Dis Son Nom c. Marquis | 2022 QCCA 841 | ||||
COUR D’APPEL | |||||
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CANADA | |||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||
GREFFE DE
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N° : | |||||
(500-17-113490-208) | |||||
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DATE : | 14 JUIN 2022 | ||||
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DIS SON NOM | |||||
DELPHINE BERGERON | |||||
A.A. | |||||
APPELANTES – défenderesses | |||||
c. | |||||
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JEAN-FRANÇOIS MARQUIS | |||||
INTIMÉ – demandeur | |||||
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et | |||||
CANADIAN BROADCASTING CORPORATION/SOCIÉTÉ RADIO-CANADA | |||||
LA PRESSE INC. | |||||
INTERVENANTES | |||||
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[1] Les appelantes se pourvoient contre deux ordonnances rendues le 26 février 2021 par la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable Katheryne A. Desfossés). La première ordonnance rejette la demande d’anonymat formulée par l’appelante A.A. dans le contexte d’un recours en diffamation intentée contre les appelantes. La seconde ordonnance, dont la permission de faire appel a été déférée à la formation, concerne la communication des dénonciations reçues par les appelantes de la part de victimes alléguées de gestes à caractère sexuel.
[2] Pour les motifs de la juge Marcotte, auxquels souscrivent la juge en chef Savard et la juge Gagné, LA COUR :
[3] REJETTE l’appel de l’ordonnance qui rejette la demande d’anonymat de l’appelante A.A.;
[4] REJETTE la demande de permission de faire appel de l’ordonnance qui concerne la communication des dénonciations reçues par les appelantes;
[5] LE TOUT, avec les frais de justice.
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| MANON SAVARD, J.c.Q. | |
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| GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A. | |
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| SUZANNE GAGNÉ, J.C.A. | |
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Me Virginie Dufresne-Lemire | ||
Me Justin Wee | ||
Me Imane Melab | ||
Me Alain Arsenault | ||
ARSENAULT DUFRESNE WEE AVOCATS | ||
Pour les appelantes | ||
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Me Pierre-Hugues Miller | ||
PIERRE-HUGUES MILLER AVOCAT | ||
Pour l’intimé | ||
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Me Christian Leblanc | ||
Me Patricia Hénault | ||
FASKEN MARTINEAU DUMOULIN | ||
Pour les intervenantes | ||
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Date d’audience : | 10 décembre 2021 | |
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MOTIFS DE LA JUGE MARCOTTE |
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[6] Le pourvoi vise les deux ordonnances suivantes rendues le 26 février 2021 par la Cour supérieure dans le contexte d’une poursuite en diffamation contre les administratrices de l’association de personnes « Dis son nom » à la suite de la diffusion d’une liste de personnes présumées avoir commis des gestes à caractère sexuel contenant le nom de l’intimé[1] :
[165] ORDONNE à A.A. d’utiliser son nom dans le cadre des procédures dans la présente instance;
[…]
[167] ORDONNE aux défenderesses Dis son nom, Delphine Bergeron et A.A. de transmettre au demandeur Jean-François Marquis, dans un délai de 10 jours précédant la tenue des interrogatoires préalables, les documents ou informations suivantes :
[…]
167.4. Les dénonciations reçues par les défenderesses jusqu’au mois d’août 2020, en caviardant les noms des victimes alléguées de même que les noms des personnes dénoncées, mais non inclus à la liste;
[7] Les appelantes soutiennent que la juge de première instance aurait erré en refusant d’accorder l’anonymat à l’appelante A.A., de même qu’en ordonnant aux appelantes de communiquer, dans le cadre des interrogatoires au préalable, les dénonciations faites à Dis Son Nom (« DSN ») jusqu’en août 2020.
[8] À mon avis, il y a lieu de rejeter l’appel sur la demande d’anonymat et de refuser d’accorder la permission d’appeler de la demande de communication. Voici pourquoi.
[9] À compter de l’été 2020, DSN publie sur les réseaux sociaux et héberge plus tard sur un site Web une liste des « abuseuses et abuseurs présumés du Québec » (la « Liste »)[2], dans laquelle elle énumère le nom des personnes dénoncées et les inconduites sexuelles qui leur seraient reprochées.
[10] Le site comporte une description de la raison d’être de DSN[3], dont les objectifs sont de « libérer la parole des victimes et protéger la société des prédateurs·rices allégué·e·s. » en donnant l’occasion à ces victimes de « prendre du pouvoir sur leur vie, via les réseaux sociaux ». DSN offre de répondre à leurs demandes et de les soutenir « du début à la fin, en leur ouvrant la porte vers le chemin de la guérison ».
[11] Les inconduites reprochées aux abuseurs sur le site Web ne sont pas décrites en détail, mais plutôt classifiées en trois catégories en fonction de leur gravité, tout en protégeant les victimes alléguées contre le dévoilement de leur identité[4].
[12] La Liste indique cependant parfois la ville de résidence des personnes dénoncées, leur occupation et le nombre de victimes alléguées.
[13] À l’été 2020, la Liste inclut le nom de l’intimé et la présence de son nom implique qu’on lui reproche des gestes inappropriés à caractère sexuel. Or, l’intimé affirme n’avoir rien à se reprocher et entame des procédures judiciaires contre les appelantes en septembre 2020.
[14] Le 8 septembre 2020, il signifie à DSN via les réseaux sociaux une demande introductive d’instance en dommages-intérêts, en injonction permanente et ordonnance d’injonction de type « Norwich » par laquelle il demande qu’il soit ordonné à Facebook inc. de lui communiquer personnellement ou à son avocat toute information qui lui permettra d’identifier les noms et adresses courriels utilisés lors de la création du compte Facebook de DSN, le jour et l’heure de création du compte et les adresses IP des connexions sur tous les appareils utilisés, de même que l’ensemble des messages transmis à d’autres utilisateurs de Facebook ou Instagram ou publics sur ces comptes.
[15] Le 10 septembre 2020, la Cour supérieure (l’honorable Michel Yergeau) accueille l’injonction de type « Norwich » adressée à Facebook. L’appelante A.A. et Delphine Bergeron (qui choisit alors de dévoiler son identité) se manifestent peu après comme étant les administratrices de DSN sans que Facebook réponde à l’injonction.
[16] Vers le 21 septembre 2020, les appelantes déposent une demande visant, entre autres choses, à conserver l’anonymat de A.A. Celle-ci sera accueillie de façon provisoire[5] afin de protéger les droits de A.A. et permettre la mise en état du dossier pour le débat sur le fond de cette demande.
[17] Le 18 février 2021, après le dépôt de leur défense, les appelantes présentent leur demande visant à conserver l’anonymat de A.A., telle que modifiée, devant la juge Desfossés.
[18] Entre-temps, vers le 11 janvier 2021, l’intimé dénonce un moyen préliminaire, qui vise à radier certaines allégations de la défense, à trancher des objections prévisibles et à obtenir la transmission de documents, dont toutes les dénonciations faites auprès de DSN jusqu’en août 2020, qu’elles aient ou non été traitées.
[19] Le 26 février 2021, comme je l’ai déjà écrit, la juge de première instance rejette la demande d’anonymat de A.A., accueille la demande en radiation et tranche certaines des objections contenues dans la dénonciation du moyen préliminaire de l’intimé, en ordonnant la transmission des dénonciations faites auprès de DSN jusqu’en août 2020[6].
[20] Dans les délais prescrits, les appelantes déposent leur déclaration d’appel ainsi qu’une requête en permission d’appeler de bene esse à laquelle est jointe une demande d’ordonnance de sauvegarde afin de protéger l’anonymat de A.A. pendant l’instance d’appel.
[21] Un juge de la Cour accueille l’ordonnance de sauvegarde et la permission d’appeler de l’ordonnance enjoignant à A.A. de dévoiler son identité, mais défère à la formation la permission concernant la transmission des dénonciations[7]. Sur ce dernier point, il explique[8] :
[4] Quant à l’ordonnance permettant à l’intimé d’obtenir copie de toutes les dénonciations transmises à Dis son nom jusqu’au mois d’août 2020, la question se pose de savoir si elle est appelable. En règle générale, un jugement ordonnant la communication de documents ne décide pas en partie du litige et ne cause pas de préjudice irrémédiable à une partie au sens de l’article
[Soulignement ajouté; renvoi omis]
[22] Les intervenantes CBC/Société Radio-Canada et La Presse inc. obtiennent l’autorisation d’un juge de la Cour pour intervenir à titre amical[9].
[23] À l’heure actuelle, le nom de l’intimé a disparu de la Liste diffusée sur le site Web de DSN.
[24] La juge résume d’abord le contexte de la poursuite avant de cibler les faits qu’elle juge pertinents à la détermination du droit de l’appelante de conserver l’anonymat :
[23] Pour bien comprendre la portée de l’ordonnance recherchée par la Nouvelle Demande, il importe de souligner certains faits :
23.1. A.A. allègue avoir été victime d’agression sexuelle à deux occasions par deux agresseurs différents;
23.2. La Défense relate ces deux agressions;
23.3. Monsieur Marquis ne conteste pas que A.A. ait été victime d’agressions sexuelles;
23.4. Monsieur Marquis n’est pas l’un des deux agresseurs de A.A.;
23.5. A.A. souhaite aider d’autres victimes à dénoncer leurs agressions et entamer un processus de guérison d’où la raison d’être de DSN;
23.6. A.A. est la fondatrice de DSN;
23.7. L’Action est essentiellement une poursuite en diffamation intentée par monsieur Marquis contre DSN et ses administratrices A.A et madame Bergeron.
[24] Pour justifier sa Nouvelle Demande, A.A. affirme qu’elle connaît les stigmates liés au statut de victime d’agression sexuelle, qu’elle entame son processus de guérison et qu’elle ne se sent pas assez forte en ce moment pour agir de manière publique.
[25] La juge se réfère ensuite aux dispositions du Code de procédure civile qui codifient le caractère public des procédures devant les tribunaux judiciaires et les circonstances permettant aux tribunaux d’y faire exception (article
[26] Dans le cadre de son analyse, elle rappelle que le statut de victime d’agressions sexuelles ne confère pas un droit « automatique » à l’anonymat, à défaut pour le législateur de l’avoir prévu expressément comme il l’a fait en matière familiale[11]. Elle reconnaît que les tribunaux appliquent parfois l’exception à la règle de la publicité des débats judiciaires lorsque la victime d’une agression sexuelle poursuit son agresseur, mais souligne qu’il ne s’agit pas pour autant d’un automatisme et que l’exception vise surtout à permettre aux victimes d’exercer leurs droits sans porter plus amplement atteinte à leur dignité. Elle distingue par ailleurs cette situation des faits de l’espèce[12].
[27] Bien qu’elle reconnaisse que l’appelante allègue avoir été victime d’agressions sexuelles, la juge estime néanmoins que le détail des agressions qu’elle a choisi d’alléguer dans sa défense n’est pas nécessaire pour faire valoir son argument principal de « défense d’intérêt public » à l’encontre de la demande de l’intimé. Elle écrit :
[37] Au soutien de la Nouvelle Demande, A.A. allègue que son anonymat est requis parce qu’elle entame son processus de guérison et qu’elle n’est pas prête à publier son identité considérant qu’elle est elle-même victime d’agressions sexuelles. La déclaration sous serment produite au soutien de la Nouvelle Demande ne fait état d’aucune préoccupation quant à la sécurité de A.A.
[38] Il est vrai que la Défense raconte le récit des agressions de A.A. Toutefois, une lecture de la Défense permet de comprendre facilement que l’argument invoqué est que la publication de la Liste est d’intérêt public. L’avocate de A.A. le dit et le répète également dans ses arguments au Tribunal.
[39] Or, pour faire valoir cet argument, A.A. n’était pas tenue de raconter ses agressions en détail. Elle pouvait alléguer qu’elle est une victime d’agressions sexuelles. Point. D’ailleurs, monsieur Marquis ne conteste pas qu’elle soit victime d’agressions sexuelles. Là n’est pas le débat dans l’Action.
[40] En fait, A.A. n’était pas tenue de dire qu’elle est une victime d’agressions sexuelles. L’argument d’intérêt public relativement à la publication de la Liste demeure entier même si les personnes derrière DSN ne sont pas elles-mêmes des victimes.
[Soulignements ajoutés; renvois omis]
[28] Par conséquent, la juge conclut que le choix de l’appelante de raconter ses agressions dans sa défense ne saurait justifier la décision de lui accorder l’anonymat :
[41] Permettre que son choix de raconter son récit en détail lui confère un droit à l’anonymat, particulièrement alors que ce récit n’est pas nécessaire à sa défense, équivaut à inverser l’ordre des choses. Ce serait d’accorder un droit à l’anonymat ex post facto en permettant que la stratégie de défense adoptée puisse créer la situation qui justifie son anonymat.
[42] La vérité, comme l’explique l’avocate de A.A., c’est qu’elle a besoin d’en parler.
[43] En optant pour le chemin qui publicise volontairement et sciemment à grande échelle sa situation et celles d’autres victimes, A.A. doit agir à visière levée.
[44] Les circonstances ne justifient pas que l’on déroge au principe général de la publicité des débats judiciaires.
[Soulignements ajoutés]
[29] À ce chapitre, la juge conclut qu’il y a lieu d’ordonner la transmission des dénonciations caviardées reçues en date du mois d’août 2020 et qu’aucun intérêt légitime important ni privilège à la confidentialité ne protègent leur transmission[13].
[30] Concernant la notion d’« intérêt légitime important », la juge distingue l’arrêt A.B. c. Bragg Communications Inc. invoqué par les appelantes[14], en soulignant que celles-ci ne comptent pas parmi les victimes alléguées de l’intimé. Or, elles invoquent le droit à la vie privée des personnes ayant dénoncé l’intimé (lequel droit est incessible) pour tenter de convaincre le tribunal de l’existence d’un préjudice objectivement discernable, ce qu’elles ne peuvent faire sans plaider pour autrui.
[31] Concernant le droit à la confidentialité, la juge souligne que la preuve est silencieuse à l’égard de quelque promesse ou assurance de confidentialité donnée aux victimes. Par conséquent, elle juge que la première étape du test Wigmore, à savoir que « les communications doivent avoir été transmises confidentiellement avec l’assurance que l’identité de l’informateur ne serait pas divulguée » échoue[15].
[32] La juge signale également que les appelantes n’ont pas plaidé l’existence d’un quelconque privilège et que, de toute manière, ni elles ni leurs sources n’ont droit à la confidentialité des sources journalistiques puisque les appelantes ne sont pas journalistes ou d’anciennes journalistes au sens de l’article
[33] En somme, de l’avis de la juge, les appelantes n’ont pas démontré que leurs communications avec les victimes alléguées ou l’identité de celles-ci sont protégées par un quelconque privilège qui empêche la transmission des dénonciations[18], alors que l’intimé est en droit de savoir qui lui reproche quel geste.
[34] La juge ordonne également aux appelantes de communiquer les échanges entre elles et les victimes alléguées de l’intimé à son sujet et, par le fait même, l’identité de ces personnes, tout en prenant acte de l’engagement de l’avocat de l’intimé de déposer au dossier de la cour, sous pli confidentiel, tout document permettant au public d’identifier la ou les victimes alléguées pour leur permettre, le cas échéant, de formuler une demande d’anonymat ou de non-divulgation. Au surplus, elle conclut que l’intimé a droit aux échanges entre les appelantes à son sujet dans la mesure où ces échanges ne sont pas couverts par le privilège relatif au litige et qu’il a également le droit de connaître l’identité de tous les administrateurs des pages Facebook, Instagram et du site Web de DSN ainsi que d’obtenir les dates de retrait des administrateurs, le cas échéant, de même que la communication des échanges qui concernent ce retrait, l’ensemble de ces informations n’étant pas non plus protégé par le privilège relatif du litige.
[35] En ce qui concerne les dénonciations, la juge considère qu’une revue de l’ensemble de celles-ci est pertinente à la vérification du respect des lignes directrices dans leur traitement dans la mesure où il s’agit d’un aspect sur lequel s’appuient les appelantes dans leur défense :
[142] L’avocat de monsieur Marquis justifie sa demande à cet égard en raison des paragraphes 82 à 85 de la Défense où les défenderesses expliquent le processus qu’elles ont mis en place ainsi que les lignes directrices qu’elles appliquent.
[143] Selon lui, monsieur Marquis est en droit de vérifier les tenants et aboutissants de ce processus et de ces lignes directrices et la rigueur appliquée par les défenderesses dans le traitement de l’information.
[144] Les défenderesses s’y opposent en invoquant le droit à la confidentialité de leurs sources et le caractère abusif et déraisonnable de la demande.
[145] Considérant les conclusions précédentes du Tribunal quant à l’absence de droit à la confidentialité en l’espèce, cet argument des défenderesses ne peut servir pour justifier l’objection.
[146] Quant au caractère abusif et déraisonnable de la demande, vu les paragraphes 82 à 85 de la Défense et considérant la sévérité des reproches formulés contre lui par l’inclusion de son nom à la Liste, monsieur Marquis est en droit de vérifier le processus en place et les lignes directrices invoquées. Ces vérifications ne peuvent être valablement faites que si elles impliquent une revue complète du processus, du moins jusqu’à la publication du nom de monsieur Marquis sur la Liste en août 2020.
[Soulignements ajoutés; renvois omis]
[36] Cependant, s’appuyant sur l’arrêt Glegg c. Smith[19], la juge ordonne que leur nom soit caviardé en soulignant l’importance de prendre en compte la vie privée dans le cadre de la transmission de documents au stade des interrogatoires au préalable, considérant par ailleurs que la transmission de l’identité des victimes alléguées à l’origine des dénonciations n’est pas pertinente :
[147] Par contre, est-il pertinent et nécessaire que monsieur Marquis obtienne le nom de l’ensemble des victimes alléguées pour faire ces vérifications ? Pareillement, si certaines dénonciations réfèrent à des personnes dont le nom ne se trouve pas sur la Liste, est-il pertinent et nécessaire que monsieur Marquis ait accès à ces noms? Le Tribunal ne le croit pas.
[148] Bien que cet argument n’ait pas été spécifiquement plaidé par les défenderesses, le Tribunal peut écarter d’office une preuve non pertinente. Il s’ensuit que le Tribunal peut maintenir une objection à une demande de préengagement, s’il détermine que le document ou l’information demandée n’est pas pertinent, même si le motif de l’objection n’est pas basé sur la pertinence.
[…]
[150] Si les vérifications des documents et informations obtenues permettent à monsieur Marquis de démontrer subséquemment que le nom de l’ensemble des victimes alléguées ou le nom de personnes dénoncées, mais non retenues sont des informations pertinentes et nécessaires à la théorie de sa cause, il pourra saisir le tribunal en ce sens. Dans l’intervalle, il n’est pas pertinent qu’il obtienne ces informations.
[151] Les défenderesses doivent fournir les dénonciations reçues jusqu’au mois d’août 2020. Les noms des victimes alléguées de même que les noms des personnes dénoncées, mais non inclus à la Liste seront caviardés des dénonciations fournies.
[Renvois omis]
[37] En appel, les appelantes reprochent à la juge de première instance d’avoir erré :
1. dans son application du test des arrêts Dagenais/Mentuck[20];
2. en ordonnant la communication des dénonciations reçues jusqu’en août 2020.
[38] Le traitement de ce deuxième reproche est toutefois tributaire de l’octroi d’une permission de faire appel qui, comme je l’ai soulevé précédemment, a été déférée à la formation. Étonnamment, cette demande de permission de faire appel (et le respect des critères requis pour obtenir l’autorisation) n’a pas été abordée par les appelantes dans leur exposé, malgré l’invitation faite à cet égard par le juge unique, tandis que l’intimé a plutôt insisté sur le fait qu’il avait été informé lors des interrogatoires après défense que les appelantes avaient détruit les dénonciations visées par l’ordonnance, contrairement à leur obligation de préserver la preuve[21]. J’en traiterai au moment d’aborder la seconde question.
Prétentions des parties
[39] Les appelantes soumettent d’abord qu’en examinant la nécessité pour la défense d’intérêt public du témoignage de l’appelante A.A. sur ses agressions sexuelles au moment d’appliquer le test des arrêts Dagenais/Mentuck, la juge empiète sur les pouvoirs d’appréciation du juge d’instruction[22]. Selon les appelantes, la juge ajoute à tort une considération non pertinente au test en imposant de démontrer « la nécessité des faits allégués dans la Défense ».
[40] Alors que la juge considère que le témoignage de A.A. n’est pas utile pour sa défense, les appelantes plaident au contraire que les allégations d’agressions sexuelles qu’elle met de l’avant permettent d’expliquer sa motivation derrière la mise sur pied de DSN, de même que l’impact bénéfique de DSN sur le processus de guérison des victimes, basé sur le vécu de A.A.
[41] En plus, selon elles, la juge se contredit lorsqu’elle affirme que son statut de victime et les détails des agressions sexuelles vécues par A.A. ne sont pas nécessaires à sa défense, mais qu’elle pourrait alléguer son statut de victime « point » pour faire valoir son argument. Dans leur déclaration d’appel, les appelantes qualifient cette conclusion « d’antinomique », en ce que le statut de victime d’agressions sexuelles ne peut être pertinent si le récit de ces agressions ne l’est pas également. Elles allèguent que dévoiler l’identité de A.A. porterait atteinte à son droit à la vie privée et à la dignité en raison de son seul statut de victime d’agressions sexuelles sans même considérer le détail de ces agressions.
[42] Elles soutiennent qu’à la première étape du test, l’ordonnance est justifiée pour la bonne administration de la justice afin d’assurer la confiance des victimes d’agression sexuelle en notre processus judiciaire[23]. À la seconde étape, les effets bénéfiques de protéger cet intérêt surpassent les effets préjudiciables puisque les médias pourront couvrir le fond de l’affaire, l’ordonnance étant limitée à l’identité de A.A. et non au contenu de son témoignage[24].
[43] L’intimé répond que le statut de victime d’agressions sexuelles de A.A. n’est pas un fait pertinent qui milite en faveur d’une ordonnance d’anonymat et souligne que le dossier ne met pas en jeu la liberté d’expression de la victime ni le droit à un procès juste et équitable. Il distingue à cet égard l’arrêt S. c. Lamontagne[25], où la révélation de l’identité de l’appelant lui aurait fait subir le préjudice qu’il souhaitait justement éviter par son recours aux tribunaux.
[44] De plus, puisqu’il admet que A.A. a été victime d’agressions sexuelles, il soumet que celle-ci n’est pas requise d’en relater le détail pour prouver ce fait et que, comme le relève la juge de première instance, son choix stratégique ne saurait être un facteur justifiant l’ordonnance d’anonymat. Il signale au surplus que les appelantes « plaident des deux côtés de la bouche » en ce qu’elles ont contesté avec succès les ordonnances de confidentialité requises par deux demandeurs dans les affaires T.M. c. Dis son nom[26] et A.B. c. Robillard[27].
[45] Pour leur part, les intervenantes CBC/Radio-Canada/La Presse rappellent le caractère primordial de la publicité des débats et le rôle important des médias en tant que « courroie de transmission » pour informer le public de la procédure judiciaire et la protection offerte en vertu de l’article
[46] Or, selon elles, la restriction du droit à la liberté de presse et du droit au public à l’information demeure régie par le test des arrêts Dagenais/Mentuck, lequel est très exigeant et les « allégations générales ou non supportées par la preuve » des appelantes ne suffisent pas à démontrer un intérêt légitime important. Elles reprennent à leur compte les extraits suivants de l’arrêt récent de cette Cour dans L.B. c. J.S.[29] :
[13] En l’espèce, vu la généralité des allégations formulées par l’intimé dans sa demande, la détermination de ce qu’est un intérêt public important ne pouvait se faire dans l’abstrait sur le plan des principes généraux. […]
[14] Ce faisant, la Cour ne tranche pas la question de savoir si la personne qui fait l’objet d’allégations d’agression sexuelle sur une autre personne, ou qui souhaiterait entreprendre un recours judiciaire afin de faire valoir ses droits à l’encontre de ce qu’elle considère être une fausse accusation de cette nature (que cette accusation ait ou non été formulée dans le cadre d’une procédure judiciaire), peut démontrer, par la présentation d’une preuve appropriée, que la diffusion de son identité entraînera une atteinte à sa dignité que la société dans son ensemble a intérêt à protéger (l’« intérêt public important »), première des trois conditions préalables du test.
[Renvois omis]
[47] Elles soutiennent également que l’intérêt qu’on doit faire valoir pour satisfaire au test des arrêts Dagenais/Mentuck est défini en termes d’intérêt public et que les intérêts purement privés ne suffisent pas.
[48] Ainsi, selon elles, la juge s’est bien dirigée en droit en n’accordant pas l’anonymat sur la base d’éléments qui ne sont pas nécessaires à la défense de A.A. La procédure judiciaire n’empêche certes pas A.A. de s’exprimer sur ce qu’elle a vécu, mais le principe de la publicité des débats doit l’emporter sur les inconvénients qui viennent avec le dévoilement de son identité.
Discussion
[49] À mon avis, contrairement à ce que plaident les appelantes, la juge de première instance applique correctement le test des arrêts Dagenais et Mentuck, tel que récemment reformulé par la Cour suprême dans l’arrêt Sherman (Succession) c. Donovan, sous la plume du juge Kasirer[30] :
[38] Le test des limites discrétionnaires à la publicité présumée des débats judiciaires a été décrit comme une analyse en deux étapes, soit l’étape de la nécessité et celle de la proportionnalité de l’ordonnance proposée (Sierra Club, par. 53). Après un examen, cependant, je constate que ce test repose sur trois conditions préalables fondamentales dont une personne cherchant à faire établir une telle limite doit démontrer le respect. La reformulation du test autour de ces trois conditions préalables, sans en modifier l’essence, aide à clarifier le fardeau auquel doit satisfaire la personne qui sollicite une exception au principe de la publicité des débats judiciaires. Pour obtenir gain de cause, la personne qui demande au tribunal d’exercer son pouvoir discrétionnaire de façon à limiter la présomption de publicité doit établir que :
1) la publicité des débats judiciaires pose un risque sérieux pour un intérêt public important;
2) l’ordonnance sollicitée est nécessaire pour écarter ce risque sérieux pour l’intérêt mis en évidence, car d’autres mesures raisonnables ne permettront pas d’écarter ce risque; et
3) du point de vue de la proportionnalité, les avantages de l’ordonnance l’emportent sur ses effets négatifs.
Ce n’est que lorsque ces trois conditions préalables sont remplies qu’une ordonnance discrétionnaire ayant pour effet de limiter la publicité des débats judiciaires — par exemple une ordonnance de mise sous scellés, une interdiction de publication, une ordonnance excluant le public d’une audience ou une ordonnance de caviardage —pourra dûment être rendue. Ce test s’applique à toutes les limites discrétionnaires à la publicité des débats judiciaires, sous réserve uniquement d’une loi valide (Toronto Star Newspapers Ltd. c. Ontario,
[50] Il convient de rappeler que ce test fut initialement élaboré sous la plume du juge Lamer dans l’arrêt Dagenais[31] dans un contexte où le droit à un procès équitable et le droit à la liberté d’expression s’opposaient directement. Quatre accusés y sollicitaient une ordonnance d’interdiction de diffusion d’une mini-série télévisée mettant en cause des faits semblables à ceux reprochés aux accusés, à savoir des abus physiques et sexuels commis sur de jeunes garçons dans des institutions d’éducation religieuse. Le test était alors défini en deux volets et exigeait qu’il soit démontré que :
1) l’ordonnance est nécessaire pour écarter le risque réel et important que le procès soit inéquitable, vu l'absence d'autres mesures raisonnables pouvant écarter ce risque;
2) ses effets bénéfiques sont plus importants que ses effets préjudiciables sur la libre expression de ceux qui sont touchés par l'ordonnance.
[51] Par la suite, avec l’arrêt Mentuck, la Cour suprême élargissait ce test de manière à protéger tous les aspects liés à la saine administration de la justice, tout en renforçant l’exigence d’un risque sérieux (précédemment qualifié de « risque réel et important » dans Dagenais), en prévoyant que l’ordonnance de non-publication ne soit rendue que si[32] :
1) elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour la bonne administration de la justice, vu l’absence d’autres mesures raisonnables pouvant écarter ce risque;
2) ses effets bénéfiques sont plus importants que ses effets préjudiciables sur les droits et les intérêts des parties et du public, notamment ses effets sur le droit à la libre expression, sur le droit de l’accusé à un procès public et équitable, et sur l’efficacité de l’administration de la justice.
[52] L’année suivante, dans Sierra Club[33], la Cour suprême confirmait la validité du test des arrêts Dagenais/Mentuck et l’étendait à la divulgation de renseignements susceptibles de nuire à des intérêts commerciaux.
[53] C’est essentiellement le test qu’a codifié l’article
11. La justice civile administrée par les tribunaux de l’ordre judiciaire est publique. Tous peuvent assister aux audiences des tribunaux où qu’elles se tiennent et prendre connaissance des dossiers et des inscriptions aux registres des tribunaux.
Il est fait exception à ce principe lorsque la loi prévoit le huis clos ou restreint l’accès aux dossiers ou à certains documents versés à un dossier.
Les exceptions à la règle de la publicité prévues au présent chapitre s’appliquent malgré l’article
| 11. Civil justice administered by the courts is public. Anyone may attend court hearings wherever they are held, and have access to court records and entries in the registers of the courts.
An exception to this principle applies if the law provides for in camera proceedings or restricts access to the court records or to certain documents filed in a court record.
Exceptions to the principle of open proceedings set out in this chapter apply despite section |
12. Le tribunal peut faire exception au principe de la publicité s’il considère que l’ordre public, notamment la protection de la dignité des personnes concernées par une demande, ou la protection d’intérêts légitimes importants exige que l’audience se tienne à huis clos, que soit interdit ou restreint l’accès à un document ou la divulgation ou la diffusion des renseignements et des documents qu’il indique ou que soit assuré l’anonymat des personnes concernées.
| 12. The court may make an exception to the principle of open proceedings if, in its opinion, public order, in particular the preservation of the dignity of the persons involved or the protection of substantial and legitimate interests, requires that the hearing be held in camera, that access to a document or the disclosure or circulation of information or documents specified by the court be prohibited or restricted, or that the anonymity of the persons involved be protected. |
[54] L’exception prévue à l’article
[55] Plus récemment, dans S. c. Lamontagne[34], la Cour reconnaissait que bien que la publicité des débats demeure un principe primordial, les tribunaux en ont tempéré la portée dans des cas où « la protection des valeurs sociales [devait] prévaloir sur la transparence des procédures judiciaires », en se fondant « sur une application judicieuse de la notion de la bonne administration de la justice ». La Cour se référait à cette occasion aux décisions rendues en matière d’anonymat, notamment dans le contexte de cyber-intimidation à caractère sexuel envers une victime mineure dans l’affaire A.B. c. Bragg Communications Inc.[35], sur laquelle j’aurai l’occasion de revenir. Elle rappelait également les exceptions législatives bien connues en matière de droit familial, de changement de mention de sexe ou en droit criminel et pénal[36].
[56] Comme je l’écrivais plus tôt, dans l’arrêt Sherman, la Cour suprême reformulait le test des limites discrétionnaires à la publicité des débats judiciaires en rappelant l’importance de démontrer que l’intérêt public important est sérieusement menacé, tout en reconnaissant que la vie privée, considérée au regard de la dignité, puisse transcender les intérêts individuels et constituer un intérêt public à protéger, lorsqu’il est démontré qu’il est sérieusement menacé par la publicité des débats[37].
[57] En outre, le juge Kasirer, dans les motifs rédigés au nom de la Cour, y soulignait que l’intérêt public à protéger la vie privée au regard de la dignité ne peut être sérieusement menacé que lorsque les renseignements contenus dans le dossier judiciaire sont suffisamment sensibles et que ce seuil de démonstration est compatible avec la présomption de publicité des débats. Il précisait, à titre d’exemple, que le fait d’avoir été victime d’agression sexuelle ou de harcèlement peut donner ouverture à une protection d’anonymat[38].
[58] Il écrivait à cet égard[39] :
[79] Dans les cas où les renseignements sont suffisamment sensibles pour toucher au cœur même des renseignements biographiques d’une personne, le tribunal doit alors se demander si le contexte factuel global de l’affaire permet d’établir l’existence d’un risque sérieux pour l’intérêt en cause. Bien qu’il s’agisse manifestement d’une question de fait, il est possible de faire certaines observations générales en l’espèce pour guider cette appréciation.
[59] C’était cependant après avoir signalé que le seuil de démonstration d’un risque sérieux demeure élevé :
[62] Deuxièmement, je rappelle que, pour franchir la première étape de l’analyse, il ne suffit pas d’invoquer un intérêt important, mais il faut aussi réfuter la présomption de publicité des débats en démontrant l’existence d’un risque sérieux pour cet intérêt. Le fardeau d’établir l’existence d’un risque pour un tel intérêt au vu des faits d’une affaire donnée constitue le véritable seuil initial à franchir pour la personne cherchant à restreindre la publicité. Il n’est jamais suffisant d’alléguer la seule existence d’un intérêt public important reconnu. Démontrer l’existence d’un risque sérieux pour cet intérêt demeure toujours nécessaire. Ce qui importe, c’est que l’intérêt soit précisément défini de manière à ce qu’il n’englobe que les aspects de la vie privée qui font entrer en jeu des objectifs publics légitimes, de sorte que le seuil à franchir pour établir l’existence d’un risque sérieux pour cet intérêt demeure élevé. De cette manière, les tribunaux peuvent efficacement maintenir la garantie de la présomption de publicité des débats.
[60] Le juge Kasirer ajoutait également que la démonstration d’un risque sérieux passe par l’établissement d’une atteinte « significative » à la dignité du justiciable par le dévoilement de ce renseignement sensible :
[84] Enfin, rappelons que la susceptibilité individuelle à elle seule, même si elle peut théoriquement être associée à la notion de « vie privée », est généralement insuffisante pour justifier de restreindre la publicité des débats judiciaires lorsqu’elle ne surpasse pas les inconvénients et les désagréments inhérents à la publicité des débats. Un demandeur ne pourra établir que le risque est suffisant pour justifier une limite à la publicité des débats que dans des cas exceptionnels, lorsque la perte de contrôle appréhendée des renseignements le concernant est fondamentale au point de porter atteinte de manière significative à sa dignité individuelle. Ces circonstances mettent en jeu « des valeurs sociales qui ont préséance », qui vont au‑delà des atteintes plus ordinaires propres à la participation à une procédure judiciaire et qui, comme l’a reconnu le juge Dickson, pourraient justifier de restreindre la publicité des débats.
[61] Sur la base de ces principes, les appelantes plaident que la juge de première instance aurait rejeté à tort la demande d’anonymat de A.A. malgré le caractère sensible des informations liées aux agressions sexuelles relatées par l’appelante A.A. dans sa défense, en ajoutant erronément au fardeau de cette dernière la charge de démontrer la nécessité des allégations portant sur les agressions sexuelles subies aux fins de sa défense.
[62] Les reproches soulevés en l’espèce tiennent à la fois de l’erreur manifeste et déterminante et de l’erreur de droit. Il convient de rappeler la norme applicable en matière de jugement de cette nature, tel que le rappelait récemment la Cour dans L.B. c. J.S.[40] :
La norme d’intervention applicable à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire par le juge de première instance est celle de l’erreur manifeste et déterminante dans l’appréciation des faits ou celle de la décision correcte, lorsqu’il y a erreur de droit. Cette norme s’applique en matière d’ordonnance de non-publication. Si une erreur de droit est constatée, la norme de la décision correcte commande à la Cour d’intervenir si, après examen de la justesse du jugement de première instance, il semble nécessaire de substituer son opinion à celle du juge.
[Renvois omis]
[63] À mon avis, les prétentions des appelantes ne peuvent être retenues. À la lumière du test des arrêts Dagenais/Mentuck et Sierra Club tel que reformulé par le juge Kasirer dans Sherman, une victime d’une agression sexuelle pourrait vraisemblablement obtenir une ordonnance d’anonymat lorsqu’elle est poursuivie ou qu’elle poursuit son agresseur. Pour réussir cependant, elle devra faire la démonstration que le dévoilement de son identité, en raison des informations sensibles en lien avec les allégations des procédures qui concernent le récit d’agressions sexuelles, pose un risque sérieux d’atteinte à sa vie privée et à sa dignité et ne touche pas seulement son intérêt privé, mais constitue également un risque sérieux pour un intérêt public à la confidentialité important. Au surplus, elle devra établir que le risque ne peut être écarté par des mesures raisonnables et que les avantages de l’ordonnance d’anonymat l’emportent sur ses effets négatifs.
[64] Il s’agit d’une démarche exceptionnelle, tel que le souligne le juge Kasirer dans Sherman qui, après avoir reconnu l’intérêt du public à la protection de la vie privée qui se rapporte à la protection de la dignité de la personne[41], précise que ce n’est qu’en des cas limités en présence d’une menace sérieuse de l’intérêt public important à l’égard de la protection de la dignité que le secret des procédures judiciaires sera accordé. Il écrit :
[63] Plus particulièrement, pour maintenir l’intégrité du principe de la publicité des débats judiciaires, un intérêt public important à l’égard de la protection de la dignité devrait être considéré sérieusement menacé seulement dans des cas limités. Rien en l’espèce n’écarte le principe selon lequel le secret en matière de procédures judiciaires doit être exceptionnel. Ni la susceptibilité des gens ni le fait que la publicité soit désavantageuse, embarrassante ou pénible pour certaines personnes ne justifieront généralement, à eux seuls, une atteinte au principe de la publicité des débats judiciaires. Ces principes n’empêchent pas de reconnaître l’importance du caractère public d’un intérêt en matière de vie privée quand celui-ci est lié à la protection de la dignité. Ils obligent simplement à faire la preuve de l’existence d’un risque sérieux pour cet intérêt de manière à justifier, à titre exceptionnel, une restriction à la publicité des débats, comme c’est le cas pour tout intérêt public important au regard de l’arrêt Sierra Club. Comme l’expliquent les professeures Sylvette Guillemard et Séverine Menétrey, « [l]a confidentialité des débats peut se justifier notamment pour protéger la vie privée des parties [...]. La jurisprudence affirme cependant que l’embarras ou la honte ne sont pas des motifs suffisants pour ordonner le huis clos ou la non-publication ».
[Renvois omis]
[65] Or, j’estime que les appelantes (ou du moins A.A. qui se réclame du droit à l’anonymat) n’ont pas fait en l’espèce la démonstration d’une telle menace.
[66] D’abord, et comme le signale la juge de première instance, l’appelante A.A. n’allègue pas avoir été agressée par l’intimé. Ce dernier la poursuit en dommages pour atteinte à sa réputation, non pas à titre de dénonciatrice d’abus qu’il aurait commis à son endroit ou pour la dissuader de porter plainte contre lui, mais plutôt en raison de son rôle d’administratrice de DSN dans l’établissement de la Liste et la dénonciation des noms des abuseurs et des gestes reprochés par d’autres victimes sur le site Web DSN.
[67] Selon moi, la juge ne commet pas d’erreur en soulignant que les faits entourant les agressions sexuelles dont A.A. aurait été victime, et que cette dernière a choisi de relater, ne sont pas essentiels à l’argument principal de sa défense qui consiste à plaider l’intérêt public de dénoncer les agressions vécues par d’autres. Elle ne peut en conséquence réclamer l’anonymat sur cette seule base. Il serait d’ailleurs pour le moins ironique que ces faits, qu’elle dévoile volontairement sans démontrer, même prima facie, la réelle pertinence permettent d’écarter le principe de la publicité des débats.
[68] Ici, l’appelante A.A. soutient que sa motivation derrière la mise en place du site Web DSN et de la Liste est liée au fait qu’elle a été victime d’agressions sexuelles par des tiers à deux reprises et que cette information est, pour cette raison, pertinente à sa défense. Que l’appelante souhaite libérer la parole des victimes d’agressions sexuelles est une chose. Toutefois, ni ce souhait, bien que louable, ni son statut de victime ne la décharge de l’obligation de vérification diligente ni ne l’exonère si, dans le cadre de cette « libération », elle commet une faute génératrice de responsabilité à l’égard des personnes dénoncées.
[69] L’appelante plaide également que le seul fait d’alléguer qu’elle a été victime d’agressions sexuelles (même sans en fournir le détail) serait de la nature d’une information privée sensible qu’il est dans l’intérêt public de protéger.
[70] Un tel argument semble ancré sur l’idée que le seul fait d’être victime d’agression sexuelle donne un droit automatique à l’anonymat. Or, ce n’est pas le cas. Comme le souligne la juge de première instance, si c’était le cas, le législateur l’aurait expressément prévu à l’article
[71] C’est sans compter qu’une telle approche constituerait une menace au principe de la publicité des débats en permettant aux parties de recourir à des allégations d’ordre général sans les relier à un préjudice sérieux, au sens de Sherman, et sans égard à leur pertinence au débat, pour réclamer l’anonymat.
[72] Il est vrai que, dans A.B. c. Bragg Communications Inc., la Cour suprême se montre réceptive à ce que les tribunaux puissent « conclure à l’existence d’un préjudice objectivement discernable » dans l’analyse du test des arrêts Dagenais/Mentuck[42] :
[15] L’amicus curiae a souligné que l’adolescente n’avait fourni aucune preuve de préjudice concernant sa vulnérabilité émotive. Or, bien que la preuve des conséquences préjudiciables directes que subirait un demandeur soit pertinente, les tribunaux peuvent aussi conclure à l’existence d’un préjudice objectivement discernable.
[16] Notre Cour a conclu à l’existence d’un préjudice objectif, par exemple, lorsqu’elle a confirmé la constitutionnalité des Règles de procédure du Québec qui limitaient la capacité des médias de prendre des images et de tenir des entrevues concernant une instance judiciaire (dans Société Radio‑Canada c. Canada (Procureur général),
[Soulignements ajoutés]
[73] La Cour suprême importe alors l’analyse applicable à la protection conférée par le Code criminel aux victimes d’agressions sexuelles qui ont porté plainte. Toutefois, il faut le signaler, la reconnaissance de l’existence d’un préjudice objectivement discernable pour une adolescente (donc mineure) ayant été victime de cyber-intimidation s’explique par son contexte, alors que l’adolescente et ses parents tentent, par le biais de procédures, d’obtenir l’identité de la personne qui a créé un faux compte sur Facebook en utilisant sa photo et son nom et qui a publié à son sujet des allégations sur sa vie privée et sa sexualité.
[74] La situation en l’espèce est bien différente.
[75] Tel que le soulignent les intervenantes, les déclarations sous serment déposées au soutien de la demande d’anonymat de A.A. ne suffisent pas à soutenir ni l’existence d’un préjudice objectif discernable dans le contexte de l’affaire ni celle d’un intérêt public sérieux à protéger un droit à la dignité. Alors que la déclaration sous serment de A.A. datée du 21 septembre 2020 alléguait sans autre détail qu’elle craignait d’être identifiée par son nom, en précisant au paragraphe suivant qu’elle craignait pour sa sécurité advenant que ses agresseurs apprennent qu’elle les avait dénoncées, cette allégation a été retranchée de la déclaration sous serment du 14 décembre 2020 qui se limite à énoncer[43] :
[76] Il paraît également utile à ce stade de préciser que l’appelante A.A. a été autorisée à élire domicile chez ses procureurs, de sorte que son adresse demeure à ce jour confidentielle et que la divulgation de cette information n’est plus en cause.
[77] En définitive, à mon avis, la pertinence des faits allégués par l’appelante A.A. dans le contexte de la procédure engagée contre elle s’avère relative pour ne pas dire douteuse, dans la mesure où la poursuite engagée contre elle lui reproche son manque de diligence dans le cadre de la vérification de la véracité et de la fiabilité des dénonciations qu’elle a entrepris de diffuser sur le site Web de DSN.
[78] À mon avis, le détail des agressions alléguées n’est pas susceptible d’appuyer la démonstration d’une vérification diligente de sa part préalablement à la diffusion des dénonciations, non plus qu’utile pour contrer la démonstration d’une atteinte illicite intentionnelle aux droits de l’intimé, advenant qu’une telle atteinte soit démontrée. Comme la juge l’indique, conclure autrement « serait d’accorder un droit à l’anonymat ex post facto en permettant que la stratégie de défense adoptée puisse créer la situation qui justifie son anonymat »[44]. Cela, d’autant plus que l’intimé ne remet pas en question que l’appelante A.A. a été victime d’agressions sexuelles.
[79] La première étape du test visant à démontrer la présence d’un risque sérieux pour un intérêt public de confidentialité important n’ayant pas été franchie, je conclus donc que la juge de première instance n’a pas erré en refusant d’accorder l’ordonnance d’anonymat. Je n’ai donc pas à analyser en détail le deuxième volet du test qui traite de la balance des inconvénients de l’ordonnance, même si je conviens que celle-ci serait susceptible de favoriser le maintien de l’anonymat.
[80] Contrairement à ce que prétend A.A, il ne s’agit pas ici de la priver d’un moyen de défense à un stade préliminaire. Mais plutôt de permettre un débat transparent selon les règles habituelles, dans le respect du principe de la publicité des débats judiciaires.
[81] J’ajouterai qu’il serait à mon humble avis, somme toute, inéquitable que l’appelante A.A. puisse se réfugier derrière l’anonymat alors qu’on lui reproche d’avoir mis sur pied un processus de dénonciation publique à l’endroit de présumés agresseurs sans vérification diligente et au mépris de leur réputation.
[82] Comme le conclut la juge de première instance :
[43] En optant pour le chemin qui publicise volontairement et sciemment à grande échelle sa situation et celles d’autres victimes, A.A. doit agir à visière levée.
[83] L’intimé n’a d’ailleurs pas tort de souligner à ce sujet que les tribunaux ne doivent pas encourager le sentiment d’impunité favorisé par « l’anonymat du clavier » ou la diffusion de faussetés dans l’espace public en protégeant l’anonymat devant les tribunaux. Les personnes impliquées dans une diffusion téméraire de dénonciations dont le fondement serait peu vérifié ou difficilement vérifiable ne devraient pas d’emblée pouvoir bénéficier de la protection des tribunaux pour les protéger contre l’attention médiatique et l’opprobre public.
2. La juge de première instance a-t-elle erré en ordonnant la communication des dénonciations faites jusqu’en août 2020?
[84] Tel que mentionné précédemment, la détermination du bien-fondé de l’ordonnance de communication est tributaire d’une autorisation préalable de faire appel de cette ordonnance que ni l’une ni l’autre des parties n’abordent dans leur mémoire.
[85] Les appelantes, dans leur permission d’appeler de bene esse, plaident que le caviardage des noms des victimes ayant dénoncé est insuffisant pour protéger leur identité et qu’il y aurait rupture abrupte du « lien de confiance » entre DSN et les dénonciateurs et dénonciatrices, causant un préjudice irrémédiable. Dans ces circonstances, elles estiment qu’il « s’agit d’une question de droit nouvelle touchant l’intérêt public, puisqu’elle dépasse les intérêts privés des parties à l’instance, et [il est] donc nécessaire qu’elle soit tranchée immédiatement »[45].
[86] L’intimé répond que l’appel doit être rejeté sur cette question sans autre formalité, disant avoir été informé, lors des interrogatoires après défense tenus après l’audition devant la juge de première instance, que les appelantes auraient détruit la preuve concernée par l’ordonnance, en contravention des articles
[87] La permission d’appeler d’un jugement ordonnant la communication de documents aux fins des interrogatoires au préalable est régie par l’article
[88] En l’espèce, la juge ordonne la transmission des dénonciations et le caviardage des noms sur la base du principe de la pertinence. La question de la pertinence pour ordonner ou refuser la communication de la preuve aux fins des interrogatoires au préalable n’est pas une question de droit nouvelle, de droit public ou substantiel. De plus, les mesures prises par la juge pour préserver l’anonymat des victimes alléguées font en sorte que la question en jeu n’est pas non plus une question qu’il est nécessaire de trancher immédiatement.
[89] En effet, l’ordonnance rendue accorde une protection aux victimes alléguées par le biais du caviardage de leur nom. Par ailleurs, la transmission des dénonciations est soumise à une obligation implicite de confidentialité en vertu de l’arrêt Lac d’Amiante[50] et la juge prend acte de l’engagement de l’intimé à « déposer au dossier de la cour sous pli confidentiel, le cas échéant, tout document qui permet d’identifier la ou les victimes alléguées », afin de permettre à ces personnes de saisir le tribunal d’une demande d’anonymat ou de non-divulgation si elles le souhaitent[51]. Ces deux éléments, en plus du caviardage des noms, limitent, à mon avis, le risque d’atteinte à la vie privée des victimes alléguées à ce stade-ci et viennent mettre à mal la démonstration d’un préjudice irrémédiable ou d’une question visée par l’exception de la « question de droit nouvelle, de droit public ou substantiel, qu’il est nécessaire de trancher immédiatement ».
[90] C’est sans compter que les appelantes ne parviennent pas à me convaincre qu’il serait dans l’intérêt de la justice de leur accorder une telle autorisation à la lumière des arguments soulevés sur le fond de la question qui m’apparaissent tous dénués de fondement.
[91] De fait, les appelantes plaident essentiellement que la juge de première instance a usé de sa discrétion judiciaire de manière déraisonnable dans son application du critère « de la pertinence apparente » tiré de l’arrêt Glegg c. Smith[52], en concluant que les allégations de la défense justifiaient la communication de l’ensemble des dénonciations reçues alors que la situation commandait de limiter l’accès de l’intimé à la politique mise en place dans le cadre de DSN et au processus de traitement de la dénonciation qui le vise personnellement.
[92] Or, comme le rappelait récemment la juge Bich, auteure des motifs dans Procureur général du Québec c. Beaulieu, la notion de pertinence au stade préalable doit être interprétée avec largesse et « [u]ne grande déférence est due au juge de première instance qui statue sur le sujet et jouit en cette matière d’un vaste pouvoir d’appréciation discrétionnaire »[53].
[93] Pour le reste, les appelantes s’attaquent au raisonnement de la juge en affirmant qu’elle fait « un lien de cause à effet manifestement erroné » en ce que l’existence de lignes directrices encadrant la mise sur pied et la diffusion de la Liste par DSN ne peut pas être assimilée à une renonciation au caractère privé des dénonciations. Or, la juge a écarté le droit à la confidentialité et s’est ensuite appuyée sur les lignes directrices alléguées par les appelantes au soutien de leur défense pour établir la pertinence de la transmission des dénonciations[54] :
[142] L’avocat de monsieur Marquis justifie sa demande à cet égard en raison des paragraphes 82 à 85 de la Défense où les défenderesses expliquent le processus qu’elles ont mis en place ainsi que les lignes directrices qu’elles appliquent.
[143] Selon lui, monsieur Marquis est en droit de vérifier les tenants et aboutissants de ce processus et de ces lignes directrices et la rigueur appliquée par les défenderesses dans le traitement de l’information.
[144] Les défenderesses s’y opposent en invoquant le droit à la confidentialité de leurs sources et le caractère abusif et déraisonnable de la demande.
[145] Considérant les conclusions précédentes du Tribunal quant à l’absence de droit à la confidentialité en l’espèce, cet argument des défenderesses ne peut servir pour justifier l’objection.
[146] Quant au caractère abusif et déraisonnable de la demande, vu les paragraphes 82 à 85 de la Défense et considérant la sévérité des reproches formulés contre lui par l’inclusion de son nom à la Liste, monsieur Marquis est en droit de vérifier le processus en place et les lignes directrices invoquées. Ces vérifications ne peuvent être valablement faites que si elles impliquent une revue complète du processus, du moins jusqu’à la publication du nom de monsieur Marquis sur la Liste en août 2020.
[Soulignement ajouté]
[94] Le traitement de l’ensemble des dénonciations, eu égard aux lignes directrices susmentionnées, s’avère un élément potentiellement pertinent dans l’analyse contextuelle que devra entreprendre le juge du fond pour déterminer l’existence d’une faute de la part des administratrices de DSM et permettra d’évaluer la notion « d’intérêt public ». L’intérêt public de la Liste réside dans l’ensemble des dénonciations et non pas dans la dénonciation qui concerne uniquement l’intimé. S’il y a un intérêt public à dénoncer les agresseurs, sa démonstration passe inévitablement par la mise en lumière d’un traitement juste de dénonciations suffisamment crédibles et fiables.
[95] Dans un tel contexte, il ne m’apparaît pas opportun d’accorder la permission de faire appel de l’ordonnance de transmission des dénonciations.
[96] Je propose donc à la Cour de rejeter la demande de permission de faire appel de l’ordonnance qui concerne la transmission des dénonciations et de rejeter l’appel qui porte sur la demande d’ordonnance d’anonymat, le tout avec les frais de justice.
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GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A. |
[1] Marquis c. Doe,
[2] Voir https://www.dissonnom.ca/.
[3] La raison d’être de DSN est décrite ainsi sur son site Web, en date du 9 novembre 2021 :
Dis Son Nom est un mouvement contre les inconduites sexuelles qui publie une liste de potentiel·le·s agresseurs·euses.
Les objectifs sont de libérer la parole des victimes et protéger la société des prédateurs·rices allégué·e·s. Diffusée sur internet, la liste catégorise les inconduites en trois types, selon la gravité des gestes.
Les noms sont recueillis selon des témoignages livrés par des victimes dans la messagerie privée de Dis Son Nom, sur Facebook et Instagram. Un protocole est suivi par les bénévoles et les victimes restent anonymes.
Dis Son Nom est une des diverses facettes du mouvement de dénonciations de l’été 2020 sur les réseaux sociaux, avec d’autres groupes comme les Victims Voices. Après la réception de multiples mises en demeure, des procédures devant la cour civile ont été entamées contre Dis Son Nom et ses administrateurs·rices.
Nous considérons qu’il s’agit d’une question de société sur laquelle la population est prête à se pencher, après des mouvements comme #agressionnondenoncee et #metoo. Cet état des faits concernant la culture du viol dépasse les histoires individuelles et appelle à une réflexion sérieuse sur les crimes à caractères sexuels.
Dis Son Nom est l’expression d’une nouvelle façon que les victimes ont choisie pour prendre du pouvoir sur leur vie, via les réseaux sociaux. Nous répondons à leurs demandes et les soutenons du début à la fin, en leur ouvrant la porte vers le chemin de la guérison.
[4] Le site contient la mention de départ suivante :
Les inconduites alléguées sont regroupées en 3 types afin de préciser, dans une certaine mesure, la gravité de ces dernières, tout en protégeant les victimes.
[1] Photos à caractère sexuel non sollicitées, propos sexuels déplacés;
[2] Coercition sexuelle, attouchements, voyeurisme, exhibitionnisme, leurre (communication avec une personne mineure en vue de commettre une agression sexuelle), grooming (désensibilisation à la sexualité envers une personne mineure), pornodivulgation (revenge porn), sextorsion;
[3] Stealthing (retrait non consensuel du condom), masturbation, sexe oral, pénétration digitale (doigts), vaginale ou anale, proxénétisme
Prenez note que la personne accusée n’a pas nécessairement commis l’ensemble des inconduites du même type. Dans un cas de proxénétisme, nous l’indiquons dans les détails de son profil.
[5] Jugement de la Cour supérieure accueillant en partie la demande des défenderesses en anonymat (Kalichman, J.C.S.), 25 septembre 2020. Cette ordonnance sera renouvelée à deux reprises avant l’audience devant la juge de première instance : Jugement de la Cour supérieure renouvelant l’ordonnance de sauvegarde du 25 septembre 2020 (Emery, J.C.S.), 18 septembre 2020; Jugement de la Cour supérieure renouvelant l’ordonnance de sauvegarde du 25 septembre 2020 (Immer, J.C.S.), 14 septembre 2021.
[6] Jugement entrepris, supra, note 1, paragr. 152-162, 164.
[7] Dis son nom c. Marquis,
[8] Id., paragr. 4.
[9] CBC/Radio-Canada c. Marquis,
[10] Dagenais c. Société Radio‑Canada,
[12] Id., paragr. 31-35.
[13] Id., paragr. 145.
[16] L.R.C. (1985), ch. C-5.
[17] Id., paragr. 117-118.
[18] Id., paragr. 134-138.
[19] Citant Glegg c. Smith & Nephew Inc.,
[21] Articles
[22] Citant, par analogie, Immeubles des Moulins inc. c. Ville de Terrebonne,
Il est vrai que les défenses frivoles et dilatoires sont à décourager; cependant, priver une partie de son droit de défense est une affaire sérieuse et à ne faire que si un cas clair le commande.
[23] Citant S. c. Lamontagne,
[24] Citant à l’appui Canadian Newspapers Co. c. Canada (Procureur général), 1988 CanLII 52 (CSC),
[25] Citant S. c. Lamontagne, supra, note 23, paragr. 35 :
[35] En effet, il serait plutôt paradoxal que l’appelant soit placé dans la position de devoir renoncer à exercer un droit en raison d’une atteinte à sa dignité causée par des procédures judiciaires, alors que le recours lui-même vise justement à obtenir une réparation pour une atteinte à ce même droit. Encourager une telle antinomie ne peut que dissuader les justiciables placés dans une situation semblable à celle de l’appelant à exercer librement leurs droits légitimes devant un tribunal. Ce résultat, s’il ne pouvait être contré, aurait pour effet de déconsidérer la bonne administration de la justice.
[26] T.M. c. Dis son nom,
[27] A.B. c. Robillard,
[28] Citant Personne désignée c. Vancouver Sun,
[29] L.B. c. J.S.,
[30] Sherman (Succession) c. Donovan,
[33] Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances),
[38] Id., paragr. 77. Il offrait par ailleurs d’autres exemples dont les problèmes de santé stigmatisés, un travail stigmatisé, et l’orientation sexuelle.
[39] Id., paragr. 79.
[40] L.B. c. J.S., supra, note 29, paragr. 6, citant Colombie-Britannique (Ministre des Forêts) c. Bande indienne Okanagan,
[41] Sherman, supra, note 30, paragr. 52-62 et 68 :
[68] La « protection de la dignité des personnes concernées » est désormais consacrée comme l’archétype de l’intérêt d’ordre public à l’art.
[43] Déclaration sous serment de A.A. datée du 14 décembre 2020.
[45] Requête de bene esse des appelantes pour permission d’appeler d’un jugement rendu en cours d’instance et pour gestion de l’appel, 22 mars 2021, paragr. 35-40.
[46] Code de procédure civile, RLRQ, c. 25.01, art. 25 et 251.
[47] Luc Chamberland (dir.), Le grand collectif. Code de procédure civile : commentaires et annotations, vol. 1 « Articles 1 à 390 », 4e éd., Montréal, Yvon Blais, 2019, art. 32 (A. Rochon, J. Vani et V. Ranger). Citant notamment Ravary c. Fonds mutuels CI inc.,
[49] Procureur général du Québec c. Groupe Hexagone,
[50] Lac d'Amiante du Québec Ltée c. 2858-0702 Québec Inc.,
[53] Procureur général du Québec c. Beaulieu,
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
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du plumitif s'avère une précaution utile.